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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы




- Patrick SÉRIOT : "Changements de paradigmes dans la linguistique soviétique des années 1920-1930", HISTOIRE EPISTEMOLOGIE LANGAGE, t. XVII, fasc. 2, 1995, Une familière étrangeté : la linguistique russe et soviétique, ISBN 2 910381 27 7, p. 235-251.



RESUME
: La notion de «paradigme» de Kuhn est difficilement applicable aux théories linguistiques, à plus forte raison à la linguistique soviétique. Entre les années 20 et les années 30 a eu lieu le «grand tournant» de 1929 en politique, qu'a suivi de façon indirecte l'évolution des idées dominantes en linguistique. A la notion de «paradigme» on préfèrera celle de «discours sur la langue». Le contraste entre deux discours antagonistes sur la langue est radical, mais ces deux discours ont ceci de particulier qu'ils coexistent, admettent des chevauchements et d'incessants changements d'interprétation des termes.

ABSTRACT : Kuhn's concept of «paradigm» is difficult to apply to linguistics, all the more to Soviet linguistics. Between the 20's and the 30's took place the «Big Turning Point» in politics, which was indirectly followed by the evolution of leading theories in linguistics. The notion of «discourse on language» is prefered here to that of «paradigm». There is a sharp contrast between two antagonistic discourses on language, but those two discourses are peculiar in that they coexist, overlap and constantly change the meaning of their terms.

MOTS-CLES : paradigme; épistémologie; linguistique russe et soviétique; continu et discontinu; système; évolution; stade; relativisme; discours sur la langue.
KEY WORDS : paradigm; epistemology; Russian and Soviet linguistics; continuity and discontinuity; system; evolution; stage; relativism; discourse on language.




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«Linguistics has never been pursued on a grander scale, with as many practical demands,
as much political and cultural significance or as broad a range of languages and theoretical problems as in the Soviet Union» (Samuelian, 1981, p. 2)


L'inadéquation du concept kuhnien de «paradigme» à l'histoire de la linguistique a été illustrée en de si nombreuses occasions qu'il n'est pas nécessaire d'en entreprendre ici une nouvelle démonstration. On se contentera de rappeler les points principaux de l'argumentation (cf. Hymes, 1974; Percival, 1976; Bahner, 1984).
Kuhn (1970) considère qu'un «paradigme», cadre théorique et méthodologique de la «science normale», est la résultante d'une découverte remarquable faite par un chercheur individuel, qui rend impossible et impensable le paradigme précédent. Ce nouveau système de croyances bénéficie du consensus total de la communauté scientifique tant qu'il n'est pas remis en cause par le prochain changement de paradigme, provoqué à son tour par une avalanche de nouvelles découvertes qui rendent caduc l'ancien paradigme.
Les paradigme, selon Kuhn, sont des ensembles impénétrables les uns aux autres, des entités incommensurables, des «visions du monde» totalement incompatibles, séparées par une rupture nette, y compris dans leurs modes d'expression.
C'est sur ce dernier point que porte l'essentiel de la critique de Percival. Celui-ci fait remarquer que dans l'histoire des idées linguistiques il est pratiquement impossible de déceler des coupures absolues, les novateurs s'appuient toujours d'une façon ou d'une autre sur des théories préexistantes, travaillent en intégrant et élargissant des théories plus anciennes. Il n'y a ainsi pas de véritable discontinuité entre les écoles, entre les courants, ce qui rend impossible de distinguer un nouveau paradigme d'une nouvelle variante d'un ancien paradigme. On peut, par exemple, discuter à l'infini pour savoir si l'Ecole de Prague appartient ou non au même paradigme que Saussure.
Bahner reprend le même type d'arguments, en y ajoutant le reproche de restreindre les «facteurs sociaux» au plan socio-psychologique du comportement des savants, sans prendre en compte les besoins de la pratique sociale liée à l'histoire des sciences.
Pour censées qu'elles soient, ces critiques me semblent négliger deux points. D'une part elles ne soulignent pas suffisamment un apport essentiel de la théorie de Kuhn, qui met en avant les discontinuités dans l'histoire des
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sciences, s'opposant en cela à une histoire purement interne et cumulative, continuiste, prônée par la «théorie analytique» de type poppérien, qui sépare radicalement la théorie de la science de l'histoire des sciences. D'autre part Kuhn n'a jamais prétendu que la notion de paradigme était applicable à l'histoire de la linguistique, au contraire, puisque cette dernière, à l'instar de l'ensemble des sciences humaines et sociales, se trouve encore, d'après lui, dans l'état pré-paradigmatique : elle n'est pas parvenue à sa «maturité scientifique».

