En ces jours d'automne il a beaucoup neigé. | |||||
— 9 h 00 | Accueil des participants |
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— 9 h 15 | Patrick SERIOT (Lausanne) |
Présentation des journées d'étude sur la traduction |
— 9 h 30 | Didier SAMAIN (Paris-VII) |
Concept et terminologie. Ce que nous enseigne le travail de traduction sur la prétendue spécificité des langues. (A propos de la traduction de Sprachtheorie de Karl Bühler) |
— 10 h 30 | Pause |
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— 11 h 00 | Concept et terminologie. Ce que nous enseigne le travail de traduction sur la prétendue spécificité des langues. (A propos de la traduction de Sprachtheorie de Karl Bühler) (suite) |
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— 12h 30 | repas | |
Après-midi |
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— 14 h 00 | Ekaterina VELMEZOVA (Lausanne) |
L’«Analyse du discours politique soviétique » en français et en russe (à propos de la traduction du livre de P. Sériot) |
— 15 h 00 | pause |
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— 15 h 30 | Ekaterina ALEXEEVA (Saratov) |
Conditionnement culturel et conceptuel des textes d’A.Losev traduits en français |
— 16 h 00 | discussion |
— 9 h 30 | Patrick SERIOT (Lausanne) |
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— 10h 30 | pause | |
— 11 h 30 | Inna AGEEVA (Lausanne) |
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— 12 h 30 | repas | |
Après-midi |
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— 14 h 00 | Roger COMTET (Toulouse) et Bénédicte VAUTHIER (Tours) |
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— 15 h 00 | pause |
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— 15 h | Roger COMTET (Toulouse) et Bénédicte VAUTHIER (Tours) |
La méthode formelle dans la science de la littérature. Introduction à une poétique sociologique de Pavel Medvedev (suite) |
— 16 h 00 | discussion |
— 9 h 30 | Michail MAIATSKY (Lausanne) |
Intraduisibles et indécidables : problèmes véritables et questions inutiles |
— 10 h 30 | pause |
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— 11 h 00 | Emmanuel LANDOLT (Lausanne) | Le problème de la traduction dans la philosophie russe contemporaine : perspectives théoriques et critiques (autour d’Avtonomova et de Vladimir Podoroga) |
— 12h 00 | Tatiana ZARUBINA (Lausanne) | Traduire Gilles Deleuze en Russie |
Résumés
— Inna AGEEVA (Lausanne) : « La traduction du texte scientifique et les enjeux de la récontextualisation (A propos de la re-traduction en français du Marxisme et philosophie du langage de V.N. Vološinov) ».
Avant d’entamer la traduction d’un texte scientifique, le traducteur a un choix à faire : inscrire l’ouvrage dans le contexte intellectuel et culturel de son époque, autrement dit, « amener » l’ouvrage vers son lecteur contemporain en utilisant la terminologie qui lui est familière, ou bien, au contraire, essayer de « faire venir » le lecteur vers le texte, c’est-à-dire traduire en tenant compte du contexte scientifique de sa création.
La traduction existante du Marxisme et philosophie du langage de Volosˇinov effectuée par Marina Yaguello semble être un exemple du premier type de choix. Notre choix de la retraduction de ce texte en français a le but de recontextualiser cet ouvrage.
Mon exposé représentera donc la réflexion sur les enjeux de telle récontextualisation sur la base du terme « idéologie », son utilisation non seulement dans le texte de Vološinov, mais aussi dans le contexte de son époque.
— Ekaterina ALEXEEVA (Saratov) : « Conditionnement culturel et conceptuel des textes d'A.Losev traduits en français ».
A.Losev est une figure charismatique de la philosophie religieuse russe du XXe siècle. Ses ouvrages contiennent un grand nombre de concepts complexes chargés d’information culturelle et historique. La traduction du russe en français de textes de Losev des années 1920-1930 a démontré deux types de difficultés. Dans un premier cas, il s’agit des problèmes purement linguistiques liés à l’absence d'équivalents pour la traduction de concepts spécifiques. Dans un autre cas, le problème est plutot de type conceptuel, car la traduction d'un certain concept d’une langue dans une autre n’est pas toujours adéquate et ne transmet pas complètement son sens.
