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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы


-- Vladimir M. ALPATOV (Institut d'études orientales, Moscou) : «La linguistique marxiste en URSS dans les années 1920-1930», in P. Sériot (éd.) : Le discours sur la langue en URSS à l'époque stalinienne (épistémologie, philosophie, idéologie), Cahiers de l'ILSLS, n° 14, 2003, p. 5-22.



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La vie politique et sociale des années 1920 et de la première moitié des années 1930 en URSS a favorisé les recherches visant à construire une science marxiste, ce qui concerne également la linguistique. De nombreux scientifiques de différentes écoles et tendances, de différent niveau de préparation et de différent talent ont participé à ces recherches.

Dans les années 20, alors que le marxisme n'était pas encore considéré comme un ensemble figé de règles applicables à toute chose, les scientifiques soviétiques qui cherchaient à construire une linguistique marxiste étaient obligés de constater que la science du langage faisait partie des domaines «auxquels les pères fondateurs, Marx et Engels, ont peu touché, ou pas du tout»[1]; que la linguistique dans les travaux de ces derniers n'existait «qu'à titre d'orientation méthodologique»[2]. Il en était de même pour Lénine et Staline (dont les travaux en linguistique ne parurent que plus tard). Certes, Engels s'intéressait à la linguistique, et était féru de comparativisme, mais pour lui les résultats de la linguistique historique contemporaine n'étaient qu'une réalisation de la science moderne, au même titre que le darwinisme ou la théorie cellulaire. Il fallait en tenir compte, mais ces résultat n'étaient pas à intégrer dans la théorie marxiste.

Parmi les travaux des autres théoriciens marxistes, on utilisait surtout la brochure de Paul Lafargue sur la langue de la Révolution française. Mais cet ouvrage ne contenait pas de théorie développée de la langue, et était, en fait, consacré à des problèmes de sociolinguistique.

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Ainsi, comme l'écrit Vološinov (ou comme l'écrivent Vološinov et Bakhtine),

 «nous nous sommes trouvés dans l'impossibilité presque totale de nous appuyer sur des résultats précis et positifs qui auraient été acquis dans les autres sciences ayant trait à l'idéologie. Même la critique littéraire, qui est pourtant, grâce à Plekhanov, la plus développée de ces sciences, n'a rien pu fournir d'utile à notre sujet d'étude». (Vološinov, 1995, p. 218; trad. fr., p. 20)

Polivanov écrivait de même :

«Pour l'instant, il n'existe pas de linguistique marxiste, ni en Occident ni chez nous». (Polivanov, 1931, p. 3)

La linguistique marxiste était à construire entièrement. Plusieurs solutions furent proposées.

 

1.

Parmi toutes les tentatives, il en est une qui fit le plus parler d'elle, qui bénéficia d'un soutien officiel, mais qui fut en même temps la moins réussie, il s'agit de la «nouvelle théorie du langage» de l'académicien N. Marr. Cette théorie, connue aussi sous le nom de «théorie japhétique», fut proposée en 1923, au début sans se réclamer du marxisme. Pourtant, à partir de 1928, Marr se mit à répéter des déclarations du genre :

«La méthode matérialiste de la théorie japhétique est la méthode du matérialisme dialectique, c'est-à-dire la méthode marxiste même, mais concrétisée par une étude spécialisée sur un matériau linguistique». (Marr, 1933, p. 276)

C'est le même type de déclarations que faisaient les «petits champignons poussant à l'ombre du maître»[3] : S.I. Kovalev, V.B. Aptekar’, S.N. Bykovskij, L.G. Bašindžagjan, plus tard F.P. Filin, etc., la plupart d'entre eux (à l'exception de Filin) n'étaient pas linguistes de formation.

En fait, il s'agissait de raccrocher au marxisme une conception déjà constituée. On y trouvait un certain nombre de positions typiques de cette époque : le refus de la science ancienne, «bourgeoise», la façon d'envisager tous les phénomènes globalement, «à l'échelle mondiale», le dédain pour tous les cadres rigides, y compris les limites nationales, le sociologisme marqué des formulations et des conclusions. Mais tout cela était sans rapport direct avec le marxisme. Encore moins liées au marxisme étaient les
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idées favorites de Marr telles que celle des quatre éléments, de la paléontologie linguistique, du grand rôle historique des langues japhétiques, etc.

