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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы



-- Patrick SERIOT : «Langue de bois, langue de l'autre et langue de soi. La quête du parler vrai en Europe socialiste dans les années 1980», M.O.T.S., n° 21, 1989, p. 50-66.

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On s'accorde en général pour trouver un rapport entre le type de politique pratiquée par les régimes des différents pays socialistes et le mode d'expression verbale de cette politique. On a ainsi récemment parlé de la « langue de plomb » du régime chinois, et dit que la « langue de bois » était morte en URSS (Le Monde, mai et juin 1989).
Pourtant, on ne trouvera pas ici une étude sur la langue de la politique dans les pays de l'Est, mais sur ce qui s'en dit dans ces mêmes pays. L'objet de cette étude est le métadiscours sur la langue de bois au lieu même où elle s'exerce. Ce faisant, il me semble qu'on peut chercher à atteindre deux buts : dégager l'image de la langue qui est à l'œuvre dans ces textes métadiscursifs (ou discours sur la langue de l'autre), et explorer une voie d'approche originale des pays de l'Est, en comparant leurs attitudes envers la «langue de la politique».
Je fais moins l'hypothèse d'une relation entre une politique et son discours que celle d'une relation entre l'attitude épistémologique envers le couple langue / pouvoir et l'état d'avancement d'une réflexion politique, cette relation étant elle-même dépendante à la fois des circonstances locales et des spécificités nationales propres à chacun de ces pays.
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Les textes ici rassemblés le sont en fonction de leur accessibilité et pour rendre compte de conditions de production différentes : les auteurs sont variés : linguistes, sociologues, journalistes, la cible est elle-même variée : la langue de l'adversaire bourgeois, la langue de la propagande du pouvoir communiste, la langue de la bureaucratie ou la langue de soi. Mais l'objet même de ces textes est parfaitement homogène dans tous les cas, on a bien affaire à une réflexion métalinguistique, une topologie de la langue de l'autre et de la langue de soi, de la bonne langue et de la mauvaise. Cet objet-langue aura ainsi pour noms : nowo mowa (Pologne : « newspeak », « novlangue »); jezyk propagandy (Pologne : « langue de la propagande politique ») ; « propagande officielle » (P. Fidelius, Tchécoslovaquie) ; « propagande totalitaire » (ibid.); « mots de la propagande » (ibid.) ; « discours de la propagande » (ibid.) , jazyk burzhuaznoj propagandy (URSS : «langue de la propagande bourgeoise») ; jazyk politiki (ibid. « langue de la politique ») ; politicki govor (Serbie : « parler politique ») jezik mnoznicnih obcil (Slovénie : « langue des mass-médias ») uradovalni jezik (ibid. : « langue bureaucratique»).
Quel est le degré de métaphorisation dans l'expression « langue » de la propagande, « langue » bureaucratique : s'agit-il d'une langue ? Y a-t-il apparition d'une « langue » nouvelle dans les pays socialistes, à laquelle les linguistes assisteraient comme les astrophysiciens observent la naissance d'une nouvelle étoile ? Ou bien n'est-ce qu'une métaphore commode, une approximation hâtive ? Mais quelles sont les conséquences de ce glissement terminologique ?
Comment s'organise cette topologie, qu'est-ce que l'autre langue, celle qui n'est pas de bois? Comment va se définir la langue alternative (vraie langue, langue de soi, etc.) ? Dernière question, et non des moindres : qu'est-ce que les linguistes ont à faire de tout cela ?
On trouvera ici un essai de typologie, en fonction du mode de
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distance par rapport à l'objet : il s'agit, dans une perspective inspirée de M. Bakhtine, d'un classement selon l'attitude métadiscursive, selon le degré d'interpénétration de l'Un et de l'Autre.

