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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы


-- Ekaterina VELMEZOVA (Université de Lausanne) : «O. M. Frejdenberg : à la recherche d’une ‘science intégrale’», in P. Sériot (éd.) : Le discours sur la langue en URSS à l'époque stalinienne (épistémologie, philosophie, idéologie), Cahiers de l'ILSLS, n° 14, 2003, p. 265-280.


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«Cette science n’a pas de nom communément accepté», O. Frejdenberg, 1997, p. 11.

1. L’adhésion au marrisme par l’intelligentsia russo-soviétique dans les années 1920-1930

1.1. Plusieurs raisons au succès fulgurant de la doctrine de Marr en URSS

A l’heure actuelle, la plupart des historiens de la linguistique tendent à expliquer le succès du marrisme en URSS pendant plus de deux décennies (depuis les années 1925-1930 jusqu’à l’intervention de J.Staline dans les discussions sur la langue en juin 1950) par deux raisons principales. Ce sont, tout d’abord, des raisons politiques. Dans les premières années après la révolution de 1917 Marr, tout en étant loyal dans ses relations avec le nouveau pouvoir, préférait garder ses distances. En revanche, à la fin des années 1920, ses travaux convenaient de plus en plus au pouvoir soviétique. Ses travaux écrits entre 1926 et 1928 abondent en citations des classiques du marxisme, et en 1930 il prononce un discours devant Staline au XVIème Congrès du Parti communiste. Pourtant, le grand impact de Marr en URSS à cette époque ne pouvait pas s’expliquer uniquement par ses relations avec le pouvoir, la seconde explication étant l’attirance du «mythe scientifique» que les théories de Marr représentaient, si on reprend
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l’expression de l’historien de la linguistique russe V.M.Alpatov[1]. Suivant l’exemple du linguiste américain R. Miller, qui étudiait les particularités des «mythes scientifiques» en les appliquant à certaines théories de la linguistique japonaise[2], Alpatov distingue trois traits principaux dans le mythe marriste. Premièrement, les mythes scientifiques sont fondés sur «un grain de vérité» qui se laisse interpréter librement. Deuxièmement, ils trouvent un support dans les situations de crise dans l’histoire des sciences concernées. Enfin, les créateurs des mythes recourent souvent aux autorités des non-spécialistes dans les domaines en question.

Si nous acceptons ce point de vue, une question restera toujours sans réponse : pourquoi fut-ce le «mythe» forgé par Marr qui remporta le plus grand succès chez les intellectuels russes, et non d’autres «mythes scientifiques», par exemple, le «mythe» du Jazykofront, groupe de linguistes qui existait dans les années 1930-1932 ? Tout autant que Marr, ses représentants (G. Danilov, K. Alaverdov, Ja. Loja, T. Lomtev, P. Kuz-necov) se montraient intolérants par rapport à la «science bourgeoise» et aspiraient à la création d’une «linguistique marxiste». De plus, ils acceptaient certaines théories de Marr, comme par exemple l’attribution à la langue des traits de la superstructure au-dessus d’une base et la négation de la parenté des langues. Pourquoi donc ne fut-ce pas le «mythe» de ce groupe qui eut du succès auprès des chercheurs appartenant à une génération si brillante, auprès de gens qui «étaient destinés à jouer un rôle exceptionnel dans la culture de la période soviétique. Nés au début des années 1890 ou un peu plus tôt, ayant reçu une formation complète avant la révolution, ils étaient encore assez jeunes et assez souples pour que le changement grandiose de toute la vie et de toutes les valeurs ne signifiât pas pour eux l’écroulement de leur propre vie et de leur propre système de valeurs»[3], écrit la linguiste russe R. Frumkina dans son travail sur J. Golosovker, linguiste, écrivain et philosophe russe qui appartenait à cette même génération de l’intelligentsia russo-soviétique[4].

Dans cet article, j'essaierai de montrer que l’adhésion au marrisme en URSS était due à des raisons plus profondes que l’opportunisme politique ou le caractère «mythique» de cette théorie. La vie et les œuvres de O. Frejdenberg apportent un éclairage nouveau sur l’attitude des intellectuels russes envers le marrisme.

