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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы


-- Nouvelle rubrique : nos étudiants en stage en Russie et Europe orientale nous écrivent et nous font part de leurs aventures et de leurs états d'âme.


— 2007-2008 Stéphanie DUBOSSON

Un voyage hors du temps

 

Ce fut un voyage bien incroyable que celui vers Pskov. C’est un peu comme si le temps s’était arrêté, et les ennuis avec… Eh oui, je partage d’ailleurs cette impression avec mes amies italiennes. Il ne se passe pas un jour ici, à Piter (Saint Pétersbourg, pour les intimes…) sans un nouveau souci. Par exemple, le jour d’anniversaire de l’une d’entre elle a coïncidé avec le blocage de la carte magnétique qui permet d’entrer et de sortir de la maison d’étudiants. Soi-disant qu’elles n’avaient pas payer plus leur logement, alors que c’est leur université italienne qui s’occupe de cela. La même chose m’est arrivée à mon retour de Pskov, alors que dans les accords c’est l’université de St Pétersbourg qui se charge de la facture. Parfois, je me demande s’ils cherchent à créer des problèmes quand il n’y en a pas. A ce propos, la tante de ma camarade de voyage m’a dit que ça doit être ennuyeux de vivre en Suisse où tout fonctionne comme sur des roulettes. Je dois bien avouer que je veux à nouveau m’ennuyer !

De ce type de tracas, j’ai eu le sentiment d’en avoir été partiellement épargnée lors de mon voyage à travers l’espace-temps. Pskov restera avant tout une période de repos de quelques jours dans une charmante petite ville provinciale russe. Avec tout ce qu’il y a de plus typique !!

Avec ma camarade de classe camerounaise, nous avons pris le départ à 17h20 précises de la gare Vitebskij. Nous papotons gaiement, bien qu’étrangement déjà fatiguées par les 5h de train qui nous attendent. Au départ, nous passons une horloge suisse : c’est un peu comme de se retrouver dans un wagon CFF pour quelques instants, la ponctualité en prime. Mais il fait bien sombre. Il est bien vrai que cela pourrait être un train de nuit, mais tout de même, l’après-midi… Toujours est-il que la lumière s’allume tout à coup après quelques kilomètres de trajet. Conclusion, cela doit fonctionner à la dynamo. Et l’expérience semble le prouver par la suite : les lumières s’éteignent après quelques instants d’arrêt et reprennent de la vigueur après que le train en route. Le voyage s’est au travers d’une certaine somnolence. Une façon de récupérer avant l’heure, peut-être.

Arrivées à Pskov, c’est la neige qui nous a accueillie avant toute chose. Une surprise, surtout que l’on ne pensait pas à cette éventualité et que l’on ne l’avait surtout pas prévue. Mais on fera avec. Effectivement, le lendemain, on ajoute tant bien que mal plusieurs paires de chaussettes les unes sur les autres, sans oublier le summum du comble, ai-je envie de dire : les galoches pour éviter d’avoir les pieds mouillés. Pour ceux qui ne savent ce que c’est que des galoches, en gros, ce sont des pseudo chaussures en plastique (uniquement, donc non isolantes du froid, soulignons-le clairement). Un conseil aux suivants : éviter plutôt les flaques d’eau que de porter de telles chaussures !!

Munies de nos nouvelles baskets de compétitions, après une heure de trajet dans un autobus qui, ma foi, n’est pas si mal que cela, nous atteignons notre premier point de visite après une heure de trajet : le monastère de Petchori et avant toute visite, nous nous procurons une nouvelle paire de chaussettes en angora, histoire d’avoir un peu plus chaud. La vendeuse, peinée de nous voir frigorifiée, nous donne encore de petits sacs en plastiques à enfiler autour de nos pieds. Une façons bien improvisée d’essayer de nous réchauffer et je dois dire que je savais d’avance que cela ne m’aiderait pas. Mais autant faire dans le folklore, tant qu’on y est. Soulignons tout de même que la suite a été moins frigorifique, à demi passée dans les églises presque surchauffées et même si la température était inférieure à 0°.

La vue était splendide : mince couche de neige fraîche et temps radieux. Journée donc réussie que celle du dimanche de la fête nationale (qui nous a permis de profiter d’un jour de congé gratuit : le lundi remplaçant le jour « perdu » pour les salariés). La campagne russe était effectivement revêtue des premiers signes de l’hiver qui s’est depuis installé. Que demander alors de plus ? Peut-être un four à pied…

Le soir, un bon petit repas composé d’une soupe de poisson, de quelques pelmenis maison et d’un bon thé chaud. Ensuite, le repos accordé nous sembla bien mérité. Et c’est promis, demain nous irons à la bania de Pskov, vieille, paraît-il, de deux cents ans environ. On nous a dit que c’était un marchand, après avoir perdu la tête, qui a construit cette institution.

