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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы


-- Shimon MARKISH (Université de Genève) : «
La «querelle des langues», une querelle sur les langues (d'après la presse juive d'expression russe, autour de 1910), in P. Sériot (éd.) : Langue et nation en Europe centrale et orientale du 18e siècle à nos jours, Cahiers de l'ILSL, n° 8, 1996, p. 177-194.

 

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«La querelle des langues» est le titre d'un article d'Ahad Haam (pseudonyme d'Asher Ginsberg, 1856-1927), philosophe et publiciste, fondateur et chef incontesté du «sionisme spirituel», qui avait pour but la renaissance de la conscience nationale et de l'essence spirituelle du judaïsme. L'article fut écrit dans le numéro de février de la revue juive (en hébreu) «Ha-Shiloah», qui en 1910 était publiée à Odessa. Les «langues en querelle» étaient l'hébreu (hébreu ancien) et le yiddish («jargon», langue «de la masse», langue «de la rue»); la langue de la culture et du culte, qui avait cessé d'être parlée il y a plus de 2500 ans et la langue vivante, langue maternelle de la majorité des Juifs de l'Europe d'alors et, vraisemblablement, des originaires d'Europe et de leurs descendants dans les deux Amériques. L'objet de la dispute était le droit d'être et de s'appeler la «langue nationale».

Cette querelle, le 20ème siècle l'a tranchée, de façon sanglante, sans retour et absolument pas de la façon dont se l'imaginaient ou la rêvaient les parties en présence au début du siècle. Si les sionistes, champions de l'hébreu appelaient de leurs vœux le déclin et même la disparition du «jargon» en l'espace de deux ou trois générations, comment pouvaient-ils prévoir que leur espoir se réaliserait grâce à l'action conjuguée de Hitler et de Staline ? Des «yiddishistes» il n'y a plus rien à dire.

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La querelle sur la langue nationale du peuple juif appartient à l'histoire. Cette histoire ne commence pas en 1910, mais bien plus tôt. Laissons de côté le problème bien connu de la diglossie des communautés juives dans l'Antiquité et au Moyen-Âge, pour nous tourner vers le début des temps modernes pour les Juifs, l'époque des «Lumières juives» (Haskala), dans le derniers tiers du 18ème siècle. A cette époque l'écrasante majorité des Juifs d'Europe parlaient le yiddish, et déjà les pères fondateurs de la Haskala (Mendelssohn, Wessely), qui s'étaient fixé pour but de sortir les Juifs du ghetto et de les initier à la culture du pays où ils habitaient, considéraient comme l'une de leurs tâches principales le refus de «ce jargon repoussant» au profit de l'apprentissage de la langue de la «nationalité majoritaire». En d'autres termes, il était proposé que la diglossie se maintînt, mais que la place du yiddish fût occupée par la langue du pays d'habitat : l'allemand, le français, le russe, etc. En Russie, la Haskala resta essentiellement un mouvement d'intellectuels et ne toucha pas les larges couches de la population : d'après le recensement de 1897, presque 97% des Juifs de l'Empire russe considéraient le yiddish comme leur langue maternelle[1]. Quant à l'intelligentsia, à mesure que s'élevait son niveau d'instruction, elle s'assimilait rapidement, et une certaine partie abandonnait complètement le monde juif et se coupait du peuple dont elle était issue. La situation change à partir des années 70 et surtout des années 80 du siècle passé. Les facteurs qui ont contribué à cette évolution sont :

1) la très forte montée de la conscience nationale et des mouvements nationalistes dans les différents pays d'Europe; 2) la «marche au peuple» de l'intelligentsia russe, l'une des formes précoces et pacifiques du populisme, qui trouva un écho et des imitateurs dans les rangs de l'intelligentsia russo-juive; 3) les «Grands pogroms» de 1881-1882, qui montrèrent de façon convaincante à l'élite intellectuelle non totalement assimilée combien vains étaient leurs espoirs de «fusion pacifique et sans douleur avec la population de souche». Il faut ajouter à ces facteurs les succès de la nouvelle littérature en yiddish, succès importants au point d'attirer l'attention des lecteurs et des critiques non juifs, et enfin, à partir de la fin du siècle, le mouvement ouvrier juif (le Bund), pour lequel le yiddish était un instru-
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ment essentiel, irremplaçable, d'agitation et de propagande. A l'exemple des peuples d'Europe et à leur suite le peuple juif se sentit constituer une nation; c'est pourquoi la question de la langue nationale ne pouvait pas ne pas se poser. Au début du siècle elle se posait déjà de façon aiguë. En voici un exemple.