Il me semble que l'histoire de la linguistique soviétique est un terrain laissé encore passablement en friche par l'épistémologie contemporaine et qu'une étude exploratoire de ses discontinuités d'apparence chaotique ne peut manquer d'apporter matière à réflexion sur les instruments qu'on utilise en histoire des idées linguistiques.
Une précision d'abord sur le terme de «linguistique soviétique». On en donnera ici une définition strictement empirique : on entendra par «linguistique soviétique» l'ensemble des textes concernant la langue et le langage publiés en russe en Union Soviétique (ce qui laisse ouvert le problème des textes écrits en géorgien ou en letton, ainsi que celui des textes de la linguistique de l'émigration, par exemple celle des «Russes de Prague»). Cette définition prudente a l'avantage de refuser de considérer a priori la linguistique soviétique comme une branche particulière du savoir, voire une discipline scientifique à part entière.
S'il y a un aspect de la théorie de Kuhn qui semble particulièrement mal adapté à la situation soviétique en linguistique, c'est son insistance sur les relations socio-psychologiques à l'intérieur d'une communauté scientifique qui ne serait agitée que par des intérêts scientifiques. En URSS le problème est rendu infiniment plus compliqué par les relations étroites et conflictuelles entre science et idéologie, entre science et pouvoir politique.
Mais un second type de problème est rebelle aussi bien à la discontinuité stricte des paradigmes de Kuhn qu'à la continuité floue de la critique de Percival : il s'agit de la possibilité de rendre compte des périodisations, des ruptures, des successivités entre les courants, les écoles, et même les thématiques dominantes dans la linguistique soviétique.
L'historiographie soviétique de la linguistique soviétique nous est en ce domaine d'un piètre secours. Après 1950 (1) l'attitude dominante est une position
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continuiste mais non strictement linéaire : la linguistique soviétique est représentée comme une accumulation de savoirs, sans coupure stricte avec la linguistique d'avant la révolution, faite d'étapes successives nécessaires, et de seuils dépassés. Il s'agit plus de l'illustration d'une philosophie de l'histoire que d'une étude historique : dans cette suite d'étapes qui ont chacune leur raison d'être, dont la successivité est orientée vers un but, le devenir est inscrit dès le départ comme dans un germe, et l'ordre de succession des étapes est l'accomplissement d'une sorte de destin intrinsèque d'un organisme individualisé : la linguistique soviétique. C'est ce dernier point, peut-être, qu'il convient de souligner le plus nettement, tant l'idée de «science nationale» semble ancrée dans l'esprit des historiens soviétiques de la linguistique soviétique entre 1950 et la perestrojka : la linguistique russe puis soviétique est considérée comme une totalité fermée avec ses lois propres d'évolution (même si, selon les périodes et les auteurs, certains ont admis qu'il y ait possibilité d'«emprunt à l'étranger de ce qu'il y a de meilleur»).
Voici un exemple de cette vision qui postule l'unité (nationale) de la science et l'uniformité de son devenir :

«La linguistique soviétique, fidèle aux meilleures traditions de la science russe, a toujours eu une orientation historiciste». (Abaev, 1952, p. 42)

Cette théorie des étapes d'une nécessité historique constitue la doxa de l'historiographie soviétique de cette époque :

«Le principe de l'historicisme suppose la continuité [preemstvennost'], le lien du passé et du présent, car ce qui est nouveau dans la science n'est pas la négation du passé, mais sa transformation fondamentale, son approfondissement et sa généralisation en conformité avec l'état actuel de la science. Chaque étape successive dans l'évolution de la pensée linguistique a consisté à dépasser les contradictions caractéristiques de l'étape antérieure de l'histoire de la science du langage. Les nouvelles découvertes sont la continuation directe». (Berezin, 1984, p. 4)

Cette façon d'écrire l'histoire de la linguistique est une narration, qui se présente sous la forme du récit d'un devenir orienté, exempt de toute réflexion en termes de construction d'un objet du discours scientifique :

«Les linguistes soviétiques critiquent fermement le structuralisme pour son refus de tout lien de continuité avec la tradition linguistique précédente […]. Ils sont guidés par la thèse de Lénine que la culture de la société socialiste se forme grâce à une relation pleine d'attention envers l'héritage culturel du passé. La linguistique soviétique ne veut pas voir la linguistique structurale comme une tendance en linguistique qui n'aurait aucune base nationale. […] C'est pourquoi le structuralisme, qui a eu une courte existence
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historique, a plus ou moins accompli, comme le pensent à juste titre les linguistes soviétiques, sa tâche dans toutes ses formes saines. (Berezin; Golovin, 1979, p. 397)

Dans ce monde où les «traditions linguistiques» sont des totalités fermées et homogènes, il y a adéquation de plus en plus grande, progressive, du «savoir» au monde à connaître, mais ce savoir ne peut être universel, il ne peut se réaliser qu'à travers des manifestations locales, nationales.