Pskov, en elle-même, est une ville russe très ancienne. La plupart de ses monuments sont des églises, un peu redondant en Russie, mais tout de même à chaque fois magique : iconostase unique, grandeur et style à chaque fois différent. Mais à Pskov, cela étonne encore moins, car c’est la ville de Ste Olga, première chrétienne de Russie. Cette femme hante la ville : souvenirs à son effigie, statues, et j’en passe. Mais un autre élément qui est surprenant à Pskov, c’est son Kremlin. Toute ancienne ville russe importante en possède un : Staraja Ladoga, Novgorod Velikij et Nijni, et bien évidemment Moscou. Mais celui-là m’a beaucoup plu. Peut-être du fait que mon humeur s’y prêtait, que le temps l’embellissait et que à chaque lieu sa particularité. Un ensemble de choses qui m’ont donné l’impression de passer un séjour agréable.

Plus que le Kremlin, ce qui me restera à jamais gravé dans mes souvenirs, ou du moins pour longtemps, c’est le bania russe. Rendez-vous à 18h. La nuit est déjà tombée, nous parcourons la ville dans le froid jusqu’à cet établissement honorable situé au bord de l’une des rivières qui traversent la ville, élément essentiel au bania… Au bania russe, on nous attribue un vestiaire où l’on se change, enfin, où l’on dépose nos affaires et l’on entoure notre tenue d’Adam ou d’Eve, dans notre cas, d’un linge pudique. Ensuite, il y avait une deuxième antichambre, elle aussi ressemblant à un pseudo vestiaire. Là, on laisse son linge et l’on entre dans une pièce où il y a trois douches, des bacs en métal, utiles à la fin pour se laver en cas de fortes affluences, ce qui veut dire à chaque fois qu’on s’y rend. Puis, après avoir surmonté notre pudeur devant toutes ces femmes autant habillées que nous, on entre dans le four. Franchement, leur semblant de sauna ressemblant plus à un four : ce n’est pas seulement la chaleur qui me fait dire cela, mais également le plafond entièrement noirci par la chaleur. A l’intérieur, c’est effectivement une chaleur étouffante où se côtoient tous les âges du même sexe. Tantôt on s’y fouette à l’aide de plusieurs branches d’un buisson, dont le nom m’est inconnu, tantôt on s’occupe de le faire pour vous. J’ai eu droit à cela. La première fois, cela m’a fait atrocement mal. La deuxième fois, la tante de ma camarade de classe et son amie se sont épuisées sur mon dos : elle voulait qu’il devienne rouge, mais sans résultat. Tout ce rituel est, paraît-il, nécessaire contre les maladies. Je veux bien croire. Le bania est aussi un moyen de se laver et quand on a appris qu’en Suisse on allait pas toutes les semaines au sauna (presque l’équivalent du bania, enfin, ce qu’il y a de plus proche), on m’a alors demandé comment est-ce que l’on pouvait et se laver et vivre. Il me semble que jusqu’à présent j’ai très bien vécu. Ce processus de torture (j’exagère, j’avoue) est arrêté par une pause. On sort alors du four, on se rince, on se dirige vers le deuxième pseudo vestiaire où l’on a déposé notre linge que l’on remet alors autour de soi pour pouvoir sortir dans la neige et le froid (quand nous y sommes allées, il faisait -4°, mais ce n’est pas encore extrême) pour se diriger vers notre lieu de baignade qui fait partie du rituel : la rivière qui se trouve à proximité. Je dois avouer que je n’ai pas réussi à tremper plus que mes pieds dans l’eau glacée, mais j’ai tout de même eu droit à un saut d’eau gelée renversé sur ma tête. Et voilà, le processus se répète plusieurs fois, jusqu’à la fin du temps qui nous est imparti. J’ai trouvé le bania incroyable, mais je crois que je préfère encore le sauna, et surtout le hammam de Lavey-les-bains !! Tout de même, cette expérience, parachevée par un thé avant la sortie, demeurera pour moi un souvenir incroyable !! De quoi raconter à mes petits-enfants…

Et voilà ce que c’est Pskov : un retour dans le temps, une plongée glacée dans la culture russe. Ensuite, on a recharché ses batteries et l’on peut à nouveau pour quelques temps affronter la vie d’étudiant à Piter…

8.11.07