1. La langue de l'autre est une autre langue

A une extrémité de l'échelle de la distanciation telle que nous l'envisageons, on peut trouver la distance maximale entre l'objet observé et l'observateur. Cet objet, néanmoins, n'est pas observé du point de vue de Sirius, puisqu'il est défini comme la langue de l'adversaire, antimodèle dont est censée se démarquer radicalement la langue de soi. C'est le cas de l'ouvrage Jazyk i stil' burzhuaznoj propagandy (« La langue et le style de la propagande bourgeoise »), paru à Moscou en 1988. Il s'agit d'un recueil d'articles explicitement destinés à un public de journalistes, mais qui ont l'intérêt d'être écrits par des linguistes et psycholinguistes du MGU (Université de Moscou). Ce travail correspond peu à l'image de la perestroïka telle qu'on se la représente en Occident. A moins d'interpréter cette analyse du discours politique aux Etats-Unis (guerre du Vietnam, Nicaragua) et en Grande-Bretagne (guerre des Malouines) comme un exemple de la « langue d'Esope » chère à Tchernychevski : une façon détournée d'éviter la censure pour parler, en réalité, de la langue de bois du pouvoir soviétique. La problématique du livre se place d'emblée « dans l'esprit de la nouvelle pensée » (p. 5) et fait référence au discours de M. Gorbatchev en 1986 au 27e congrès du PCUS. En même temps, on insiste à plusieurs reprises sur une situation internationale d'« intensification de la lutte idéologique » (p. 9, p. 33). Le rôle des linguistes est alors capital pour « dégager les règles de l'utilisation de l'appareil linguistique de la propagande bourgeoise » (p. 3). Ceux-ci travaillent dans le cadre de la « linguistique marxiste », laquelle se définit par « une approche globale de la langue, la prise en compte de l'indissolubilité du lien de la langue et de la pensée, et la définition de la langue comme phénomène social » (p. 9).
La branche de la linguistique à laquelle il est fait appel ici est la « pragmatique marxiste » (p. 14). Les citations sont plus souvent tirées de la pragmatique anglo-américaine (Searle, Grice, Halliday) que d'une « pragmatique marxiste » encore à définir. Toujours est-il que cette approche pragmatique est censée dévoiler les « procédés » par lesquels les propagandistes peuvent influencer de façon efficace la conscience de leur auditoire (p. 14), ce qui fait de la
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pragmatique une rhétorique, et de la langue de la politique une langue de la persuasion (ubezhdajuschij jazyk, p. 12).
Conséquence importante d'une approche pragmatique : à la différence des théories françaises du discours (que ce soit chez M. Foucault ou M. Pêcheux), tout texte (de propagande) a un sujet-auteur : le propagandiste bourgeois (p. 72), et un destinataire spécifique : l'« auditeur », objet d'exploitation politique (p. 67).
Partant d'une opposition « subjectivité / objectivité » qui semble aller de soi, les études du recueil concentrent leur attention sur l'expression de la subjectivité (définie comme la prise en compte des intérêts et des intentions du locuteur) dans les structures syntaxiques des textes de la propagande bourgeoise. Elles relèvent des traits formels tels que : voix passive, subjonctif, constructions impersonnelles, verbes modaux, impératif, présupposition, verbes d'attitude propositionnelle («commentaire oblique»), performatifs (p. 25). Signalons que la plupart de ces caractéristiques ont déjà été notées en Occident à propos de la langue de bois soviétique ou polonaise. Mais le lien éventuel entre « subjectivisation » et constructions impersonnelles n'est ici nullement explicité.
Si pour les auteurs du recueil les énoncés modaux sont la marque de l'«instabilité du sens», il me semble que le modèle en creux de la langue idéale de la politique. est la phrase simple déclarative finie à l'indicatif (le jugement aristotélicien). La subjectivité est alors vue comme un « supplément » par rapport à cet énoncé modèle (p. 30), et le locuteur est un « paramètre extra-linguistique » (p. 26) .
Deux raisons à cette dévalorisation du subjectif. D'une part, il y a une perte de la fonction référentielle : « En passant par le filtre de l'idéologie bourgeoise, le contenu objectif d'un jugement se déforme, se subjectivise, et se transforme souvent en son contraire » (p. 19). D'autre part, cette perte s'explique par le fait que le « sens subjectif » n'est pas « supra-individuel » (p. 65, l'expression est de A. N.Leontev ). Ici encore le contraste est grand avec les théories françaises de la subjectivité dans l'idéologie (L. Althusser) : on ne parle pas du même sujet.
Langue non objective et « instrument de contrôle » (p. 6), la langue de la propagande bourgeoise a une efficacité qui repose
