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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы


-- Nouvelle rubrique : nos étudiants en stage en Russie et Europe orientale nous écrivent et nous font part de leurs aventures et de leurs états d'âme.


— 2007-2008 Sévine UZUN

Malekum Salam, 

 

Certes, je devrais être overbookée, à l’heure qu’il est...Deux langues à apprendre, je sais toujours pas parler ni l’une, ni l’autre et je crois  même que parfois, je régresse...Et puis ce foutu mémoire...Qui ronge les ongles et le ventre, alors qu’il pourrait très bien s’écrire tout seul...

Enfin, malgré tout, il faut avouer que ces derniers temps, j’ai fourni de sacrés efforts, un peu dans tous les sens, certes, mais efforts quand même. Alors tout cela, cette fatigue accumulée, le travail, en partie, accompli...m’a convaincu que la Jobanie s’offrait à moi, et que ça tombait bien, puisque cette même Jobanie offrait du même coup quelques jours de congé.

Ainsi donc, histoire de partir pour mieux revenir, de ne rien faire, pour mieux s’y remettre, je décidai une fois de plus de me lancer sur les routes sinueuses, poussiéreuses, caillouteuses et cahotiques de ce merveilleux pays.

Pour ce faire, je réunissais une belle équipe autour de moi. Nous étions deux, mais un joli tandem, et mine de rien, c’est déjà une équipe.

Si moi, je baragouinais un russe par moment improbable, mon autre moi parlait parfaitement turc. Elle était la raison, là où je m’égarais, les règles diététiques, au moment des shashliks, les grasses matinées de mes réveils aux aurores, le regard attentif, au moment ou il fallait garder un oeil ouvert et que je dormais à poings fermés.... Et l’oreille qui traîne quand des jobans, allégorie de la ruse, cherchaient l’entourloupe.

Car comme le veut « L’Aventure », les entourloupes, guet-apens et autres embuscades ne furent pas en reste. Parce que c’est aussi ça la Jobanie, même si a priori, ça a l’air très sympa...

Or, si le vif du sujet est bien plus intéressant que ce que les narratologues se plairaient à décrire comme une situation initiale, il faut malgré tout prendre les événements les uns après les autres. Vous le savez désormais, en pays Joban, il faut s’attendre à tout et les combles sont rois. Alors ne lésinons pas sur la chronologie. Parce que oui, j’aurais pu me la jouer Nouvelle Vague et balancer les épisodes sans structure, mais après quelques mois en contrée jobane, écrire les choses dans l’ordre est un exercice de style comme un autre auquel mon cerveau s’astreint pour croire qu’il n’est pas encore contaminé de jobanite aïgue. Soit, place au récit....

 

Chroniques martiennes

Au pays Joban, Mars est roi. En ce début de printemps, l’heure est à la fête. Et elles sont nombreuses.

 

La Francophonie

Les festivités commencent un samedi, le 8 mars. Histoire de montrer sa bonne volonté à l’Union Européenne, sa Commission, son Conseil, à Amnesty, aux Droits de l’homme, la SPA, le WWF, GreenPeace et autres, notre cher Président, enfin, le leur, a décrété qu’il s’agirait d’un jour férié. Une véritable fête nationale. Merci Ilham. En effet, si on marie encore des jeunes filles à peine pubères dans les campagnes, que les enfants travaillent dans des cafés hideux, au milieu d’une plaine pétrolière immonde, si un quart des étudiantes interromperont leurs études et non pas leur grossesse, et bien, oui, on peut bien consacrer un jour à la gent féminine, à celles qui sont définitivement considérées comme le sexe faible, et leur offrir des fleurs. C’est un moindre effort.

La blague, dans tout ça, c’est que le dit 8 mars tombait un samedi. Et omettre une telle fête ne se fait pas. Ainsi, nous reçûmes des fleurs le vendredi et le lundi fut déclaré férié. C’est ce que dans le jargon, nous décrirons comme du pur Jobanistan.

Ces soucis de calendrier n’était pas sans arranger les affaires des uns et des autres...En effet, ce même vendredi, veille de fête nationale, était déjà une sacré fête en soi, puisqu’il s’agissait de l’ouverture de la longue semaine de la Francophonie.

Pour ceux qui ne savaient pas, la Francophonie est une véritable organisation. Elle regroupe 55 pays (preuve que j’ai bien écouté) et prône, promeut et malheureusement, parfois brade (pardon, hein, mais tout était loin d’être grandiose) la langue et la diversité de la culture des pays francophones.  Bien évidemment, le fait que la France soit à l’origine de tout cela n’est pas une surprise. Il faut savoir que seul l’ambassade de France a une allure à peu près correcte à Bakou...Du coup, ben la Francophonie en Azerbaïdjan fut très franco-française, n’en déplaise à l’ambassade du Sénégal, qui aurait rêvé de prendre en charges les frais du traiteur, mais qui malheureusement, à défaut du budget, n’a pas de représentation au Jobanistan.

Enfin, la description du monde diplomatique attendra un autre article...

Penchons-nous plutôt sur le menu, pour le critiquer avec plaisir, parce qu’à force de me lire, vous l’aurez compris, je suis avant tout une bien mauvaise langue.

Soit, la francophonie.

Par souci de clarté, je préciserai d'ores et déjà que les événements se déroulèrent en quatre lieux: le CCF (centre culturel français), le théâtre Ibruz, l'université des langues et le Jazz Center.

 Le premier jour, contexte de veille de fête de la femme mondiale et jobane oblige, nous eûmes l’honneur d’être conviés à un petit débat sur les droits de l’homme et plus précisément des femmes. Evidemment. La discussion eut lieu au CCF, lieu de rendez-vous de jeunes étudiants jobans et français, motivés par l’étude de la langue de Molière, pour les premiers, par le calme paisible d’une bibliothèque et l’accès gratuit au net pour les seconds. 

Ce fameux 7 mars, on y vit de nouvelles têtes, motivées ni par le français, ni par internet, mais simplement là pour remplir la salle et soutenir l'animatrice. En d'autres termes, des copines à elle, parisiennes ou provinciales.