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1.2 O.M. Frejdenberg (1890-1955) : sa vie et ses relations avec Marr

Née en 1890, O. Frejdenberg faisait partie de la génération des chercheurs russes qui adhéraient aux thèses marristes. Philologue et spécialiste de la culture antique, admiratrice de Marr, professeur à l’Université de Leningrad, cousine de B. Pasternak, elle devint connue en Occident tout d’abord grâce à sa correspondance avec ce dernier[5].

Comment peut-on expliquer le fait qu’elle approuvait les théories de Marr? Peut-on dire qu’elle acceptait toutes ces théories sans réserve? Son activité de chercheuse ne commença pas sous la direction de Marr[6]: elle le connut peu avant la soutenance de sa thèse de candidat (kandidatskaja dissertacija) Proisxoždenie grečeskogo romana [‘Les origines du roman grec’], en 1923. Frejdenberg l’avait composée sans aucune assistance de Marr et pourtant, cette thèse fut soutenue grâce à son soutien, car la plupart des autorités académiques n’étaient pas d’accord avec les conceptions de l’auteur. Le sujet même, la découverte du parallélisme entre la nouvelle érotique grecque et les apocryphes, était trop inhabituel pour que les professeurs universitaires l’acceptent et le reconnaissent facilement. C’est à partir de la soutenance que Frejdenberg collabora avec Marr et acquit la réputation d’être son adepte et disciple.

L’influence directe de Marr sur Frejdenberg semble très exagérée. Bien sûr, aujourd’hui on connaît sa phrase exaltée prononcée en 1937 :

«Marr, c’était toute notre pensée, toute notre vie sociale et scientifique; c’était notre biographie. Sans y penser, nous avons travaillé pour lui, tandis qu’il vivait pour nous, sans le savoir». (Frejdenberg, 1937, p. 426)

Ici Frejdenberg met un signe d’égalité entre l’ampleur des théories marristes et la grandeur de toute son époque. Il existe pourtant d’autres jugements de Frejdenberg sur Marr, beaucoup plus négatifs et moins enthousiastes. Ainsi, au début des années 1950, Marr apparaît dans les mémoires de Frejdenberg comme un simple conformiste. Voici son opinion sur les qualités humaines de son «maître» datant encore de 1924: 

«Marr ne s’intéressait à personne. Il ne vivait que pour sa théorie et ne faisait attention aux hommes que lorsqu’il s’agissait de cette théorie. Il avait de la sympathie pour moi, j’allais chez lui et il me lisait ses travaux, et pourtant, je lui était complètement indifférente en tant que personne vivante.» (Pasternak, 1981, p. 66)

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Si l’opinion de Frejdenberg sur Marr changeait souvent (un égoïste qui ne s’intéressait qu’à ses propres théories / un grand homme / un conformiste), il semble que pour Marr Frejdenberg n’était qu’une «collègue», une «collaboratrice» de l’Institut japhétique : il ne la mentionne qu’une seule fois, en note de bas de pages, dans les cinq volumes de ses œuvres choisies[7].

C’est entre 1926 et 1932 que Frejdenberg collabora avec la Section de la sémantique du mythe et du folklore à l’Institut japhétique[8]. A partir de 1932 elle dirigea la Section de philologie antique au LIFLI (Institut des études historiques et philologiques de Leningrad, transformé ensuite en faculté des lettres de l’Université de Leningrad). En 1935, elle soutint sa thèse de doctorat (doktorskaja dissertacija) Poètika sjužeta i žanra (period antičnoj literatury) [‘La poétique du sujet et du genre (période de la littérature antique)’] et en 1939 elle se trouva à la tête de la Section des études byzantines à l’Université de Leningrad. En 1941-1944, dans les dures condition du blocus de Leningrad par les troupes allemandes, elle continua de travailler sur les théories du folklore antique. Après la guerre, elle reprit son travail à l’Université et écrivit le livre Obraz i ponjatie [‘L’image et le concept’]. Elle mourut en 1955.

2. Frejdenberg la théoricienne

Que peut-on dire sur les théories de Frejdenberg dans leur rapport avec les doctrines de Marr? Pour montrer son indépendance relative par rapport à l’influence des théories marristes, nous entreprendrons ce que les mathématiciens appellent la preuve par le contraire, en essayant tout d’abord de montrer les points communs des théories de Marr et de Frejdenberg.