Depuis le rétrécissement de l'URSS à la Russie, il est difficile de dégager des tendances nettes en histoire des sciences. On doit néanmoins signaler l'apparition de réflexions sur les «pseudo-sciences» de l'époque stalinienne, consistant à séparer le bon grain de l'ivraie. Un exemple clair de ce type de discours critique est le travail de Legler (1989, 1990), qui étudie systématiquement les «pseudo-sciences», qu'il définit de façon négative comme des «théories acceptées exclusivement en Union Soviétique et se trouvant dans un état de négation mutuelle avec la science mondiale de même nom» (1990, p. 5). Il prend pour exemple la biologie mitchourinienne (lyssenkisme), en géologie le fixisme (années 40-60) et la théorie anti-plaques (années 70-80), en physique la théorie anti-mécanique quantique, et en linguistique un exemple moins heureux : l'anti-marrisme de la linguistique stalinienne. Ce qui unit ces «pseudo-sciences» est leur aspect strictement négatif : privées de tout contenu positif, elles sont l'image en miroir de la «science mondiale», dont elles se nourrissent pour en produire une incessante négation. Ces pseudo-sciences «tiennent» grâce à l'organisation hiérarchisée et bureaucratique de la science en URSS : un académicien domine et balise le terrain dans un Institut de recherches qui seul est habilité à émettre une opinion vraie dans sa discipline. Dans le domaine qui nous concerne ici, l'histoire de la linguistique en URSS, on doit citer essentiellement le travail de V.M. Alpatov, qui, dans une perspective de sociologie de la science, tente depuis plusieurs années de démonter le «mythe» marriste en analysant les raisons politiques de la prise de pouvoir de l'école marriste (Alpatov, 1990, 1991). Là aussi une pseudo-science est à éliminer.
Cette position critique est certes courageuse, mais elle ne résoud pas encore le problème du reste, de ce qui n'est pas une pseudo-science…

Il reste à envisager une autre approche, celle du reflet, ou de la co-variance, qui, il est vrai, n'a pas été appliquée en tant que telle à la linguistique soviétique.
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L.-J. Calvet, en disant «Chaque société a la linguistique de ses rapports de production» (Calvet, 1974, p. 39), paraphrasait explicitement A. Meillet qui disait : «Chaque siècle a la grammaire de sa philosophie» (Meillet, 1926, t. 1, p. viii). Ce dernier, peut-être sans le savoir, paraphrasait lui-même Kant qui affirmait que «la métaphysique d'une époque porte la marque de la physique de cette époque» (cité par Gusdorf, 1993, p. 376). Doit-on penser que la société soviétique a déterminé ainsi les formes de la linguistique soviétique? Or, paradoxalement, tenter de vérifier expérimentalement l'axiome marxiste selon lequel les conditions matérielles d'existence des hommes déterminent les formes de leur conscience reviendrait à accepter l'idée que la linguistique soviétique est un ensemble homogène, même séparé en périodes successives, ce serait se rendre aveugle aux bigarrures irréductibles des théories linguistiques en URSS.
Aucune de ces approches ne me semble à même de rendre compte de la spécificité de la situation soviétique en linguistique, ou plus exactement du discours sur la langue en URSS.
La période qui s'étend de 1917 à 1950 est un laboratoire d'une richese extraordinaire pour expérimenter des concepts et des théories qui ont été élaborées en vue d'un autre terrain. Le choc de ce contact imprévu devrait permettre d'affiner ces théories tout en apportant un éclairage nouveau sur un terrain insuffisamment exploré et mal défini.

Le sémioticien de l'architecture et de l'urbanisme Vladimir Papernyj a proposé dans son livre La deuxième culture (1985) une thèse forte, consistant à considérer qu'à une première culture, celle, en gros, des années vingt, orientée vers l'internationalisme et des constructions horizontales, a succédé dans les années trente une "deuxième culture", repliée sur elle-même, et caractérisée par les gigantesques gratte-ciel de l'époque stalinienne. Cette thèse s'applique assez bien au domaine de l'urbanisme, et en particulier à la ville de Moscou. Elle permet, au minimum, de nommer deux types de discours sur la langue qui se sont trouvés en concurrence entre la Révolution et 1950. Il reste à en explorer les contours et à interroger son adaptabilité aux spécificités du domaine linguistique.
En effet, dans le discours sur la langue coexistent, dès le milieu des années vingt, des types de rapport à la langue très différents, voire franchement contradictoires. Or le problème est que cette coexistence ne peut être appréhensée ni à l'aide de paradigmes successifs ni à travers une continuité, qu'elle soit de type cummulatif ou par étapes.