Entre 1899 et 1904 parut à Saint Pétersbourg l'hebdomadaire «Buduščnost'», de tendance sioniste, mais qui ne se soustrayait pas à la tâche d'éduquer les Juifs de la diaspora, en s'efforçant d'élever «la conscience des masses juives». Dans le n°5 de l'année 1900 parut un article : «A propos de notre idiome populaire», signé par un pédagogue célèbre et jouissant d'une forte autorité à cette époque, scientifique et essayiste, auteur de nombreux dictionnaires et manuels d'hébreu, O. N. (Joshua) Steinberg. Le yiddish, disait-il, n'est pas seulement détestable en soi, en tant qu'absurde mixture de «dialectes» hétérogènes, il porte encore un tort considérable au monde juif, parce qu'il nous coupe du monde environnant tout en lui inspirant de la défiance envers nous et des soupçons insensés comme quoi notre jargon incompréhensible à quiconque nous permettrait de comploter et de fomenter des actes malintentionnés contre tout le monde. La réplique fut donnée à Steinberg par Moisej Perelman, partisan convaincu de Ahad Haam, et partisan de l'hébreu au moins aussi acharné que Steinberg lui-même. Sa réponse, intitulée «Sur la langue parlée russo-allemande» fut publiée dans le n° 13 de la même année. Voici les arguments les plus intéressants de Perelman :

Que se passerait-il, demanderons-nous à M. Steinberg, si nous, les Juifs, au lieu du jargon nous nous mettions à parler entre nous en hébreu ancien, dont la grammaire, la logique et la beauté sont reconnues par M. Steinberg (et que nous devrions parler)? L'hébreu n'est-il pas encore moins compréhensible au monde dominant que notre langue parlée? La langue des prophètes ne pourrait-elle pas inspirer des soupçons imaginaires du type que redoutent tant certains? [...] Pourquoi les membres de toutes les nationalités, où qu'ils aillent, parlent entre eux ouvertement leur langue, incompréhensible pour les autres, alors que seuls nous, les Juifs, devrions éviter de parler notre langue de tous les jours, de peur que les autres ne s'en offusquent? [...] Je ne suis pas non plus un adepte du jargon, et je n'irai pas jusqu'à me battre pour sa beauté. Mais je ne pense pas possible d'affubler d'é-pithètes humiliantes et répréhensibles une langue parlée par cinq millions de personnes. [...] Notre langue, cela ne fait pas de doute, est peu élaborée
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et insatisfaisante, elle est malhabile à exprimer la pensée abstraite, etc. Mais tant que notre peuple la parle, il faut en tenir compte. («Budusˇcˇnost'», 1900, n° 13, p. 250)

 La courte réplique de Steinberg à l'objection de Perelman est également intéressante et instructive : on y découvre l'abîme qui sépare les intellectuels de vieille trempe (Joshua Steinberg est né en 1830 et mort en 1908) et la jeune génération, dont les orientations nationales et démocratiques étaient indépendantes des conceptions politiques de chacun. Ce sont eux, les «maskilim»[2] à l'ancienne, qui portaient aux nues les bienfaits d'un pouvoir qui avait propagé «l'instruction» à main armée, et ce, dès les années 40 et 50, dès le règne de Nicolas I, qui était resté dans la mémoire populaire et le folklore le symbole et l'incarnation des plus grands malheurs; et Steinberg d'évoquer sans la moindre réserve «le sage tsar civilisateur Nicolas I». Ce sont eux qui ont commencé à maudire le «jargon», et qui depuis n'ont cessé de le faire, ce sont eux qui ont rêvé de l'éliminer de l'usage populaire. Et Steinberg le répète : 

Nous serions pleinement satisfaits si nos coreligionnaires pouvaient, avec le temps, se mettre à utiliser une langue correcte, digne d'être étudiée et accessible à quiconque désire la connaître. [...] Mais nous ne sommes nullement disposés à nous battre pour conserver et perpétuer dans notre peuple ce jargon monstrueux, ce porc-épic qui estropie notre langue biblique sacrée par des expressions tarabisquotées. (ibid., n°15, p. 295) 

Mais sans doute plus intéressant encore est l'écho suscité par cette polémique chez Semen Frug (1860-1916), le seul poète juif-russe à avoir acquis une célébrité à l'échelle de toute la Russie, un maskil «pur sang». De son vivant il fut déclaré «poète national», et cela non par les assimilateurs, mais par les futurs classiques de la nouvelle poésie en hébreu : Haïm-Nahman Bialik et Shaül Chernixovskij. Il écrit : 

Nous avons depuis longtemps une littérature en jargon. [...] Or ce n'est que tout récemment qu'on a commencé à parler du jargon, à le décrier et à le dénigrer, alors même que c'est dans cet abominable jargon, dans cette langue parasite, cette langue-porc-épic, selon l'énergique expression de M.
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Steinberg, que paraissent des livres utiles, instructifs, éveillant dans les masses juives une pensée claire et vivante, des nobles sentiments. Le jargon serait-il devenu plus laid et plus nuisible qu'il ne l'était auparavant ?
 

Dépassant les considérations, disons, utilitaires, Frug mentionne justement les qualités nationales du yiddish, ses liens indissolubles avec la mentalité juive et l'histoire juive : 

Ce n'est qu'en jargon qu'on peut entendre, sous une forme étonnamment humoristique et plaisante le récit que fait un Juif de sa propre situation, une situation propre à faire pleurer plutôt que rire. C'est un mystère, mais faut-il en chercher le secret dans le jargon lui-même? [...] Le jargon et le Juif qui le parle sont indissociables. Pour bien comprendre un Juif qui rit et qui fait rire les autres avec une histoire qui, dans toute autre langue donnerait le cauchemar, il faut comprendre ce jargon, et, pour ['apprendre, il faut commencer par apprendre à connaître les Juifs.[3] 

Cette observation remarquable fut par la suite répétée à maintes reprises par bien des gens.