Quelques jeunes, filles et garçons natifs de Bakou et ses provinces firent honneur à ce que j’appelerai, une fois  pris le recul nécessaire, un fiasco. 

Certes, je suis dure et en plus, j’ai pas vraiment de méthode à proposer...Alors oui, c’est facile de critiquer et remarquer les défauts, mais qui a dit que j’aimais la difficulté ? Soit, donc, place au petit coup de gueule du mois passé :

Pour débattre d’un sujet, me semble-t-il, il faut savoir qui sont les gens qui participent, quelle est leur culture et leur façon de vivre. Un débat de société me laisse imaginer qu’il faut avoir idée, même vague, de la société à laquelle on s’adresse...

Si on caricature et qu’on aime les a prior, voici ce que les Jobanistan laisse à voir au premier regard : les garçons jobans ont plutôt tendance à apparaître comme des muffles mal éduqués....Les filles semblent croire que leur liberté est acquise dès le moment où elles ont droit au maquillage et aux colorations capillaires. La liberté féminine s’exprime par l’épilation et le droit au string, tandis que la liberté masculine, le droit de draguer des expat’ et d’aller voir celles qu’ils appellent entre eux les « vendeuses ».

Ainsi, nous avons des demoiselles qui deviennent femmes avant d’avoir fini l’école, mais fières de leur robe à paillette et des mâles dénués d’élégance, quand ils crachent ça et là.

Et j’aurais jamais pensé dire ça de ma vie...Mais tout ça, transpire la frustration sexuelle, parce que les unes servent à enfanter et les autres...Je n’ose même pas imaginer.

Alors bien sûr, on va dire que j’exagère, que je n’en sais rien etc...Et j’aurais dit pareil. Mais voilà. Quand il y a un manque, une frustration, une brimade, que ça s’étend d’une génération à l’autre, que toute libido se porte sur le visage des uns et des autres avec des airs de non-assouvissement, et bien cela se sent. Et je vous raconte pas l’attitude des jobans, les soirs de fête quand ils sont ivres dans le métro et que vous êtes une des rares filles à le prendre...Vous vous sentez un peu comme le no-nos de la dernière chance, jeté en pâture  à des jobans affamés.

Ainsi, a priori, on a Cosette d'un côté et une horde de lycaons de l'autre.

Les protagonistes du débat, principalement des françaises, ont cherché à provoquer les filles en leur rappelant qu'elles avaient le droit de sortir. Rapidement de fausses questions se sont emparées de la discussion.

Là où, à mon goût le bât blesse, c'est que personne n'a demandé aux messieurs quels étaient leurs droits. Dans quelle mesure leur parole était libre? A quel moment ils pouvaient s'affranchir de l'autorité parentale?

Non pas que je veuille plaindre les uns et blâmer les autres...Oui, si la situation d'un joban semble moins difficile que celle d'une fille, si c'est lui qui surveille sa soeur et pas l'inverse, lui non plus ne choisit pas sa fiancée. S'il s'approche d'une demoiselle de trop près, il risque lui aussi de se faire marier, alors pour ne pas devenir fou, les pauvres jobans se jettent sur les étrangères, les prostituées et manque lourdement de raffinement.

S’il semble que dans ce pays, on force les filles à grandir d’un coup, on infantilise les garçons jusqu’à ce que mort des parents s’ensuive...Et malgré tout, s’ils ont plus de chance d’obtenir l’autorisation d’aller quelque part, ils doivent eux aussi demander l’autorisation.

Soit, je m'emballe un peu et mélange tout. Je ne suis pas féministe et ne le serais jamais. Je critique sans proposer mieux. Mais il me semble qu'on ne peut promouvoir les droits des femmes, sans s'occuper avant tout des Humans right...

Dans un pays comme le Jobanistan où il est si difficile de se faire entendre, c’est les droits  des femmes et des hommes qui sont bafoués à tout moment. L'expression des idées est un leurre, la presse n'est pas du tout libre, en plus concis, je dirais que c'est un peu la merde pour tous et qu'en matière d'expression, revendications etc...La plupart cherche, à l'heure qu'il est, à sauver leur peau, dans un système où la corruption est le maître mot. Qu'ils soient filles ou garçons. Alors même si on est persuadé de tout un tas de choses, il faut se garder du complexe du colon.

En terre Joban, nous sommes sur une terre de mâle. Je suis la première à trouver ça dommage et réducteur...Or, c’est comme ça. Si j’avais voulu une autre Suisse, je serai allée en Alsace. A mon goût, si on cherche à émettre des idées et à allumer une petite flamme, quelque part, la provoque ne fera qu’engoncer les uns et les autres dans leurs certitudes. Les filles continueront de croire qu’un string c’est le pouvoir sur la gent masculine et ceux-ci ne démentiront pas de leurs idées bien définies quant au rôle de chacun dans la société.

Ainsi, si on veut qu’une idée fasse son chemin, il faut d’abord s’intéresser au fonctionnement de la société. Comprendre les réactions de chacun, la mentalité, les traditions, chercher aussi un bon côté, parce qu’il y en a.

Certes, je ne propose rien et j’innove pas, mais j’ai ri sous cape en voyant une jeune équipe motivée, répartie dans diverses ONG, rêvant à changer le monde, alter-mondialistes, écolos, bobo...Venues, sans s’en rendre compte, comme des colons d’une nouvelle ère, pour mondialiser la culture, trancher entre bonnes traditions et obscurantisme et montrer la voie européenne comme étant la meilleure.

Qu’on ne cautionne pas certaines choses, c’est une évidence. Que chacun soit libre de vivre comme il l'entend, encore plus. Je souhaite à chacun de trouver une société dont le mode de vie lui convient. Alors certes, on me dira que la gamine des campagnes n’a pas le choix, mais est-ce que ce que je peux lui proposer est vraiment mieux ?