Lorsque Marr se souvint de l'existence du marxisme, ce qui se passa ne fut pas une assimilation de ce dernier, mais son adaptation à une conception déjà existante, fort chaotique et contradictoire, où bon nombre de fantaisies voisinaient avec quelques idées de Humboldt et d'autres linguistes des époques passées. On trouve à l'époque de la lutte contre le marrisme chez A. Desnickaja, adepte récente de Marr, une description assez exacte de la situation :

«Une exposition chaotique d'idées personnelles fragmentaires et fumeuses, des citations d'œuvres des classiques du marxisme, dans la plupart des cas sans le moindre lien avec le thème traité, et interprétées de façon biaisée». (Protiv…, 1951, p. 34)

Marr et ses adeptes utilisaient trois procédés : l'attribution gratuite de leurs idées aux classiques, la citation hors de propos et la mise sous silence des véritables idées d'Engels et des autres marxistes. Par exemple, les marristes ne cessaient d'affirmer que «dans la théorie marxiste-léniniste la langue est considérée comme un phénomène superstructurel, idéologique»[4]. Or ni Marx ni Engels ni Plekhanov ni Lénine n'ont jamais prétendu rien de tel (il est vrai, néanmoins, que Bukharine l'a écrit[5]). S'il fallait apporter la preuve que «la paléontologie du langage avait été envisagée par Marx lui-même»[6], on rapportait une longue citation de Marx qui mentionnait la paléontologie dans le sens courant du terme, mais sans qu'il soit fait allusion au langage.

En même temps, de nombreuses positions des classiques du marxisme pouvaient être en désaccord avec la «nouvelle théorie», ce qui ne troublait guère Marr, mais semait l'épouvante dans les rangs de ses adeptes qui enseignaient la philosophie marxiste. Marr parlait du caractère de classe de la «révolution sonore» (le passage de la communication gestuelle à la communication par le son) à propos d'époques où, selon Engels, il ne pouvait pas y avoir encore de classes. Mais plus important encore était le fait que Marr niait la parenté des langues et les familles de langues, alors qu'Engels s'appuyait constamment sur leur existence. Les marristes essayaient de ne pas évoquer les déclarations correspondantes d'Engels.

Le marxisme a aidé Marr, homme de pouvoir, à instaurer son monopole sur de nombreuses sciences humaines. S'il fallait choisir entre le marxisme et ses propres idées, c'est à ces dernières que Marr donnait la
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préférence. On raconte qu'à l'étranger, où l'on pouvait s'exprimer plus librement, Marr aurait dit : «Les marxistes considèrent mes travaux comme marxistes. Eh bien, tant mieux pour le marxisme»[7], et «Il faut savoir hurler avec les loups»[8]. Parmi les disciples de Marr on trouvait, naturellement, bien des gens sincères, considérant sérieusement que les quatre éléments de Marr représentent le marxisme en linguistique (l'une des adeptes de Marr devint folle en 1950 après l'intervention de Staline). Mais lorsque Staline eut besoin de montrer la différence entre le marrisme et le marxisme, cela ne lui fut guère difficile. On peut donc dire que la tentative de Marr de s'adapter au marxisme eut un caractère strictement conjoncturel.[9]

 

2.

L'activité du groupe «jazykofront», plus sincère et moins extrémiste, en vue de construire une linguistique marxiste, eut également un caractère tout déclaratif. Le groupe exista de 1930 à 1932 et mena une lutte contre les partisans de Marr; il fut définitivement écrasé par les marristes en 1933. Il comptait parmi ses membres G.K. Danilov, Ja.V. Loja, P.S. Kuznecov, etc. Son principal théoricien était T.P. Lomtev, à l'époque encore jeune linguiste issu d'un milieu paysan (il était né en 1906), membre du komsomol.

Lomtev s'appuyait entièrement sur les réalités nouvelles. Le marxisme, pour lui comme pour les chercheurs de sa génération, était fondamentalement une théorie juste, envers laquelle il avait une attitude quasiment religieuse. Une seule question se posait : comment relier la théorie marxiste aux faits de langue? A la différence de Marr, qui n'avait que mépris pour ces mêmes faits, les membres du Jazykofront essayaient d'en tenir compte. Marr, par exemple, pouvait tranquillement affirmer :

«Le russe, par les couches de certains stades, est plus proche du géorgien qu'il ne l'est de toute langue slave». (Marr, 1936, p. 455)

 Lomtev critiquait Marr, entre autres, pour ignorer les ressemblances entre le russe, l'ukrainien et le biélorusse.

Les membres du Jazykofront, bien vite défaits, n'eurent pas le temps de publier grand chose. Les textes qu'ils ont fait paraître ont un ca-ractère polémique, leurs positions positives sont minces. Il en est resté de non publiés, comme la «nouvelle grammaire méthodologique, à base dialectico-matérialiste» rédigée par Lomtev et ses collègues, dont il est fait
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mention dans les mémoires de P.S. Kuznecov[10]. Mais les articles et comptes-rendus qu'ils ont publiés montrent que l'approche du Jazykofront réunissait une description tout à fait ordinaire des faits de langue et des déclarations qui n'avaient pas grand chose à voir avec eux.

Tout comme les marristes, les membres du Jazykofront partaient du principe que la langue est une superstructure et un phénomène de classe. Si ces thèses étaient reliées aux faits de langue, c'était de la façon la plus directe. Par exemple, Lomtev confrontait les deux formules suivantes : «L'union cordiale des peuples d'Europe» et «L'union révolutionnaire des prolétaires du monde entier, frères de classe». L'incompatibilité idéologique de ces slogans, selon Lomtev, signifie qu'ils sont aussi incompatibles linguistiquement[11]. C'est d'une façon toute mécanique que des descriptions «normales» étaient mises en relations avec semblables déclarations. Comme l'écrit Kuznecov dans ses mémoires, dans la grammaire de Lomtev

«les parties du discours étaient définies comme des classes de mots reflétant la réalité à travers la conscience de classe. Le substantif reflétait la réalité à travers la conscience de classe en ce qui concerne les objets, le verbe reflétait la réalité à travers la conscience de classe en ce qui concerne les processus, etc.».

