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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы


-- Nouvelle rubrique : nos étudiants en stage en Russie et Europe orientale nous écrivent et nous font part de leurs aventures et de leurs états d'âme.


— 2007-2008 Stéphanie DUBOSSON

BG ou comment fêter Noël

 

Il y a des fois où je me dis que j’ai quand même eu des Noëls étranges. Une année, nous étions montés en peau de phoque avec mes parents au Grand-St-Bernard. Vous savez, tout là-haut, là où il paraît qu’il y a une communauté de chanoines. Mise à part ça, bien que ce fut un Noël hors du commun, ce fut un merveilleux Noël à mon goût, inoubliable. Un bon repas, commun, avec la lumière tamisée. Une autre façon de se retrouver, surtout en cette période, c’est certainement très bon de retrouver quelques valeurs. Woaw, la philosophe !! Mais bon, c’est aussi une chronique où l’on expose ses sentiments, non ?

Un autre Noël étrange, c’est celui que j’ai passé en Chine. Pour bien faire les choses, et en bons catholiques, nous sommes allés, avec mes parents à l’Eglise pour la messe de minuit… à 18h. Comme une chose étrange ne vient certainement pas toute seule, on a passé la messe de minuit la plus incroyable de notre vie. Déjà, rien que d’entrée dans une église bleu-clair-fluo, ça le fait. Mais bon, c’est Noël, alors bien sûr, faut abuser : guirlande coca-cola, luminaires fluo de toutes les couleurs qui clignotent. C’est pas très catholique, tout ça, mais bon, on s’y fera ! Entrés dans l’église multicolore, tout y était permis, ou presque. Franchement, moi aussi à 4 ans j’aurai aimé pouvoir manger ma barbe à papa pendant la messe, ou maintenant, boire un bon pepsi !! Enfin, maintenant, ça m’est un peu égal, mais là-bas, faut croire que 45 min c’est trop long, ils peuvent pas attendre pour boire. Et les bavardages, sans commentaires.

En Russie, je dois être franche, je ne suis pas allée à la messe de minuit. La faute aux transports, je n’aurai pas pu revenir à la maison d’étudiants, ou alors, faire nuit blanche. Mais avec un za4et à faire signer le lendemain à 10h et un à préparer pour le surlendemain, c’était pas trop dans mes cordes, même de jeune sportive qui supporte encore. Mais toujours est-il que j’ai trouvé une autre façon tout aussi sympathique de fêter. On a organisé une petite soirée dans une komunalka (appartement communautaire, quelle classe !!) d’un pote d’une connaissance (un Oleg qu’un Oleg que je connais connait). Ici, c’est toujours un peu compliqué les relations entre les gens, on dira. Même si, finalement, à la fin de la soirée, c’est devenu une connaissance, de Bachkirie. C’était vraiment sympathique, une petite soirée pour fêter Noël parce que moi, et l’autre suisse que j’avais aussi invité, nous ne rentrions pas en Suisse et qu’on avait rien d’autre de prévu, le maître de maison, parce qu’il ne fêterait ni Nouvel An ni Noël orthodoxe (6-7janvier) à Saint-Pétersbourg, et les autres, parce que la compagnie était bonne, vais-je me vanter, mais surtout pour être en ami, faire de nouvelles connaissances, passer du bon temps en cette période un peu entre deux eaux. Et voilà, on est tous rentré avec l’un des derniers métro et pour ma part, par la suite, avec une marchroutka, la tête pleine de nouveaux souvenirs et très heureuse d’avoir fêter Noël dans une komunalka, une vraie !! On avait bien eu un exposé et quelques photos sur ce type d’appartement, mais de voir une fois à quoi ça ressemble, c’est intéressant.