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1. La pluralité des langues

A l'issue de la Révolution d'Octobre la Russie soviétique avait à résoudre un problème qui, pour n'être pas nouveau, avait des conséquences pratiques incalculables : Babel était-elle une malédiction ou une bénédiction?
Ce problème s'imposait aussi bien à la pensée linguistique en Russie : comment penser la diversité des langues sur cet immense territoire, qu'à la pensée politique : comment gérer cette diversité, la rendre compatible avec une organisation politique centralisée qui puisse en même temps reconnaître des entités hétérogènes à la Russie? Devait-on viser l'unicité ou la pluralité? La tentation était grande pour le discours politique d'utiliser des raisonnements linguistiques pour tenter de résoudre la tension provoquée par le conflit entre la nécessité d'appropriation de la diversité et le projet universaliste d'unité, ou du moins de fusion des langues et des groupes humains.
Le travail sur la langue avait à réagir à la fois à la demande pratique locale et à l'air du temps qui imprégnait et contraignait la linguistique russe.

La première culture ne reconnaît pas d'appartenances nationales. La multiplicité des langues est un fléau, un défaut, une souffrance.
Ce «paradigme», si c'en est un, n'était pas né brusquement avec la révolution, il avait été préparé par un long travail antérieur, en particulier dans la littérature utopique et fantastique. On en trouvera un exemple typique dans le roman d'A.A. Bogdanov Krasnaja zvezda. Roman - utopija [L'étoile rouge. Roman - utopie], (1907), où est, entre autres, longuement analysée la langue des habitants de la planète Mars.
Les Martiens ont une langue unique pour toute la planète, qui est aussi bien langue normative que langue utilisée dans toutes les situations de conversation. Cette situation d'unicité linguistique est le fruit d'une évolution, de la diversité à l'unicité. Voici comment le Martien de Bogdanov décrit cette évolution :

«Chez nous autrefois les habitants des différents pays ne se comprenaient pas. Mais il y a déjà longtemps, quelques siècles avant la révolution socialiste, les différents dialectes ont commencé à se rapprocher et se sont fondus en une seule langue commune. Cela s'est fait librement et spontanément, personne n'a fait d'efforts particuliers, personne n'y a vraiment pensé. Des particularités locales se sont encore maintenues quelque temps, il y avait des sortes de dialectes séparés, mais suffisament compréhensibles pour tous. Le développement de la littérature y a mis un terme.» (Bogdanov, 1986 (1907), p. 228)

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La Terre vue de Mars, forme l'antithèse de cette situation unilingue, elle est l'enfer des Martiens :

«L'humanité terrestre est morcelée, ses races et ses nations se sont soudées à leur territoire et à leurs traditions historiques, elles parlent des langues différentes, et leur profonde incompréhension mutuelle imprègne toutes leurs relations vitales.» (ib., p. 287)

Cette appréciation négative de la pluralité des langues imprègne tout le discours de la première culture. Ainsi un leitmotiv de N. Marr est que la malédiction de Babel sera vaincue :

«L'humanité, autrefois châtiée pour son audace, pour avoir rêvé d'édifier une Tour qui permît de se rendre maître des forces célestes, se passe maintenant de Tour et vole librement avec des ailes […] qu'elles s'est faites elle-même et s'élève dans les hauteurs du ciel […]. Mais dans le monde mental également, dans le monde des valeurs sociales, au premier rang desquelle se trouve la langue, l'humanité a la possibilité de se rendre compte concrètement que la multiplicité des langues, qui lui aurait été imposée comme châtiment pour la construction de la Tour au lieu de l'unicité linguistique des temps paradisiaques, est une légende. […] Le monde des hommes a commencé naturellement par la multiplicité des langues, une multiplicité qui est à l'image de la richesse des forces productives de la nature; la multiplicité des langues est une survivance de l'évolution préhistorique de l'humanité travailleuse en lutte contre la nature, évolution qui a mené à l'unification par le travail organisé. La langue unique, état paradisiaque, est l'apanage inévitable du futur, d'un futur proche.» (Marr, 1925, cité dans Aptekar’, 1933, p. 545)