Il est clair que le chapeau de la «conscience de classe» n'apportait pas grand chose à une approche par ailleurs parfaitement traditionnelle des parties du discours.

Remarquons néanmoins que Lomtev fut un des rares linguistes soviétiques à continuer à essayer de construire une linguistique marxiste à une époque plus tardive, dans les années 1950-60.

 

3.

L'approche marxiste de la langue chez des linguistes professionnels de haute classe présentait plus d'intérêt et de richesse. Parmi eux il faut accorder une place particulière à E.D. Polivanov, le plus connu des élèves de I.A. Baudouin de Courtenay de la période pétersbourgeoise.

On doit tenir compte du fait que la conception de Polivanov ne nous est parvenue que partiellement. Après 1931 il eut peu de possibilités de se faire publier (les marristes avaient interdit de publier ses travaux à Moscou et à Léningrad). Après son arrestation en août 1937 (il fut fusillé en janvier 1938) ses archives ont disparu, une partie avait déjà été perdue lors de ses tribulations en Asie centrale. On ne peut pas tout reconstituer, mais dans les documents qui nous sont parvenus il est beaucoup parlé du marxisme. On se reportera à un livre qui est spécifiquement consacré à cette
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question : Za marksistskoe jazykoznanie, [‘Pour une linguistique marxiste’, 1931], et à une série d'articles inclus dans des anthologies posthumes (Polivanov, 1968 et 1991).

Polivanov écrit que la linguistique marxiste n'est pas la même chose que la linguistique matérialiste, car «on peut déjà considérer la linguistique comme matérialiste depuis l'époque de Schleicher»[12]. La principale différence entre cette science du langage et la linguistique marxiste encore à construire réside en ce que «malheureusement, la linguistique jusqu'à présent n'a été qu'une science historico-naturelle, et pas une science sociale»[13]. Sans nier que «les faits de psychologie collective sont importants»[14], il insiste sur la priorité d'une approche sociale de la langue : «pour que cette science [du langage — V.A.] soit adéquate à son objet d'étude, il faut qu'elle soit sociologique»[15]. Il parle à plusieurs reprises de la langue en tant que «processus de travail», un de ses articles s'appelle même «Les facteurs d'évolution phonétique de la langue comme processus de travail»[16]. Sous la désignation de «science sociologique de la langue», Polivanov entendait non seulement la sociolinguistique au sens actuel, mais aussi, par exemple, l'étude des causes internes du changement.

Il ne fait pas de doute que ses convictions marxistes ont servi de stimulation à ses recherches dans cette direction. Mais en quoi ces recherches étaient-elles spécifiques d'une approche marxiste? Lui-même indiquait :

«Personne ne peut nier que la langue est un phénomène social». (Polivanov, 1968, p. 178)

«Je ne dirai pas que parmi les meilleurs linguistes russes d'avant la Révolution on passait sous silence l'aspect social». (Polivanov, 1991, p. 539)

Il se remémorait la vision prospective de son maître Baudouin de Courtenay, qui,

«constatant que les linguistes russes et européens contemporains ne s'occupent pas de linguistique sociologique, pensait que l'étape suivante de l'évolution de notre discipline serait un tournant vers l'aspect social de la langue». (Polivanov, 1968, p. 183-184)

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Polivanov considère que «ce tournant, qui se manifeste par la recherche des voies d'une linguistique sociologique»[17], s'est déjà accompli. Selon lui, ce tournant se constate chez F. de Saussure, A. Meillet, Ch. Bally, J. Vendryes, O. Jespersen, K. Vossler, etc.; il énumère la plupart des linguistes les plus connus des années 1910-1920.

Il s'avère ainsi que le tournant vers la problématique sociologique est chez Polivanov une marque générale de l'époque, qui n'a pas de lien direct avec le marxisme. Il note par deux fois que A. fiaxmatov, qui comprenait l'importance de l'approche sociale de la langue mais sans en avoir ni la théorie ni la méthode, collectait des faits variés sur le langage et la société, dans l'espoir de créer une théorie dans l'avenir[18]. On peut dire que la différence entre Polivanov et ses prédécesseurs consistait en la tentative de construire une théorie de la langue comme fait social. Mais en quoi consistait-elle?