L'épisode le plus marquant de la «querelle des langues» fut la conférence de Tchernovtsy en 1908, convoquée à l'initiative de l'écrivain et philosophe Nathan Birnbaum (1864-1937), sujet de la monarchie austro-hongroise, qui vécut une grande partie de sa vie en Allemagne. (II est sans doute nécessaire de rappeler que la Bukovine et sa capitale faisaient alors partie de l'Autriche). A l'ordre du jour il y avait des problèmes d'ordre purement linguistique (grammaire et orthographe du yiddish), culturel (littérature, théâtre, presse en yiddish), et particulier (traduction de la Bible en yiddish), mais tous étaient relégués au second plan par la discussion sur le rôle national du yiddish. Une partie des délégués exigeaient que l'hébreu soit déclaré seule langue nationale des Juifs, et que le yiddish soit considéré comme l'une des nombreuses acquisitions malheureuses de la diaspora, dénuée de toute signification nationale. Les extrémistes de l'autre bord affirmaient que la langue nationale ne pouvait être qu'une langue vivante, résonnant dans la bouche du peuple, autrement dit le yiddish, l'hébreu étant exclusivement la langue du passé et des rites religieux. Une ré-
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solution de compromis fut trouvée, grâce à la catégorie grammaticale de l'article : le yiddish était une langue nationale des Juifs (a natsionale shprakh), ayant droit d'égalité politique, culturelle et sociale avec les autres langues. L'article indéfini laissait à chacun la possibilité de déterminer de façon autonome son attitude envers l'hébreu : le considérer aussi comme une langue nationale, ou bien donner l'exclusivité de ce rôle à la «langue juive parlée», c'est-à-dire au yiddish. Mais cette solution de compromis, tout comme la conférence elle-même, avec son ordre du jour, ses séances et sa documentation entièrement en yiddish, suscitèrent une vague d'indignation dans les milieux hébraïstes en général et sionistes en particulier.

Comme il a été beaucoup écrit sur la conférence de Tchernovtsy[4], nous pouvons revenir maintenant à la querelle de 1910, qui fait l'objet de ce travail, et qui, à notre connaissance, n'a jamais été étudiée spécialement.

La cause, et peut-être le prétexte, en ont été deux événements survenus l'année précédente, en 1909 : la conférence des hébraïstes à Berlin et le scandale au congrès sioniste de Hambourg. A Hambourg les sionistes de Russie refusèrent d'écouter un exposé en yiddish et firent obstruction au conférencier. Celui-ci, rédacteur de l'organe officiel du mouvement sioniste en hébreu, déclara : 

J'avais devant moi le choix entre deux langues accessibles à rassemblée : le russe et la langue juive. En donnant la préférence à cette dernière, langue maternelle de la majorité d'entre nous, je ne m'attendais aucunement à des objections, et encore moins à un scandale. Nous verrons bien si vous oserez prendre devant le peuple juif la responsabilité d'un outrage si révoltant à rencontre de la langue qu'il parle et dans laquelle il pense. Le mépris de la langue du peuple équivaut au mépris du peuple. 

Le correspondant de l'hebdomadaire juif pétersbourgeois en langue russe Evrejskij mir [Le monde juif], à qui nous empruntons la citation ci-dessus, poursuit en écrivant : 

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Ces paroles ne font qu'irriter encore plus l'assistance. [...] On entend fuser de tous côtés des exclamations : «C'est la réponse à Tchernovtsy !» (I. Efren, 1910, colonnes 41-42) 

II ne fait aucun doute que les débats de 1910 s'appuient sur une longue histoire. Les défenseur du yiddish firent un pas supplémentaire en déclarant : qui n'est pas avec nous est contre nous ! 

Celui qui ne défend pas les droit de la langue juive [c'est à dire du yiddish — Sh.M.] pousse consciemment ou inconsciemment les Juifs dans la voie de l'assimilation. C'est dans cette situation que s'est trouvée à Hambourg une partie importante des sionistes de Russie. Leurs interventions véhémentes contre le «jargon» tant haï, leur préférence évidente pour le russe signifient un rejet total de l'idée d'une diaspora nationale. (A. Perelman, 1910, colonne 9) 

Mais les défenseurs de l'hébreu étaient inflexibles, eux aussi : lors de la conférence culturelle à Berlin dont il a déjà été question, il fut affirmé qu'on ne pouvait entendre par culture juive que «ce qui est créé en hébreu»[5]. La position de Ahad Haam était tout aussi intransigeante dans l'article mentionné au début de ce travail.