Les deux chercheurs considéraient la langue et la littérature comme des catégories de la superstructure (nadstrojka), secondaire par rapport à l’infrastructure (bazis). Ainsi, l’évolution des phénomènes linguistiques et littéraires s’expliquerait par les changements dans la pensée humaine (interprétée comme une pensée essentiellement sociale) qui suivrait l’évolution de l’infrastructure. Significative à cet égard est la définition de la poétique chez Frejdenberg :

«La poétique est une science qui étudie les régularités (zakonomernosti) des phénomènes littéraires en tant que phénomènes de la conscience sociale, […] la conscience sociale est historique et change suivant les étapes
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de l’évolution des rapports sociaux et donc suivant les étapes de l’évolution de la base matérielle». (Frejdenberg, 1997, p. 12)

Pour une large part, les recherches de Marr et de Frejdenberg ont en commun d’étudier l’origine et le développement du contenu sémantique des phénomènes linguistiques (langues et langage) et littéraires (sujets et genres) dans leurs liens avec l’évolution de la pensée humaine.

Analysons chacun de ces mots-clés (sémantique, origine,  évolution) en détail.

2.1. La sémantique des genres littéraires

Déjà dans sa thèse de candidat, écrite avant la rencontre avec Marr, Frejdenberg, suivant l’exemple du philologue allemand H. Usener qui avait proposé d’étudier le sujet en partant de l’analyse des noms propres, conclut que la narration sur les «dieux passionnés» pouvait refléter la vision du monde, la sémantique propre aux hagiographies aussi bien qu’aux romans d’amour et d’aventures[9].

Au début des années 1930, après six ans de collaboration avec Marr, Frejdenberg écrivit dans la préface à son ouvrage La poétique du sujet et du genre:

«La poétique bourgeoise est fondée sur des réflexions abstraites sur les composants formels de la littérature considérée plutôt comme un dépôt de phénomènes que comme un processus idéologique». (Frejdenberg, 1997, p. 7)

En même temps,

«le plus important dans la théorie de Marr est la frontière qu’elle trace entre l’approche formelle et l’approche sémantique du problème de la forme». (Frejdenberg, 1997, p. 7)

Pourtant, dans son intérêt pour le contenu, la sémantique des genres littéraires, Frejdenberg avait d’autres précurseurs. Dans La poétique du sujet et du genre, elle mentionne en premier A.N. Veselovskij (1838-1906)[10].
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Voici ce que Frejdenberg écrit à propos de ses théories: «Il est évident que le problème central pour Veselovskij était l’étude de l’interdépendance des formes et des contenus. La notion de forme chez Veselovskij est large : il s’agit des éléments invariables qui existent toujours et qu’on hérite des générations précédentes […]. En revanche, le contenu est flexible et toujours en train de changer. Il se coule dans les formes anciennes, les renouvelle et les rapproche des demandes culturelles et historiques de l’époque en question […]. Il n’y a pas de nouvelles formes; ce que nous considérons original n’est que la combinaison des nouveaux contenus avec des formes anciennes»[11].

Tout en empruntant à Veselovskij le postulat du caractère invariable des formes littéraires, Frejdenberg a une position presque inverse. Chez elle, ce sont les formes qui changent, tandis que le contenu reste identique:

«Je voudrais montrer comment un même sens, reflétant une conception du monde particulière, revêt différents aspects formels et sémantiques dans la transformation des nouvelles idéologies sociales, comment, au début, ce sens ne représentait pas un sujet ni un embryon de la littérature, mais était un simple sens nécessaire pour la vie de tous les jours, le travail, la nourriture, l’édu-cation des enfants […].  Au cours de l’histoire, le même contenu se manifeste dans des formes différentes, et se laisse exprimer et interpréter différemment ; […] nous avons donc une identité intérieure dans une variété de formes extérieures». (Frejdenberg, 1997, p. 13-14.)

Ces affirmations ont beaucoup en commun avec la fameuse thèse de Marr sur la possibilité de découvrir les «quatre éléments» primaires dans tous les mots de toutes les langues modernes. Ainsi Marr postule le caractère peu variable des anciennes formes qui se remplissent de nouveau contenu. Voici ce qu’il écrit dans son article de 1920 sur «Le Caucase japhétique et le 3ème élément ethnique dans la création de la culture Méditerranéenne» :

«Les observations du japhétidologue doivent le pousser à affirmer la thèse suivante: rien ne disparaît, rien n’a disparu, toutes les langues ont survécu dans les couches différentes des langues modernes». (Marr, 1920, p. 90)

Frejdenberg semble être arrivée à des conclusions semblables sur le contenu sémantique indépendamment de Marr, après avoir lu les travaux de Veselovskij.

