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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы

Univ. de Lausanne, Faculté des Lettres

Section de langues slaves, Option linguistique

Année 2006-2007,


Prof. Patrick SERIOT


Séminaire de 3e cycle : doctorants et mémorants

Séance du 20 mars 2007.
Elena BULGAKOVA (UNIL)

«Les représentations sur la langue dans le discours sur la langue nationale en Ukraine»

La situation linguistique est très ambiguë en Ukraine à cause de la coexistence de deux groupes ethnoculturels les plus importants, à savoir les ukrainophones et les russophones. Officiellement ce sont les Ukrainiens qui sont reconnus comme nation « originaire », « principale », et c’est la langue ukrainienne qui est considérée comme la langue « officielle », ce qui devrait signifier la seule ou du moins la « principale » des langues d’usage. En réalité, les Ukrainiens ne constituent pas le groupe dominant en Ukraine, de même que la langue ukrainienne n’est pas la langue dominante. Cet écart entre le statut formel et le statut réel de la population ukrainienne aussi bien que de la langue ukrainienne est à l’origine de multiples malentendus et d’une confrontation idéologique.

Les résultats du dernier recensement ainsi que de différents sondages montrent que ce n’est pas l’ukrainien qui est la langue dominante comme cela devrait logiquement être le cas pour la langue officielle mais la langue russe.

L’apparition d’un nouvel Etat-Nation en 1991 a réveillé chez de nombreux linguistes et philologues ukrainiens un sentiment national. Ils sont insatisfaits du statut formel de la langue ukrainienne, de l’écart entre la loi sur la langue et son application en pratique.  Le problème linguistique se discute beaucoup dans la société ukrainienne, à tel point que les linguistes recourent aux mass media pour promouvoir la langue nationale. On voit apparaître des articles linguistiques dans les éditions non spécialisées, dans divers journaux hebdomadaires ; les linguistes sont régulièrement invités à la radio afin de discuter le problème de la langue national et d’« instruire » la population ukrainienne privée de « conscience nationale ».

Quand on analyse un certain nombre de publications, une chose saute aux yeux, à savoir que les linguistes ukrainiens sont tous du même avis au sujet de la langue nationale. Il ne s’agit pas de différents point de vue par rapport au problème linguistique, les articles donnant l’impression d’un monologue influencé par des sentiments patriotiques. L’on peut donc supposer l’existence d’une certaine idéologie linguistique sous-jacente.

Le discours sur la langue nationale fait ressortir un certain nombre de représentations sur la langue partagées explicitement ou implicitement par les linguistes ukrainiens qui, une fois acceptées, les dirigent vers des réponses identiques. Dans le présent exposé, je vais dégager et analyser les représentations principales telles que :

·      La langue c’est l’âme de la nation. Sans langue ukrainienne il n’y a pas de la nation ukrainienne.  ;

·      La langue nationale doit unir la nation.

·      Il existe une mentalité nationale se reflétant dans la langue .

·      Le bilinguisme officiel est toujours nuisible et représente une menace pour l’unité nationale.

·      Théorie du complot.

·      Le « russe » est la langue des « traîtres », le suržik est la « langue des incultes ».

 

Il devient intéressant d’analyser le discours sur la langue nationale en Ukraine de cet angle-là, c’est à dire à travers ces représentations sur la langue.

Nous allons également dégager la cause probable de l’apparition de cette idéologie linguistique en Ukraine et  voir comment elle influence le processus de la normalisation de l’ukrainien, à savoir les innovations grammaticales et lexicales.  

 


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