Dans tous ses travaux qui nous sont parvenus, la théorie, selon sa terminologie, sociologique du langage ne se construit plus ou moins concrètement que sous un aspect : il s'agit de la théorie des changements linguistiques sur l'exemple de la phonologie. Dans sa polémique avec les marristes, il insistait constamment sur l'absence de liens directs entre changements économiques et changements linguistiques :

«S'attendre à un reflet direct de certains phénomènes économiques sous la forme de certains sons de langue ou de certaines formes morphologiques, c'est à peu près la même chose que de s'attendre à ce qu'au moment de la révolution tous les pistons des locomotives se mettent à fonctionner autrement que sous le tsarisme». (Polivanov, 1991, p. 539)

Les changements sont de deux sortes : ceux qui sont purement internes et ceux qui sont indirectement conditionnés par des causes socio-économiques. Les changements du second type peuvent trouver leur origine dans l'apparition ou la perte de contacts avec telle ou telle langue, dans l'évolution du nombre de locuteurs de telle ou telle langue, etc.

Polivanov liait directement les changements internes à sa façon de concevoir la langue

«comme une activité de travail, ayant pour but la communication entre les membres d'une collectivité donnée (unie par un critère linguistique)… L'orientation vers un but, ce pour quoi et en fonction de quoi la langue existe, c'est précisément la communication, indispensable pour une collectivité liée par des besoins de coopération». (Polivanov, 1968, p. 57)

[12]
La terminologie porte l'empreinte du marxisme. Mais, pour l'essentiel, l'interprétation de la langue comme moyen de communication est un lieu commun de la linguistique du 19ème et du 20ème siècle, et c'est à cette époque qu'elle a été clairement formulée par le Cercle de Prague[19]. Les Pragois étaient proches de Polivanov sur le plan conceptuel, ce que les deux parties reconnaissaient : voir, d'un côté, le compte-rendu fait par Polivanov d'un livre de Jakobson[20], et de l'autre les mentions de Polivanov dans la correspondance de Troubetzkoy et Jakobson[21]. Si l'on fait abstraction des différences de terminologie, incluant des termes marxistes chez Polivanov, la divergence principale concernait «les faits de psychologie collective» : Polivanov jusqu'à la fin de sa vie comprit la phonologie comme une «psycho-phonétique», ce que refusaient les Pragois.

Une autre thèse constante de Polivanov était le reflet des lois de la dialectique dans la langue. Il a écrit un article entièrement consacré à ce thème : «Les lois de la transformation de la quantité en qualité dans les processus de l'évolution historique en phonétique»[22], et il y a fait des allusions dans d'autres articles. A propos de la loi du passage de la quantité à la qualité en langue, il parle des changements par mutations, par sauts dans le système phonologique de la langue, lorsque deux phonèmes se réunissent en un seul, ou, à l'inverse, qu'un phonème se scinde en deux (respectivement convergence et divergence dans la terminologie de Polivanov). Dans toute une série d'articles, il montre à partir d'un matériau varié qu'au cours de l'évolution phonétique s'accumulent des changements qui ne touchent pas le système des phonèmes, puis a lieu un saut brusque, et le système change.

On peut bien sûr trouver ici un lien avec les lois de la dialectique, formulées déjà par Hegel. Pourtant les régularités mises en évidence conservent leur pertinence même si l'on ne tient pas compte de la dialectique. A la même époque des scientifiques d'autres écoles et d'autres tendances ont parlé des mêmes phénomènes. Notons ne serait-ce que V. Brøndal, qui écrivait que, à la différence de la science de l'évolution au 19ème siècle, celle du 20ème siècle tient compte des «changements discontinus» et des «sauts d'un état à un autre»[23]. Le linguiste danois rapportait cette nouvelle approche de la langue non pas à la dialectique, mais aux notions de quanta dans la physique contemporaine et de mutation en génétique. Du reste, Polivanov évoquait également les mutations. On voit ainsi une tendance
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commune à un certain nombre d'orientations en linguistique, qui n'est pas en contradiction avec le marxisme, mais qui n'a rien de spécifiquement marxiste.

Caractéristique est l'attitude de Polivanov envers les autres théories. Lui-même a reconnu avoir subi l'influence de l'historien russe N.I. Kareev, à qui il avait emprunté la notion d'«historiologie»[24]. Par ce terme on entend la mise en évidence de régularités de l'évolution historique, par opposition à l'«histoire» comme simple enregistrement de faits. Kareev était constamment en polémique contre les marxistes.

Examinons un dernier exemple. Dans l'un des articles du recueil Za marksistskoe jazykoznanie [‘Pour une linguistique marxiste’], Polivanov parle des différents rôles que doit savoir jouer en même temps le linguiste. Parmi eux il y a celui de «politicien de la langue», c'est-à-dire celui qui est capable de faire des prévisions sur l'évolution future de la langue. Ce linguiste

«sait faire (ne serait-ce que sur une échelle limitée) des prévisions sur l'avenir de la langue dans l'intérêt de l'édification linguistique [jazykovoe stroitel’stvo] (l'une des variétés de l'‘ingéniérie sociale’ de l'avenir)». (Polivanov, 1960, p. 271)

Là encore, le lien avec la vision du monde marxiste ne fait pas de doute. Mais en même temps, Polivanov ne fait que développer les idées de son maître, qui avait envisagé la nécessité de faire des prévisions en matière de langue plus d'un demi-siècle auparavant[25]. C'était au tour de l'élève de reprendre le relais, en la revêtant d'une enveloppe marxiste.