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sur son irrationnalité : elle produit un « effet d'assourdissement », (effekt oglushenija) : l'homme perd la capacité à penser logiquement, à interpréter rationnellement les faits, puisque tout est fait pour provoquer une réaction émotionnelle, tout repose sur les sentiments, la raison est en quelque sorte « déconnectée » (p. 93). L'efficacité provient également de l'utilisation consciente et délibérée de procédés d'implicitation (nomination implicite, sous-entendus, p. 18) et de stéréotypisation (l'évaluation des événements est donnée « toute prête », p. 89). Les stéréotypes parviennent à influencer la pensée, car « les mots durent plus longtemps que le contenu qu'ils expriment » (p. 22).
Dans cette rhétorique de la manipulation, la langue ne fonctionne plus pour dire le vrai, mais pour faire croire et, partant, faire faire. Il en va ainsi de l'emploi des métaphores (ou « fausses nominations ») : après la guerre des Malouines, la propagande britannique cherche à convaincre que « la grève, c'est une guerre contre la nation », transformant les grévistes en ennemi intérieur (p. 194). Le but est de forcer les auditeurs à réagir en fonction des intérêts du propagandiste, de « former l'opinion et son attitude envers les événements politiques » (p. 5) et surtout de faire en sorte que cette adhésion « ne soit pas ressentie comme une pression extérieure, mais comme le choix personnel de l'auditeur » (p. 73).
Cette façon d'envisager la langue de la politique comme une technique manipulatoire repose sur l'idée d'une maîtrise totale de la langue par ses utilisateurs, qui opèrent des choix conscients et délibérés, au point de pouvoir « changer la langue » (p. 197), essentiellement par des « glissements sémantiques dans le sens des mots, substitutions de concepts » (p. 15), destinés à faire passer dans la communication les « sèmes idéologiques » de la propagande bourgeoise. Le propagandiste, sujet plein, a pleine conscience de mentir et de manipuler délibérément la langue, pratiquant ainsi la « double pensée » (dvulichnoe myshlenie). Il est fort curieux que ce soit précisément à G. Orwell que le recueil fasse référence, W. Smith, le héros de 1984, étant pris comme modèle du propagandiste faussaire en langue (p. 61).
Voir la langue de la politique comme un mensonge délibéré, une fausse nomination (exemple : celui qui nomme les Contras « combattants pour la liberté du Nicaragua » sait « pertinement ce qui se cache derrière ces mots, dans la réalité », p. 68), implique une attitude morale envers le double langage : il suffit de dire la vérité, ce qui rappelle la revendication morale d'un autre Russe : A. Soljenitsyne. Cette attitude envers la langue repose sur l'idée qu'on peut avoir accès direct au réel, et en donner une nomination qui peut être immédiatement jugée en fonction d'un seul critère
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vrai/faux, ou adéquation/inadéquation des mots aux choses. Le recueil donne alors de très nombreux exemples de fausses nominations d'un réel par la propagande bourgeoise, qui sont ensuite retraduites « en vrai ». Exemple : « menace militaire soviétique » (faux) = « mesures de défense combinées à des initiatives de paix » (vrai) . Cette « déformation linguistique de la réalité » (slovesnoe iskazhenie real'nosti, p. 70) est possible lorsque la langue est utilisée comme instrument de persuasion et d'imposition de représentations fausses sur des faits vrais (p. 75, p. 168, p. 180).
Il faut souligner qu'à la différence des thèses polonaises sur la nowo mowa la langue de l'autre ici n'est pas une langue totalement coupée de la « langue naturelle », mais l'utilisation malhonnête de cette langue. On va mettre ainsi une grande confiance dans la linguistique, qui sera alors une herméneutique, servant à « révéler la position idéologique du locuteur malgré ses efforts pour la masquer » (p. 13), et les linguistes soviétiques auront un rôle à jouer dans l'« analyse du reflet de l'idéologie bourgeoise dans la langue » (p. 32), permettant un travail de « contre-propagande » (p. 72).
Enfin, la revendication explicite de la transparence référentielle (prozrachnost' znachenija, p. 37) nous permet de reconstruire les traits essentiels de la langue alternative proposée dans le recueil : la « langue naturelle » (p. 13), « langue du peuple tout entier » (obschenarodnyj jazyk, p. 31) est une langue objective, sans sujet, faite de phrases déclaratives simples à l'indicatif et de noms qui dénotent directement.
Mais les raisons de l'efficacité de la langue de la politique ne sont pas véritablement étudiées, en particulier on n'envisage pas que l'« auditeur » puisse dans une certaine mesure et de façon contradictoire partager, participer, adhérer à un discours politique.