Un point important est que, pour la première culture, une langue ne constitue pas un système : on peut prendre «le meilleur de chaque langue», et que l'évolution des langues se fait par fusion, maître-mot à contenu flou et variable. Ce thème du croisement, de l'hybridation et de la fusion est essentiellement un refus des lois internes propres à chaque langue, de ce qu'on appelait au 19ème siècle après W. von Humbodt die innere Sprachform et qui (re)deviendra plus tard le «génie de la langue».
Pour la deuxième culture une langue est plutôt un système, ou en tout cas, même si ce n'est pas dit en ces termes, elle est un tout fermé qui a sa propre histoire, sa propre évolution. Ainsi pour Peshkovskij (1928)

«La langue n'est pas composée d'éléments, mais se décompose en éléments. Les faits primaires pour la création ne sont pas les plus simples, mais les plus complexes, pas les sons mais les phrases. C'est pourquoi il ne faut pas définir le mot comme un ensemble de morphèmes, les syntagmes comme des ensembles de mots, et la phrase comme un ensemble de syntagmes. Toutes les définitions doivent être alignées dans l'ordre inverse.» (Russkij sintaksis v nauchnom osveschenii, cité par Zvegincev, 1965, p. 283)

Voilà pourquoi l'éventualité d'une langue universelle créée par voie de croisement et d'hybridation est à proprement parler privée de sens pour la
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deuxième culture. Il suffit de consulter l'article «Langue universelle» de la deuxième édition de la Grande Encyclopédie Soviétique (1951, t. 9), qui, en plus de considérations idéologiques, donne une série d'arguments techniques sur l'impossibilité de construire un tel objet :

«La pratique de création de ces langues artificielles a montré la totale impossibilité de réunir organiquement les mots ne serait-ce que des langues du monde les plus employées. Une langue constituée artificiellement, assimilée par différents peuples dans des conditions de bilinguisme, acquièrerait immanquablement des différences de phonétique et de syntaxe sous l'influence des langues vivantes, qui se sont formées historiquement. L'absence de polysémantisme (le fait qu'un mot ait plusieurs sens), d'idiomatismes, de synonymie, de lexique affectif, et en général de tous les moyens qui apportent de l'expressivité et de la souplesse à la langue vivante, rabaisserait une telle langue au niveau d'un erzatz très imparfait de langue vivante. Toute tentative d'instaurer une langue artificielle, tout projet de langue universelle sont pernicieux en leur principe. Une langue artificielle pour toute l'humanité est une utopie irréalisable.»

En revanche, la deuxième culture met en avant constamment, dès le discours de Staline au XVIème congrès du PCUS en 1936, et de façon encore plus insistante en 1950, l'idée que peuvent se constituer des «langues zonales». Ces langues zonales ne sont pas le produit d'une quelconque fusion, mais de l'élévation d'une langue particulière au rang de «langue de communication interethnique». En URSS, c'est le russe qui a été choisi… Mais l'essentiel est que cette théorie n'est qu'en apparence une théorie de l'ouverture, de l'internationalisme ou de l'interethnicité. En fait elle rappelle étrangement les types historico-culturels fermés, les zones de civilisation ou Kulturkreise (cf. N. Danilevskij, O. Spengler, A. Toynbee).

2. Langue une ou langue divisée?

Une question a hanté les débats sur la langue dans l'URSS des années 20 et 30 : la langue avait-elle changé après la Révolution? Les deux «cultures» apportaient des arguments totalement opposés.
La première culture est faite d'ouverture et de division; la deuxième culture en est le miroir parfait, qui manie des objets nécessitant fermeture et unité.
Ainsi les marristes et les membres du Jazykfront(2), qui au tournant des années 30 se couvraient réciproquement d'anathèmes, affirmaient-ils d'une
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même voix la prééminence du caractère de classe de la langue sur son caractère national. Tous considéraient l'idée de langue commune comme une fiction, ou, au mieux, comme un conglomérat de dialectes de classe, professionnels ou territoriaux. Marr allait simplement un peu plus loin dans la réification de ces divisions puisqu'il affirmait que les dialectes sociaux (ou «langues de classe») sont, tout comme les dialectes territoriaux, les descendants directs de langues tribales différentes.
Tout au contraire, des représentants de la deuxième culture comme Gorki martèlent dès le 1er Congrès des écrivains (août 1934) qu'il faut «apprendre chez les classiques», qu'il faut avoir «une attitude pleine de sollicitude envers sa langue maternelle [rodnoe slovo]». En fait, le discours de la deuxième culture sur le respect de la langue commune et la chasse aux mots impropres et étrangers a commencé presque en même temps que celui de la première sur l'inexistence de la communauté linguistique nationale. Voici comment Selischev s'adresse à des enseignants du secondaire en 1925 :