Dans l'un de ses travaux non publiés de son vivant, Polivanov écrivait :

«dans la recherche empirique (et particulièrement en linguistique), il est important non pas de prendre le marxisme comme point de départ, mais comme point d'arrivée, sur la base des faits d'observation. Voilà pourquoi je considère qu'il est tout à fait suffisant de dire que je suis marxiste, dans la mesure où les conclusions auxquelles je parviens à partir des phénomènes langagiers ne font que confirmer les positions de base du matérialisme dialectique et le principe méthodologique consistant à établir les lois de la causalité économique des faits de langue». (Polivanov, 1991, p. 559)

Peut-être sans s'en rendre compte, il définissait là ce qu'il appelait la construction d'une linguistique marxiste. Son appartenance au marxisme donnait une orientation définie à ses recherches, influait sur le choix de la démarche et souvent des thèmes mêmes de ses travaux. Les conclusions de
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Polivanov n'étaient pas en contradiction avec le matérialisme dialectique (au sens authentique du terme, alors qu'elles pouvaient être contraires à la conjoncture politique soviétique). Mais les conclusions de bien d'autres scientifiques non plus n'étaient pas en contradiction avec le matérialisme dialectique, quand bien même ils n'en mentionnaient même pas l'existence. A dire vrai, Polivanov n'avait pas de théorie marxiste de la langue, tout au plus peut-on penser que dans ses travaux qui ne nous sont pas parvenus il examinait ce problème plus en détails.

 

4.

Parmi les autres grands linguistes appartenant à l'époque au camp marxiste, on trouve le théoricien et praticien de l'édification linguistique N.F. Jakovlev[26], ainsi que L.P. Jakubinskij. Ce dernier, en particulier, est l'auteur d'un article qui attaque Saussure de façon virulente en 1931. Plus exactement, ce n'est pas la conception saussurienne dans son ensemble qui est visée, mais une de ses thèses : «La masse sociale n'est point consultée […] La masse […] est liée à la langue telle qu'elle est».[27] La polémique de Jakubinskij repose en grande partie sur des positions a priori :

«Si Saussure a raison, il est impossible que s'exerce une intervention organisée de la société dans le processus langagier, il est impossible de diriger ce processus, et toute politique linguistique est impossible… Si Saussure a raison, alors devient inapplicable à la linguistique le conseil, bien connu mais toujours d'actualité, de Marx aux philosophes de ne pas seulement étudier le monde, mais aussi de le changer». (Jakubinskij, 1931, p. 73)

Jakubinskij reproche au linguiste suisse le fait qu'il «pense de façon statique une situation sociale établie une fois pour toutes»[28]. L'article de Jakubinskij ne manque pas de rappeler des exemples d'intervention consciente effectivement réalisée dans l'évolution d'une langue, par exemple la formation du tchèque standardisé au 19ème siècle. Mais ce n'est que dans ses grands traits qu'est esquissée une approche propre, alternative à celle de Saussure. D'autre part, la thèse de la possibilité d'une intervention consciente dans l'évolution d'une langue (qui répondait sans aucun doute à la conjoncture de l'époque) trouvait son origine également chez le libéral de gauche I. A. Baudouin de Courtenay (dont Jakubinskij avait été l'élève).

 

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5.

Il existe un autre livre connu de cette époque, dans lequel le mot «marxisme» figure dans le titre même : Le marxisme et la philosophie du langage de V.N. Volosˇinov (nous ne discuterons pas ici la question controversée de l'auteur réel de ce livre; remarquons seulement que, d'un côté, il est très probable que M. Bakhtine ait participé à la conception du livre, et que de l'autre, il n'y a pas d'argument convaincant qui empêcherait de considérer que Vološinov ait été au moins l'un des auteurs). A l'heure actuelle certains en Russie considèrent l'ouvrage comme anti-marxiste[29], mais cette interprétation nous semble fallacieuse. Il est vrai que la problématique du livre est loin d'être entièrement marxiste.

Le lecteur remarquera que la problématique marxiste est représentée dans cet ouvrage de façon fort irrégulière. Elle est particulièrement concentrée dans la courte introduction, qui a une allure tout à fait habituelle pour les textes marxistes de l'époque. On parle souvent de marxisme dans la première partie méthodologique, bien que de façon irrégulière selon les chapitres : dans les deux premiers chapitres plus que dans le troisième. Mais dans la deuxième partie du livre, qui mène la polémique contre Saussure et l'école de Vossler, le substantif «marxisme» est totalement absent, et l'adjectif «marxiste» ne se rencontre que trois fois. Quant à la troisième partie, où il s'agit de problèmes plus concrets du style indirect libre, on n'y trouve ni l'un ni l'autre.