2. La langue de l'autre est une mauvaise langue

Nombreux sont les cas où en Europe de l'Est des chercheurs étudient, de façon plus ou moins clandestine selon les censures, la langue de la politique dans leur propre langue. Il semble que plus leur attitude est ouvertement critique, moins il admettent la
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possibilité d'une interpénétration : la langue de soi n'est pas touchée ; c'est un espace libre à étendre par la lutte.
C'est le cas du livre du sociologue yougoslave Slobodan Inic : Govorite li politicki (« Parlez-vous politique ? », Belgrade, 1984), dont on trouvera un compte rendu dans ce numéro. Dans une perspective qui n'est pas sans rappeler la Sprachkritik de K. Krauss, il propose une «lutte pour la langue» (borba za jezik) fondée sur l'analyse des procédés du « parler politique » (politicki govor), qui s'oppose en tous points au parler du «peuple», langage quotidien supposé être directement signifiant et non ambigu. La langue du pouvoir, ici aussi, est faite de «glissements sémantiques », d'«abus», visant à «masquer la vérité» (p. 22). Le procédé employé est, ici aussi, la fausse nomination, le «blanc» étant appelé « noir» et inversement (p. 90). Bien que la langue politique ne soit pas appelée ici newspeak (novogovor en serbocroate), le modèle proposé y correspond dans ses grandes lignes.
Le parler du pouvoir en Yougoslavie, langage chiffré, fait de formules révolutionnaires empruntées aux discours du passé, est une « magie verbale » (p. 115), totalement inadaptée aux réalités actuelles. Il s'oppose au « parler authentique » des ouvriers, par exemple, qui vivent une situation de stricte diglossie, connaissant les règles des « deux systèmes linguistiques » antagonistes (p. 116).
La langue alternative est peu décrite, mais elle est également la langue du peuple, vraie langue à l'abri de toute contamination par la langue « figée » et « passéiste » du pouvoir. Ici non plus n'est envisagée la possibilité d'un conformisme, d'une complicité tacite de la population avec le discours du pouvoir.
On trouvera une attitude beaucoup plus nuancée dans le texte d'une table ronde organisée par Tumult, revue «non officielle» de l'Université de Cracovie (11' 1, 1988, ), à laquelle ont participé des linguistes, sémiologues, journalistes, historiens et critiques littéraires : «Czy koniec nowomowy ?» (Est-ce la fin de la langue de bois ?). On y discute le problème de savoir si la langue de la propagande actuelle du pouvoir politique en Pologne (jezyk wspolczesnej propagandy) a changé.
Cette table ronde a le mérite de montrer que les chercheurs qui y ont participé sont loin d'un consensus non seulement sur la réponse à apporter à cette question, mais également sur la définition même de la langue de bois (nowo mowa: newspeak).
Il en va ainsi du rôle des linguistes. Faisant le bilan des recherches entreprises en Pologne depuis plusieurs années, la linguiste J. Rokoszowa considère que l'approche uniquement linguistique de la langue de bois n'a pas apporté les résultats escomptés. Elle voit dans cette approche une erreur méthodologique (p. 17), et estime qu'il n'existe aucun trait spécifique à la
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langue du pouvoir politique qui la différencierait radicalement des divers types d'actes de parole utilisés pour influencer un auditeur.
De même, pour C. Michalski, « philologue », le modèle d'Orwell, qui ne doit être considéré que comme une métaphore, n'a jamais été réalisé en pratique : même aux pires moments du stalinisme, il n'y a jamais eu un contrôle absolu de la vie privée qui se serait manifeste; par le langage.
Il n'en reste pas moins que la nowo mowa est descriptible. Ainsi, des recherches menées sur les cooccurrences dans la langue de la presse des années 1980 ont donné des résultats inattendus. Le mot « idéologie », par exemple, apparaît essentiellement dans des contextes négatifs : l'«idéologie» est toujours étrangère, hostile. Il en va de même pour « les gens » (ludzie) : « se sont trompés », « se sont laissés emporter par leurs émotions ». J. Rokoszowa en conclut à un total « vide idéologique » de la presse officielle. Mais la langue du pouvoir actuel a ceci de nouveau qu'elle est moins « dépersonnalisée » : les hommes du pouvoir (Rakowski, Urban) parlent en leur nom.
Néanmoins, ici aussi la langue alternative existe : c'est la « langue ordinaire » (jezyk potoczny), qui est hors d'atteinte de la langue de la propagande. Si des mots de cette dernière sont utilisés dans la langue parlée, c'est avec une distance ironique, c'est un fait de « métalangue » (p. 21).

Dernier exemple de critique de la langue de l'autre : L'esprit post-totalitaire (Paris, Grasset, 1986), recueil de textes clandestins, écrits, sous le pseudonyme de Petr Fidelius, par un linguiste tchèque contraint à exercer un travail manuel.
L'auteur propose une approche « philologique » minutieuse de la langue de la propagande politique en Tchécoslovaquie : prendre la propagande au pied de la lettre jusque dans ses derniers retranchements, et faire éclater les paradoxes logiques. Il reproche aux intellectuels contestataires de son pays de mépriser la propagande. Au contraire, dit-il, il faut la prendre au sérieux. Ainsi il n'est pas exact de prétendre que la propagande ment :

« Quand la presse officielle nous dit que " le parti est le noyau du pouvoir", ou bien que la tâche des syndicats, en tant qu'organisations extérieures au parti, consiste à réaliser le programme du parti, nous pouvons difficilement mettre en doute la véracité de ces propos. Lorsque le journal Rudé Pravo proclame que les résultats de la politique du parti " sont partout tangiblement visibles ", l'incorrection du style peut nous choquer, mais il faut reconnaître que l'auteur dit vrai » (p. 84).

Seule cette lecture attentive des mots de la propagande peut, selon Fidelius, permettre de sortir de la résistance passive.
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L'essentiel du livre est consacré à l'étude de trois mots-clés : peuple, démocratie, socialisme. Fidelius analyse la «déroutante polysémie» du mot «peuple» dans la propagande (p. 275), sans commune mesure avec toutes les « significations traditionnelles » de ce terme (p. 268). Par exemple, la « position majoritaire du peuple » ne relève pas de l'arithmétique, mais de l'ontologie : selon les circonstances, les intellectuels font ou non partie du peuple (p. 279). De même, les rapports du tout et de la partie sont fluctuants : le tout peut être réduit au noyau sans que l'essence soit modifiée. Une chose reste certaine pour Fidelius : le Parti est le maître des mots, puisque c'est lui seul qui délimite l'extension du concept de peuple (p. 269). Le combat qu'entreprend Fidelius est une résistance morale et philologique contre les «voltefaces sémantiques» (p. 241), une lutte pour un « bon usage » des mots, pour la « dénotation » (p. 268), ce que A. Glucksmann, dans sa préface, retraduit par l'expression française « parler vrai » (p.