«Parmi les révolutionnaires il y eut beaucoup de gens qui ne maîtrisaient pas totalement la langue normée russe générale (obscherusskaja literaturnaja rech')… Il est indispensable d'observer ces changements et ces corruptions et de les corriger. Les expressions fautives ne sont corrigées par personne, de toute évidence en raison de fausses considérations d'amour-propre. Cela ne convient pas : la lutte pour un langage correct et cultivé doit signifier pour la fraction d'avant-garde des travailleurs la lutte pour l'assimilation de toute la richesse, de toute la souplesse et de toute la finesse de la langue russe. La première condition pour parvenir à ce but doit être l'expulsion hors du langage quotidien vivant des mots et expressions incorrectes et étrangères.» (Selischev, 1968, p. 143).

En fait, non seulement les deux discours antagonistes coexistent temporellement, tantôt en polémique ouverte, tantôt en toute ignorance réciproque, mais encore ils emploient parfois les mêmes mots, en y mettant des contenus différents. Les deux s'affirment «linguistique marxiste», ce à quoi on pouvait s'attendre. Mais plus intéressante est l'étiquette «linguistique sociale». Dans le discours de la première culture la linguistique est sociale parce qu'elle prend en compte l'impact des classes sociales sur la langue. Dans celui de la deuxième culture, elle est toujours sociale, mais en ce qu'elle étudie les liens de la langue au peuple qui la parle. Le passage de «peuple» au sens social (s'opposant aux autres couches sociales telles que la bourgeoisie) à «peuple» au sens ethnique, ou du moins unanimiste (s'opposant aux autres peuples ou aux éléments
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cosmopolites) est subtil, mais fondamental. On peut illustrer ce renversement du sens d'un même mot par le changement d'appréciation porté sur Saussure en Union Soviétique. Dans le livre de R. Shor Jazyk i obschestvo [Le langage et la société] (1926), Saussure est cité comme le fondateur de «l'école sociologique française», en 1929 Vinokur parle de l'«école saussurienne» comme marquant la victoire de la possibilité de la linguistique appliquée sur les «préjugés naturalistes» de l'école néo-grammairienne.
En revanche, en 1932 c'est précisément l'appartenance de Saussure à l'école néo-grammairienne qui est mise en avant par F.P. Filin. Pour ce dernier, l'«école de Saussure», c'est l'impossibilité de changer la langue (tout comme pour Jakubinskij dès 1929, dans son article «F. de Saussure sur l'impossibilité d'une politique linguistique»), ce qui revient, dans le système de valeurs de cette époque, à une accusation d'impuissance scientifique.
Mais Filin à cette époque est un marriste convaincu, s'inscrivant en principe dans le discours de la première culture… Là encore, des discours antagonistes entrent en contacts et s'interpénètrent. Peut-on vraiment séparer l'un de l'autre? Sans doute est-ce la conception de la collectivité même qui est en cause, d'entité ouverte et contradictoire à totalité close et homogène. La vision de la langue qui accompagne ce choix en est-elle la cause ou la conséquence?

3. Universalisme et relativisme

Les deux cultures se réclament d'une vision historiciste de la langue : pour les deux discours la linguistique synchronique est une abstraction vide de sens. Mais pour la première un évolutionnisme par sauts brusques repose sur l'idée d'unité de la nature humaine, alors que pour la deuxième l'humanité est morcellée en entités-langues qui évoluent lentement, en symbiose avec les peuples qui les parlent.
Partant de la conception stadiale de l'histoire des langues comme reflet de la pensée, les linguistes de la première culture travaillent à la construction d'une typologie historique de la morphologie des langues et de la structure des phrases, cherchant à confirmer la thèse fondamentale qu'il y a un lien direct entre la structure socio-économique et la structure linguistique.
Un exemple particulièrement éclairant est Meschaninov, un disciple de Marr, qui étudie le reflet du développement de la pensée dans l'histoire des types de proposition et des catégories grammaticales (Meschaninov, 1929). Trois stades principaux vont ainsi se succéder obligatoirement dans le devenir de toute langue.
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Au premier stade, le plus archaïque, correspond la construction passive. A ce stade il n'y a pas de différenciation entre le mot et la phrase, ou entre le sujet et le prédicat, car le monde est perçu comme une puissance mythique qui traverse l'homme et son environnement. C'est ainsi que le passif est dominant dans les langue incorporantes par exemple des Indiens d'Amérique du Nord.
On voit que la linguistique soviétique, à partir de bases théoriques totalement opposées, rejoint le type de travail de l'ethnolinguistique américaine de la même époque, ce qu'on a appelé l'hypothèse Sapir et Whorf, à savoir que la pensée est en relation directe avec la langue dans laquelle est exprimée(3).
Le deuxième stade est caractérisé par la construction dite ergative : le sujet d'un verbe intransitif est au même cas que l'objet d'un verbe transitif, différent de celui du sujet d'un verbe transitif. Pour ce type de langues le sujet, bien que pas encore totalement au contrôle de son action, commence juste à se voir en tant qu'acteur. On trouve cette construction en basque et essentiellement dans les langues caucasiennes, langues que connaissait particulièrement bien Marr.
Le troisième stade est le stade dit actif tel que nous le connaissons en français ou en russe: le sujet d'un verbe transitif est au même cas que le sujet d'un verbe intransitif, différent de l'objet d'un verbe transitif. On aurait là la pleine expression reconnue d'un Agent, ce troisième stade serait l'aboutissement actuel de l'évolution des langues. On le trouve dans les langues indo-européennes et sémitiques.
La théorie des stades repose sur le postulat fondamental que la structure syntaxique de la proposition est le reflet d'un type de pensée, lui-même reflet de la structure socio-économique.

