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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы


-- Alexandre BELITCH, L’Avenir des Langues dans la Péninsule Balkanique, Paris : Ligue des Universitaires serbo-croates, 1919.

 

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Sur un pareil sujet, mais d’une façon beaucoup plus étendue, M. A. Meillet, professeur au Collège de France, vient de publier un livre fort intéressant (Les langues dans l’Europe nouvelle, Paris 1918, Payot et Cie).

M. Meillet occupe une des places les plus distinguées dans le monde scientifique français en général, et, dans sa spécialité en particulier, il a, sans contredit, la première. La grammaire comparée qu’il enseigne, depuis de nombreuses années, à l’Ecole des Hautes Etudes et plus récemment au Collège de France, a en lui, depuis que cette science est étudiée en France, non seulement son représentant le plus renommé, mais encore le plus fécond et le plus brillant. Et je pense ne pas exagérer en disant que parmi les noms de ceux qui se sont consacrés à l’étude de cette spécialité dans le monde entier, celui de M. Meillet a acquis une des plus belles réputations.

Bien que la grammaire comparée ait dû son origine et son développement rapide à la science allemande, M. Meillet sut lui donner, en France, par son travail intensif et par la formation de spécialistes de plus en plus nombreux, une position particulière et très solide.

Mais ce qui est le plus important pour les lecteurs de la Patrie Serbe, c’est que M. Meillet s’est spécialisé dans l’étude de la structure et de l’histoire des langues slaves. Ordinairement chaque représentant de la grammaire comparée s’occupe spécialement d’un ou de plusieurs groupes de langues. M. Meillet, au début de ses travaux, a choisi, comme objet de ses études, les langues slaves. Il s’est aussi particulièrement occupé des langues arménienne, grecque, persane, latine, mais, malgré tout, le plus grand nombre de ses études se rattachent aux langues slaves. Et il est bien compréhensible qu’il se soit arrêté plus longuement à l’étude du vieux-slave, puisque celui-ci représente la plus ancienne langue slave fixée ; mais, en même temps, M. Meillet s’est occupé de toutes les autres langues slaves dans la mesure dans laquelle elles entraient dans la sphère des questions qu’il
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expliquait. Il prépare même en ce moment deux grammaires de langues slaves contemporaines : une serbe et une polonaise. Ce qui montre le plus avec combien de pénétration M. Meillet est entré dans la complexité de tous les problèmes des langues slaves et combien, dans le cercle des linguistes slaves, on place hautement son autorité et sa grande érudition, c’est que ce savant a été chargé de faire pour l’Encyclopédie de la philologie slave la grammaire du slave commun qui doit représenter le point de départ de tout exposé de l’histoire de toutes les langues slaves, parce qu’elle tracera l’époque la plus ancienne de chacune d’elles. Cette collection est éditée sous la rédaction du patriarche de la slavistique contemporaine, du professeur Jagić (Yaguitch).

Personne, jusqu’à aujourd’hui parmi les érudits français, n’a écrit, sur les langues slaves, avec autant de connaissances linguistiques et de pénétration. M. Meillet est, au vrai sens du mot, le fondateur de la linguistique slave en France.

Dans le livre que nous avons cité, le lecteur trouvera une discussion détaillée sur les rapports entre la langue parlée et écrite d’un côté et l’évolution de la société et la civilisation de l’autre.  Devant nous, comme dans un kaléidoscope, défilent, depuis les peuples de l’époque la plus reculée qui ont, pour la première fois, écrit le mot parlé, jusqu’aux tribus sauvages d’aujourd’hui des divers continents dont les langues disparaissent devant celles des grandes civilisations. Et dans cette mosaïque de faits observés sur de grands espaces et pendant des milliers d’années, peuvent se remarquer deux grands phénomènes : d’une part, le rôle niveleur des grandes civilisations dans l’emploi des langues, qui réduit les langues des plus petits peuples et des plus ignorés aux langues des principales nations civilisées ; de l’autre, le rôle séparateur des démocraties de la nouvelle époque, dans lesquelles, avec le désir des peuples d’être autonomes et libres, s’affirme aussi celui de donner à leur langue un rôle civilisateur.

Le professeur Meillet, comme humaniste, regrette ce morcellement de la société humaine et la perte qui en résulte pour ses membres, sans égard pour le fait qu’ils soient créateurs ou simples récepteurs des biens de la civilisation. Il voudrait que les efforts auxquels le monde civilisé d’aujourd’hui est contraint pour surmonter les différents obstacles de l’étude d’un grand nombre de langues, soient plutôt employés à un rôle créateur et, dans son désir d’établir des liaisons plus étroites entre les peuples, il émet, comme condition première, que les difficultés provenant du polyglottisme soient, sinon parfaitement écartées, du moins considérablement diminuées. Verra-t-on cela par la création d’une langue
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artificielle, comme le pense M. Meillet, ou par quelque autre moyen qui émergera de la communauté des peuples ? L’avenir décidera. Mais d’après moi, dès aujourd’hui, on peut dire une chose : les circonstances créées par cette guerre ont contribué à ce que la connaissance de la langue française soit considérablement répandue. Jamais peut-être, depuis que le monde existe, aucune langue n’a obtenu, comme le français d’aujourd’hui, dans un temps si court, un si grand nombre d’adeptes qui, bientôt, s’en iront dans les diverses parties du monde avec une connaissance plus ou moins grande de la langue française.