Soit, après cette petite diatribe contre l’idée que l’Europe a raison partout, surtout ailleurs, parlons un peu de ce 8 mars. Comme c’est fête, c’est boum. L’université des langues, qui est celle qui organise divers événements au cours de l’année et qui n’est donc pas mon université, qui ne fait jamaisa rien, avait préparé une petite boum, dont le coup d’envoi siffla à 13h00.

Génial. Alternance de pop pop et de musique locale. Et quelle que soit la musique, les djeunes étaient motivés...Après, bon, moi, j’avais l’air d’un chaperon, du fait que j’étais certainement une des plus vieille et que je n’avais ni paillette, ni parent qui m’attendaient à la sortie...

Enfin, le DJ s’est fait plaisir, entre les espaliers de la salle de gym, plus fier que jamais de sa play-list sur son pc portable et les gamins dansaient avec classe...Il faut dire que les danses jobans sont particulièrement belles, avec les sauts de chat élaborés qu’elles proposent.

Bien que toute ressemblance avec Vic de la boum 2 soit fortuite, je tiens à préciser que filles et garçons étaient tout pomponnés, l’air de ne pas y toucher, et que sur les portables, on disait aux parents d’attendre au coin de la rue...Histoire d'assurer une sortie relativement classe, vraisemblablement vers 18h00.

Dans la suite des festivités, la francophonie nous proposa un mime le dimanche, une petite allocution des différents ambassadeurs Suisse, Belge et Monsieur de France, le lundi, férié, décrété alors jour des professeurs de français. En concis, je dirais que le traiteur était  très bon.

Le mardi soir faisait honneur au cinéma Suisse, avec Mon frère se marie. Pertinent, intéressant, particulier, original et déroutant....Dans la foulée, on nous balançait un très beau documentaire sur Rimbaud, un concert dans une salle où seuls les expatriés surent trouver une place, et différents concours de photos, compositions et autres.

Si les buffets n’étaient pas mauvais, si j’ai globalement bien aimé, je doute un peu sur le plaisir des Jobans. Pour ma part, cette longue semaine fut synonyme d'étonnement, de rencontres et autres surprises et découvertes...Mais...Parce qu'il y a toujours un « mais »...

Il faut bien avouer que côté joban, on peut dire qu'ils furent un peu les grands lésés d’une fête, qui à l’origine, était sensé flatter les apprentis francophones de leur pays.

Soit coup de gueule numéro 2 : la plupart ne savait pas ce qu’était la francophonie. Le film suisse, à la Chabrol, les a déçu, parce que l’ambassadeur, qui ne l’avait pas vu, l’avait présenté comme une comédie, Rimbaud, ils savaient pas qui c’était et ils n’en ont retenu que l’homosexualité et un choléra du genou. Pas même l’once d’un dormeur dans un val. Quant au concert, c’est à peine si on n’a pas refoulé les locaux à l’entrée, pour permettre au gratin d’avoir une place assise....Enfin, pour conclure sur la critique, nombres des protagonistes de cet événement ont oublié à qui ils s’adressaient. Globalement à des étudiants, qui apprennent le français, qui ont des niveaux différents et donc à qui il est toujours mieux de parler lentement, distinctement, avec des mots simples, plutôt que de hocher la tête de tous côtés, pour remettre sa mèche de cheveux en arrière, parce qu’avant tout, « Rimbaud, c’est la liberté»....Oui, la méconnaissance des azerbaïdjanais a fait que si en apparence tout a bien fonctionné, le but premier de la Francophonie, à mon avis un truc du genre du partage, a complètement merdé. En effet, si en Suisse, en France, on a tous une idée de qui est Rimbaud et autres, parce qu'on les a croisé sur papier Payot, une fois ou l'autre...Outre-Carpattes, c'est peut-être pas les mêmes références. Et il aurait fallu se poser la question, s'intéresser au public et introduire les sujets présentés.

Après, toute la question est de savoir si on fait les choses parce qu'il faut les avoir faites et dire qu'on les a fait...

La palme de la francophonie, et là, je fais pas dans l’ironie, revient au mercredi soir. Soirée Théâtre, concoctée par Hatice et ses étudiants...Une pièce de théâtre, préparée depuis longtemps, sans trop d’ambitions, juste l’envie de partager, rigoler, comprendre. Et ça, c’était un véritable grand moment. Monsieur Jourdan  botaniste et le derviche, pièce azerbaïdjanaise traduite en français, jouée avec des accents improbables, des décors simples, mais un réel plaisir des acteurs... L’espace d’un instant, les étudiants se sont laissé aller, à gesticuler,  rire et faire rire...(attention, je n’évite pas le cliché), pour le bonheur de tous.

Si dans la salle, tout le monde ne comprenait pas les tirades, il y avait les déguisements et le plaisir des gamins sur la scène.

Cette pièce, à mon goût est peut-être le seul instant où les azerbaïdjanais francophones étaient réellement à l'honneur.

 

Novruz

Quelques jours à peine après la clôture de l'événement franco-français, commençait la semaine de Novruz, fête jobane et païenne dans toute sa splendeur.

C'est l'événement le plus populaire de tout le pays, une sorte de Nouvel An, disent les uns, une fête du printemps, disent les autres, le renouveau du cycle de la nature, le solstice, du fait de la date officielle de 21 mars...Enfin, c'est surtout des congés et des rites...Une fête et une grande joie pour chacun. Oh que oui.

Malgré tout ce qu'on pourrait croire, Novruz ne se contente pas d'être à l'honneur le jour J. Non, les quatre mardis qui la précèdent ont déjà leur lot de rituels...

