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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы


-- Nouvelle rubrique : nos étudiants en stage en Russie et Europe orientale nous écrivent et nous font part de leurs aventures et de leurs états d'âme.


— 2008-2009 Aurélie MEYER
Mes chers vous,
(oui c'est un mail très long mais vous pouvez le lire en deux fois, consacré à mes débuts à saint-petersbourg, le prochain mail fera de son mieux pour être davantage culturel...)

Un certain manque de régularité dans l'écriture, je vous l'accorde...Après avoir essayé Pourga, boîte inexpatriable mais dont j'envisage d'exporter le concept (copiright donc), me voici donc revenue avec de nouvelles résolutions. En effet, dans ce lieu tapissés de lapins métalliques, ils célèbrent Nouvel An...tous les jours. Je n'ai pas succombé à l'explication des russes. Alors que je leur disais que l'on pouvait recommencer une année avec de bonnes résolutions chaque fois que l'on le souhaite, ils m'ont rétorqué que, plutôt, on pouvait appliquer des bonnes résolutions jusqu'à la prochaine pourga et revenir tous les jours...(je me garde ça sous le coude pour l'arrêt des cigarettes malgré tout).

Telle une Perséphone, je me suis sentie enlevée par un vilain Hadès, sûrement inspirateur des plus sombres romans des « auteurs russes », dans le royaume des ténèbres pendant ces mois où la lumière faisait défaut. Mon moral a risqué la brûlure au troisième degré aux Enfers mais telle un phénix, me revoilà volant sur les ponts à bord de voitures d'un autre temps.

La lumière est si belle ici qu'on ne la lapide pas après sa trahison hivernale mais l'on voudrait l'étreindre de remerciements pour son retour inespéré. (cf. Dictionnaire des pathologies psychiques, voir « état dépressif avancé »; Concept littéraire Tome 2, voir: « écrivain s'étant donnée la mort »). Car la ville est vicieuse, lorsque tu traverses les ponts, les abîmes peuvent t'appeler mais la lumière à l'horizon ou celle se reflétant sur les bâtiments la nuit t'invite plutôt à la contemplation.

Dans ce mail, pas de photo, suite à la réception surprise d'un coup de poing dans le visage (si t'es pas un Texas Rangers, tu te retrouves avec un oeil au beurre noire et tu découvres le baume-à-masquer-les-coquards), mon téléphone, mon appareil photo ont rejoint mon porte-monnaie dans une poche qui n'était pas la mienne...Il n'y aura dés lors pas de chapitre dans ce mail intitulé: « la Nevsky c'est joli », « les dômes sont dorés », « l'Ermitage contient beaucoup de tableaux quand même, hein dis, c'est dingue » bien que tout cela soit vrai. Mais vous connaissez mon sadisme, si revendications il y a j'organiserai la soirée diapo la plus ennuyeuse de la terre. Mais je vais quand même vous donner quelques bons clichés parce que vous le valez bien, parce que c'est pour le blog de la section.

Les transports

Saint-Petersbourg possède un vaste réseau (étonnant pour une grande ville non?). Les stations de métro sont le musée le plus visité, à tel point que les photos y sont interdites. Les tramways sont des DeLorean, elles permettent de voyager dans le temps. C'est une espèce inconnue, ils s'arrêtent pour te laisser passer et ne semblent pas toujours avoir priorité sur la route. Les bus, confortables, une contrôleuse passe vers les passagers pour vendre les billets. Visiblement ils changent de trajet selon les saisons car, bien que le prix soit fixe, elle demande le nom de l'arrêt auquel on compte se rendre. (Donc ma ptite astuce du « tu descends après le bâtiment bleu sur la droite n'a pas très bien fonctionnée). Enfin les marschoutka, oui on pourrait croire que ça ressemble à des matrioshka mais il n'en est rien, leur seul point de ressemblance c'est le nombre qu'on peut mettre dedans. Les Marschoutka sont des sortes d'utilitaires dans lesquels on a soudé tant bien que mal un maximum de sièges (je pense qu'avec un système russe, tu fais tenir 15 personnes dans une kangoo). Ils portent un numéro et les rues qu'ils empruntent, ils peuvent donc te poser juste devant chez toi (à eux tu peux leur dire « après le bâtiment bleu »). Il faut les prévenir à temps, c'est-à-dire à un moment où ils sont susceptibles de t'entendre et de s'arrêter mais pas trop tôt sinon ils oublient. Si tu leur dis « ici » ils plantent sur les freins (oui parce que parfois c'est difficile de prononcer des trucs comme « après le magasin d'informatique où j'ai trouvé une prise pour mon portable après 4 vaines tentatives parce que prise se dit fourchette »). Resquiller dans les transports ne se fait pas. Les Russes sont d'une honnêteté exemplaire. Les roubles traversent les marschoutka pour arriver jusqu'au chauffeur et la monnaie, au kopeck près (oui bon, en même temps tu paies en rouble pas en kopeck mais reconnaissons que le mot kopeck a son charme).


