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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы

-- 20 mai 2014
Jean-Baptiste BLANC (Lausanne) : «Le Discours sur la langue dans les républiques de la région Volga-Oural»

Les six républiques autonomes de la région Volga-Oural (Bachkortostan, Mari-El, Mordovie, Oudmourtie, Tatarstan, Tchouvachie) partagent, au-delà de leurs différences linguistiques et confessionnelles, un certain nombre d'éléments historiques (leur territoire a fait partie de la Bulgarie de la Volga et du khanat de Kazan, et a été intégré de force à l'Empire russe en 1552) et de caractéristiques sociolinguistiques. Dans chacune d'entre elles, la langue (ou les langues, dans le cas de Mari-El et de la Mordovie) du peuple titulaire a un statut officiel parallèlement au russe. En dépit pourtant de ce bilinguisme officiel, le russe conserve partout une prééminence sociolinguistique, justifiée par son statut de langue officielle de la Fédération et, par conséquent, de langue de communication interethnique. Par ailleurs, dans chacune de ces républiques, une part importante de la population (entre un quart, en Tchouvachie, et deux tiers, en Oudmourtie) est ethniquement russe et ne parle très généralement pas la seconde langue officielle de la république qu'elle habite. Cette absence de compétence dans la langue locale est partagée en outre par une part de la population autochtone.

Dans chacune de ces républiques, depuis la dissolution de l'URSS, des individus se mobilisent pour promouvoir et défendre la pratique de la langue locale. La question sociolinguistique touche à l'évidence celle du nationalisme et de la citoyenneté russe. A ce titre, dans des proportions diverses suivant les périodes et les lieux, elle devient un enjeu politique, entraînant une importante production écrite.

On proposera ici quelques remarques sous forme d'hypothèses sur la situation sociolinguistique dans les républiques de la Volga-Oural depuis la chute de l'URSS et le discours produit par les acteurs locaux à son sujet. On développera en particulier le constat d'une tension dans le rapport à la langue. D'une part, les langues locales sont valorisées en tant que marqueurs de l'appartenance nationale, y compris de la part des Russes et des autochtones russophones. D'un autre côté, en dépit de ce fort investissement symbolique, le statut sociolinguistique des langues locales ne s'élève pas, certaines d'entre elles étant menacées de disparition à court terme (mari des collines, langues mordves). Ce constat paradoxal pousse à s'interroger sur la conception de la rodnoj jazyk prédominante dans cette région, et plus largement en Fédération de Russie.

Les points de tension soulevés dans ma présentation seront approfondis dans ma thèse, via un premier séjour dans cette région (à Mari-El et en Tchouvachie) en juillet et août de cette année, puis, dans l'idéal, un deuxième séjour, plus long, en 2015-2016.