Ahad Haam affirme que les «yiddishistes» rejettent l'héritage des pères, et sont semblables à des «Ivans oublieux de leur parenté». La revue Evrejskij mir oppose deux arguments à cette accusation : 1 ) le combat en faveur du yiddish est un slogan pour une démocratie orientée vers une vie culturelle et nationale multiforme; 2) «la langue maternelle des masses» est le plus sûr «rempart» contre l'assimilation, qui «préserve de la perte du lien avec le passé spirituel», par conséquent «la lutte pour les droits de cette langue est une cause nationale»[6].

Un autre hebdomadaire juive russophone de la capitale, Novyj Vosxod [Le nouveau Lever de soleil] objecte à Ahad Haam qui affirme que si l'hébreu, langue nationale incontestée des Juifs, est mort, il ne reste plus rien d'autre à faire qu'à «hurler de douleur», parce que cette perte est irréparable : 

Imaginons que l'hébreu ne soit pas mort. [...] Mais même les hébraistes les plus convaincus ne pourront nier que cette langue a cessé d'être liée aux
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processus et aux perceptions qui se passent dans l'âme de tout Juif. L'hébreu a perdu ce lien il y a fort longtemps et est désormais totalement coupé de la vie psychique du peuple juif. La langue qui unit, qui explicite, qui met en ordre les matériaux présents dans la conscience nationale pour sept millions de Juifs est maintenant la langue juive, le «jargon». Nous ne parlons pas, bien entendu, d'un matériau donné une fois pour toutes, mais d'un contenu intellectuel et psychique perpétuellement renouvelé, créé et créateur, dont l'élément constitutif essentiel est la langue. Le rôle psychologique déterminant dans l'économie de la pensée nationale est passé de l'hébreu à la langue juive. («Evrejskaja pecˇat'», 1910, colonne 11) 

Parmi les contradicteurs d'Ahad Haam on trouve aussi Nathan Birbnaum, dont un article parut dans le même Evrejskij mir (n°17 et 18), sous le titre «Sur la querelle des langues (Réplique à Ahad Haam)», et portant le pseudonyme de Matthias Akher, habituel pour lui à cette époque. Néanmoins, bien qu'il ait été publié dans un périodique juif en langue russe, cet article fait partie du journalisme en yiddish : c'est en yiddish que Birnbaum l'a écrit et publié tout d'abord, dans son journal qu'il éditait à Tchernovtsy. Il faut du reste noter que la publication de la traduction russe resta inachevée, pour une raison inconnue.

Il est naturel que la participation à la discussion de grande figures de la littérature juive d'expression russe ait suscité un intérêt tout particulier. On trouve parmi elles S. An-skij (1863-1920), prosaïste, folkloriste, ayant joué un rôle important dans la vie publique, auteur de la célèbre pièce «Dibbuk», et Semen Dubnov (1860-1941), grand historiographe juif de la seconde moitié du siècle dernier et de la première moitié de ce siècle.

L'intervention de S. An-skij, intitulée «Le nationalisme créateur et le nationalisme en paroles», fut provoquée par l'article de Sh. Niger (pseudonyme de Shmuel Czarny, 1883-1955, critique littéraire, écrivant essentiellement en yiddish) : «Sur les sympathisants»[7]. S. An-skij écrit au début de son article qu'il n'y a pas à douter de la justesse du slogan : 

la langue populaire juive comme fondement de toute la création culturelle nationale. [...] Pour édifier une culture nationale la langue maternelle des

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masses populaires est sinon le seul, du moins l'un des facteurs primordiaux.
 

Mais il ne faut pas réduire toute la vie nationale à une seule chose : la langue ! 

Toute l'histoire juive en témoigne de façon certaine, l'existence nationale du peuple n'est nullement déterminée par la langue. 

Niger accusait une partie de l'intelligentsia nationale juive d'inconséquence et même d'hypocrisie, car elle proclamait bien fort que le yiddish était sa langue maternelle alors qu'en réalité elle utilisait des langues étrangères. Or voici la réponse de S. An-skij à cette accusation : 

M. Niger a en tête, bien sûr, non seulement les écrivains et les essayistes de la littérature juive d'expression russe, mais un cercle de gens beaucoup plus large, dans le milieu des professions libérales : médecins, avocats, ingénieurs, chimistes, une bonne partie des industriels, etc. Tous ces gens sont entrés dans la catégorie de l'intelligentsia par le canal de l'école russe, de l'université russe, de la culture russe. Ils continuent à vivre de cette culture, non seulement dans le domaine spirituel, mais encore au point de vue matériel. Il ne faudrait tout de même pas oublier que les quatre cinquièmes, si ce n'est les neuf dixièmes de notre intelligentsia diplômée travaille sur le sol d'une culture qui n'est pas la sienne : elle est employée dans les zem-stvos, elle mène les procès dans les tribunaux russes, travaille dans les usines et les ateliers russes, parmi des ouvriers russes, etc. Pour cette intelligentsia, toute la vie, aussi bien spirituelle que matérielle, indépendamment de ses sentiments nationaux, est totalement liée à une culture étrangère. [...] Or l'intelligentsia ne peut retrouver sa langue maternelle qu'à condition de revenir à son peuple. Cela ne sera possible que lorsqu'il y aura dans la vie juive un socle culturel sur lequel cette intelligentsia puisse appliquer ses forces et son savoir. Or à l'heure actuelle un tel socle nous fait totalement défaut, et la majeure partie de notre intelligentsia diplômée est obligée d'aller vers un autre peuple, et d'offrir ses forces créatrices à une culture étrangère. 

