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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы


-- Nouvelle rubrique : nos étudiants en stage en Russie et Europe orientale nous écrivent et nous font part de leurs aventures et de leurs états d'âme.


— 2007-2008 Stéphanie DUBOSSON


«Без бумажки, ты букашка. А с бумажкой – человек»

 

Sans papier, t’es une petite bête. Mais avec un papier, t’es un être humain.

Je rends tout de suite attentifs le lecteur, ceci n’est pas la version locale d’un leitmotiv de droite, mais bien une réalité quotidienne.

Ce n’est pas la première fois que j’ai mentionné les heures de file d’attente qui, à présent me sont devenues habituelles et je m’en suis accommodée. Plus d’aigreur, plus d’impatience. Je prends simplement de quoi m’occuper.

Lors des premiers jours, j’avais fait des bonds plus hauts que tous mes records de saut foesboeree (?) de toute ma carrière d’athlète, additionné, même si je ne suis pas Marion Jones (quoiqu’il me suffirait d’un peu d’aide externe pour lui ressembler…). Justement, lors de cette euphorie administrative qui m’avait préoccupée quelques heures (d’accord, une bonne semaine), j’avais dû remplir des papiers, passer d’un bureau à l’autre, tantôt montrer mon passeport, tantôt amener des photos, bref, tout un cinéma pour pouvoir prolonger mon visa. En effet, dans leur élan de générosité, l’université d’accueil, après s’être malencontreusement trompé dans l’invitation (ils en avaient fait une pour l’étudiante qui vient en février à ma place), m’en avait envoyée une d’une durée de 3 mois, non pas depuis mon arrivée (que j’avais signifié au 3 septembre), mais une semaine à l’avance. Il ne me fallait donc pas perdre de temps, surtout dans ce pays, royaume de la technocratie.

Au bureau n° 14, qui s’occupe des relations internationales pour la faculté de philologie, un numéro égale au temps de passage de chaque étudiant étranger, un peu perdu dans ce dédale incompréhensible de papiers inutiles, dont la validité est assurée par l’apposition et d’un tampon bleu (et non pas rouge comme en Chine) et d’une signature validant le tout (même si parfois cela peut être un pseudo prétexte pour nous faire peur, comme lors de notre sympathique rencontre avec la МВД… -militsia-), à ce bureau donc (je me suis un peu perdue dans mes explications, à défaut de ne pas m’être perdue ailleurs…), ils m’ont dit, après avoir reçu tout ce qui leur était soit disant utile (trois milles photos de moi, cinq cents autographes, j’ai tout d’un coup eu l’impression d’être célèbre début septembre…), ils m’ont dit alors de revenir un mois plus tard. Cela voulait dire vers le 5 octobre. Alors, je devais recevoir mon nouveau visa, prolongé. Je m’attendais à un visa similaire à celui que j’avais reçu au consulat de Genève : type autocollant, environ de la même taille que les feuilles du passeport. Eh bien je me suis rendue au n°14 de la filfac le 6 octobre : rien ! Le même jour, j’avais profité de mon déplacement à l’université pour régler également la question de ma bourse. En effet, j’avais appris que je devais recevoir une aide de l’université d’accueil (50 euros par mois, de quoi bien vivre !!! mis à part cela, cette aide reste bienvenue, de toutes manières !!!). Et je me suis rendue au bureau qui s’occupe de cela, mais en vain : d’une part ils n’avaient pas d’ordre (entendez par là un nouveau papier signé et doté un splendide tampon bleu), signifiant le versement à ma personne d’une telle somme, et d’autre part, les versements ne sont effectués qu’entre les 23 et 25 de chaque mois. Et voilà, encore une journée pour rien. Deux jours plus tard, sifflotant (ah non !! ici il ne faut pas siffler, superstition oblige…), je prenais le bus pour la même destination et alors, 45 min avant l’heure d’ouverture indiquée sur la porte, je suis arrivée au n°14 de la filfac. J’avais pris de quoi m’occuper (un peu de voc avant d’affronter des bureaucrates ne fait pas de mal…) pour l’attente qui, forcément, serait prolongée d’une dizaine de minutes. Eh oui, nous ne sommes pas au pays des montres, bien que ce dernier ait offert des horloges à St Pétersbourg en l’honneur de son jubilé (300 de sa fondation). Après moi, durant cet espace de temps (50-55min), une file d’une cinquantaine de personnes s’était formée. Quelle chance j’ai eu d’être la première !! Entrée dans le bureau du jugement, chacun de mes pas observés par les habitants du n°14, je me suis dirigée vers Cruella. Je lui ai demandé si elle avait reçu mon passeport et, tout à coup, elle m’a demandé si j’avais quelque chose qui me prouvait que j’avais contracté une assurance. Et à celle-là, je ne m’étais pas attendue, comme on ne m’avait pas prévenue un mois plus tôt… Mis agacée, du fait de devoir revenir, mis déçue de n’y avoir pas pensé avant, je me suis précipitée sur mon porte-monnaie pour voir si, par un heureux hasard, j’avais mes cartes d’assurances suisse et d’essayer de tricher par ce moyen. En effet, le temps pressait, comme Cruella s’était mise à aboyer (j’avais l’impression que les 30 secondes passées depuis mon arrivée à son bureau était du temps perdu pour elle) et qu’elle me disait sans assurance, pas de visa. Je lui ai tendu mes cartes, elle les a à peine regardée. Je pense que j’aurai pu lui montrer mon permis, cela aurait été pareil ! Elle m’a trouvé le précieux sésame et, avant de me le tendre, elle m’a demandé de signer un grand livret. J’avais l’impression de me trouver alors dans un épisode de « La petite maison dans la prairie » et de signer un carnet de crédit dans l’épicerie du village. J’ai pu alors sortir vainqueur du n°14, munie de mon nouveau visa qui ressemble étrangement aux toutes anciennes cartes d’identité française. Ma foi, si ça me suffit pour m’éviter des ennuis… Car «без бумажки, ты букашка, a с бумажкой – человек.»