Dans cette recherche on se demandera ainsi comment effectuer la traduction d'une langue à l'autre pour mieux transmettre le style, le contenu, les concepts-clés et la structure du texte-original, afin d'éviter les malentendus culturels et conceptuels.
— Roger COMTET (Toulouse) et Bénédicte VAUTHIER (Tours), traducteurs de Pavel N. Medvedev, La méthode formelle dans la science de la littérature. Introduction à une poétique sociologique (Toulouse, PUM, 2008)
Dans le cadre de cette intervention, nous expliquerons comment nous avons travaillé à distance (entre Toulouse, Liège et Tours) pour mener à bien la traduction inédite en français du texte clé de Pavel Medvedev que le lecteur francophone devait, depuis près de 30 ans, se résigner à lire dans une autre langue occidentale (allemand, anglais, italien, russe).
Bénédicte Vauthier, spécialiste de théorie de la littérature et de l’œuvre de Bakhtine qu’elle lit de manière systématique en plusieurs langues occidentales (français, espagnol, italien, allemand et anglais) exposera la manière dont elle a préparé le terrain de la traduction de l’original russe à partir d’une traduction intégrale des traductions espagnole et allemande. Elle montrera aussi l’importance de la connaissance des autres textes des auteurs du cercle dit “de Bakhtine” (Mikhaïl Bakhtine, Valentin Volochinov) et des textes des formalistes russes avec lesquels La méthode formelle dans la science de la littérature rentre en dialogue. Et ce, notamment, dans le cadre d’une intertextualité latente.
Roger Comtet examinera en priorité les problèmes posés par la traduction en français d’un texte qui se caractérise par une syntaxe apparemment négligée et compliquée et des phrases longues, frisant souvent l’obscurité; difficultés qui s’ajoutent aux spécificités classiques des textes scientifiques en russe. Les choix terminologiques de certains mots clés (vyzkazyvanie, žanr, jazyk…) ont fait l’objet de très nombreuses discussions et ont connu différentes hypothèses de traduction avant qu’un choix définitif ne soit arrêté. C’est dans ce cadre que seront évoqués les motivations (et les contraintes) qui nous ont guidés ou liés dans nos choix de traduction, dans la constitution des deux glossaires bilingues. Pour terminer, nous rappellerons qu’il nous a fallu batailler jusqu’au bout avec les réticences et les interventions intempestives de l’éditeur pour voir aboutir cette traduction (et son introduction). La meilleure illustration ou scorie de ce combat est le titre inexact sous lequel le livre a finalement été publié.
— Emanuel LANDOLT (Lausanne): « Le problème de la traduction dans la philosophie russe contemporaine : perspectives théoriques et critiques (autour d’Avtonomova et de Vladimir Podoroga) »
Il est difficile d’évoquer la traduction en sciences humaines dans le contexte post-soviétique sans parler du travail très fouillé et détaillé de Natalia Avtonomova (son dernier livre Traduction et connaissance vient tout juste de paraître). Un travail qui embrasse à la fois une pratique de traductrice ambitieuse (elle a traduit deux des ouvrages majeurs de la philosophie française contemporaine De la Grammatologie de Derrida, et les Mots et les Choses de Foucault qui font l’objet chacun d’un chapitre de son nouveau livre) et de théoricienne érudite de la traduction (traductologue). A choisir entre plusieurs termes pour caractériser son approche, il faudra compter sur une perspective double puisqu’elle combine les acquis à la fois de la philosophie et de la philologie dont elle est issue. L’approche renferme deux aspects, une question sur le caractère empirico-transcendantal autour de la question : Qu’est-ce qui rend possible l’expérience de la traduction ? et une dimension historico-épistémologique dans laquelle la traduction s’appuie sur un contexte historique pour produire de la connaissance, qui servira elle-même d’objet à une épistémologie. D’où il en ressort que la question de la traduction est absolument centrale dans les sciences humaines, et dans le contexte russe de réappropriation, de réhabilitation d’une culture philosophique mise entre parenthèse pendant la période soviétique (autour du problème du « déficit conceptuel »). Mais chez Avtonomova le problème de la traduction est conçu autour de ce que l’on pourrait nommer une prescription méthodologico-morale sur ce que doit être la traduction, en particulier dans le contexte post-soviétique.