3. Le dictionnaire de la langue du vrai : la langue de soi est une bonne langue

Dans son article « Antitotalitarian language in Poland : some mechanisms of linguistic self-defense » (Language in Society, vol. 9, n°1, March 1990, p. 1-60), la linguiste polonaise Anna Wierzbicka propose une analyse sémantique détaillée de la « contre-langue » élaborée « spontanément » par les Polonais pour se défendre contre la langue totalitaire du pouvoir.
Selon une conception qui semble être courante en Pologne, elle oppose de façon absolue deux « sphères » : le pouvoir / la société. La thèse d'A. Wierzbicka repose sur l'idée que ces deux sphères ne se rencontrent pas (cf. ce sous-titre explicite d'une partie de l'article : « nous/eux », «nous» étant «la majeure partie de la population», «eux», «les gens au pouvoir»). Cette situation est, pour A. Wierzbicka, plus particulière à la Pologne qu'à d'autres pays socialistes.
L'argumentation est la suivante : la manipulation de la langue en pays totalitaire produit une langue totalitaire officielle. Celle-ci à son tour sécrète une « langue antitotalitaire ». C'est la langue familière, « populaire ». Il y a une totale antinomie entre les normes de la langue de l'Etat (sphère officielle) et celles de la
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« communication spontanée », dans la sphère individuelle, privée, ce qui revient à une diglossie : langue totalitaire/langue antitotalitaire (comme forme d'« auto-défense linguistique »). Celle-ci est faite d'expressions dérivées : mots et expressions clandestins, qui procurent un « sentiment de soulagement et de libération à une population captive ». Ces façons de parler clandestines peuvent être partagées par chacun, elles font donc lien social. La langue clandestine est une « autodéfense nationale contre le lavage de cerveau de la propagande », elle aide à surmonter la peur, préserve l'identité nationale et la liberté intérieure. Le principe est qu'il s'est formé en Pologne une antisociété, comme alternative consciente à la société telle qu'elle est imposée à la population. Cette antisociété produit une antilangue, qui est la «langue maternelle de l'immense majorité de la population», même si elle n'est pas reflétée dans les dictionnaires. Cette langue clandestine, «exprimant les valeurs de la société», est dirigée contre la nomenklatura, qui est elle-même une sorte d'anti-société.
L'antilangue ne concerne pas seulement le lexique et la terminologie, mais se manifeste également dans des phénomènes d'accord et de flexion : certains sigles ou acronymes indéclinables se déclinent dans l'antilangue, d'autres changent de genre. On observe aussi une utilisation satirique de mots russes polonisés : le mot polonais humanizm devient, par dérision gumanizm, prononcé avec une phonétique russe, dans l'expression «socjalistyczny gumanizm», pour montrer qu'il ne s'agit que d'une parodie d'humanisme. De même le mot russe nachal'stvo (« les chefs », « les dirigeants ») est utilisé dans l'antilangue sous sa forme polonisée naczalstwo pour désigner la direction d'une entreprise, avec une forte connotation de despotisme. Les « puristes » protestent contre le danger d'invasion de russismes en polonais, mais pour A. Wierzbicka il n'y a aucun risque : c'est au contraire une antidote contre la russification et la soviétisation encouragée par le régime, un mécanisme efficace d'auto-défense.
Le but de l'article est d'étudier la langue antitotalitaire à travers les désignations familières de la police politique polonaise depuis l'instauration du pouvoir communiste. Exemple : UB (Urzad Bezpieczenstwa Publicznego, « Office de la Sécurité publique », équivalent polonais du KGB soviétique). A. Wierzbicka entreprend un travail linguistique sur l'évolution de l'image de la police politique en étudiant les éléments qui reflètent les changements de situation politique et les changements de l'attitude populaire. Elle propose ainsi un métalangage sémantique à la fois « indépendant de la langue » et reposant sur la langue naturelle. Il va s'agir de paraphraser des mots, expressions, constructions en un métalangage intuitivement compréhensible, et en « termes simples », ce qui va
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rendre possible une comparaison précise des similarités et des différences entre différentes notions.
Ce métalangage, infiniment plus dépouillé que le basic English d'Ogden, est fait de quinze «primitifs sémantiques», blocs conceptuels élémentaires qui ne sont pas définis eux-mêmes, et dans les termes desquels tous les autres mots ou constructions peuvent être définis. Il s'agit de : « je, vous, quelqu'un, quelque chose, ce, vouloir, penser (à), dire, imaginer, savoir, place, monde, devenir, mauvais, bon ». Dans le cas présent, on ajoute une unité sémantique de base (= non définie) : « institution ».
Prenons le cas de UB, « acronyme qui a acquis de telles connotations négatives » (cf. Gestapo) qu'il n'a jamais été utilisé dans le langage officiel (qui dit Bezpieczenstwo, « la Sécurité », ou organy), « comme si le langage officiel n'osait pas employer ce mot devant le peuple» .
La « décomposition sémantique » que propose A. Wierzbicka donne ceci :

- institution X et les gens qui en font partie
- je pense quelque chose de mauvais à son sujet
- je pense à lui comme :
a) il fait de mauvaises choses aux gens
b) il ne veut pas que les gens sachent ce qu'il fait
c) il peut faire de mauvaises choses à quiconque ;
- je sais que les autres gens pensent la même chose à son sujet ,
- je ressens quelque chose de mauvais en y pensant
- je sais que les autres gens ressentent la même chose
- je sais qu'il ne faut rien dire à son sujet.