Ainsi donc, tout commence en février, la dernière semaine, histoire que les quatre mardis précédents le jour J représente les quatre éléments. Ainsi, il y a une petite fête hebdomadaire jusqu’au 21 mars, où tour à tour, l'eau, le feu, la terre et l'air sont à l’honneur, avec des rituels assez simple...Par exemple, allumer un feu dans la cour de sa maison pour le jour du feu. Enfin, tout est codifié, un mardi, les jeunes filles doivent écouter aux portes des voisins, cela détermine leur avenir, l'autre, on doit préparer des bakhlavas, des sekerbouras etc...Pour symboliser le soleil et la prospérité etc...Et puis partout, on vent ce que les mauvaises langues appeleraient de l'herbe à chat. C'est-à-dire une petite touffe d'herbette dans un petit pot de jardinier. L'herbe est entourée d'un ruban...Bref, il y a toute une ribambelles de codes et d’usage à respecter et je pense qu’un bon ouvrage sur la question sera bien plus recommandable que mon charabia. Si quelqu’un est intéressé...Je peux lui faire suivre des références.

Bien sûr, la ville est en fête, surtout dans la vieille ville où les murs sont coiffés d'affiches à l'effigie des deux présidents. Alors oui, il n' y a pas eu que deux présidents depuis l'indépendance...Mais malheureusement pour le premier, les deux suivants, plus connus sous le nom de "clan Aliev", sont bien plus doués dans le marchandising de leur image...Il y a aussi des concerts, des vendeurs de simits à vélo...Enfin, une vraie fête, couronnée le 20 mars au soir par un feu d'artifice qui précipite le tout Bakou dans les rues.

Parce que Novruz, c'est un peu comme Noël. C'est le 25, mais déjà pas mal le 24. Ben là, pareil. C'est le 21, mais le repas, avec les sept  plats, c'est le 20. La menu est tout symbolique, puisque chaque plat représente un bienfait qu'on espère dans l'année: vérité, justice, bonnes pensées, bonnes actions, prospérités, vertus, immortalité, générosité.

Une fois le ventre rempli, on allume encore des feux un peu partout et on joue à sauter par-dessus, histoire de purifier nos semelles.

Si Novruz est la fête la plus importante des Jobans, elle n'en est pas moins un tantinet mal connue. Ce qui m'a surprise, c'est que bien souvent, les gens hésitaient sur certaines parties des rites à exécuter. Si toutes les femmes savaient à quel moment préparer les bakhlavas et les hommes, quand sauter par-dessus le feu...Peu d'entre eux étaient réellement à même d'expliquer le pourquoi du comment et l'inverse.

Finalement, un peu comme l'Ascencion ou la Pentecôte, l'important, semble-t-il, c'est de savoir de quand à quand on a congé...

Le voyage à Zaqatala

...Et ils n'ont pas lésiné sur les congés...Le décret du président est tombé suffisamment tôt pour permettre aux uns et aux autres de s'organiser...Vacances du 19 au 29 mars. Merci Novruz.

Pour ne pas être en marge des festivités, les universités ont chacune organisé un petit spectacle sympa...Danse, chants traditionnels, vêtements, costumes, allocutions des directeurs etc...Avant de donner le coup d'envoi des vacances.

Le lecteur attentif remarquera que nous voilà enfin arriver à l’aventure dont on vantait les rebondissements dans le préambule...Soit bravo pour avoir écumé mes bavardages et commentaires. Bravo d’être arriver jusque là, enfin, dans le vif du sujet. Ainsi

j'avais confectionné une belle équipe autour de moi et nous avions décidé de nous en aller. Avec un plan. Parce que c'est toujours mieux, quand on sait dans quelle direction partir, mais aussi avec l'idée qu'un plan, permet avant tout d'être flexible.

C'est ainsi que le samedi matin, bananes, qutab et bouteilles d'eau en main, nous embarquions dans un bus, forcément sale et en mauvais état, en direction de Zaqatala, petite bourgade du nord du pays, entre la Russie et la Géorgie.

Quelques 8 heures de bus plus tard, entrecoupées de sommeil, de bananes, d'arrêt et dans des toilettes publiques et autres gourmandises, mon acolyte me secouait, disant qu'elle pensait qu'on était arrivé, parce que pas mal de monde descendait...

Zaqatala, c'était donc ça. Enfin, à cet instant, nous découvrions une gare d'autobus, qui n'avait rien à envier aux autres gares d'autobus. Il faisait encore presque chaud et presque jour. Pour ma part, le trajet m'avait cassé les rotules, le dos et la tête...A cause des sièges et de la chaleur épouvantable qu'il avait fait dans un bus sans air.

Nous sortîmes du bus belles dernières, alors qu'il s'apprêtait à reprendre la route pour Balaken. Et nous rencontrions Mirza, qui ne tarderait pas à devenir notre meilleur ami...

Fin, élancé, grisonnant, propriétaire d'une jolie lada, Mirza, nous proposa ses services de taxi driver, pour nous acheminer quelque  part.

Après une brève étude du petit Futé, nous lui proposâmes de nous conduire à Lezzet Resort, petit établissement dans les montagnes. Pour ce faire, il fallait traverser la ville de Zaqatala et se lancer sur ce qu’il fallait bien appeler un sentier défoncé, pour gravir les pentes abruptes de la montagne. L'établissement se trouve à six kilomètres, dans le village de Jar. Prononcez Djar, comme djeune.

Traverser Zaqatala était un vrai plaisir, première ville azerbaïdjanaise dont la propreté était comparable aux moeurs helvétique...Et faut dire que quand on vit dans la ville la plus polluée du monde (source Forbes, février 2008), et bien un brin de nature non souillée de sac en plastique et autres chaussures dans une rivière, c’est un vrai cadeau...

Arrivées à Lezzet, nous tombâmes en pamoison : l'endroit était magnifique, avec un restaurant, un bar, des petits pavillons disséminés ça et là pour boire le thé et manger une bricole, des bungalows, et au milieu...coule une rivière...Un endroit idyllique pour un repos agréable.

A peine débarquée, nous quémandâmes une chambre...Or, mümkün degil, не возможно. Travaux, pas d'électricité, ni d'eau dans les chambres... La saison commence le premier mai. Parce que même s'il fait chaud, ben c'est pas l'été et les chevaux sont à l'alpage, oui, en mars et c'est aussi ça, la Jobanie.