-D’un côté, elle prescrit la méthode de réalisation d’une traduction (mise en contexte, exigence de clarté, transfert d’un signifié transcendantal d’un point A à un point B…).
-De l’autre côté la traduction est là comme une posture éthique au déficit conceptuel, au vide institutionnel russe, à cette véritable crise morale que traverse la philosophie russe.
Les sources d’analyse de la traduction chez Avtonomova sont impressionnantes. érudites, mais le noyau dur de la thèse, son côté prescriptif, normatif (voire soviétique si on la confronte à une pensée moins institutionnelle) permet d’envisager une posture radicalement différente, et opposée à celle-ci.
Nous aurions pu choisir de comparer celle-ci à la vision herméneutique heideggérienne d’un Bibikhin par exemple, mais nous avons choisi celle de Podoroga qui se présente comme l’opposé. Vision à la fois incorrecte, intuitive, anormale, les adjectifs ne manquent pas pour la qualifier, elle met au centre la question de l’incompréhension, de l’entre-deux que représente la traduction à travers la figure de l’Autre (l’étranger qu’il est impossible d’assimiler totalement). La comparaison qui peut paraître étrange s’articule ici autour d’une conception élargie de la traduction, puisqu’à proprement parler Podoroga n’est pas un traducteur, mais un philosophe contemporain très populaire et instigateur d’un certain renouveau dans la philosophie russe contemporaine, dans une tonalité on dira plutôt anti-institutionnel. Il a ainsi contribué fortement à introduire la philosophie française en en intégrant les concepts phares (en particulier Deleuze et Derrida), proposant ainsi sa propre réception-traduction de la tradition française, caractérisée par une absence de mise en contexte des concepts ou auteurs cités, affirmant ainsi sa volonté de brouiller les pistes pour recommencer la philosophie. Le résultat est original et créatif, parfois brouillon. Cette posture provocatrice et marginale (que Podoroga lui-même appelle « philosophia po krajam »), ne pouvait naître que d’un décentrement positif par rapport à la culture soviétique passée.
— Michail MAIATSKI (Lausanne) : « Intraduisibles et indécidables : problèmes véritables et questions inutiles »
Parmi les entreprises récentes valorisant le travail de la traduction, celle du Vocabulaire Européen des philosophies, dictionnaire des intraduisibles (sous la direction de Barbara Cassin ; Seuil, Robert, 2004) est devenue incontournable pour toute traduction philosophique. Tout ici mérite d’être pris en compte : autant des acquis que des échecs, d’autant plus qu’il faut mettre les deux termes entre guillemets, tant certains acquis sont douteux et certains échecs instructifs. Après avoir résumé et commenté le projet de B. Cassin, et les réactions qu’il a suscitées, je m’arrêterai sur la partie russe/slave du Dictionnaire.
— Didier SAMAIN (Paros-VII) : «Concept et terminologie. Ce que nous enseigne le travail de traduction sur la prétendue spécificité des langues».
I. L’historien des sciences cherche à dater des découvertes et à identifier des paradigmes, associés à des terminologies et des méthodes. Pour les sciences du langage, cet objectif paraît accessible pour des objets taxinomiques quasi-immédiats (corrélables à des observables morphosyntaxiques), mais les choses ne sont pas toujours aussi simples. C’est ce qu’on se propose de montrer à l’aide du matériel terminologique analysé lors de la traduction française de la Sprachtheorie de Bühler (1934).
Première chose, évidente à la lecture, l’œuvre se caractérise en effet par son syncrétisme, c’est-à-dire, très concrètement, par des transferts notionnels d’une discipline à l’autre et une superposition de traditions terminologiques (philosophique, linguistique et psychologique) habituellement distinctes. Dans un tel contexte, le métalangage utilisé se révèle le résultat d’un bricolage, constitué par accrétions de langues et de savoirs, et dont la stabilisation est au mieux tendancielle.
