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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы

Séminaire de 3e cycle pour doctorants et mémorants, aud. 5093, 17h-19h

-- 18 mars 2008 exposé de Tatiana ZARUBINA (UNIL) : Les malentendus interculturels : le problème invisible


La question que je voudrais poser est de savoir si les idées issues d’une culture sont comprises, et comment elles sont reçues dans une autre culture, autrement dit si les malentendus interculturels existent. Cette question devient encore plus intéressante quand on parle des sciences humaines et de philosophie en particulier. Quand il s’agit de la physique ou de la biologie, en d’autres termes des sciences exactes et naturelles, on ne rencontre pas autant de problèmes de réception ou de compréhension car les lois physiques ou des données empiriques biologiques, par exemple, ne changent pas en passant d’une culture à une autre. Certes, la manière de questionner et les problématiques des sciences exactes et naturelles peuvent être différentes dans des cultures différentes. Mais quand il s’agit de la circulation des idées en sciences humaines, le tableau est tout à fait particulier. Entrant dans un autre contexte culturel, les idées passent à travers une certaine grille qui provoque la mutation des idées, des concepts et des théories. Parfois on a comme résultat la non-réception des idées et des courants de pensée, ce qui est le cas pour la philosophie « postmoderne » venant de la France en Russie ou pour la réception de la psychanalyse en Russie.

En parlant des réceptions des idées « postmodernes » en Russie actuelle, on peut distinguer deux périodes dans la réception des « postmodernistes » en Russie. La première comprend les années 1990 et la deuxième les années 2000.

 

I.               Les années 1990 se caractérisent par le manque des traductions des œuvres majeures. Les textes qui sont traduits à cette époque sont les textes secondaires ou les articles des philosophes « postmodernes » et les œuvres critiques (avant tout faites en langue anglaise) parlant des philosophes en question. A travers ces articles critiques on voit le transfert de la French Theory qui est la réception américaine de la philosophie des auteurs français en Russie avec ces querelles institutionnelles et intellectuelles qui passent implicites en Russie mais qui influencent les réceptions russes. A cette époque les auteurs français ont été tous « lus » à travers les Dictionnaires et les Encyclopédies qui ont apparus 15 ans avant les premières traductions ce qui signifie que les réceptions ont été « formées » d’avance.

 

II.             Les années 2000 ne changent pas les réceptions négatives des « postmodernistes » bien que les traductions des œuvres majeurs de ces auteurs apparaissent en russe, parfois accompagnés des introductions des traducteurs avec la mise en contexte philosophique et culturel du lieu et de temps. À cette époque on voit se dessiner des particularités des réceptions qui sont :

 

  1. la représentation du « postmodernisme » comme école ;
  2. la répartition de la possibilité de l’assimilation de ces idées « postmodernes » selon 3 axes (Histoire de philosophie, Philosophie de science/gnoséologie, Ontologie) ;
  3. une autre particularité concerne le fait que certains philosophes sont « acceptés » en Russie et d’autres non.

 

Pourquoi Derrida, Baudrillard ou Foucault ont été mieux reçus et même « assimilés » tandis que les œuvres de Deleuze posent un problème pour la réception et l’ « assimiliation » (osvoenie) ? Quels sont ces concepts qui ne passent pas dans le monde russophone ? Est-ce que c’est une théorie du Sujet qui ne peut pas être chez Deleuze et Guattari central ou intégral ou même fixe et stable mais qui tend vers cette intégralité en Russie ? Ou est-ce qu’il s’agit de leur théorie du multiple et de l’hétérogène et de leur anti-platonisme dur ? C’est la réponse à ces questions qui permettra à l’aide de l’analyse du cas de Deleuze-Guattari en Russie de démontrer les nœuds des malentendus interculturelles dans le domaine de philosophie.