Accueil | Cours | Recherche | Textes | Liens

Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы

Séminaire de master, aud. 5093, 17h15-18h45h

-- 5 octobre 2010 exposé de Margarita SCHOENENBERGER (UNIL-CRECLECO ) : «La  théorie des langues «littéraires» en linguistique soviétique et postsoviétique : théorie scientifique et  représentations sociales»

A partir d’un questionnement des données relatives au concept linguistique de langue «littéraire», concept central d’une théorie scientifique prospère en Union soviétique à partir des années 1960 jusqu’aujourd’hui, je cherche à proposer des explications qui pourraient rendre compte de l’ensemble des données analysées dans ma thèse. Je présenterai mes conclusions sous trois angles : épistémologique (ou la genèse et l’évolution du concept), historique et sociologique.

Du point de vue de sa genèse, la théorie des langues «littéraire» mélange plusieurs sources: l’apport des historiens de la langue comme Šaxmatov se voit greffer sur une longue réflexion, menée dès l’époque de Lomonosov, sur ce qui est la langue de la civilisation russe. Le terme de langue «littéraire» russe, par exemple, est passé des littéraires aux linguistes pour tomber chez les sociolinguistes avec à chaque passage un contenu différent sans que pour autant ces différences soient explicitées de façon satisfaisante.

Les écueils de la théorie des langues «littéraires» et, en même temps, sa vitalité trouvent des explications si l’on prend en compte l’historicité des phénomènes, car cette théorie a aussi été régie par les décisions politiques, des choix institutionnels, des normes administratives. Même si les rapports de causalité ne sont pas simples, il est possible de réfléchir à la façon dont la nature du pouvoir aux époques étudiées influe sur le devenir de la science.

L’étude du contexte historique de la cristallisation du concept de langue «littéraire» et l’examen de sa validité m’ont amenée à m’y intéresser autrement qu’en prenant seulement acte de son ancrage dans la réalité socio-historique et de ses faibles performances en tant concept opérationnel : cette démarche peut déboucher, à mon avis, sur une étude des opinions socialement partagées sur la langue russe. Il y a, en effet, de fortes présomptions de concevoir qu’il existe dans la société russe d’aujourd’hui une représentation sociale de la langue «littéraire» qui contient plusieurs éléments du concept linguistique du même nom et qui est partagée par des groupes sociaux plus larges que celui de professionnels du langage. Les méthodes de repérage des processus et du contenu de la représentation sociale permettent de proposer les contours de cette représentation à partir des textes de linguistes russes et soviétiques consacrés à la langue «littéraire» russe.

Ainsi, une étude historique d’une théorie linguistique particulière présenterait un autre intérêt que celui de dresser un récit cohérent des événements et des influences, qui ont constitué et dirigé le développement de la théorie en question, à savoir d’approcher à travers un corpus de textes de linguistes le domaine d’opinions des locuteurs russes sur leur usage langagier.