Un résultat spectaculaire du recensement des termes et concepts utilisés est par ailleurs de montrer empiriquement qu’il n’y a pas de corrélation stricte entre définititude conceptuelle et normalisation terminologique. Et cela au moins pour deux raisons. D’une part, parce qu’il en ressort que la terminologie fonctionne plutôt chez Bühler comme une interlangue, agissant tout à la fois comme révélateur et stabilisateur notionnel. D’autre part, parce que la rigueur d’une démonstration s’accommode fort bien, non seulement de flottements terminologiques, mais en outre de concepts non constructibles. On en fournira quelques exemples, dont celui d’akustisches Gesicht, de «physionomie acoustique», dont on verra qu’il est dépourvu de contenu proprement formel.
II. On peut tirer de ces observations plusieurs conséquences épistémologiques. Premièrement, si les sciences du langage accordent, c’est compréhensible, une importance primordiale aux métalangages de premier ordre (directement issus de la taxinomie), cela ne doit pas occulter le fait qu’on ne retrouve pas les mêmes propriétés logiques aux échelons supérieurs, c’est-à-dire lorsqu’il s’agit de concepts génériques, caractérisés le plus souvent par leur imperfection terminologique et l’hétérogénéité des métalangages. La «traduction» de tels concepts ne va pas de soi.
Deuxièmement, il en ressort que la langue, la «traduction» dans l’acception étroite de ces termes, ce fait trivial qu’il n’y a pas de correspondance terme à terme d’un idiome à l’autre, tout cela joue certes un rôle, mais nullement spécifique et sans doute assez secondaire. Un constat qui constitue au demeurant une objection forte à l’hypothèse dite de «Sapir-Whorf». Il apparaît en effet très difficile de tracer une frontière entre langue, idiolecte, et arrière plan culturel. De manière plus générale, on peut dire que le travail de traduction ne permet pas d’établir de frontières entre langue et style, entre langage commun et langage privé, etc. On en fournira quelques illustrations.
Troisièmement, nous voudrions évoquer un phénomène que, par analogie à la troncation syllabique, nous avons appelé ailleurs la troncation cognitive, à savoir le fait qu’un concept traduit ou transféré dans un autre contexte y apparaît généralement dépourvu de l’enchaînement argumentatif qui lui a donné naissance. Si cette perte de ce qu’on pourrait appeler, en poursuivant l’analogie, la mémoire épisodique des notions semble être une conséquence quasi automatique de leur intégration au savoir collectif, la question se pose de savoir dans quelle mesure le traducteur peut et doit s’efforcer de la préserver.
— Patrick SERIOT (Lausanne) : «Lire en contexte et refuser l'anachronisme (A propos de la re-traduction de Marxisme et philosophie du langage de V. Vološinov»
Le livre de V. Vološinov Marxisme et philosophie du langage (1929) est un phénomène étonnant par la légèreté avec laquelle sa réception dans le monde francophone à partir de 1975 l'a fait considérer comme un contemporain, l'a fait lire sur le fond d'un déjà-connu, d'un déjà-su, fait des textes de Benveniste, Bourdieu, Lacan ou Althusser. Des termes comme idéologie, social, énonciation et, bien sûr, marxisme, semblait faire sens, ou produire un «effet de reconnaissance», comme on disait alors.
Pourtant, chacun de ces termes est un véritable piège. Chacun doit être non seulement remis dans son contexte historique, culturel, politique de l'URSS de 1929, mais encore réintégré dans un autre discours, et pas simplement une autre langue.
On propose ici une lecture de ce texte fondamental à partir de l'oubli volontaire de tout ce qui s'est écrit ailleurs et après 1929, méthode aussi simple qu'elle ouvre des perspectives inattendues de comparaison et de contraste avec notre ici et maintenant de lecteurs de Vološinov au XXIème siècle.