Il y a plus : toute notre intelligentsia, non pas en théorie mais en pratique, en réalité,

 satisfait ses besoins ordinaires en valeurs culturelles et intellectuelles non point grâce à la culture juive, mais grâce à la culture russe, polonaise, allemande, etc. 

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La raison en est élémentaire : 

II n'existe pas encore de culture juive qui puisse faire vivre l'intelligentsia. Les Juifs orthodoxes vivent leur culture nationale. Ils ont non seulement leur culte, mais encore leur science, leurs institutions, leur système d'éducation, leurs écoles, leurs coutumes et leurs formes de vie, y compris leurs ustensiles d'ameublement et leur costume. Tout cela porte la marque d'une culture nationale élaborée au cours des siècles. Mais l'intelligentsia, qui a totalement abandonné cette culture, n'a pas encore élaboré une culture nationale qui soit empreinte des fondements de l'universalisme européen.

 Les conclusions à tirer sont les suivantes : 1) le retour pur et simple à la langue du peuple juif ne signifie pas encore le retour au peuple juif : on ne peut revenir au peuple ou à la langue que par le biais d'une activité nationale créatrice; 2) il ne sert à rien d'accuser ou de démasquer l'intelligentsia en voie d'assimilation, il faut au contraire l'attirer vers les intérêts du peuple juif, 

et cela ne peut se faire que dans la langue qui seule lui est accessible, ne serait-ce que M. Niger, quand il a adressé à cette intelligentsia un appel à revenir à la langue maternelle, ce n'est pas dans cette langue maternelle qu'il s'est exprimé, mais bien en russe. (Evrejskij mir, 1910, n° 19-20, colonnes 12-20) 

Les remarques de S. An-skij, qui écrivait lui-même aussi bien en russe qu'en yiddish, attirent l'attention non seulement par leur pondération et leur justesse, mais encore par leur actualité : elles pourraient s'appliquer dans une large mesure à la situation actuelle, par exemple en Russie.

La seconde intervention de S. An-skij sur la querelle des langues dans le Evrejskij mir en 1910 est également polémique : il réagissait à l'article de Vladimir Medem (1879-1923), l'un des leaders et idéologues du Bund, bien connu de son vivant et après sa mort (la bibliothèque yiddish de Paris porte son nom). L'article de Medem était intitulé «Lettres sans adresse». La première partie fut publiée dans le n°23-24; c'est à ce texte que répondait S. An-skij. Medem exigeait pour le yiddish une place privilégiée parmi les langues utilisées par les Juifs de Russie : 

L'éternelle cohabitation des défenseurs des trois langues [...] sous un même toit, l'éternelle nécessité de faire des compromis, avec lesquels c'est toujours le petit frère qui perd. [.,.] Je n'appelle pas à une rébellion contre
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des valeurs millénaires. [...] Mais tout doit trouver sa place. Le passé a la sienne dans le passé. Qu'il vive dans le placard, et qu'il laisse vivre les autres. Sinon, ce sera la guerre. [...] Nous sommes pleins de respect pour les anciennes valeurs d'une culture millénaire; nous ne sommes pas des vandales et des iconoclastes. Et la langue de cette culture ne rencontrera aucune attitude irrévérencieuse de notre part. Qu'elle reste en paix en place d'hon-neur du travail scientifique et de la tradition historique. Mais sur les grands espaces de la vie vivante la place est à ce dont a besoin cette vie. Il faut balayer la route. (ibid., n°23-24, colonnes 13-14) 

La réponse de S. An-skij est intitulée «Lettre avec adresse». Le passé, écrit-il, est vivant, non dans le placard, mais au fondement de toute forme de la culture nationale juive. Entrer en guerre contre l'hébreu revient à «scier la branche sur laquelle on est assis»[8]. Mais Medem ne recule pas d'un pouce. Dans les «Lettres sans adresse - 2» il s'exprime de façon encore plus claire et décisive : 

Une guerre est en cours entre les langues pour occuper une place dans la vie culturelle des masses. Il ne saurait être question ici de tolérance, car tout ce qui est gagné par l'une est perdu par l'autre. [...] Ne pourrait-on pas tout concilier ? Non, c'est impossible. Parce que concilier signifierait pour le «jargon» renoncer. [...] L'idée même de conciliation revient à celle d'indi-gence nationale de la langue juive. Voilà pourquoi il faut combattre cette idée, voilà pourquoi il faut être intolérants. (ibid., n°33, colonnes 7-8) 

(Medem eut de la chance : il ne vécut pas assez pour connaître l'époque où le principe d'intolérance fut appliqué dans son pays aux deux langues juives, d'abord à l'hébreu, puis, à la fin du règne de Staline, au yiddish).

