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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы

-- 6 mars 2012.
François Djindjian (Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne et UMR 7041 CNRS Arscan) : «Nicolas Marr (1864-1934) et le Marrisme. Leurs influences sur l’archéologie soviétique (1919-1950)»

Nicolas Marr est une des légendes de la Science soviétique, entre la création de l’Académie d’Histoire de la culture matérielle (GAIMK) en 1919 jusqu’à sa condamnation officielle, 16 ans après sa mort, dans une série d’articles de J. Staline publiés dans la Pravda en 1950. Cette légende concerne les archéologues, au même titre que les linguistes, les ethnologues ou les anthropologues.

Pendant cette période, l’école officielle du Marrisme a appliqué à l’archéologie le paradigme de la stadial nost’ (évolution stadiale du langage), pour y rechercher l’évolution stadiale des sociétés.

La publication du livre de de P.P. Efimienko, « les sociétés primitives », à partir des résultats des fouilles du site de Kostienki 1, en est une des plus spectaculaires applications.

Parallèlement, les archéologues appartenant aux autres écoles, comme l’école de palethnologie de Théodore Volkov à Saint-Pétersbourg, ou l’école de V. Gorodtsov à Moscou (Ranion) sont absorbés ou purgés. L’article de Ravdonikas en 1929 dénonce l’archéologie « bourgeoise » : « Pour une histoire soviétique de la Culture matérielle ». En 1937, l’article d’Arcikkovsky, Voevodsky, Kiselev, Tolstov : « Des méthodes de sabotage en archéologie et en ethnographie », annonce les grandes purges des années 1938.

La condamnation officielle du marrisme en 1950 par Joseph Staline lui-même oblige les auteurs des livres d’archéologie de synthèse écrits pendant la deuxième guerre mondiale, à ajouter un préambule autocritique avant la publication (Efimienko, Mongait, Boriskovski, dans les années 1950). Ces préambules sont des documents très précieux pour une analyse historiographique.

De 1950 à l’effondrement de l’Union soviétique, les archéologues, pris en tenaille entre deux paradigmes interdits, le Kossinisme et le Marrisme, fuient le champ des interprétations et des synthèses pour se cantonner dans les fouilles archéologiques et la publication de monographies formatées limitées à la description des objets, à des relevés planigraphiques et stratigraphiques et à des inventaires.

Parallèlement, la propagande intensive de l’Union soviétique dans les milieux intellectuels occidentaux, a des répercussions importantes en Archéologie. Le marxisme et le marrisme ont inspiré  notamment Vere Gordon Childe (« Social Evolution, 1951 ») et André Leroi-Gourhan, grand lecteur de P. Efimienko, dans la définition et les méthodes de fouilles d’une archéologie présentée comme une ethnologie préhistorique.