Les Russes

Les Russes sont grands et blonds avec des yeux clairs qui sont le miroir de leurs âmes tourmentées. Ils jouent de la balalaïka ou des instruments étranges dont j'ignore encore le nom. Ils affrontent la neige avec cette vaillance propre à leur peuple impérial. Les jeunes filles sont si belles qu'elles ont des sourires à vous faire oublier le froid et la douleur morale. Les Russes vont au ballet ou à l'opéra chaque fois que leurs porte-monnaies le leur permettent. Nombreux sont ceux qui parlent couramment le français car Poushkine et Catherine II le faisaient. Si vous vous êtes dit en lisant ses lignes « ahhh l'âme russe », comme dirait ma copine roumaine Milena : « Vous êtes vraiment de l'Ouest! » (Elle l'a dit avec tendresse voyant l'incapacité de sa collocataire allemande à ouvrir une boîte de conserve avec un ouvre-boîte-du-temps-jadis que l'on ne connaît que par les films de cow-boy, l'armée ou si l'on vivait dans l'Ancien-Temps. Si c'est ta première fois et que t'es pas trop habile, soit t'as une tendinite soit tu renonces à manger le contenu et tu te dis que les pâtes c'est bien aussi).

Petit rappel: La Russie est le plus grand pays du monde, il serait donc étrange de parler d'un « physique russe » (ce serait comme de dire que les Siciliens ressemblent aux Suédois). Oui, j'ai demandé à un Russe s'il était Coréen, oui, je me suis sentie bête.Oui je me venge sur vous.
Malgré les différences de calendrier, ça se compte en jour et non pas en siècles donc à part pour les ouvre-boîte, Saint-Petersbourg vit au 21ème siècle.

Il est donc difficile de parler des Russes ou des Saint-Petersbourgeois (en plus, mon pannel n'est pas représentatif). Néanmoins, nous pouvons distinguer deux catégories lorsque l'on arrive (après ça s'affine): ceux qui ont un emploi et dont tu as besoin et ceux que tu rencontres hors-cadre professionnel. Autrement dit, pour simplifier, respectivement, les « méchants » et les « gentils ». Arrêtons-nous un instant sur un exemple de la catégorie ennemi-avec-qui-t-essaie-de-sympathiser-au-début : les magasins, les vendeuses sont des Madame Olson. Elles ont la marchandise et toi t'as des tickets de rationnement et il y a disette. De fait, ce sont elles qui ont le pouvoir, ton argent, elles le trouvent incommodants parce qu'elles doivent te rendre la monnaie. Tu es toujours dans la position d'un demandeur comme si ce n'était pas un échange.

Passons maintenant aux alliés (nous reviendrons plus tard sur la catégorie « administration » qui mérite son propre chapitre). Lorsqu'il n'est pas payé pour te vendre des choses (nourriture, billet) ou pour te renseigner, les Russes sont aimables et tentent de t'aider (à trouver ton chemin, ton arrêt de bus, ton université, notamment). L'homme russe est galant, il se propose de porter ton sac, tient les portes et fait vivre les fleuristes (si tu le connais vaguement, sinon tu te prends des portes et des body-shake). J'ai découvert les papas russes. On les voit souvent, avec des sacs-à-dos roses, accompagner leurs filles à l'école. Ils parlent d'une voix douce et tendre quand ils s'adressent à elles à ce que j'ai pu voir. (oui, j'ai préféré me dire que les papas étaient sympas plutôt que d'imaginer des pédophiles planqués à tous les coins de rue).

