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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы

Séminaire de 3e cycle pour doctorants et mémorants, aud. 5093, 17h15-19h

-- 24 mars 2009 exposé de Sébastien Moret (UNIL) :
La recherche d’une linguistique de la forme : un discours licite de l’URSS des années 1920


Partant du principe partagé par de nombreux historiens de notre discipline que la linguistique soviétique n’a rien d’une science monolithique, nous allons présenter ce que nous appellerons un « discours licite » de l’URSS des années 1920. Nous n’affirmons pas que ce paradigme discursif fut majoritaire (pour cela il faudrait un dépouillement plus systématique des sources disponibles), ni qu’il fut partagé par tout le monde ; néanmoins, il est caractéristique des premières années du régime soviétique. Nous aborderons les tentatives de créer ce que nous avons appelé une linguistique de la forme. Cette linguistique, il faut la distinguer de la linguistique normative et prescriptive dans le sens où cette dernière cherche à agir sur les locuteurs là où la linguistique de la forme cherche à agir sur la langue et son système. En poussant les choses à l’extrême, on pourrait dire que la linguistique normative et prescriptive cherche à imposer une norme ou une façon de parler en en discréditant d’autres auprès des locuteurs ; de son côté, la linguistique de la forme tendrait au même but mais en supprimant techniquement dans la langue la possibilité de dire les choses autrement.
Après avoir présenté plusieurs exemples de cette recherche d’une linguistique de la forme dans l’Union soviétique des années 1920, nous tenterons de montrer pourquoi un tel discours était licite et possible dans ces années-là et pourquoi il disparaît après le Grand Tournant. Dans le même but, nous aborderons cette problématique dans le contexte de l’Europe occidentale des années 1920.
Ce que nous défendrons dans cet exposé peut être résumé ainsi : pour pouvoir envisager la possibilité de créer une linguistique de la forme, il faut une certaine conception non seulement de l’objet-langue, mais aussi de la science linguistique. De telles conceptions ne sont envisageables que dans un contexte ambiant ou un univers personnel très particuliers. Ce contexte ambiant n’était pas celui de l’Europe occidentale dans la première moitié du XXème siècle ni celui de l’URSS dès les années 1930. En conclusion, il s’agira de s’interroger sur la pertinence d’une des idées-forces de Daniel Baggioni : le développement de la science linguistique a-t-il été tributaire du contexte dans lequel baignaient les linguistes qui contribuèrent à l’établissement de la linguistique comme science ?