Je rappelai Mirza, avant qu'il ne soit trop tard et qu’il soit redescendu de la montagne jolie, histoire qu'il nous ramène avec lui à Zaqatala. C'était l'occasion de traverser une seconde fois le village de Jar, la mini-ville de Zaqatala, qui détonait du paysage azerbaïdjanais habituel, parce qu'elle était propre. Mirza nous conduit dans plusieurs hôtels et autres...Tout était complet. Avant de tenter l'établissement de la dernière chance, pas tout à fait minable, pas génial non plus, il nous prévint que si encore une fois, c'était complet ou autre, il nous inviterait chez lui.

Or, le motel avait de la place pour nous accueuillir. Une chambre presque jolie, avec une salle de bain toute sommaire et une équipe de vainqueurs en guise de personnel, mais nous n'étions plus en position de faire les difficiles, parce que sinon, c'était la rue ou Mirza et là, même si l'expérience pouvait s'avérer trépidante, le confort minimal n'était pas indubitable et, malheureusement, même les plus aguérries des aventurières doivent bien avouer, parfois, qu'on plus forcément l'âge pour ces conneries.

Pour quinze manats, nous avions de quoi dormir et nous laver. Quant à notre vigilance, celle-ci était fille de prévoyance et mère de sûreté, puisqu'elle avait emmené du PQ. Alors certes, certains riront en imaginant le tableau, avec deux coquettes qui pensent partir à l'assaut des contrées sauvages, se plaignant parce qu'elles ne peuvent brancher leur fer à friser. Or, non. Ce n'est pas ça. Simplement, la vie quotidienne en Jobanistan, à moins de travailler comme foreur chez BP, ne se déroule pas dans des conditions forcément luxueuse. Bien sûr, nous sommes moins à plaindre que les réfugiés...Mais voilà. Pour les vacances, un peu de confort fait plaisir aussi. Et je crois que du papier de toilette et une chasse d'eau, dès le moment qu'on est pas en plein désert, c'est franchement pas pousser, au niveau du luxe.

La nuit était tombée. On se rendit à la ville, dans l'espoir de trouver de quoi nous mettre sous la dent, mais nous n'avions rien repéré et les rues étaient sombres et nous, fatiguées par le voyage en bus. On décida alors de tout tenter et de croquer à l'hôtel.

Là, on constata que les Jobans ne perdent pas le Nord...En effet, lorsque nous nous mettions d'accord sur le prix de la chambre, notre premier interlocuteur nous dit, par réflexe d'honnêteté, une somme toute vraisemblable. Or, rapidement intervint un tiers pour lui dire en joban, que nous étions des françaises, qu'il aurait fallu doubler le prix...C'était sans savoir que mon acolyte maîtrisait toutes les ficelles de la langue agglutinante....Dès lors, nous étions sur nos gardes, quant au prix des choses. Non pas que nous voulions absolument faire des vacances "pas chères" et économiser sur le dos des démunis, en profitant de la générosité des uns et des autres, mais tout simplement, qu'il est toujours très dérangeant de se faire prendre ouvertement pour une conne pleine de fric, alors qu'on a pas même un salaire de joban.

Ainsi donc, au restaurant, on nous servit une salade, c'est-à-dire un demi-concombre et deux rondelles de tomate dans une assiette. Ni sauce, ni citron, ni herbes. Un poulet mal cuit, dont on ne savait pas s'il avait la peau sur les os ou l'inverse, avec des frites qui avaient du macérer dans l'huile de l'année dernière. Si la nourriture manquait d'assaisonnement, la facture, elle, était bien salée. Nos hôtes facturèrent ce plat misérable 18 manats, ce qui revient à environ 25.- suisses, pour un demi-poulet et un concombre. Histoire d'avoir une idée à quel point on nous prenait pour des andouilles, il faut savoir qu'à Bakou, là où tout est cher, un poulet grillé, c'est environ 6.-. Ce qui laissait augurer que le demi concombre et le thé devenait des mets de fête, au même prix que du caviar...

Les vacances commençaient alors sur les "chapeaux de roues...On laissa 8 manats sur la table et nous nous en allâmes...Tout simplement. S'ensuivit tout un cirque, avec le  patron du restaurant, le serveur etc...qui vinrent nous chercher jusque dans notre chambre. Une fois qu'ils comprirent qu'on ne céderait jamais. Ils nous donnèrent une boîte de chocolat et nous laissèrent nous reposer. On barricada la porte, parce que bien sûr, celle-ci ne fermait pas vraiment et dormîmes du sommeil du juste.

Le lendemain, nous partîmes avec Mirza, l'ami de Zaqatala à la découverte de Jar, une deuxième fois parce que c'est tellement bien. Il nous expliqua que ce n'était pas des azerbaïdjanais qui vivaient là, mais des Avars, petit peuple du Daghestan avec sa langue et ses traditions...On visita la montagne, une vieille tour...On profita de l'air frais et pur, du soleil, de la chaleur des températures et rencontrâmes de sympathiques montagnards dont le raffinement n'avait rien à envier aux citadins. Finesse, élégance et générosité semblaient être les maîtres mots de ce peuple.

Le soir, les avars nous montrèrent l'étendue de leur bonté, en nous invitant à déguster des petits poissons de rivière, avec la tête et la queue...Une sorte de perchette locale, ma foi, pas mauvaise...

La troisième journée du périple se déroula encore avec Mirza, qui était décidément notre guide attitré. Moyennant quelques manats pour remplir le réservoir de la vieille Lada, il nous emmena à Ilisu, petit village des montagnes, au sud est de Zaqatala. Nous prîmes la route des montagnes, celle qui n'est que terre et cailloux et qui traverse des villages d'un autre temps. Route défoncée, maisonnettes aussi carrées que sommaires, chaque villlage semblait appartenir à un autre peuple...Azéris, Ingiloï, Avars, Tziganes...On aurait cru traverser le Moyen-Age, en longeant les barrières en bois qui encerclent les maisons.

Le temps était particulièrement agréable...Du soleil et la nature qui se réveille, des fleurs, l'herbe verte et belle, de celle qui donne envie de s'y rouler....