Je pense que ce genre de papa est susceptible de produire le stéréotype: « les filles russes », celles qui vivent avec moi et qui correspondent pas mal à l'idée qu'on s'en fait. Ma théorie à ce sujet est qu'il y a un procédé chimique plus fort à l'adolescence chez les filles de Petersbourg. D'abord, tu as un papa qui te traite comme une princesse, tu as de beaux cheveux longs et blonds; ensuite, tu es brune, cheveux mi-longs gras, tu fais du piano, de la danse classique, tu apprends des langues étrangères ou tu fais de la physique quantique; puis tu deviens blonde, tu portes des mini, des talons haut et même en training tes jambes paraissent plus longues que la norme européenne. Tu as toujours l'air de sortir de chez le coiffeur. Il y a des samedis soirs où c'est difficile...(oui, j'ai une veste pollaire, oui, je me suis dit que pour marcher des baskets c'est quand même pratique). Heureusement, cette théorie est fausse mais en-dehors de ce stéréotype qui fait rêver (oui, elles portent des mini-short en hiver), il y a aussi des femmes qui semblent ne pas s'être échappées d'un magazine. Preuve supplémentaire, on ne m'a proposé de faire un show dans un cirque, un remake de « la femme à barbe » ou « elephantman ». Comme il faut s'enraîner tôt pour réussir à marcher avec des talons aiguilles, on peut trouver des chaussures à haut talon dès la taille 33 donc ça a son avantage.


L'autre catégorie : l'administration.
(oui je vais donner des détails très ennuyeux pour que vous compreniez à quel point ça l'était)

Globalement, avec l'université, de bons rapports, oui j'ai dit que le Zénith était génial et qu'ils allaient probablement gagner la champions league, oui j'ai offert du chocolat, oui ça a porté ses fruits donc ne nous en plaignons pas trop. Les étudiants n'ont qu'un visa de trois mois, ce qui est ennuyeux lorsque tu restes plus longtemps puisque tu dois entrer dans cet espace-temps « je fais ma demande de visa ». Les étrangers qui sont passés par là accompagnent leurs regards compatissants d'une tappe sur l'épaule. Pour avoir ton visa tu dois réunir un maximum de papiers (la plupart disent que tu es bel et bien étudiante). A mon arrivée, on m'a donnée des papiers à remplir ainsi que la rédaction de ma biographie, voilà, voilà. Ensuite on me dit de repasser dans deux jours, bien bien bien, je repasse, pendant les heures d'ouverture (de 14h00 à 16h00), on me donne une feuille et on me propose de repasser la semaine suivante, bien bien bien, là, on me fait un tampon sur la fameuse feuille et on me demande d'aller à la k.100, volontiers, où est-ce demandai-je? On m'a répondu de revenir une fois que j'aurais été. Mhhh oui, ça ne répond pas vraiment à ma question mais soit. Après avoir trouvé la fameuse k.100 (oui j'ai visité tous les bâtiments, je me suis fait courser par des chiens errants du bâtiment de chimie, oui ça m'a pris des heures pour la trouver) je constate que je ne suis pas dans les heures de réception. Bien bien bien, retour le lendemain, mhhh toujours porte-close, rebelotte jusqu'à ce qu'une jeune femme belle et sympathique m'ouvre. La personne à qui je dois m'adresser est malade mais elle se propose de me fournir ce fameux papier. Trop tard pour retourner au bureau-des-tampons-sur-des-feuilles mais je peux attendre pour aller chercher mes résultats sanguins. Clinique où tu dois acheter des recouvre-chaussures en plastique pour l'hygiène, ce qui est rassurant, les chats qui attendent à l'intérieur te font te demander pourquoi tu as ses trucs bleus aux pieds...En sortant de la clinique, je me dis, cette fois c'est bon, j'ai tout. Petite naïve...on me refait un tampon sur cette feuille et on me propose de prendre la marschoutka 129 pour aller à mon université pour voir Natascha, d'accord, mais...coup de téléphone on me dit au revoir...on se souvient qu'il faut dire aux marschoutka quand s'arrêter ainsi que savoir où les prendre, comment vais-je donc pouvoir lui demander de m'arrêter à mon université si je ne connais pas son nom?Plus tard, j'apprendrai que c'est Smolny et que c'est bleu tu peux pas te tromper. (c'était bien mal me connaître). Le prénom Natascha semble être très répandu dans ce bâtiment. J'essaie la première porte, oui elle s'appelle Natascha non ce n'est pas elle qui s'en occupe non elle ne peut pas m'aider parce que ce n'est pas ses heures de réception. (cf. La catégorie abordée plus haut « les ennemis »). apres ma troisième porte-Natascha-c-est-pas-la-bonne je trouve enfin quelqu'un qui voit de quoi je parle et qui me conduit au bureau, où ma Natascha n'est pas, comme on pouvait s'y attendre. Demain, c'est bien aussi...

Bon aller, hop hop hop, la prochaine fois, j fais moins long et je raconte d'autres trucs mais n'avait-on pas du temps à rattrapper vous et moi?

Merci d'avoir lu...c'est tout un temps que je ne monopoliserai pas quand on se reverra.