En même temps, l’intérêt de Frejdenberg pour le contenu des œuvres littéraires anciennes ressemble à la passion de Marr qui aspirait à
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reconstruire la sémantique linguistique des époques préhistoriques. Marr essayait de remonter aux origines du langage en étudiant ce qu’il appelait les «reliques linguistiques préhistoriques» recherchées dans les couches «archaïques» des langues modernes. En même temps, Frejdenberg visait à «distinguer la sémantique antédiluvienne dans les composants organiques de la littérature antique».[12] Mais pour Marr, aussi bien que pour Veselovskij, la forme ne changeait pas et restait toujours identique, tandis que Frejdenberg affirmait le caractère invariable de la sémantique, du contenu, dont les manifestations extérieures pouvaient varier.

Significatifs sont ses commentaires à propos du postulat sur la nature «diffuse» des «quatre éléments primaires» de Marr, lié avec sa thèse sur le caractère diffus de la sémantique des mots «primitifs»:

«Aux époques primitives, des dizaines de significations (et même des centaines, si l’on compte leurs significations dérivées) étaient unies dans un seul mot, un phénomène qui s’expliquait par la non-distinction des mondes matériel, social et spirituel aussi bien que par leur représentation intégrale dans la vision religieuse du monde. C’est pourquoi le même mot pouvait signifier ‘le ciel’ et ‘la terre’, ‘l’animal’ et ‘l’arbre’ ou ‘l’étoile’, ‘la lumière’, ‘l’étincelle’, ‘la pensée’, ‘la vérité’, ‘la justesse’, ‘la sorcellerie’, etc. » (Marr, 1920, p. 100-101)

A première vue, Frejdenberg accepte ces thèses. Pourtant, elle se réfère non seulement à Marr, mais aussi à E. Cassirer et à L. Lévy-Bruhl :

«Tous les objets se présentaient comme identiques. Et pourtant, bien que leur diversité ne se laissât pas comprendre, elle se reflétait objectivement dans l’image. Ni Marr, ni des chercheurs comme Cassirer et Lévy-Bruhl n’en tenait compte. En analysant les images archaïques, nous y découvrons néanmoins une intégralité (kompleksnost’) du contenu, toujours dans les formes variées des différences synonymiques. Dans mes travaux précédents, j’ai appelé ces variétés formelles de l’image les métaphores». (Frejdenberg, 1998, p. 25

Il s’agit en particulier des métaphores de la nourriture, de la naissance, de la mort, etc., qui furent transformées en différents genres littéraires.

Et si, selon Marr, «on peut retrouver les quatre éléments dans tous les mots de toutes les langues»[13], chez Frejdenberg, le contenu de toutes les œuvres littéraires d’aujourd’hui remonterait à un nombre limité de «métaphores» primaires.

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2. 2 Le problème de l’origine des genres littéraires

La question des sujets et des origines des genres littéraires, surtout dans leur composante sémantique, était aussi importante pour Frejdenberg que celle de l’apparition du langage pour Marr, ce qu’elle reconnaît en se référant à lui :

«Les historiens de la littérature et les critiques littéraires n’ont étudié la littérature qu’à partir de la seconde moitié du chemin, à partir de la période des formes déjà achevées et ils ne se sont pas occupés de la totalité de son histoire. […] L’importance des théories marristes consiste en la découverte des stades primaires dans l’histoire du langage et de la littérature […], les stades précédant le langage sonore et la littérature. Marr a été le premier à découvrir l’origine de la littérature et du langage et donc le premier à jeter les bases pour étudier l’histoire véritable du langage et de la littérature dans leur totalité, à partir des origines». (Frejdenberg, 1997, p. 8)

Ce même intérêt pour les origines du genre littéraire est compté par Frejdenberg parmi les principaux mérites de Veselovskij. Pour elle, «Veselovskij a dépassé l’histoire de la littérature et la critique littéraire russes, marquées par la méconnaissance des problèmes génétiques […]. L’attention de Veselovskij pour l’origine des formes littéraires et son refus de poser les problèmes de la poétique théorique sans avoir résolu les questions de son apparition ne doivent jamais être oubliés»[14].