On peut considérer comme l'épilogue et, en quelque sorte, le point d'orgue de cette discussion l'article de Semen Dubnov «Pensées sur le journalisme juif d'expression russe. Pour son cinquantenaire, 1860-1910», publié dans la même revue, Evrejskij mir, l'année suivante, 1911. Il porte sur un autre thème, mais plus de la moitié est consacré au problème brûlant de la langue. Voici quelques extraits parmi les plus caractéristiques :
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Le multilinguisme de la littérature juive actuelle provoque une vive douleur dans l'âme de tout Juif pourvu d'une conscience nationale. Il y a de quoi s'alarmer de la perte grandissante de la langue nationale et de la langue populaire parmi les Juifs de Russie, un phénomène qui a pris corps dans l'intelligentsia d'avant-garde il y a un demi-siècle et qui s'étend de façon spontanée d'année en année. Il faut lutter de toutes ses forces contre ce désastre national, contre toutes les formes d'assimilation. [...] Mais nous connaissons les limites de cette lutte, nous savons que [...] dans les plus larges couches de la société [...] le russe servira encore pendant longtemps d'instrument de la littérature juive. C'est dans ce milieu qu'il nous faudra encore longtemps mener la lutte pour l'idée nationale, et dans la langue qui est la sienne; il faudra utiliser le russe pour faire la propagande en faveur de la langue juive. Nous allons essayer d'élargir le territoire de la langue juive aux détriments du russe, mais [...] si le public lisant en russe se restreint sans qu'augmente celui qui lit la langue juive, ce sera une calamité nationale. [...]

Pendant un demi-siècle on a confectionné et [...] perfectionné l'un des instruments les plus forts de la culture juive : la littérature juive d'expression russe. Cet instrument est maintenant à la disposition du peuple, prêt à être utilisé pour renforcer la nation dans sa lutte pour l'existence. L'idée d'abandonner cet instrument ne peut nous être soufflée que par des ennemis de notre peuple ou des amis qui se font une fausse idée de ce qui est bien pour lui. Eh bien non, nous utiliserons cet instrument tant qu'il nous sera nécessaire, et nous ne le remiserons aux archives que lors de l'idéale «fin des temps», lorsque notre peuple uni aura une langue unique. (Evrejskij mir, 1911, n°16, colonnes 43-44)

 Dubnov n'était pas seulement historien, mais encore un essayiste fécond, jouissant d'une grande autorité; son opinion était écoutée par ceux qui partageaient ses opinions (partisans d'une autonomie culturelle nationale dans la diaspora) comme par ses adversaires (les sionistes et les assi-milationnistes de diverses tendances). Il reconnaissait la valeur intangible de l'hébreu (la «langue nationale»), mais tenait en très haute estime la valeur culturelle du yiddish (la «langue du peuple»). Il est d'autant plus significatif, et sans doute plus important qu'il défende cet «outsider» qu'est le russe dans les débats sur la langue nationale. Sans mettre «la langue étrangère au peuple» sur le même plan que sa «langue à lui», il affirme néanmoins :

 

Certes, à conditions égales, le contenu national a plus de valeur dans un contenant national qu'étranger, c'est à dire dans notre langue que dans la
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langue du peuple qui nous entoure. [...] Mais si le contenu est inégal, l'avantage pourrait bien ne pas être du côté du «contenant national». (ibid., col. 45)

 

II faut dire que Dubnov ne fut pas le premier, lors de cette «querelle», à parler du rôle et de l'importance du russe pour les Juifs de Russie. Les contempteurs du yiddish, suivant en cela les traces des maski-lim du siècle précédent, déclaraient en effet que le russe est de toute façon préférable au «jargon»[9]. II y eut d'autre part des voix pour dire que «pour l'intelligentsia juive de Russie la langue maternelle n'est pas le 'jargon', mais le russe»[10]. En fait, aussi bien Sh. Niger que V. Medem voulaient déloger le russe de ses positions. Le célèbre ethnographe et essayiste, ancien membre de la Narodnaja volja [La Volonté du Peuple[11]] Lev Sternberg (1861-1927) écrivait dans Novyj Vosxod :

Du point de vue sociologique il est tout à fait indifférent que ce soit le jargon ou le russe qui gagne, puisque les Juifs peuvent utiliser le russe pour créer des valeurs purement juives. (Sternberg, 1911, col. 10) 

L'écrivain et sociologue Sarah Rabinovič (née en 1880) propose un raisonnement beaucoup plus fin :

 

Les dangers culturels liés pour nous à l'étude du russe proviennent justement du fait que le russe n'est pas une langue étrangère pour nous, que nous ne pouvons lui opposer le contre-poids d'une langue maternelle, au contraire, nous sommes obligés de l'utiliser comme langue maternelle, nous devons nous pénétrer de ses profondes richesses pour pouvoir exprimer ce qui fait notre vie propre. C'est pourquoi nous ne pouvons admettre que ces richesses ne soient pas séparées de la culture du peuple russe dans notre conscience. En effet, si elles ne l'étaient pas, nous serions privés de toute possibilité d'incarner dans les mots la plénitude de notre vie spirituelle, et chaque étape de notre évolution nous ferait nous dissoudre encore
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plus dans le peuple dont nous utilisons la langue pour exprimer cette évolution. (Rabinovicˇ, 1911, col. 16-17)

Derrière les différences d'approche et de jugement, un fait reste évident, c'est qu'on reconnaît que le russe pourrait en principe évincer le yiddish et devenir la langue universelle des Juifs de Russie.