Le terme UB est bien un mot de l'antilangue, puisqu'il n'est jamais employé dans la langue officielle. Dans cette dernière, on a recours soit à des constructions passives ou impersonnelles : « une opération a été menée contre... », soit à des expressions descriptives comme apparat bezpieczenstwa (« l'appareil de la sécurité »). UB est devenu un véritable mot, prononcé « ube », de genre neutre, alors que la tête du syntagme (urzad) est du genre masculin.

De la même façon le mot ubowcy (membres de l'UB) va se décomposer ainsi :
- gens qui font partie de l'institution X
- je pense à leur sujet .
a) ils veulent faire les mêmes choses ensemble
b) ils font de mauvaises choses aux gens ;
c) ils peuvent faire de mauvaises choses à quiconque
- je sais que les autres gens pensent la même chose à leur sujet ;

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- je ressens quelque chose de mauvais en pensant à eux
- je sais que les autres gens pensent la même chose.

A.Wierzbicka souligne que des mots tels que ubowcy, ubowski (adjectifs) ne sont pas enregistrés dans les dictionnaires, « exemple typique de la façon dont la lexicographie fonctionne en régime totalitaire ».
Une grande attention est accordée à la dérivation morphologique : le mot bezpieka, « distorsion semiconsciente de bezpieczenstwo », a le même suffixe que klika, banda, qui désigne « des gens qui veulent faire de mauvaises choses ensemble », et qui, en même temps, est un augmentatif, qui inclut dans sa « formule sémantique » : « grosse chose qui fait de mauvaises choses et qui veut faire de mauvaises choses ».
L'article veut montrer le « lien social » reposant sur cette antilangue : comment font les gens, quand ils utilisent des formations dérivées comme ubek ou ubal (formés à partir de UB), pour mettre dans ces mots les mêmes « significations pragmatiques » que les autres gens ? Comment les gens peuvent-ils utiliser avec confiance de nouveaux mots comme esbecja, ubecja en étant sûrs qu'ils seront compris comme ils le voudraient ? La réponse est que la « signification pragmatique » est facile à décoder grâce à la dérivation suffixale. Si de nouveaux mots comme ubecja peuvent «prendre» très vite et commencer à être utilisés dans des contextes similaires, c'est parce que leur sens pragmatique est immédiatement identifiable (au niveau subconscient) grâce aux liens formels et sémantiques qui les lient à d'autres mots.
La tâche du linguiste est alors d'articuler ces liens à un niveau conscient, de les rendre explicites. Partant de l'idée que « la langue est le miroir de l'histoire », A. Wierzbicka peut alors montrer que l'attitude populaire envers la police politique s'est profondément modifiée entre la terreur sous Bierut et la résistance active sous Jaruzelski. Cette modification est mesurable grâce à la réduction des termes de l'antilangue en primitifs sémantiques permettant la comparaison.

On trouvera une façon différente de revendiquer la pureté de la langue de soi dans Prestavba hospodarského mechanismu («Restructuration, "perestroïka" des mécanismes économiques»), publication très officielle des éditions Prace (Travail) à Prague en 1987. Le livre se présente comme un dictionnaire des notions de base de l'économie socialiste telle qu'elle est pratiquée actuellement en Tchécoslovaquie. C'est une présentation alphabétique de l'interprétation correcte des mots de la langue de soi, donnant les limites exactes dans lesquelles un mot doit être entendu et employé. Cette attention portée à la justesse sémantique des mots laisse sous-entendre qu'il pourrait y avoir d'autres façons d'inter
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préter ces notions, d'où la nécessité d'une traduction en langue du juste. Les mots expliqués appartiennent dans l'ensemble au domaine de l'économie ; ainsi le mot chozrascot, transcription phonétique du mot russe xozrascet, désignant l'autonomie comptable des entreprises, ou bien vedeckotechnicka revoluce, «révolution scientifique et technique », calque du russe. Mais d'autres notions s'insèrent dans un contexte plus général, par exemple « information des travailleurs : partie intégrante du style démocratique de gestion» ; «niveau de vie : / ... / le contenu de cette notion est maintenant relativement stabilisé» ; «dogmatisme : cf. révisionisme» ; « information : image subjective correcte du monde objectif ».