En même temps, sa théorie de l’origine des formes littéraires n’était pas acceptée par Frejdenberg. Veselovskij croyait à l’existence d’une étape du syncrétisme primaire dans la littérature, quand les «embryons» des fu-turs genres littéraires n’étaient pas encore séparés les uns des autres[15]. Cette thèse a sûrement beaucoup influencée Marr, qui parlait de l’état de l’art «diffus et non différencié» tout au début de l’histoire[16].

Frejdenberg est d’un autre avis : elle postule la polygenèse des genres littéraires qui, selon elle, n’ont jamais connu l’étape du syncrétisme, mais évoluent indépendamment l’un de l’autre. Cela est lié, selon Frejdenberg, au caractère plurilingue de la société de classes, où chaque classe aurait sa propre langue. Elle a choisi la Grèce ancienne pour illustrer ses réflexions :

«Il est bien connu que le phénomène de la Grèce est particulier : chaque genre y est écrit dans une langue particulière, dans tel ou tel ‘dialecte’». (Frejdenberg, 1935, p. 3)

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En même temps, toutes ces langues différentes sont apparues grâce à la division de la société en classes :

«Dans les conditions socio-économiques différentes des différents Etats grecs, différentes classes parvenaient au pouvoir et c’est leur idéologie qui favorisait la création des différents genres littéraires». (Frejdenberg, 1935, p. 13)

Ainsi, les propriétaires fonciers ioniens aurait créé la poésie épique et les élégies, les commerçants de Lesbos – la poésie lyrique individuelle, les aristocrates militaires doriques – le «drame pré-littéraire»[17]. L’apparition des genres littéraires est donc liée, chez Frejdenberg, à la division du travail. En paraphrasant Lénine, pour qui l’apparition de l’Etat était déterminée par la division en classes, Frejdenberg aurait pu écrire que «les genres littéraires apparaissent à l’endroit et au moment où les classes apparaissent».

2.3. Le développement des genres littéraires

Reste le problème de l’évolution littéraire. Et ici, la notion de convergence acquiert une importance primordiale, car toute l’époque semble être passée sous le signe de la théorie anti-darvinienne du biologue L.S. Berg (1876-1950).

Son livre Nomogenez, ili èvoljucija na osnove zakonomernostej [‘La nomogenèse ou l’évolution fondée sur des lois’], où Berg critique Darwin, parut en 1922[18]. Frejdenberg était toujours passionnée par la biologie et lut le livre avec une grande attention. Dans ses mémoires elle écrit:

«J’ai été passionnée par la lecture de La nomogenèse  de Berg. […] …j’ai trouvé dans ce livre les preuves à l’appui de tout mon anti-darwinisme secret». (Frejdenberg, cité après Braginskaja, 1998, p. 750)

L’influence de Berg sur Frejdenberg a déjà été étudiée par N.V. Braginskaja[19] et il ne nous reste qu’à mentionner les points les plus importants en les corroborant par les citations correspondantes.
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2.3.1. Le principe de convergence

L’apothéose de la doctrine anti-darwiniste de Berg est sa thèse sur le caractère polygénétique de l’apparition des organismes et la théorie des convergences, opposée au principe de la divergence de Darwin :

 «Nous pensons qu’il y avait une quantité énorme de formes originaires – des dizaines de milliers ou même plus. Elles ont évolué par convergence […]. L’emblème de notre théorie de l’évolution n’est pas l’arbre généalogique qui pousse à partir d’une seule racine, mais, disons, un champ de seigle où des graines […] donnent naissance à une multitude de formes». (Berg, 1922a, p. 92)

Si Frejdenberg postulait le parallélisme dans l’apparition des phénomènes de la culture et leur multitude à l’origine, les théories des convergences de Berg (en biologie) et de Marr (en linguistique) devinrent pour elle des méthodes pour analyser les sujets et les genres littéraires. Dans son article de 1925 «Le système du sujet littéraire», elle se donne pour but de découvrir la «convergence des différences» (sxoΩdenija raznorodnogo)[20].