Le lendemain, à 10h, je devais signer un papier répertoriant tous les cours que j’ai fait. Pour certains, j’avais fait une épreuve orale, pour d’autre, écrite, et pour celle du 25 décembre, j’avais du rendre un travail écrit. A nouveau, j’ai fait l’expérience de l’attente : arrivée en avance (quelle bonne idée de vouloir être la première et de partir le plus tôt possible, surtout que même avec 20min d’avance j’étais pas la première…), attente d’environ 45 min d’un prof qui arriverait en retard d’une heure. Prise par la soif et de toutes façons restreinte à attendre, autant prendre son mal en patience, mais surtout s’hydrater. Ah, quel bonheur ! Sur mon chemin de retour je rencontre mon amie camerounaise, comme le temps me presse pas et qu’elle semble aussi inclinée au papotage, je fais une petite pause dans le dédale des couloirs de l’uni (montée, traversée d’un couloir, descente, traversée d’un couloir). Toujours une histoire !! Bon, arrivée pour la deuxième fois devant cette salle, l’attente m’attendait (quelle poétesse !). Et oui, en tout, j’aurai presque passé 3h devant ce bureau pour cette satanée signature. Enfin, c’est Noël, me suis-je dit, et surtout, je me suis dit que c’était la Russie. Quand l’assistant, avant qui était mon premier interlocuteur, a su que j’étais suisse, il m’a demandé d’où parce que, figurez-vous, il est allé à Leukerbad… quelle chance, mais tout ce qui m’intéresse c’est pas de savoir que vous vous êtes trempé les pieds et que ça vous dit quelque chose quand je vous dis « Valais » (bien que ça m’a fait plaisir parce que concernant la Suisse, les russes connaissent pas grand-chose : les banques, les montres, en gros). Tant mieux aussi si vous savez où c’est Lausanne, près du Lac Léman (quand même, là, chapeau, parce que pour ne pas dire « Zhenevskoe Ozero – Lac de Genève - , c’est pas mal, je trouve !!). Ensuite, c’est le tour du prof de raconter des trucs, pas sur la Suisse, mais des anecdotes sur un philosophe de je sais plus d’où, après avoir revu ma copie et s’être souvenu quel en était le sujet et de faire des liens dont je ne pourrai retranscrire toute la teneur, l’essence et la magnificience. Je vous dis pas, moi qui voulais sa signature et c’est tout, et je pense que les autres étudiants qui attendaient pour la même chose et de voir ces deux hommes raconter des anecdotes à tous les étudiants qui passent… Et pourquoi ils ont pas fait un horaire ? Ca existe ça ?? C’est un mythe l’heure de passage ? Je crois bien.

12h30, j’ai ma signature !! Chouette, je vais rentrer chez moi manger un peu et préparer mon contrôle du lendemain, surtout que le soir, j’ai rendez-vous avec une étoile russe : BG. Et oui, le groupe de discussion de l’uni. Je sais pas s’il appartient à la filfak ou quoi, mais toujours est-il que j’ai vu une affiche dans un couloir, par hasard où c’était proposé de discuter sur le « rock(-pop) russe et la conscience contemporaine de la culture ». E.n gros, ça parlait de ça dans le titre. Je pense que tout le monde a agi comme moi : Boris Grebenchikov à l’uni… faut y aller. Bon, j’accorde, pour ceux qui ne font pas des études par ici, ça n’évoque rien du tout ce nom. En gros, c’est un leader de rock. Son groupe, Akvarium, a commencé à se produire à l’époque soviétique, un peu illégalement, dira-t-on pour faire bref. En tous cas, ce qu’on peut retenir, comme il ne pouvait pas s’exprimer directement, il a utilisé des symboles qui ont, dira-t-on, marqués plus d’une génération, comme la plupart des gens présents ce soir-là, c’étaient des jeunes.