Quoique… les papiers ne suffisent pas toujours, malheureusement. J’en ai fait l’expérience à Pavlosk. Déjà que c’est une expérience d’y aller, mais au moins, ça permet de voir un peu mieux ce que c’est que la Russie. Bien que la région reste très proche de St Pétersbourg et que pour y aller on a pu utiliser notre abonnement de bus, cela relève du parcours du combattant. Le métro jusqu’à l’avant ou la dernière station au sud de la ville, ensuite un bus qui passe la moitié de son temps sur une piste de terre battue (bien que le conducteur pouvait utiliser la bande goudronnée, mais comme cela il peut aller plus vite, en dépassant les véhicules par la droite), agrémentée de trous permettant aux dos usés de personnes âgées de profiter d’un massage gratuit… Toujours est-il qu’après avoir atteint le palais de Paul, nous avons décidé d’y entrer et l’accès à ce dernier ne peut se faire sans payer le parc (bien qu’il soit possible d’arriver directement au palais, sans passer par le parc). Nous nous sommes rendues à une caisse et avons voulu prendre des billets d’entrée avec notre студенческий билет (version locale de notre carte d’étudiant, mais vraiment bien moins élaborée !! Pour les nostalgiques des années 70, elle sied à merveille). Malheureusement la caissière voulait nous faire payer en tant qu’étudiant étranger et c’est là que, après les vaines tentatives diplomatiques de mes amies italiennes, je me suis mise à parler plus fort et à lui dire ce que je pensais alors : pourquoi est-ce que l’on a une telle carte d’étudiant si l’on peut même pas profiter des rabais accordés aux étudiants russes. Nous lui avons bien fait comprendre que l’on était ici en tant qu’étudiants à l’égal des russes et que nous estimions avoir le droit de profiter des mêmes avantages qu’eux. Eh bien finalement, nous avons eu ce que nous voulions, même si la caissière nous a dit que ça serait ensuite très évident que nous sommes étrangers et que nous ne pourrions aller plus loin. Ce qui ne fut pas vrai. Même si avec elle, munies de notre papier nous n’étions rien, par la suite, à l’autre caisse, munies du même document, nous fûmes devenues de vraies étudiantes russes !!!

13.10.07

 

En extro : je conseille d’aller visiter le palais de Pavlosk !! Même s’il est éloigné de St Pétersbourg, il possède plus de salles à visiter que celui de Peterhof (à visiter lorsqu’il fait beau et que les fontaines fonctionnent) et même par 2° et sous la pluie la visite du parc reste un bon moment de détente, pour moins cher que Peterhof.

 

Mare aux canards dans le parc du palais de Petropavlosk.

 

SALUTATIONS DE L’AUTEURE INCONNUE DES TEXTES…