2.3.2. La place du folklore dans l’évolution littéraire

La sélection naturelle était vue par Berg comme une tendance à maintenir la norme et à faire disparaître les extrêmes: «Non seulement la sélection ne favorise pas les extrêmes, comme Darwin le pensait, mais au contraire, elle les élimine en maintenant ainsi la norme à un niveau une fois acquis et établi»[21]. En même temps, Frejdenberg réservait ce même rôle dans l’évolution de la création individuelle au folklore, dont on ne peut parler qu’en termes de catégories collectives : «La notion générale et abstraite de folklore s’applique […] à un domaine particulier qui reste de côté par rapport à l’art individuel »[22].
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2.3.3. L’apparition des signifiants avant les signifiés

Dans ses travaux, Berg mentionne une «phase prophétique» dans l’évo-lution : l’apparition d’un organe, selon lui, précède son travail et le besoin qu’on en a :

«Si nous suivons l’évolution d’un certain groupe  ou le développement d’un individu, nous verrons que le développement des différents traits s’accomplit à une vitesse différente : certains traits répètent ce qui est déjà connu dans d’autres groupes, inférieurs ou appartenant au même stade de l’évolution. D’autres, au contraire, anticipent les traits découverts dans des groupes plus évolués». (Berg, 1922a, p. 105)

Chez Frejdenberg, ce concept se transforma dans la thèse selon laquelle les signifiés apparaissent avant les signifiants :

«La forme […] n’apparaît que si l’image correspondant fonctionne déjà»[23].

2.3.4. Facteurs externes ou internes de l’évolution ?

Enfin, si, comme on l’a vu plus haut, Frejdenberg explique l’évolution littéraire par des phénomènes externes par rapport à la littérature, certains de ses commentateurs attirent aussi l’attention sur l’importance des facteurs internes chez elle :

«Selon Berg, l’évolution naturelle s’accomplit en fonction d’un but (celesoobrazno) ; il considère les capacités des organismes à se développer parmi les particularités principales des organismes vivants, du même niveau que leurs aptitudes à l’irritabilité, à la nutrition et à la reproduction. Berg étudie les manifestations particulières de ces régularités sans essayer de trouver leurs raisons d’être. Ce sont des axiomes. De la même façon, bien qu’elle ne le déclare jamais ouvertement, Frejdenberg décrit l’évolution de la culture. Aussi bien que Berg, elle prête attention à l’analyse des facteurs internes des changements. Le passage de la pensée mythique à la pensée conceptuelle (ponjatijnoe) est considéré comme régulier, mais ses raisons sont représentées comme plutôt générales et très pâles. Les références à la vie matérielle et sociale comme la source de la dynamique culturelle sont peu nombreuses, c’est plutôt un tribut à l’opinion générale». (Braginskaja, 1998, p. 752)

Quoi qu’il en soit, même si les explications «externes» de l’évolution ne servaient parfois à Frejdenberg que de cadre méthodologique pour ses théories et même si sa conception de l’évolution littéraire était
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proche du marrisme, elle devait avoir encore plus en commun avec la théorie des convergences du biologue Berg.

2.4. Frejdenberg marriste ou non-marriste ?

L’analyse des conceptions littéraires de Frejdenberg nous montre que ses théories aboutissaient à d’autres résultats que les conclusions marristes. A la différence de Marr, c’est le contenu des phénomènes littéraires (et non leurs formes) que Frejdenberg considérait comme invariable ; elle postulait l’origine polygénétique (et non syncrétique) des genres, tandis que sa conception de l’évolution littéraire, tout en étant proche du marrisme, avait encore plus en commun avec la nomogenèse de Berg.

Cela prouve que l’influence de Marr sur Frejdenberg était très limitée. En revanche, un autre problème surgit : quel était le paradigme[24] du savoir dans le cadre duquel Frejdenberg travaillait, et qui lui permettait d’accepter de nombreuses thèses marristes ?

3. A la recherche d’une «science intégrale»

L’intérêt même du critique littéraire et historien de la littérature Frejdenberg pour les conceptions biologiques de Berg est révélateur. Les parallèles entre les approches de Berg et de Marr vs celles de Ch.Darwin et A.Schleicher ont déjà été étudiés. Tout comme Marr, Berg a inversé la pyramide traditionnelle représentant le schéma de l’évolution des espèces à partir de l’unité vers la multitude. Pourtant, personne n’a encore essayé de répondre à la question de savoir pourquoi ces deux changements révolutionnaires ont eu lieu en URSS dans les années 1920.