Certains villages avaient fait du noisetier leur fond de commerce. Mirza expliqua que le kilo de noisette se vend à environ 17 dollars et qu'il n'est pas rare qu'une famille puisse en produire deux tonnes. Et c'est très beau, un champ de noisetier.

Ilisu, but de la promenade n'est pas incroyable en soi. C'est un vieux village difficile d'accès, qui vit en quasi autarcie, du fait que l'hiver, comme bon nombre de patelins de la région, il est complètement inaccessible. Sur la route qui y mène, on trouve des robinets et des fontaines de pierre, pour déguster l'eau de la région, et un peu loin, une usine d'eau minérale.

Dans cette contrée où la nature est belle, l'eau fraîche et succulente, on est reste frappé par les femmes, à pieds et les hommes, en voitures, qui viennent remplir leurs estagnon d'eau fraîche. Ainsi, si Orange nous rappelle que "connecting people", si "tout le monde" a internet, il n'en est pas de même, dans le reste du monde pour l'eau courante.

Rassasiées de paysages et panaromas, de montagnes et de nature, le soir, nous décidâmes de partir pour Ganja....

Ganja, deuxième ville du pays

Ancien carrefour de la route de la soie, ancienne capitale de l'Azerbaïdjan, Ganja bien que pas du tout sur notre route, parce que c'est quand même un détour de près de cinq heures en minibus, reste une étape relativement intéressante.

En effet, là-bas, on y trouve une jolie rue piétonne, de beaux bâtiments, des jolis magasins, des terrasses agréables, une maison construite avec des bouteilles de vin, de bière, une belle université, flambant neuve, qui donne envie d’y donner des cours, le mausolée de Nizami...

L'offre en matière d'hôtel est, quant à elle, toute relative. En effet, il n'y a que deux établissements. L'un vieux, sale et vraiment pourri. L'autre cher, mais chouette. Enfin, cher...Par rapport à ce qu'on imagine quand on voyage dans un pays tel que celui-ci. Après, effectivement, s'il s'agit de comparer avec une nuit dans un hôtel genevois, je crois qu'on s'en est bien tirée, avec notre hôtel de luxe. Enfin, luxe, tout de suite les grands mots...Oui, c’est du luxe, mais du luxe joban, la douche ne se ferme pas de manière étanche, les portes ont des verroux tout relatifs et nous étions logées à l’étage où les ouvriers rénovaient tout. Ca tombait bien, nous avions prévu de nous lever tôt...

Ce qui est vraiment triste avec Ganja, c'est que les alentours de la ville sont, paraît-il très beaux, mais trop proche, à l’heure actuelle, de la zone d'occupation arménienne...Donc, pour les lacs de montagne, il faudra attendre que les gens qui dominent le monde se décide à trouver un accord de paix...Et d'après les événements et la reprise des affrontements au début du mois, il semblerait que les minibus ne soient pas prêts à desservir la région...

Les réfugiés ne sont pas prêts de retrouver leurs terres...Alors bon, après, mes envies de touriste frustrée paraissent bien dérisoires.

Enfin, si Ganja n'est pas transcendante, à l'échelle des villes du monde, c'est un peu triste, dit comme ça, mais pour l'Azerbaïdjan, c'est vraiment pas mal. Oui, parce que lorsqu'on visite la petite ville de Soumgaït, au Nord de Bakou, ses usines de pétrochimie dévastées et hideuses, son cimetière d'enfants, on a souvent tendance à croire, dans ce pays que là où l'homme citadin s'installe, la laideur l'accompagne. Dans les montagnes, c'est malheureux pour les azéris, mais c'est généralement d'autres ethnies et c'est du coup, généralement très joli...

Alors du coup, Ganja, faut bien avouer que c’est très sympa. On y a fait de sympathiques rencontres, nous nous sommes frottées au luxe des hôtels soviétiques, nous avouons découvert des serveurs encore plus manche qu’à Bakou, mais toujours aussi marrant, quand on a décidé d’en rire, à défaut d’en pleurer...Et nous avons parfait notre technique de repoussage de l’impétueux joban qui pense que deux européennes, c’est toujours bon à se mettre sous la dent.

Petit cour de repoussage d’un joban en chaleur...Dans la rue, le métro, les cafés, les parcs, il n’est pas rare qu’un joban vous adresse la parole. Il ne faut pas se leurrer, si la lourdeur est très prononcée ici, être lourd, n’est pas le propre du joban, mais bien celui du blaireau, de quelque ethnie qu’il soit. Lorsque c’est en ville, les approches sont variables...Ca va du  « bonjour mademoiselle, pouvons-nous faire connaissance ? » au  « pourrais-je assouvir mes ardeurs sexuelles avec vous ? ». On remarquera la traduction littéraire que j’offre à mes lecteurs...Dans le métro, c’est bien plus direct, du fait de la promiscuité conséquente aux heures de pointe, les mains s’égarent et parfois, voire bien souvent, la jeune fille fragile et coquette que je suis préfère descendre au premier arrêt et prendre un taxi....

Soit, on me dira qu’il faut être ferme ou courrir vite. L’un dans l’autre, ça ne change rien. J’ai tenté l’ignorance, les « dégage » en turc, en russe et d’autres versions plus corsées que ma pudeur m’interdit de livrer ici...Parfois même, je me suis risquée à une diatribe vulgaire et méchante dans un français hurlé, espérant qu’on me prendrai pour une hystérique...Rien n’y fait. Le blaireau joban est indécrottable. Et là, je ne raconte pas tout.

Or, là, nous étions en vacances et la nuit était agréable. Au centre de Ganja, il y a un joli parc, avec des fontaines éclairées, et même si l’heure était tardive pour deux jeunes filles au Jobanistan, nous voulions à tout prix jouir de la fraîcheur vespérale, tranquillement assises sur un banc, à contempler la vie....Un troupeau de djeunes Jobans, bave à la lèvre s’approcha à maintes reprises....On changea de place, tenta de les semer. Indécrottables, je vous dis. C’est alors que nous nous tournâmes vers l’ultime solution...Au Jobanistan, la flicaille est aussi désoeuvrée que ces jeunes pourceaux qui n’ont rien d’autres à faire que d’importuner les jeunes filles...Mon acolyte alla, alors, dans un turc parfait se plaindre à la police, disant que les garçons nous embêtait....Si ceux-ci détallèrent comme des lapins couards, la police resta désormais, à une distance respectable, qui tenait à distance les lièvres les plus téméraires....