Un autre aspect de la première culture insiste moins sur les stades d'évolution que sur les processus de fusion des langues(4). Ainsi, pour Drezen (1926, p. 8-10), les frontières territoriales d'utilisation d'une langue particulière étaient
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déterminées par un territoire englobant des conditions communes de production et des méthodes communes de travail. Ce n'est que dans des conditions de vie quotidienne identiques qu'ont pu se maintenir identiques des moyens de production, y compris des formes de langue identiques.
Au cours des migrations des groupes différents entrent en contact et échangent leur expérience de travail. Apparaît alors un nouveau type de vie quotidienne, commun à ces groupes. Les langues de ces groupes sont soumises à une fusion et à une assimilation inévitables. Dans ce cas apparaît une nouvelle langue, mieux adaptée, et correspondant à une expérience de travail commune aux peuples liés par une communauté de territoire et une unité de processus de travail.
A une époque très anciennes les tribus vivaient isolées, mais il en va autrement maintenant :

«La culture et la civilisation (5) des peuples particuliers commence à se pénétrer d'éléments de la culture et de la technique internationales et universelles. La haute technique et la mécanisation des moyens de production propre aux pays européens, par la force de la nécessité historique, sont transplantées dans les autres pays, plus attardés culturellement et techniquement. On peut ainsi observer dans le monde entier une internationalisation des méthodes de production et, comme conséquence, […] une internationalisation des langues.» (Drezen, 1926, p. 10)

La deuxième culture s'inscrit tout autant que la première dans une perspective évolutionniste. Elle conserve la série nécessaire «tribu -> nationalité -> nation» (plemja -> narodnost’ -> nacija) Mais elle refuse explicitement le postulat d'unité de la nature humaine, avec apparition d'un même phénomène en des endroits différents en fonction de mêmes conditions d'évolution. Or il ne s'agit pas ici d'un diffusionisme pour autant. C'est là que le paradoxe se noue : on a plutôt affaire à un type de pensée qui prend du romantisme allemand sa philosophie de l'histoire, tout en empruntant aux théories des «types historico-culturels» (N. Ja. Danilevskij en Russie, O. Spengler en Allemagne) l'idée d'unicité d'entités fermées.
On pourra s'en convaincre en voyant la liste des griefs que la deuxième culture adresse à la première lors de sa victoire politique de 1950. Gornung (1951, p. 9) les énumère ainsi :

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- négation de la notion de parenté, et interprétation des phénomèmes de parenté comme «secondaires», c'est à dire s'étant formés au cours de l'évolution des langues de la multiplicité à l'unicité;
- combinaison de la thèse du caractère hybride de toutes les langues avec l'idée de la «syn-stadialité» d'événements matériels semblables qui seraient apparus dans différentes langues indépendamment les uns des autres;
- le caractère cosmopolite des conclusions qui découlent de la négation du caractère génétique de la parenté linguistique et, par conséquent, de la singularité [samobytnost’] de l'évolution linguistique de chaque nation;
- l'influence néfaste de la théorie de la stadialité et du croisement des langues sur les travaux des ethnographes, des archéologues et des historiens en matière d'ethnogénèse.