L’une des réponses possibles suppose une simple transposition du modèle évolutionniste de la biologie à la linguistique. Dans ce cas, il nous faudrait parler déjà du deuxième emprunt de ce genre dans l’histoire des sciences, après celui de Schleicher, admirateur de Darwin.

Cette solution nous semble néanmoins peu probable, après de longues années de discussions et de critique de la métaphore selon laquelle «la langue est un organisme vivant» en linguistique.

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De plus, dans les années 1920 Berg et Marr sont arrivés à leurs modèles évolutionnistes pratiquement en même temps : le livre de Berg date de 1922, tandis que la révolution dans la linguistique soviétique, liée à la transformation de la «théorie japhétique» de Marr en «nouvelle doctrine du langage» est de 1923.

Rappelons-nous aussi que ni les théories marristes, ni les conceptions de Frejdenberg concernant la pensée «primitive» ne reposaient sur la moindre preuve. Pourtant, selon certains théoriciens de cette période, l’une des «preuves indirectes» de leurs théories était la possibilité de transposer les modèles évolutionnistes correspondants dans d’autres domaines du savoir. Il ne s’agit pas uniquement de spécialistes en sciences humaines. Ainsi, Berg aussi illustrait ses théories évolutionnistes par des faits tirés des sciences humaines, y compris la linguistique. Un chapitre de sa Nomogenèse est consacré aux convergences dans le domaine des idées et voici ce qu’il écrit à propos de l’évolution langagière :

«Une certaine régularité dans l’évolution linguistique se manifeste en particulier dans le fait qu’après la division de la proto-langue indoeuropéenne en langues particulières, chaque groupe commença à développer des phénomènes ressemblants. Les traits communs dans les langues indoeuropéennes modernes s’expliquent plutôt par leur développement parallèle que par la conservation des traits communs». (Berg, 1922, p. 178)

Aujourd’hui les remarques linguistiques d’un biologiste paraîtraient déplacées. En revanche, à l’époque des années 1920, un tel dilettantisme interdisciplinaire ne choquait personne. La possibilité de transposer le modèle d’une branche du savoir aux autres avait certainement des explications méthodologiques.

3.1. « On ne comprend plus le mot d’ ‘esprit’… »

Le refus de l’opposition «matière / esprit» revêtait une grande importance méthodologique pour les spécialistes en sciences humaines de l’époque de Frejdenberg. Voici ce que le philosophe russe J. Golosovker écrit dans son Mif moej žizni [‘Mythe de ma vie’] :

«Aujourd’hui, les changements culturels sont très rapides. On ne comprend plus le mot d’‘esprit’… Il nous faut nous rappeler que la nature et la culture ne sont pas deux principes différents, mais un seul. C’est un seul et même principe que l’homme accomplit par son esprit». (Golosovker, cité d’après Frumkina, 1988)

 D’où venait la possibilité d’appliquer à l’étude des phénomènes de l’esprit humain les régularités découvertes chez les organismes vivants, et vice versa.

3.2. L’étude de la culture « en tant que telle »

Encore plus importante était la tendance (pas toujours très explicite) de la recherche des lois universelles, en particulier les lois de l’évolution qu’on puisse appliquer à toutes les branches du savoir à la fois :

«Il faudrait imaginer un chercheur qui ne fasse pas de différence entre la symétrie découverte dans les organismes vivants, dans les cristaux et dans les œuvres d’art, car la symétrie l’intéresse comme un phénomène de l’univers. Ce serait un point de vue ressemblant à celui de Frejdenberg». (Braginskaja, 1998, p. 751)

Ce point de vue devait sûrement être partagé par de nombreux chercheurs dans les années 1920, et aujourd’hui on peut le considérer comme un outil méthodologique servant à comprendre le phénomène du succès du marrisme chez l’intelligentsia russe.  