Or voilà que plus d'un demi-siècle plus tard le prosateur juif américain Sinthia Ozik exprime, mutatis mutandis, une idée similaire : la langue de la plus importante communauté juive du monde, l'anglais américain, peut et doit devenir la nouvelle lingua franca juive, un nouveau yiddish, non seulement comme moyen de communication, mais comme véhicule d'un nouveau type d'expression artistique.

Ce serait une impardonnable lacune de ce travail que de passer sous silence l'article de losif Bickerman (1867-1945), journaliste de tendance progressiste, qui a passé beaucoup de temps en polémiques contre les sionistes et les autonomistes. Cet article parut dans le recueil «Questions théoriques et pratiques de la vie juive», préparé par la rédaction de Evrejskij mir en 1910, et fut accompagné de la réponse d'Aaron Perelman, déjà mentionné. Dans la partie spécialement consacrée à la langue, Bickerman affirme que, si la perte de la langue signifie ordinairement la mort d'un peuple, cela n'est pas applicable aux Juifs : le peuple juif «s'est émancipé de la langue» précisément pour survivre; que le «jargon» n'est qu'un simple langage populaire, et certainement pas une langue nationale, et enfin que le sort qui attend les Juifs de Russie est «la russification par la langue». Quelle que soit la façon dont on prend ces affirmations, elles ne mériteraient pas à elles seules qu'on présente l'article de Bickerman à l'at-tention d'un lecteur d'aujourd'hui. Mais voici un autre passage, qui nous semble revêtir une importance capitale :

Quelque rapide que soit révolution de la culture juive vers une nouvelle étape historique, les Juifs ne seront plus jamais un peuple isolé comme autrefois. [...] Il ne fait pas de doute non plus que la culture juive ne peut être pour les Juifs ce que la culture française est pour les Français, [...] et les Juifs ne constitueront pas une nation au même sens que les Allemands ou les Français. [...] Vivant dans des États différents, dont aucun n'est le sien, le peuple juif est obligé de se pénétrer de la culture de ces Elats. [...] Mais cela ne signifie nullement que nous soyons condamnés à une double vie.
[191]
Notre vie n'est pas divisée en deux, elle est multipliée par deux.
Le fait que la croissance spontanée de l'État russe et la solidité tout aussi spontanée manifestée par le peuple juif dispersé, que la cause de Pierre le Grand et la cause de Maccabée, l'image de Herzen et celle d'Isaïe, bref, que ces deux séries de phénomènes soient sélectionnés en même temps dans ma conscience sur le fond de tous les autres événements mondiaux, comme quelque chose de proche, qui m'appartient en propre, tout cela n'a rien d'anormal, il s'agit seulement d'une complexité inhérente à l'homme moderne. (Bickerman, s.d. : 150-151)

On trouve là l'embryon, à l'état de slogan, de l'idée que les Juifs appartiennent à deux ou plusieurs cultures à cette époque nouvelle qui commence avec le 20ème siècle, idée, qui plus est, fondée non pas sur la conception de l'exception, de l'unicité ou de l'élection des Juifs, mais sur la prise de conscience de la complexité grandissante des conditions de l'existence humaine en général. C'est ainsi que dans le cadre de la querelle sur les langues a pris forme une notion fondamentale pour les Juifs d'aujourd'hui, élaborée en détails par le rabbin américain M. M. Kaplan, étoile de première grandeur au firmament intellectuel juif de notre siècle. Mais cela, ce fut pas moins de vingt ans après l'article de Bickerman : le livre de Kaplan : Judaism as Civilisation parut à New-York en 1934.

Nous regardons la querelle des langues «depuis le futur», nous savons comment elle s'est terminée, nous connaissons la carrière brillante et unique de l'hébreu — cette langue morte a repris vie à tous les niveaux linguistiques et sociaux — , et le sort amer du yiddish — cette langue vivante non seulement est devenue une langue morte, objet de recherches savantes, mais auparavant avait été brûlée en même temps que ses locuteurs dans les fours crématoires d'Auschwitz et de Treblinka, et écrasée par les bottes des «patriotes russes soviétiques» sous Staline et ses successeurs. Aujourd'hui nous percevons cette querelle par l'esprit et la raison, mais non par le cœur, comme au début du siècle. C'est pourquoi nous semble particulièrement important le témoignage de l'écrivain-yiddishiste le plus connu au monde, le plus traduit dans toutes les langues : Shalom Aleikhem, un yiddishiste à qui il arrivait d'écrire et d'être publié en russe et en hébreu. C'est justement en 1911, heureuse coïncidence pour nous, qu'est paru à Varsovie le premier tome des œuvres choisies de Shalom Aleikhem dans sa propre traduction en hébreu. On peut lire dans la préface de l'auteur : 

[192]
Je tiens à dire qu'en moi les deux langues [l'hébreu et le yiddish - Sh. M.] ne sont pas en relations d'hostilité, mais ont de l'attirance l'une pour l'autre, et cohabitent pacifiquement, tranquillement, en sœurs, en amies. Il n'y a entre elles, que Dieu nous en préserve, ni jalousie ni haine, chacune boit à la coupe de l'autre.