Des trois contextes d'utilisation du mot «marxiste» dans la deuxième partie, deux sont du même type. Il s'agit du nom même de cette deuxième partie : «Vers une philosophie marxiste du langage»[30] et d'une phrase à la fin de troisième chapitre : «La philosophie marxiste du langage doit prendre comme point de départ l'énoncé comme phénomène réel de la langue-parole et comme structure socio-idéologique»[31]. Dans les deux cas, la «philosophie marxiste du langage» est simplement une étiquette pour désigner la philosophie du langage que les auteurs appellent à construire. La troisième mention (également dans le troisième chapitre) se trouve dans un contexte polémique :

«L'idéologie du quotidien correspond pour l'essentiel à ce qu'on désigne, dans la littérature marxiste, sous le nom de psychologie sociale. Dans ce contexte particulier, nous préférons éviter le mot ‘psychologie’, car seul importe pour nous le contenu du psychisme et de la conscience; or le contenu est idéologique, étant déterminé par des facteurs non individuels et organiques (biologiques, physiologiques), mais purement sociologiques». (Vološinov, 1995, p. 308; tr. fr. p. 130-131)

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Dans ce contexte, le marxisme (ici il s'agit avant tout de G. Plekhanov) est un «mot étranger», sans doute pas hostile, partiellement semblable, mais distinct de ses propres mots.

De même, c'est uniquement dans la première partie qu'on trouve les termes spécifiquement marxistes de base et superstructure. Seul le mot idéologie traverse tout le livre, la question du sens de ce terme sera discutée plus loin.

On a l'impression que, dès que les auteurs passent des problèmes philosophiques de caractère général à des questions plus concrètes relevant de la théorie de la langue (questions qui restent néanmoins relativement abstraites), le marxisme ne leur est plus d'aucune utilité. Ce n'est pas une polémique «carnavalesque» (l'expression est de V. Maxlin), mais une critique tout à fait sérieuse de Saussure et (à un moindre degré) de K. Vossler qui fait l'objet de la deuxième partie. Dans la troisième partie, cette même polémique porte sur des questions plus particulières.

Pourtant, on ne peut nier la présence invisible du marxisme aussi dans les deux dernières parties du livre. On ne peut guère parler de polémique, si ce n'est à propos de la discussion des thèses de Plekhanov sur la psychologie sociale. La présence du marxisme se manifeste sur d'autres points. C'est l'orientation sociologique générale du livre qui est en accord avec le marxisme. On y trouve constamment soulignée, tout au long du livre, l'idée que le langage a un caractère social, qu'il est fait de dialogue et de communication, que dans la langue se reflète un contenu socialement signifiant, que la conception psychologique individuelle de la langue est une attitude erronée. On doit bien reconnaître que tout ces thèmes sont en consonance avec le marxisme (à condition, bien sûr, de ne pas identifier ce dernier avec le «mal totalitaire» et la pratique sociale de l'URSS dans ses pires manifestations). On peut comparer ces recherches des deux auteurs à celles de Polivanov, qui s'efforçait, indépendamment d'eux, de construire une linguistique sociologique.

Le fait de mettre en avant la question du marxisme, qui, en fait n'occupe pas une si grande place dans le livre, pouvait sembler utile pour «faire passer» le livre, qui a effectivement été publié très vite. Mais on ne peut nier que les auteurs aient pu chercher et trouver des points de contact entre le marxisme et leur propre conception. Le mécontentement à l'égard d'une science du langage réductrice, qui étudiait son objet de façon statique, comme une somme de règles figées, qui séparait la langue du locuteur et de la société, pouvait fort bien trouver un appui dans le marxisme, avec son approche globale des phénomènes et son intérêt particulier pour la sphère sociale.

[17]
De tout cela, on a parlé plus d'une fois, dans plusieurs pays (y compris chez des chercheurs qui partent du principe que l'auteur unique de tous ces textes est Bakhtine). Voici ce que dit un auteur biélorusse :

«La trace du marxisme chez Bakhtine est un paradoxe troublant pour ceux qui l'étudient. Pourtant, si l'on y réfléchit, il n'y a là nul paradoxe. Errant parmi les ruines de la philosophie classique, penseur enclin à l'universalisme et à la systématicité, il ne pouvait pas ne pas examiner avec une attention prudente le marxisme, seule philosophie post-hégélienne à conserver ces qualités, ou, au moins, à s'en réclamer. Pour éviter tout malentendu je préciserai : ce n'est pas envers le marxisme comme théorie de la transformation de la société mais comme système philosophique global que Bakhtine pouvait éprouver de l'intérêt». (Zdol’nikov, 1998, p. 151)

Un spécialiste anglais de Bakhtine remarque avec juste raison qu'attribuer à Bakhtine une attitude strictement négative envers le marxisme revient à présenter de façon simpliste une question complexe et qu'il ne faut pas confondre l'attitude envers l'idéologie soviétique officielle et celle envers la pensée marxiste elle-même[32]. Voici enfin ce qu'écrit un spécialiste japonais de Bakhtine :

«Il semble que le lien au marxisme dans les travaux du cercle de Bakhtine de la fin des années 20 et du début des années 30, comme dans ceux de Vygotskij, soit en fait la continuation de la philosophie de l'acte éthique». (Sasaki, 1992, p. 381)

L'adversaire principal des auteurs de Marxisme et philosophie du langage est le positivisme, et, plus précisément, la linguistique positiviste, cadre dans lequel ils font rentrer aussi Saussure. L'école de Vossler est, par certains aspects, une alliée et une source d'inspiration, mais par d'autres elle est aussi un adversaire. Le marxisme s'avère plutôt un allié contre l'une et l'autre variante du «monologisme». Cela ne signifie pas que la problématique du livre soit marxiste ou entièrement définissable par le marxisme.

