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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы


-- Nouvelle rubrique : nos étudiants en stage en Russie et Europe orientale nous écrivent et nous font part de leurs aventures et de leurs états d'âme.


— 2007-2008 Stéphanie DUBOSSON

Elections et écologie

 

Difficile de passer à côté de la campagne des élections parlementaire… « Единая Россия » (Russie unie) par-ci, « единая Россия » par là, affiches bleues claires (couleurs de St Pétersbourg…) vantant les mérites du parti de Poutine. Les rues sont presque plus peuplées de gens distribuant des flyers pour le parti présidentiel que de quidam, en cette période qui se fait, malgré tout, de moins en moins agréables. A chaque fois que l’on me tend l’un de ces bouts de papiers, si ce n’est pas une gazette, je tente de fuir à l’anglaise ou mieux, j’ai l’envie soudaine de montrer mon passeport pour bien signifier que non, je n’irai pas au bureau de vote le 2 décembre.

Et puis, de toutes façons, ça m’intéresse pas plus que ça. J’ai décidé de prendre des vacances politiques durant mon séjour pétersbourgeois. Désolée, je ne pourrai pas faire une analyse complète et détaillée des événements des derniers jours, même si j’ai pas l’impression que tricherie il y a eu. Toujours est-il que même si la victoire de la Russie est annoncée, que « je suis dans le plan Poutine » (« Ты в плане Путина», woaw, trop la classe !!), je me suis arrêtée sur un autre aspect de la vie russe. Les déchets. Eh oui, jamais je n’ai vu de containers aux abords de ma cité U. Mais où déposer alors la poubelle ?? Grande question la première fois qu’il s’est agi pour moi de la sortir. Bon, déjà, question poubelle, ici, c’est plus un sac en plastique ramené des commissions. Pour ça, je comprends cette méthode. Déjà, les sacs en plastiques coûtent rien, et les vrais sacs à poubelles que j’ai trouvé, malheureusement, ce sont pas de première qualité… Autant dire que question écologie, mieux vaut choisir la première solution…

Un jour donc, gaiement, nous sommes parties en expédition avec ma voisine de chambre pour l’avant dernier lieu de séjour de nos chers déchets (enfin, avant-dernier séjour présumé de ma personne…). Incroyable, nous ne prenons pas la direction de l’ascenseur mais plutôt celle de la sortie de secours. Désolée ma belle, mais aujourd’hui, j’ai pas trop envie de me lancer au base jumping… Ouf, nous obliquons avant la mort qui semblait m’attendre. Respiration haletante. Et voilà, après avoir traverser une pseudo porte pseudo battante aussi, nous arrivons à ce que se rappelle peut-être mes parents : un dévidoir version seventies. Alors là franchement, dommage qu’ils aient rénové les chambres et qu’on ait pas une cuisine et des sanitaires communs, parce que dans le vintage, ça le faisait trop. Et bien, j’ai pas vraiment aimé l’odeur, j’ai plus préféré le bruit de nos déchets qui se sont essayés au toboggan vertigineux, type rouge d’aquaparc, si c’est pas noir (question de visibilité et de propreté…) qui parcourt les 15 étages russes (ndlr. 14 pour les européens) nous séparant de la terre. Autant dire qu’ils sont tombés de haut (la haute tour.. etc., etc. que j’aime la poésie !!). Et voilà, j’ai appris plus tard que bouteilles en plastiques, bouteilles en verre, enfin tout ce qui se conçoit dans nos contrées comme étant sensé faire partie du triage, doit également prendre la direction du dévidoir. Je dois dire que bouteille en plastique, au pire, mais d’entendre le bruit de tous les bris de verre dévaler interminablement les étages, là, ça le faisait moins. Alors je me suis demandée, en jeune fille responsable (si j’ose me le permettre), où se faisait le tri. Réponse de ma chère voisine : « Alors euh… oui, théoriquement ce serait bien de faire le tri du verre, mais on le fait pas », suivit de ma réponse (après une ouverture buccale exprimant la béatitude) : « Ah ». Suivit de ma résignation. Ensuite, la chère demoiselle poursuit : « Euh, mais tu peux mettre les bouteilles de verre sur le bord des routes. Les retraités les ramassent pour améliorer leurs fins de mois. » Effectivement, un petit détail me revient alors en mémoire. J’avais vu plusieurs fois des vieux cueillir, comme des fleurs (hum, hum) des bouteilles laissées par des jeunes qui devaient être trop assoiffés la veille (enfin, c’était ce que je m’étais dite). Comme tout est devenu clair tout d’un coup. Résolution d’alors : comme j’étais fan d’une boisson version soda retro, qu’on vendait alors, au bon vieux temps communiste (souvenez-vous, la bonne boisson de votre enfance, quand vous partiez au camp…). Dans le retro… autant redonner à ceux qui n’ont juste pas profité et qui ont une retraite dont ils ne profitent pas. Une fois, j’ai fait ça, ensuite, par flemme, je n’ai plus acheté de bouteilles en verre… Et celles en plastique, je les remplis d’un breuvage maison.

Donc question écologie, ici, c’est pas encore ça. Désolée pour ceux qui militent pour la récupération à 100% de l’alu, mais venez faire un petit tour en Russie… Et n’oubliez pas de vous munir de catalyseur, parce que question respiration, le jogging du matin devient une vraie épreuve de force… Sans oublier qu’il y a pas encore les taxes sur le carburant (enfin, peut-être, mais vu le prix de l’essence, moins d’un franc suisse le litre…). Je vois aussi que question tri, ça se ressent par le nombre de poubelles qu’on produit à nous 5 : une chaque jour (et quoique, sans me compter, comme j’ai ma poubelle propre…). Et ça ressent aussi, question hygiène : on a de nouveaux amis : après les cafards (je dois dire que celui de l’autre jour, à mon réveil, rampant sur le mur, c’était très sympa pour me souhaiter la bonne journée…), nous avons un nouvel ami. Paraît-il qu’un rat s’est baladé dans notre étage (une équipe de « reporters » belges, entendons par là des étudiants, se sont mis à sa poursuite et l’on effrayé à coup de flashs). Merci, mais je crois que je vais me contenter de mes amis à tête humaine, j’ai un faible plus prononcé à leur égard que pour les animaux que je trouve bien plus sympathiques empaillés au musée zoologique. Enfin, pour faire un bref bilan de la situation, question écologie et hygiène, bien que ce dernier point est un autre chapitre, les russes sont le maillon entre la Chine et nous… Ah, mais c’est ce qu’on nous répète au cours de linguoculturologie : nous sommes une « culture pont », à la fois européenne et à la fois asiatique. Ah, je comprends maintenant le sens profond de cette expression…

Une chose est sûre est que, question influence, ils n’ont pas subie celle de l’Europe aux dernières élections, en matière d’écologie. C’est pas le parti des verts du coin qui vous dira le contraire, lui qui soulignait que la tendance occidentale forte était à se tourner vers l’écologie et qu’il fallait que la Russie suive alors cette tendance. Eh bien je crois que les russes ont bien compris le message. Ils ont en tous cas choisi de faire le tri et c’est les verts qui se sont certainement le plus rendus compte : 1% aux élections de dimanche (contre, comme tout le monde doit le savoir, 60% pour « Единая Россия »). Question application de théorie, c’est dur de faire mieux.

4.12.07