Il est certain que cela facilitera considérablement la possibilité de compréhension entre les peuples. Mais est-ce à dire que la langue française deviendra cette base générale de compréhension ? Quoiqu’il y ait beaucoup de raisons en faveur d’une telle solution des difficultés internationales, provenant de la situation linguistique d’aujourd’hui, c’est là une question qui, avant tout, dépend de la volonté des peuples et des Etats des grandes langues civilisées qui ont partagé, entre eux, les sphères principales du monde.

Quoi qu’il en soit, je pense que, pour une langue internationale, il est préférable d’adopter une langue vivante, déjà créée, raffinée, possédant une grande littérature, qu’une langue qu’il faudrait créer entièrement. Car si l’on désire passer maître dans une langue et s’expliquer convenablement, il faut connaître son esprit qui vibre dans les œuvres de ses grands écrivains et dans le vif sentiment de cette langue du peuple qui se transmet d’une génération à l’autre ; et cela, hélas ! manquera toujours à une langue morte ou créée d’après les règles d’une grammaire.

 

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Mais laissons la solution de ces questions à la société nouvelle. Lorsque la Ligue de la Société des Nations sera fondée, un de ses premiers soins sera de trouver un moyen de compréhension commune : tant que cela n’est pas, arrêtons-nous à l’état de choses actuel et à ce qui, en premier lieu, nous intéresse.

Dans le grand cadre des langues de l’Europe et des autres continents, M. Meillet s’occupe aussi, souvent, des langues balkaniques. Et là aussi, comme dans toutes ses œuvres, non seulement il est bien documenté sur le sujet, mais encore il a sa façon personnelle d’envisager les choses.

« Les parlers slaves méridionaux, dit M. Meillet (op. cit.46), s’étendent depuis le cours de l’Isonzo qui tombe dans l’Adria-
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tique, jusqu’à Salonique et à la côte orientale de la Presqu’île des Balkans, sur la Mer Noire. Ils sont séparés du slave occidental et du russe par l’allemand, la magyar et le roumain.

On y distingue deux types : à l’Est, le type bulgare ; au centre, le type serbo-croate prolongé à l’Ouest par le slovène. Mais on ne saurait marquer nulle part une limite précise entre ces groupes : les parlers locaux forment une série continue depuis le bulgare jusqu’au slovène ; on ne peut dire où commence le slovène et où finit le serbo-croate, parce que des colonies serbo-croates venues de loin se sont juxtaposées à des populations parlant slovène, et les discussions, viciées par des préoccupations politiques sur la limite entre les parlers serbes et les parlers bulgares en Macédoine, n’ont guère de sens scientifique. On n’arrive à marquer une ligne de séparation précise entre les parlers de type « serbe » et les parlers de type « bulgare » qu’à condition de choisir arbitrairement des critères entre tous ceux qui existent. »

Et dans un autre passage de son livre, où il traite, plus en détail, les dialectes macédoniens, il parle de ces limites d’une manière encore plus précise :

« Bien des discussions, dit-il à la p. 166 de son livre, qui se sont élevées sur les limites de telle ou telle langue, sont vaines. On en aperçoit la vanité quand on sait que les dialectes n’ont pas de limites définies et qu’il n’y a de limites exactes que de chaque fait linguistique en particulier. »

Et comme une illustration très instructive de ces faits, il cite les dialectes yougoslaves :

« Les parlers slaves méridionaux couvrent un domaine continu depuis le Nord-Ouest, avec les premiers parlers slovènes, au voisinage des parlers allemands et italiens du Tyrol et de la Vénétie, jusqu’au Sud-Est, avec les derniers parlers macédoniens et bulgares, sur les bords de la Mer Egée et de la Mer Noire. Dans cet ensemble continu où l’on observe un grand nombre de limites de faits particuliers, mais où, nulle part, on ne peut marquer une frontière entre deux dialectes caractérisés, il s’est constitué, dans le passé, deux groupes, l’un au centre : le type serbo-croate, l’autre à l’Est : le type bulgare. Au XIXe siècle, lors de la renaissance des nations slaves, il a été créé là, sur la base des parlers de deux régions très éloignées l’une de l’autre, deux langues communes qui s’écrivent, le serbo-croate et le bulgare, et l’on a même tenté de constituer de toutes pièces une langue commune slovène. Le serbe et le bulgare communs, employés l’un dans l’Etat serbe, l’autre dans l’Etat bulgare, sont venus s’affronter.