Ce qui se manifeste dans ce livre est une attitude propre à l'époque : un sociologisme extrême. C'est, par exemple, l'analyse du «contexte social» de l'expression de la sensation de faim dans la langue, ou bien cette remarque dans la polémique avec le vosslérien E. Lorck : «Quant à l'imagination, le bourgeois en a autant que le prolétaire. Et, de surcroît, il dispose de plus de loisirs pour s'en servir»[33]. Mais semblables expressions ne peuvent étonner que le lecteur moderne, alors que dans l'URSS des années 20 tout le monde écrivait de la sorte, sauf les «académistes» de la vieille
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école. Quant à l'analyse de la sensation de faim, il s'agit simplement d'une réinterprétation du travail de L. Spitzer.

Les nombreux emplois du mot idéologie et de ses dérivés dans le livre méritent un examen approfondi. Il est clair qu'ici on n'entend pas ce mot dans son sens marxiste premier de «conscience fausse», qui remonte à Plekhanov. Voici, par exemple, une définition de l'idéologie dans une encyclopédie soviétique :

«système de conceptions et d'idées, dans lesquelles on prend conscience et on donne une appréciation aux relations des gens à la réalité et entre eux, aux problèmes sociaux et aux conflits, et dans lesquelles sont contenus les buts (les programmes) de l'activité sociale, visant à maintenir ou modifier (développer) les rapports sociaux existant». (Kelle, 1972, p. 39)

Qu'est-ce qui est recouvert sous le mot idéologie dans le livre? Un domaine en fait assez large, qui comporte des aspects variés. Mais, avant tout, l'idéologie est envisagée du point de vue de sa relation au signe linguistique et à l'expression verbale; le caractère sémiotique de ce concept dans le livre a déjà été signalé[34]. Cf. ce passage : «Le domaine de l'idéologie coïncide avec celui des signes : ils se correspondent mutuellement»[35]. Dans Marxisme et philosophie du langage on parle d'idéologie là où nous parlerions aujourd'hui de signification ou de sémantique : le côté matériel du signe est hors de l'idéologie, mais la signification dans le signe fait partie du domaine de l'idéologie, qui «réfracte» [prelomljaet] la réalité. En l'absence de théorie sémantique dans l'ouvrage, c'est le concept d'idéologie qui en tient lieu.

A l'heure actuelle, l'usage du terme idéologie dans semblables contextes suscite une certaine perplexité (du moins en Russie); nous avons pu le vérifier aux réactions d'étudiants suivant un cours d'histoire des théories linguistiques (mais il faut aussi tenir compte du fait que ce mot a été discrédité dans la production essayistique (publicistika) dans les années 1980-1990). Du reste, ce sens du mot ne s'est pas maintenu, ni dans la linguistique soviétique des années 1930, ni dans les décennies suivantes. Mais à l'époque de la parution du livre, on pouvait le rencontrer fréquemment, et pas uniquement dans les textes d'inspiration marxiste. Dans la même année 1929, R. Jakobson écrivait : «Il s'agit non de processus psychiques, mais de phénomènes d'ordre idéologique, notamment de signes constituant des valeurs sociales»[36]. Ici le sens du mot idéologie est proche de celui qu'on trouve dans Marxisme et philosophie du langage : là aussi,
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l'idéologique est opposé au psychique, là aussi on propose de ne plus s'occuper de psychologie mais d'idéologie.

On peut maintenant revenir à la première partie du livre. Il s'agit d'une introduction méthodologique générale aux autres parties, on y trouve une conception sémiotique détaillée. Pourtant, beaucoup de choses qui sont dites dans cette première partie ne trouvent pas de prolongement dans la suite. Cela concerne tout particulièrement les positions marxistes, par exemple le fait de considérer le signe linguistique comme étant de l'ordre de la superstructure à cause de son caractère idéologique. De même, la conception sémiotique n'est pratiquement pas exploitée dans les deux autres parties. Le marxisme était un point de départ de l'étude, les auteurs ont suivi leur chemin dans une atmosphère marxiste, mais sans penser spécialement au marxisme.