 

A cette soirée de discussion, tout d’abord, j’étais pas très motivée à aller. Bon, j’avais dit à Oleg (celui que je connaissais avant de connaître Oleg de Bachkirie, je sais, je complique, mais je trouve ça plus amusant !) que j’y allais, et pis, comme le moral était moyen moyen, forçons-nous, ça fera du bien de se changer les idées. « Privet Oleg ! Désolée, je suis en retard, j’ai été un peu prise dans les bouchons… ». Il faut savoir que les bouchons, même pas au centre ville, commencent vers les 17h et finissent vers les 20h… là, vaut mieux prendre le métro ou aller à pied. Ce que j’ai fait pour le dernier bout, enfin, disons que j’ai plutôt couru. Mon cher Oleg m’a dit que de toutes façons, BG n’arrivait pas avant 18h finalement, et pas 17h30. Bon, alors ça va, on peut reprendre son souffle, jusqu’au moment où on se rend compte que la salle où a lieu la rencontre est déjà pleine, et le sera encore plus par la suite. Malins, nous sommes allés empruntés des chaises par-ci, par-là, dans les couloirs ou les sections (on les a rendues par la suite) et on s’est assis dans l’allée centrale, à environ 5m de l’estrade. Devant nous, par terre, se sont entassés des jeunes, derrière nous, un peu plus à l’écart, c’était pareil, et nombre de personnes sont même restées debout ! Incroyable, la salle était plus que pleine, je dirai qu’il devait y avoir plus de 500 personnes. Et BG est arrivé. On l’annonçait peu avant vers l’Ermitage, je pensais qu’il n’arriverait alors pas avant 18h30. Mais non, 18h05, salve d’applaudissement, un homme au crâne rasé (parce que cette coupe lui plaît et qu’il a toujours voulu la faire, comme il le dira plus tard) et à la longue barbe de pope est arrivé et s’est assis, après avoir parcouru au travers de ces lunettes la salle bondée. Une étoile s’est allumée en chacun de nous, vous savez, ce petit scintillement qu’ont aussi les enfants…

Alors, le meneur de discussion a voulu le présenter, sans vraiment le présenter, présenter le sujet de la soirée et, vu qu’il y avait foule, s’est mis à expliquer qu’il n’y aura pas vraiment de dialogue, mais plutôt un monologue du compositeur-interprète. Sur quoi, BG a tranché et lui a répliqué que c’était plutôt un monologue de son interlocuteur. Tout de suite, BG donne le ton, ensuite, quand le malheureux modérateur (c’est peut-être le mot qui convient le mieux à cet homme, du point de vue de la fonction qu’il avait à occuper) s’est mis à expliquer quel était le thème de la soirée, BG ne s’est pas fait attendre et lui a répliqué : « Je dois parler de quoi ? ». La soirée fut de la même facture. Pour faire plus simple et plus fun, BG n’a pas arrêté de lancer des vannes au pauvre modérateur, qui, au bout d’un certain moment, ne savait plus comment s’en sortir.

Toujours est-il que BG a répondu aux attentes du public présent. Il a commencé par répondre aux questions du modérateur, de caractère plus intellectuelles, c’est certain, même si la plupart des jeunes n’attendait plus qu’une chose, que BG chante !! Et que l’autres set taise… Mais les billets où étaient noté des questions du public avançait au fil de la soirée et s’amoncelait devant l’artiste. Parmi quelques questions réponses, voici un florilège que j’ai tenté de prendre à la volée :

 

Public :

- Quel est votre rapport avec le pouvoir actuel ?

BG :

- Le même que j’ai d’avec celui d’Ivan le Terrible. Rien de bon, rien de mauvais.

 

Public :

- Pour qui avez-vous voté le 2 décembre ?

BG :

- Vous savez, je ne m’en rappelle déjà plus !

 

En résumé, BG manie avec élégance la langue de bois et l’humour !!

 

Après une heure d’échange, le musicien a promis que, vu le nombre incroyable de question qui avaient afflué et qui affluaient, et vu la demande incessante de chanter, il a promis d’y répondre sur son site. Et si vraiment, pour ne vexer personne, les questions les plus pressantes, il les répondait à l’instant, juste avant de commencer un petit concert improvisé (mais il semblait qu’il s’attendait à cela, sa guitare n’était pas très loin de lui…) d’une bonne heure !!

 

Et voilà, un nouveau Noël incroyable, très apprécié, passé en partie avec une célébrité qui mérite de l’être parce qu’il a gardé les pieds sur terre, la relation avec le public.

BG, merci !!

27.12.07