4. La langue de bois est la langue que nous produisons

Il arrive que les auteurs de discours officiels aient une conscience métalinguistique de leur propre production, et que le pouvoir s'interroge sur sa pratique langagière. Mais dans ce cas la réflexion porte sur les formes de langue qui sont une entrave à la réception et à l'efficacité du message, plutôt que sur cette « langue » elle-même. C'est le cas du livre Povejmo naravnost ! : Jezikovni odsevi birokratskih odkIonov v samoupravni druzbi in jezik mnoznicnih obcil (« Parlons droit ! : les reflets linguistiques des déviations bureaucratiques dans la société auto-gestionnaire et la langue des mass-médias »), publié à Ljubljana en 1985. Il s'agit du texte d'une conférence organisée par un groupe de travail sur la langue des mass-médias (« la langue slovène dans son usage public »), dans le cadre de l'Union des syndicats de Slovénie. Le principe de la conférence est que le socialisme autogestionnaire repose sur un « accord linguistique ». C'est pourquoi « il est incompréhensible qu'en 30 ans d'efforts pour développer l'autogestion on en soit arrivé au point que la langue qu'emploient les organes et les représentants de la société auto-gestionnaire est complètement embrouillée et reste un sérieux obstacle à la communication » (p. 7). Ce travail ne se veut pas seulement un « combat contre des faiblesses linguistiques individuelles », mais aussi une « préparation pour découvrir et supprimer les rapports sociaux que ces faiblesses linguistiques produisent ou permettent » (p. 5). Il s'agit de lutter non seulement contre l'anglicisation et la serbo-croatisation de la langue slovène, mais encore contre sa « bureaucratisation ». La « langue de la bureaucratie » autogestionnaire est très éloignée de la langue alternative qui a ici pour nom « langue
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quotidienne » (vsakdanji jezik). Une partie des travaux présentés dans ce livre tente de quantifier cet écart par des méthodes statistiques en comparant des textes technico-scientifiques, bureaucratiques et des articles de journaux sur la vie politique. On réalise des comptages de mots, pour calculer le pourcentage de noms abstraits, de constructions passives et impersonnelles, la complexité syntaxique des phrases, etc. Une des caractéristiques de la langue bureaucratique est l'abus des tournures impersonnelles : au lieu de dire « j'annonce la sentence à l'accusé», on dira plutôt « à l'accusé est annoncé la sentence » (p. 9). Dans la langue bureaucratique, l'auteur du texte « essaie de neutraliser son engagement, pour reporter un conflit éventuel à un niveau abstrait » (ibid.). D'autres traits caractéristiques sont notés : l'abondance des prédicats analytiques (imeti mocan vpliv « exercer une forte influence » pour mocno vplivati « influencer fortement »), l'emploi d'euphémismes (negativni financni saldo, «solde financier négatif » pour izguba, « perte »). Le livre propose un certain nombre de remèdes pour « parler droit », en particulier d'appeler les choses par leur nom (exemple : un travailleur du domaine sociopolitique = un politicien).
Ce type de travail présente pour nous l'intérêt par rapport aux précédents d'être une réflexion sur la langue de soi. Mais celle-ci est néanmoins hors de doute, elle est seulement envahie d'éléments mauvais, repérable comme tels, et non d'éléments extérieurs à elle.