— Ekaterina VELMEZOVA (Lausanne) : « L’«Analyse du discours politique soviétique » en français et en russe (à propos de la traduction du livre de P. Sériot) »
Le livre de Patrick Sériot « Analyse du discours politique soviétique » sera traduit en russe plus de vingt ans après sa publication en français (1985). Entre temps, plusieurs travaux concernant le domaine de l’analyse du discours en France ont vu le jour en Russie. Néanmoins, la traduction du livre de P. Sériot se heurte non seulement à des difficultés du caractère terminologique (qui, semble-t-il, apparaissent inévitablement dans la traduction de recherches linguistiques, ce à quoi nous consacrerons une partie d’exposé), mais aussi au fait que, au moins, une partie des lecteurs russophones ne semblent pas « bien préparés » à la réception de réflexions au sujet de la « langue de bois ». La preuve en est les discussions des linguistes et des philosophes russes au sujet de l’analyse du discours en France, y compris au sujet de la version originale du livre de P. Sériot.
— Tatiana ZARUBINA (Lausanne) : « Traduire Gilles Deleuze en Russie »
Traduire les philosophes n’est jamais facile car la traduction demande tout le travail de reconstruction de contexte intellectuel de l’époque pour essayer de la faire passer d’une culture à une autre. Mais en quoi Gilles Deleuze (1925-1995) est plus intéressant que les autres philosophes de son époque ?
La situation avec la réception de G.Deleuze en Russie n’est pas très claire. Pour citer J.Svirskij « même si on parle beaucoup de la figure de Deleuze, mais Deleuze reste le plus dur à assimiler ». Mais pourquoi ? Qu’est-ce qui crée autant des résistances à l’assimilation de Deleuze en Russie actuelle ? La situation se complique avec le fait qu’on parle beaucoup de Deleuze, mais peu de gens ont lu ses œuvres majeures. Si l'on prend comme référence les Dictionnaires et les Encyclopédies philosophiques, on voit Deleuze apparaître en Russie comme historien de la philosophie ou le culturologue, ce qui est inexact, du fait même de la non-existence en France d’une discipline telle que la « culturologie ». Il est sûr que Deleuze avait gagné le respect de ses collègues pour ses travaux sur Spinoza, Nietzsche, Bergson et même Kant, mais ses les plus remarquables œuvres ne sont pas du tout écrites dans le cadre de l’histoire de la philosophie.
Avant d’entamer la discussion de la difficulté d’assimilation de Deleuze en Russie, il faut dire quelques mots sur le fait que même en français sa pensée est difficile à appréhender. Pourquoi ? On peut évoquer deux raisons principales.
La première est qu’elle présuppose une solide connaissance de concepts philosophiques « classiques », une culture technique vaste. Deleuze a souvent l’habitude d’emprunter des problématiques à Kant, à Nietszche, à Spinoza (il a écrit trois excellents ouvrages sur ces philosophes) sans juger utile de rappeler au lecteur que le débat qu’il ouvre repose sur ces auteurs anciens. Son ouvrage qui s’appelle Le Pli nécessite une grande familiarité avec Leibniz.
La deuxième difficulté vient du fait que la pensée de Deleuze est exprimée dans une forme totalement originale, apparemment désordonnée, une forme qui est censée mettre en cause le principe même du livre. Mille Plateaux est, ainsi, un ouvrage, illustré de nombreuses images, que l’on peut (paraît-il) lire en le commençant n’importe où! Avec entre les mains un livre dont la forme si ouverte est si « séduisante », on peut facilement lire Deleuze au premier degré et passer à coté de nombre d’idées qui sont extrêmement techniques (immanence non transcendante, univocité de l’être et multiplicité) et extrêmement délicates. Deleuze est donc, un peu par sa propre faute, un philosophe très lu (très médiatisé sur le web) mais pas un philosophe très compris. Du coup il est souvent invoqué pour justifier n’importe quelle forme de rébellion individuelle contre la société…
En ce qui concerne notre analyse de difficulté de traduction de Deleuze en Russie, elle va s’appuyer sur notre traduction commentée et préfacée qui doit sortir prochainement. Il s’agit de la traduction d’un tout petit texte : Rhizome. Ce texte n’est pas une œuvre majeure de l’auteur mais un texte de la période de transition dans son œuvre et dans cette optique il devient très intéressant à traduire et à expliciter.