Plusieurs commentateurs des ouvrages de Frejdenberg soulignent la difficulté de définir son domaine même de recherches[25]. Comme Frejdenberg disait elle-même,

«en étudiant la littérature du point de vue sémantique plutôt que formel, nous sommes obligés de tenir compte de toutes les découvertes dans les domaines du savoir liés avec les faits qui déterminent ce contenu, que ce soit d’une façon directe ou indirecte». (Frejdenberg, 1997, p. 12)

D’après Ju.M. Lotman, dans les années 1920, un groupe de chercheurs s’unirent autour de Marr, et «c’était la culture en tant que telle et non ses parties particulières qui constituait l’objet de leurs études»[26].  L’étude de la culture « en tant que telle », la transposition des modèles évolutionnistes d’une branche du savoir à d’autres, l’approche intégrale du savoir partagé par de nombreux chercheurs, l’aspiration à créer une science « intégrale » qui, à l’époque de Frejdenberg, «n’avait pas de nom communément accepté»  – voilà les raisons qui expliquent le succès du marrisme dans les années 1920 mieux que de l’opportunisme politique. Il ne nous reste qu’à ajouter que cet article de Lotman fut consacré à Frejdenberg.

© Ekaterina Velmezova

Références bibliographiques

— ALPATOV, V.M., 1991 : Istorija odnogo mifa. Marr i marrizm. Moskva : Nauka. [L’histoire d’un mythe. Marr et le marrisme]

— BERG, L.S. (1922) : Nomogenez, ili èvoljucija na osnove zakonomer-nostej, Petrograd : Gosudarstvennoe izdatel’stvo. [La nomogenèse ou l’évolution fondée sur les lois]

—— 1922a : Teorii èvoljuci. Petrograd : Academia. [Les théories de l’évolution]

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[1] Alpatov, 1991, p. 33.

[2] Miller, 1982.

[3] Toutes les citations sont traduites en français par moi. – E.V.

[4] Frumkina, 1988.

[5] Pasternak, 1981 ; Correspondance, 1982.

[6] Bien qu’encore aujourd’hui on croit parfois le contraire: cf. par exemple Vorob’ëva, 1996, p. 65-66.

[7] Marr, 1927, p. 151.

[8] En 1931, l’Institut japhétique fut transformé en Institut du langage et de la pensée.

[9] Frejdenberg, 1930.

[10] Notons que Marr aussi se référait à l’autorité de Veselovskij en essayant de prouver ses théories linguistiques avec des faits empruntés aux études littéraires. En particulier, dans son article de 1928 «Iz Pirinejskoj Gurii (k voprosu o metode» [‘Depuis la Géorgie Pyrénéenne (question de méthode)’], il mentionne sa découverte des ressemblances entre les langues caucasiennes et certaines langues de la région des Pyrénées. En cherchant les «preuves» de ces ressemblances, il mentionne les théories de Veselovskij qui, «en étudiant les légendes du Graal, trouvait des preuves évidentes de croisements entre la littérature orientale de l’Asie Mineure et la littérature caucasienne, géorgienne, en particulier» (Marr, 1928, p. 6).  

[11] Frejdenberg, 1997, p. 17.

[12] Frejdenberg, 1998, p.13.

[13] Marr, 1927, p. 11.

[14] Frejdenberg, 1997, p. 18.

[15] Veselovskij, 1894 ; 1898.

[16] Marr, 1934, p. 126.

[17] Frejdenberg, 1935, p. 12-13.

[18] Berg, 1922.

[19] Braginskaja, 1998, pp. 751-752.

[20] Frejdenberg, 1988.

[21] Berg,  1922a, p. 96.

[22] Frejdenberg, 1998, p. 217. Cf. aussi la remarque plus récente de P.G. Bogatyrev et R.O. Jakobson qui comparaient le folklore et la langue : «Aussi bien que celui de la langue, le caractère des œuvres folkloriques n’est pas individuel (vnelično)» (Bogatyrev & Jakobson, 1971, p. 374).

[23] Frejdenberg, 1998, p. 27.

[24] T. Kuhn, qui a introduit ce terme dans l’étude des sciences (Kuhn, 1970), le considérait comme inadéquat par rapport à la linguistique, celle-ci se trouvant encore à un état « pré-paradigmatique » (cf. sur ce point Sériot, 1995). L’emploi de ce terme dans notre travail est déterminé par le fait qu’il ne concerne pas seulement la linguistique, mais un ensemble de branches du savoir.

[25] Cf. par exemple Braginskaja 1998 ; Moss 1984.

[26] Lotman, 1983, p. 485.


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