Ne t'en étonne pas, lecteur : notre nation ne ressemble à aucune au monde :   elle vit dispersée depuis plus de deux mille ans, elle est séparée de sa terre,   nomadise d'un pays à l'autre [.,.] et ce n'est que justice que nous ayons deux langues à la fois, et même pas deux, mais une grande quantité. Voilà pourquoi, à ce qui me semble, nous devons accepter avec amour l'une et l'autre. [...]

Et en ce qui concerne la «querelle des langues», je la laisse à mes amis savants. [...] En ce qui me concerne, je suivrai mon chemin comme toujours : j'écrirai pour mon peuple, je représenterai des scènes de sa vie dans sa langue maternelle, pour les traduire ensuite dans notre langue ancienne, et même ses adversaires les plus acharnés seront obligés de reconnaître qu'elle n'en a point d'égale parmi les autres langues de la terre : c'est une langue éternelle, la langue du passé et de l'avenir, du début à la fin des temps.[12]

 

© Shimon Markish (traduit du russe par P. Sériot)

 

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

 

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—— (1910) : «Pis'mo po adresu» [Lettre avec adresse], in Evrejskij mir, n°26.

— BICKERMAN, I. (s. d.) : «Nacionalism i nacija» [Le nationalisme et la nation], in Teoretičeskie i praktičeskie voprosy evrejskoj žizni, (sans lieu).

– BOROXOV, B. (s.d.) «Jazyk razgovorno-evrejskij» [La langue juive parlée], in Evrejskaja ènciklopedija, t. XVI, SPb.

— DUBNOV, S. (1911) : «Mysli o russko-evrejskoj žurnalistike...» [Pensées sur le journalisme juif d'expression russe...], in Evrejskij mir, n°16.

— EFREN, I. (1910) : «Evrejskij jazyk pered sudom russkix sionistov» [La langue juive jugée par les sionistes de Russie], Evrejskij mir, n°2.

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—— (1910) : «Pis'ma bez adresa, II» [Lettres sans adresse, II], in Evrejskij mir, n°33.

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— «Obzor... 11» (1910) : «Obzor evrejskoj pečati. Ob Axad-Gaame i o 'nepomnjaščix rodstva'» [Revue de la presse juive. A propos de Ahad Haam et de 'ceux qui ont oublié leur parenté'], Evrejskij mir, n° 11.

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— PERELMAN. M- (1900) : «O rossijsko-nemeckom razgovornom jazyke» [Sur la langue parlée russo-allemande», Buduščnosti', n° 13.

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— ROBIN, R. (1984) : L'amour du yiddish, Paris : Éditions du Sorbier.

— ROTHSTEIN, J. (1977) : «Réactions of the American Yiddish Press to the Tshernovits Language Conférence of 1908», International Journal of the Sociology of Language, vol. 13.

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— ŠALOM ALEIKHEM K. (s.d.) : Kithbhei, vol. 1, Varsovie : Ha-Sahar.

— WEINREICH, Max (1973) : Geshikhte fun der yidisher shprakh, 4 Bd, New York : Yivo (Traduction anglaise des 2 premiers volumes : History of the Yiddish Language, Chicago : University of Chicago Press, 1980).

 



[1] Décomptes effectués par B. Boroxov, s. d., colonne 376.

[2] maskilim (nom pluriel): hommes des Lumières, hommes de la Haskala, singulier : maskil.

[3] S. Frug : «Jazyk-dikobraz (Zametki profana)» [La langue-porc-épic, remarques de prophane], Buduščnost', 1900, n° 18, p. 370.

[4] Cf. Samuel, 1971, Miron, 1973, Goldsmith, 1976, Rothstein, 1977, Fishman, 1981 (avec une abondante bibliographie), Robin, 1984. En yiddish il faut évoquer avant tout l'œuvre capitale de Weinreich, 1973.

[5] «Obzor...6», 1910, colonne 14.

[6] «Obzor...11», 1910, colonnes 14-16.

[7] Cet article fut imprimé dans le n°7 de l'hebdomadaire Evrejskoe obozrenie [La revue juive], qui s'était substitué à Evrejskij mir, fermé pour trois mois par les autorités.

[8] ibid., n° 26, colonne 15.

[9] Cf., par exemple, Evrejskij mir, 1910, n°2, col. 41; n°6, col. 14-15. Cf. également Eremija N-skij, 1910, col. 6-10.

[10] Ibid., n° 21, col. 3.

[11] Organisation terroriste révolutionnaire clandestine, fondée en 1879, responsable en particulier de l'assassinat du Tsar Alexandre II en 1881 [N. du T].

[12] Šalom Aleikhem, s.d. Cette référence m'a été signalée par Aminadav Dykman, à qui j'exprime ici ma reconnaissance.

 


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