 

Ismayili et l'étape touristique

Bien que Ganja soit très agréable, c'est une petite ville et finalement, une demi-journée suffit amplement pour en faire le tour. Ainsi, nous y passâmes une nuit et un jour et notre amour des minibus l’emporta sur notre attrait de la vie citadine.

La prochaine étape, Ismayili, nous  conduisait au centre du pays, à  quelques deux cent bornes de la capitale.

La route qui y mène traverse plusieurs paysages bien différents les uns des autres, ce qui n’est pas sans rappeler que l’Azerbaïdjan jouit d’une certaines diversités climatiques. On recense neuf climats différents dans le pays. Ainsi, on traverse une plaine désertique, poche de pétrole pour arriver dans une montagne aux couleurs chatoyantes et à la verdure soyeuse. Oui, soyeuse, parce que si cette herbe là avait été un tissu, elle aurait été toute douce.

Les paysages qui s’offraient à nos yeux étaient donc magnifiques, jusqu’à ce que notre minibus s’engagea dans la petite bourgade, qui malheureusement pour elle et son potentiel touristique, était bien déplaisante. Je n’aime pas les mystères, donc je brise tout de suite les attentes, les espoirs et les illusions : Ismayilli fait partie du top trois des endroits les plus laids que j’aie vu et malheureusement pour les Jobans, tous se trouvent dans leurs contrées.

Comme à l’accoutumée, le bus s’arrête là où il y a des taxis. C’est certainement l’inverse, mais bon, j’avais dit en préambule que le Jobanistan a de quoi bouffer toute la raison chez un homme, à l’image de ses habitants. Donc, ce sera comme ça et puis c’est tout.

Un chauffeur de taxi décida de s’occuper de notre cas. Et comme tous les malheurs du monde semble se condenser dans cette bourgade hideuse, l’homme n’était pas un Mirza, mais un sacré connard. Devant le non choix de la situation, nous décidâmes de le suivre et de prendre tout ce qu’il y avait de bon à prendre, de chercher dans son discours les indices qui s’avéreraient utiles pour la suite du périple et d’oublier le reste le plus rapidement possible. Parce que loin de nous l’idée de moisir à Ismayili. Non, ce qui nous intéressait, c’était le petit village de Lahij, (dj, comme djeunes), dont la réputation en a fait un monument classé au patrimoine de l’humanité par monsieur Unesco.

L’abruti, nous l’appelerons comme ça, même si c’est pas très sympa, mais bon, qui a dit que j’étais quelqu’un de sympa ? nous expliqua qu’il n’y avait qu’un bus le matin à 8h00 et qu’après nous ne pourrions redescendre. Il baragouina tout un tas d’informations, comme quoi, après, nous raterions le bus pour Bakou, parce que là aussi, il n’y en avait qu’un et qu’il n’y avait que lui, moyennant une certaine somme pour nous emmener dans les alpages classés de manière humanitairement importante, nous ramener dans cette ville incomparable et trouver moyen, par la suite de rallier Bakou.

Il va sans dire que nous étions un peu fatiguées, car oui, 6hoo de minibus, mine de rien, c’est pas cool...Et que nous décidâmes de dire oui à tout. Il nous emmena alors dans un motel pourri. Pas d’autres mots, où le patron n’eut pas l’audace d’avouer qu’il n’était pas chaud à l’idée d’héberger des filles. Il préféra ne jamais venir se présenter et la borne d’accueuil resta vide.

L’abruti, pas peu fier de ce fiasco, nous proposa alors des bungalows, à quelques kilomètres de là, moyennant une quinzaine de francs de plus...Et se lança sur la route, sourd à mes invectives...Notre chemin croisa les lumières de ce qui semblait bien être un établissement de choix. Bien sûr, l’abruti ne savait pas que cet endroit existait. Je le priai de s’arrêter et nous allâmes négocier une maisonnette aux conforts sans prétentions.

Dire que la chambre était sommaire et le repas frugal est un euphémisme. Bien sûr, les portes et fenêtres ne se fermaient  pas. La vitre de la salle de bain, enfin, on dira que c’était une salle de bain, avait été arrachée, vraisemblablement par le vent et la saleté et la poussière semblait avoir pris possession des draps et des lieux depuis dix ans. Nous apprîmes bien plus tard que l’endroit n’avait pas fêté son troisième anniversaire et pourtant, la vétusté aurait pu être une bonne excuse pour le délabrement. La nuit fut épique. Nos voisins étaient des Jobans alcooliques...On entendit un chien hurler à la mort, avant de se faire descendre dans le jardin et ce qui gratta à la porte et à la fenêtre, je préfère croire que c’était un ours.

Aux aurores, le chant mélodieux des oiseaux nous tira du lit. Il me semble déceler là un point commun à tout le pays Joban : le lever aux aurores, si dans les campagnes, ce sont les oiseaux qui se chargent de nous extraire des bras de Morphée, à Bakou, c’est les marteaux piqueurs. Tout de suite moins bucolique, n’est-ce pas ?

Enfin, nous attendîmes avec impatience l’arrivée de notre abruti préféré, histoire que, comme convenu la veille, il nous emmène à Lahij.

Lahij est un village perdu à une demi-heure de route. Il faut traversé tout un défilé, des gorges, gravir des pentes escarpées, sur des sentiers éprouvés par les éboulis de pierres....Mais c’est beau.