Enfin, à une discontinuité spatiale et génétique (ni de mélange ni d'hybridation) correspond une continuité temporelle de l'objet de la linguistique de la deuxième culture :

«Dans la vie de la société il y a des sauts brusques [sdvigi] qui font que la nouvelle génération se sépare de l'idéologie de l'ancienne génération. Avec la langue cela n'arrive jamais. La langue peut se modifier, mais toujours de façon telle que chaque nouvelle génération puisse communiquer avec la précédente. Aucun bouleversement dans la vie de la société, si violent soit-il, ne peut mettre à mal cette loi, qui est liée à l'essence même de la langue comme moyen de communication. C'est en cela que réside la différence fondamentale entre la langue et l'idéologie.» (Abaev, 1952, p. 54)

Ce changement de discours dominant et licite (et non de «paradigme») a une date extrêment précise : il a lieu en juillet 1950, lors de la «discussion sur la linguistique» ouverte par Staline dans la Pravda. Un problème reste entier : pourquoi ce changement a-t-il eu lieu si tard, pourquoi la victoire de la deuxième culture sur la première s'est-elle faite plus tard que dans les autres disciplines scientifiques?

[249]
Conclusion

On peut dire que la «première culture» représente la négation de la diversité externe, alors que la «deuxième culture» représente, elle, la négation de la division interne.
Si l'on peut parler de «paradigmes» à propos de la linguistique soviétiques des années 1917 à 1950, les quelques pistes suivies ici montrent, à mon avis, qu'il faut envisager que des théories, ou plus exactement des visions du monde incompatibles non seulement peuvent coexister, mais encore se chevaucher. De surcroît il ne s'agit pas de l'alternance temporelle de deux paradigmes revenant tour à tour sur le devant de la scène comme un balancier, et évoluant d'un mouvement sinusoïdal . En fait, les «paradigmes» dont il a été ici question ne peuvent avancer qu'en s'appuyant l'un sur l'autre, leur évolution ressemble plutôt à une spirale ascendante, en forme de structure d'ADN.
Mais la notion de «paradigme» est apparue bien inadéquate pour s'appliquer à la linguistique soviétique. Il faudrait parler ici plutôt de «façons de penser la langue», ou de «discours sur la langue», qui circulent en fonction de conditions de recevabilité. C'est pour cela qu'on peut utiliser la notion de discours licite. En URSS les conditions politiques ont joué un rôle particulier, mais n'expliquent pas tout.
Un grand travail reste à faire pour élaborer des instruments adéquats au domaine qui a été abordé ici, et qui puissent en même temps rendre compte du domaine «occidental». Ce n'est qu'à ce prix que pourra être entreprise une véritable comparaison épistémologique entre la linguistique soviétique et la linguistique occidentale.

NOTES

- (1) L'année 1950 est marquée par l'«intervention de Staline» en linguistique. Il s'agit d'une rupture politique nette, qui ne préjuge en rien d'une quelconque «rupture épistémologique». (retour texte)
- (2) Le jazykfront est un groupe de linguistes qui représente la dernière tentative pour élaborer une «linguistique marxiste» avant le triomphe définitif du marrisme. Ses membres partaient en expédition à la campagne ou dans les usines pour décrire les traits caractéristique de la «langue» des paysans ou des ouvriers, cf. Danilov, 1929, 1931. Danilov fige les différences : il y aurait selon lui une langue en soi des ouvriers. (retour texte)
- (3) C'est précisément sur Sapir que s'appuie Meschaninov lorsqu'il tente de démontrer, par exemple, que le mot n'existe pas en dehors de la proposition, cf. Meschaninov (1940), dans Zvegincev, 1965, p. 359-360. Cette question a été extrêmement peu étudiée. En fait le discours soviétique sur la langue s'inscrit dans une acceptabilité qui dépasse de bien loin les frontières de l'URSS. C'est qu'il est des questions, dans les années 20-30, qu'on se pose tout aussi bien ailleurs, dans des formations sociales tout à fait différentes, avec des systèmes politiques opposés, et dans des problématiques épistémologiques qui semblent n'avoir rien en commun. Il en va ainsi des rapports entre langue et pensée (de Sapir et Whorf à Lévy-Bruhl), mais aussi des interrogations sur la précision, voire l'hygiène de la langue (le cercle de Vienne). (retour texte)
- (4) «fusion» est beaucoup plus radical que «hybridation» ou même «croisement».
Il n'est pas indifférent que culture et civilisation soient mis ici sur le même plan. (retour texte)
- (5)On peut penser, par exemple, à la manière dont Chomsky envisage l'histoire des idées linguistiques comme une alternance de l'empirisme et du rationalisme. (retour texte)



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