Ainsi, l'examen approfondi du texte de Marxisme et philosophie du langage permet d'aboutir à la conclusion que la problématique linguistique fondamentale du livre n'était ni marxiste ni anti-marxiste. Les auteurs du livre ont bâti leur propre conception, en tenant compte de l'existence du marxisme, mais sans se confondre avec lui. Si la conception marxiste s'avérait utile, ils en faisaient usage. Si quelque chose ne convenait pas, ils entraient en polémique (dans les années 1928-1929 cela était encore possible). En somme, acceptant la distinction que faisait Plekhanov entre idéologie et psychologie sociale, ils ont proposé une autre terminologie : «idéologie scientifique» et «idéologie de la vie quotidienne». Ce faisant, ils dégageaient un fragment de la théorie marxiste du psychologisme de Plekhanov, dont les conceptions s'étaient formées au 19ème siècle, psychologisme qu'ils ne partageaient pas.

 

6.

Pour Bakhtine comme pour Vološinov, pour Polivanov comme pour Jakubinskij, les idées marxistes formaient un cadre de référence, une tonalité sociologique, «idéologique» générale, elles suscitaient l'intérêt pour certains problèmes et l'abandon de certains autres. Mais la construction d'une science marxiste du langage (nous ne parlons pas ici de sociolinguistique) était une tâche insurmontable.

Vers le milieu des années 1930, le dogmatisme dominant en URSS a bloqué toute possibilité de discuter sérieusement d'une approche marxiste envers telle ou telle science. En linguistique, ce processus général s'est encore compliqué par la longue domination du marrisme, déclaré à l'époque «marxisme en linguistique». La seule personne qui pouvait prendre position sur les problèmes du marxisme était J. Staline, qui écrivit en 1950 une série d'articles, rassemblés ensuite sous le nom de Marxisme et questions de linguistique. Dans ces textes, tout en renversant les positions marristes, en fait il retirait de l'ordre du jour la question même de la construction
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d'une linguistique marxiste et proclamait le retour aux idées et aux méthodes de la linguistique russe d'avant la Révolution. Lorsque, après la mort de Staline, il fut possible de s'exprimer plus librement sur les questions de linguistique, les linguistes ne manifestaient plus d'intérêt pour le marxisme (indépendamment de leurs convictions politiques). Et au début des années 1960, T. Lomtev, dont il a été question plus haut, constatait amèrement : «Parler du marxisme en linguistique est devenu une marque de mauvais goût»[37]. Depuis lors, pendant quatre décennies en URSS puis en Russie, la situation n'a plus changé.

 

(traduit du russe par Patrick Sériot)

 

© Vladimir Alpatov

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[1] Vološinov, 1995, p. 218. [Cité ici et dorénavant, sauf mention contraire, dans la traduction française de M. Yaguello : Bakhtine (Volochinov) : Marxisme et philosophie du langage, Paris : Seuil, 1977, p. 19, NdT]

[2] Lomtev, 1931, p. 51.

[3] En russe «podmarki», expression forgée autour du nom de Marr, sur le modèle de podberezovik «champignon qui pousse sous les bouleaux (bereza)», podosinovik «champignon qui pousse sous les trembles (osina)».

[4] Bykovskij, 1933, p. 14.

[5] Buxarin, 1921, p. 227.

[6] Marr, 1936, p. 456.

[7] Unbegaun, 1954, p. 117.

[8] Scöld, 1929.

[9] Pour plus de détails sur cette question, cf. Alpatov, 1991, p. 69-74.

[10] Kuznecov, à paraître.

[11] Lomtev, 1932, p. 12.

[12] Polivanov, 1991, p. 537.

[13] Ib., p. 538.

[14] Ib., p. 539.

[15] Polivanov, 1968, p. 182.

[16] Ib., p. 57-74.

[17] Ib., p. 184.

[18] Polivanov, 1968, p. 184; Polivanov, 1991, p. 539.

[19] Cf. Thèses de 1929.

[20] Polivanov, 1968, p. 135-142.

[21] Trubetzkoy, 1975.

[22] Polivanov, 1968, p. 114-134.

[23] Brøndal, 1939.

[24] Polivanov, 1928, p. 30.

[25] Baudouin de Courtenay, 1963, t.1, p. 70.

[26] Sur Jakovlev, cf. Ašnin & Alpatov, 1995.

[27] Saussure, 1974, p. 104.

[28] Jakubinskij, 1931, p. 79.

[29] Cf. Maxlin, 1993.

[30] Vološinov, 1995, p. 257; tr. fr. p. 69.

[31] Ib., p. 315. [la traduction française donne ici «l'énonciation» pour «l'énoncé», ce qui me semble une très grave erreur. NdT]

[32] Brandist, 1998, p. 112.

[33] Vološinov, 1995, p. 375; tr. fr. p. 213.

[34] Matejka, 1986, p. 163-164.

[35] Vološinov, 1995, p. 222, tr. fr. p. 27.

[36] Jakobson, 1929, p. 102; id., 1971, p. 9.

[37] Lomtev, 1964, p. 152.

[38] Lomtev utilise le mot russe jazykoznanie dans le syntagme «linguistique contemporaine» et le mot étranger lingvistika dans le syntagme «linguistique structurale». [NdT]


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