C’est un petit village perdu, où on parle en vieux persan. La légende raconte que les habitants de ce hameau seraient venus d’Iran aux alentours du VIIème siècle. Tellement enfoncé dans les montagnes, le village a pu conservé ses traditions ancestrales...Tout en se munissant d’antennes paraboliques, de téléphones portables et captant le réseau simsim...Encore une fois, le « connecting people » est plus fort que le besoin d’eau courante.

Les villageois savent recevoir les touristes et du coup, on en croise pas mal. C’est certainement la seule fois que je verrai des chinois en Azerbaïdjan, sans qu’ils vendent des sèche-cheveux dans la rue.

Lorsqu’on demanda où il y avait moyen de se restaurer, il nous fallut décliner plusieurs invitations, pour finalement accepter de suivre Kurban Ali, autrement dit Ali-le-sacrifice, chez lui, afin de goûter aux biscuits et dolmas de sa bru.

Nous découvrîmes une cour intérieure très jolie et une famille très généreuse. On nous fit visiter les lieux, on nous montra les tapis tissés par la mère, les posters de la Mecque et le joli poster du paysage étranger. Ce dernier, c’était l’image inattendue. En effet, comment s’attendre, au milieu du bledistan, dans la chambre à coucher d’une brave famille, dont on ne comprenait que très mal les propos à trouver un poster du lac Léman, avec vue sur le château de Chillon, viaduc, Villeneuve et même un bout de Rennaz. Eux non plus n’en revenait pas. Rencontrer quelqu’un qui vit dans une photo, ça n’arrive, effectivement, pas tous les jours.

Comme je me plains tout le temps, j’en profite...L’hospitalité est quelque chose de très touchant, partager un repas, c’est quasi symbolique...Après, vient le problème des goûts et des couleurs...Parce qu’en effet, encore faut-il être prêt à faire honneur à la nourriture. En l’occurence, si c’était gras et malsain, c’était loin d’être mauvais. Le problème, c’est qu’à la base, moi, j’avais pas vraiment faim, tandis que l’acolyte aurait pu dévorer un cheval entier. Or, il se trouve qu’elle n’aime ni le cheval, ni le mouton, ni le bouillon dans lequel on avait plongé les boulettes de la bête, encore moins l’aneth, herbe qu’on retrouve dans tous les plats jobans, et que les biscuits et autres pâtisseries transpirant le beurre rance ne lui faisait pas vraiment se lécher les babines. Je sacrifiais alors mon estomac sur l’autel de l’hospitalité...Si je mis deux jours à digérer, je contentai nos hôtes, et c’était un moindre mal.

Bien sûr, toutes les bonnes choses ont une fin. Et heureusement toutes les mauvaises aussi. En d’autres termes, il nous fallu redescendre et partir pour Bakou. L’abruti qui nous avait attendu à Lahij, nous avait trouvé un véhicule qui partait pour la capitale depuis le sommet.

Nous montâmes alors dans le véhicule de ce nouveau chauffeur, ma foi peu sympathique. Sur la route, il embarqua ce qu’on appelle un andouillle. Et si les andouilles ont un roi, je crois qu’on la trouvé.

Celui-ci, jeune Joban, dans la fleur de l’âge descendait de la montagne pour aller retrouver la ville morte d’Ismayili. Or, ses hormones ne firent qu’un tour, quand il apprit que les deux jeunes filles, en l’occurence nous, assises à l’arrière allaient à Bakou. Persuadés d’avoir un ticket, il décida de poursuivre son chemin avec nous.

Dire que les trois heures de route étaient insupportables seraient exagérés. Parce que lorsque la bêtise n’a pas de limites, même si c’est pas très sympa, il y a toujours moyen de bien rigoler. Et puis bon, on a jamais dit qu’on était des Amélie Poulain, et lui, finalement, partait quand même du principe qu’il finirait bien par nous sauter...Alors si au début, on ne faisait que répondre à ses questions, on finit par se foutre ouvertement de sa gueule, avec le chauffeur, qui se révéla un excellent traducteur, lorsqu’il s’agissait de vanné l’andouille de service.

 

Retour à Bakou

Alors bon, « et alors ? », diront les âmes en peine de bilan. Comment dire...Si on me posait la question, j’aurais de la peine à conseiller l’Azerbaïdjan comme destination de rêve, pour les touristes.

Si les premiers jours dans cette contrée, on se plaît à remarquer une architecture très simple mais pas banale, avec les maisons en briques et les toits en tôle, rapidement, l’amour du bâtiment n’est pas une raison suffisante pour venir ici. Si on espère voir des villes différentes, parce qu’on est passioné d’histoire et de vie citadine, et bien je vous dirais qu’à mon avis, Samarkand, Persepolis ou, dans un tout autre genre, Tokyo, ont bien plus à offrir que Bakou, Ganja et tout leurs amis.

Si c’est la nature qui vous fait vibrer, les Andes, les Landes, le Sahara...Enfin, à part le Caucase qui est bien sympa, tout ce qui est ailleurs est mieux.

Quant aux gens, je pense que tout pays trimballe son lot d’abrutis et de monstres gentils....

Soit, l’Azerbaïdjan n’est pas un pays au potentiel touristique énorme, quoiqu’en dise sa population, qui se projette dans l’avenir, en rêvant de J.O pour 2016...

Après, une fois qu’on est là et qu’on a le énième degré nécessaire et qu’on aime avant tout les adjectifs « intéressant » et « original », voire « peu commun », ce pays est un véritable trésor....

Enfin, pour l’anecdote, puisqu’on nous a offert dix jours de vacances, Monsieur le président a décrété, et accrochez-vous bien, vous ne le croirez jamais, que samedi et dimanche seront des jours ouvrables. Certes, à Bakou, tout est ouvert tous les jours. Or, là, le décret concerne les entreprises, écoles et autres, qui fonctionnent sur le rythme des semaines de cinq jours. En plus clair, moi qui donne des cours du lundi au vendredi, et bien, je vais aller travailler samedi, comme si c’était un jeudi et dimanche, comme un vendredi, avant d’enchaîner sur un lundi, qui tombera, heureusement, un lundi....

C’est ça, le charme Joban.

Sur ce, les amis, portez-vous bien.