5. La langue de cet autre qui est aussi nous : la langue d'un autre nous-même ?

Tous les textes envisagés jusqu'à présent avaient un caractère commun : qu'il y ait résistance consciente (A. Wierzbicka) ou propagande consciente (« La langue et le style de la propagande bourgeoise »), se manifeste toujours une opposition qui a la clarté de l'évidence : « eux/nous». Cette identité qui ne fait pas de doute est descriptible dans une analyse linguistique, qui part du principe que la « langue » est le reflet de l'histoire et de la société (cf. S. Inic : le parler politique figé en Yougoslavie témoigne d'une profonde crise de la société ; cf. A. Wierzbicka). D'où le rôle si important attribué aux linguistes, rôle qui est autant, sinon plus, éthique que technique. Et des constantes de se retrouver dans les façons de procéder : «La langue et le style de la propagande bourgeoise» étudie trois mots clés dans la langue
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de l'adversaire : «agression/communisme/liberté» ; le livre de P. Fidelius en fait de même, avec «peuple/démocratie/socialisme». De même, les résultats de l'analyse de la langue de l'autre, quelle que soit cette dernière, ont parfois des convergences étonnantes. Ainsi l'abondance de phrases impersonnelles et passives est notée dans presque tous les travaux (« La langue et le style de la propagande bourgeoise », p. 25 ; A. Wierzbicka ; P. Fidelius, p. 211 ; «Parlons droit... », p. 9). De plus, la langue de l'autre est toujours désignable, nous avons vu ses avatars, souvent inspirés de G. Orwell (nowo mowa en polonais, cf. également P. Fidelius, p. 238, « La langue et le style de la propagande bourgeoise», p. 61). Enfin (sauf dans les deux textes qui ne donnent pas de la société une description explicitement conflictuelle «Restructuration," perestroïka " des mécanismes économiques» et «Parlons droit... »), la société est analysée sur le modèle d'une minorité (parlant délibérément une mauvaise langue) opprimant une majorité (partant une bonne langue).
Mais surtout, tous ces textes, quels qu'ils soient, Iaissent inexpugnable une place sacrée : la langue alternative, qu'elle ait pour nom « langue du peuple tout entier » (« La langue et le style de la propagande bourgeoise »), « langue naturelle >; (ibid.), « langue populaire » (A. Wierzbicka), « langue antitotalitaire » (ibid.), « langue ordinaire » (Tumult), « parler quotidien » (S. Inic), « parler authentique » (ibid.), « langue quotidienne » (« Parlons droit ! ... »). Même quand des linguistes expriment leur scepticisme quant à la possibilité d'une description de la langue de bois, il reste une farouche certitude : celle d'un « parler vrai ». Tous ces textes, d'une façon ou d'une autre, proposent alors un programme de lutte : « reconquérir la langue », selon l'expression de S. Inic.
Il existe pourtant des travaux qui s'éloignent de ce rassurant manichéisme, des textes où l'identité ne repose plus sur la solidité d'un sociolecte formellement descriptible, mais rentre dans un jeu où les frontières de l'énonciation sont faussées, imbriquées. Et ce n'est pas à des linguistes qu'on doit cette découverte, mais à des auteurs d'une étrange littérature, celle des aphorismes yougoslaves (présentés dans ce numéro par S. Despot).
Dans ce texte se résumant à une seule phrase : « Notre voie est vraiment unique : personne d'autre n'aurait l'idée de la suivre ! », la force et l'efficacité de l'analyse me semblent venir du fait que l'identité de l'énonciateur chancelle, ballottée qu'elle est entre plusieurs interprétations, selon que ce « nous » est inclusif ou exclusif, qu'il est assimilé à un énonciateur universel ou spécifique, ou que la première partie de l'énoncé peut ou non être attribuée à un producteur de discours officiel, l'énoncé devenant alors un discours détourné, parodique, dans lequel vient
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se couler la parole du locuteur. Ainsi l'un peut s'absorber la parole de l'autre, pour la tourner en dérision, mais en retour celle-ci envahit celle qui l'accueille, brisant les limites, estompant les certitudes. La langue de l'autre alors ne peut pas avoir de désignation, elle n'est plus à l'écart, elle est une partie de la langue de soi. Il n'y a plus de possibilité de mise à distance : eux, c'est nous, nous c'est eux, entre nous, la même langue... Dans ce nihilisme apparent, aucune solution n'est proposée, et surtout pas de quête du «parler vrai». Et pourtant il me semble y voir une approche particulièrement éclairante du problème de la place du discours de l'Autre, à la fois hors soi et en soi. C'est qu'il n'existe pas de langue-refuge, où l'on pourrait être à l'abri des paroles de l'Autre. Et la conclusion à en tirer n'est pas nécessairement le désespoir nihiliste, c'est peut-être le commencement de la conscience que les mécanismes discursifs ont à voir avec une division du sujet. Que la littérature soit en avance sur la linguistique est une tout autre chose .
Mais il reste maintenant un travail urgent à accomplir, qui est de réfléchir à l'extension en France d'une notion qui est rarement mise en question, celle du « parler vrai ». Voilà un vrai problème, dont l'exploration devrait mobiliser les esprits bien plus que celui de la « langue de bois ».


Résumé /Abstract/ Compendio

LANGUE DE BOIS. LANGUE DE L'AUTRE ET LANGUE DE SOI: LA QUETE DU PARLER VRAI EN EUROPE SOCIALISTE DANS LES ANNEES 1980

A partir d'une comparaison entre (les études sur la relation langue/ politique parues récemment dans différents pays socialistes, on dégage l'image de la langue à l'œuvre dans ces textes métadiscursifs, et l'on construit une typologie des attitudes envers l'opposition langue de 1 , 'autre/ langue (le soi. Dans la majorité des cas la langue de soi est pensée comme un parler vrai, hors de portée de toute contamination. Un cas fait exception : la littérature aphoristique en Yougoslavie.

Mots-clés : pays socialistes, discours politique, langue de bois

LANGUE DE BOIS, ONE'S OWN LANGUAGE, THE OTHER'S LANGUAGE: SEARCHING FOR SINCERE TALK IN SOCIALIST EUROPE DURING THE YEARS 1980

Starting from a comparison between recently published studies irt various socialist countries on the relationship between language and politics, the representation of language at work in these metadiscursive texts will be drawn and a typology of attitudes toward the opposition the other's language versus one's language will be worked out. In the majority of cases one's own language is considered as sincere talk free from comainitiation. Otte exception should be noted : the aphoristic literature of Yugoslavia.

Key-words : socialist countries, political discourse, langue de bois

a LANGUE DE BOIS)), LENGUA DEL OTRO, LENGUA DE SI

El análisis comparativo de unos estudios recientemente publicados en los paises socialistas relativos a la relaci6n lengua/polltica, permite realizar la imagen de la lengua practicada en estos lextos metadiscursivos, y construir una tipologia de las actitudes en cuanto a la oposición lengua del otro / lengua de sí En la mayoría de los casos, a excepción de la literatura aforística yugoslava, la lengua de sí se define Como un « parler vrai , (o hablar claro ») fuera del alcance de toda contaminación.

Palabras claves : paises socialistas, discurso politico, « langue de bois




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