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Mais là, où, par suite des circonstances, les langues communes n’ont pu se répandre, comme il est arrivé en Macédoine où le régime turc a subsisté jusqu’aux guerres balkaniques, on ne peut trouver aucune frontière linguistique. » (p. 167.)

Pour montrer toute l’absurdité de l’opinion de ceux qui ont volontairement appliqué à leurs jugements sur les dialectes macédoniens, des éléments tout à fait étrangers, non seulement à la linguistique, mais également à toutes les études scientifiques, il s’arrêt surtout à ces dialectes :

« Les parlers de Macédoine, dit-il aux pages 167-168, sont une partie de l’ensemble slave méridional ; ceux qui les parlent pourront, suivant les circonstances, prendre pour langue commune le serbe ou le bulgare. Leurs parlers, différents entre eux, ne sont ni vraiment serbes ni vraiment bulgares. Les maîtres d’école bulgares ou bulgarisés ont exercé en Macédoine une forte action ; et c’est ce qui a donné occasion aux Bulgares de revendiquer le pays pour leur langue commune. Mais si les politiciens ont réclamé les parlers de la Macédoine pour tel ou tel groupe, les linguistes désintéressés ont toujours réservé leur opinion. En réalité, ces parlers n’appartiennent en propre ni à l’un ni à l’autre de deux groupes qui se les disputent. C’est la politique qui décidera de l’avenir linguistique de la Macédoine. »

Pour que ces derniers mots soient plus clairs, je citerai cet autre passage du même traité : « Une limite linguistique tranchée résulte toujours de quelque accident historique. » (ib. 169.)

M. Meillet revient encore aux Macédoniens à un autre endroit (p. 254), voulant, semble-t-il, découvrir encore une fois toutes les possibilités de leur développement linguistique dans l’avenir :

« Dans la Macédoine, dévastée par les massacres et par la guerre, la population est clairsemée ; et les populations dont  le parler local est slave peuvent accepter avec une égale facilité le serbo-croate ou le bulgare comme langue commune ; les frontières des langues communes bulgare et serbo-croate seront fixées par la politique. »

D’après l’importance civilisatrice des plus grands groupes linguistiques, M. Meillet rejette l’idée de l’opportunité, pour les Macédoniens, de prendre leur langue comme langue de civilisation :

« Le Macédonien qui apprend le serbo-croate ou le bulgare littéraire ne se met pas en contact direct avec le monde ; mais il entre dans une communauté nationale qui a dans le monde sa petite place, et, dans la mesure où le serbo-croate et le
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bulgare reflètent dès maintenant la civilisation mondiale, le Macédonien qui apprend ces langues y accède, alors que son parler local l’en séparait. » (p. 279.)

 

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D’après ces citations, on peut fixer, comme suit, les opinions du professeur Meillet.

 

1.     Les dialectes macédoniens représentent un bien commun yougoslave.

2.     Dans aucun cas on ne peut dire que les Macédoniens apprennent et comprennent plus facilement le bulgare que le serbe.

3.     Parmi les langues qui représentent la continuation dans leur développement d’une communauté antérieure, comme c’est ici le cas, il n’y a, nulle part, de frontières fixées et ce ne sont que les frontières politiques qui les peuvent séparer définitivement.

La Macédoine n’a pas été comprise dans la zone des langues d’Etats serbe et bulgare, parce qu’elle était en dehors des Etats serbe et bulgare, et c’est pour cette raison que, dans ce pays, il n’y a aucune limite précise entre ces deux langues.

4.     Les limites entre la langue serbe et la langue bulgare s’établiront là où le Traité de paix tracera la ligne entre la Serbie et la Bulgarie.

 

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1. Le professeur Meillet affirme que les dialectes macédoniens ne sont ni tout à fait serbes, ni tout à fait bulgares, mais qu’ils sont en liaison étroite avec les uns et les autres. Comme on le sait, des quantités de livres ont été écrits sur ce sujet. C’est pourquoi je ne m’arrêterai ici que sur un point.

Bien que, dans tous les dialectes macédoniens, il y ait des traits qui ne soient propres aujourd’hui qu’à ces dialectes, il n’y a, en eux, en réalité, aucune propriété fondamentale qui ne puisse être réduite, dans le profond passé, aux traits serbes ou bulgares. Si nous retirons de ces dialectes tout ce qui y a été apporté, on constate deux courants qui montrent leur composition et leur origine : c’est l’emploi des consonnes št  (cht), žd (jd), ć (tch), d(dj) pour les sons du slave commun tj et dj. Le courant ć  (tch) montre la base serbe de ces dialectes et le courant št (cht) montre la base bulgare. Le premier courant, se dirigeant de l’Ouest à l’Est, a débordé vers la région comprise entre le Vardar et la Strouma. Le flot ć  a beaucoup plus progressé que le št  et il a considéra-
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blement fait reculer, à l’Est, l’emploi du trait št ; même le dialecte des environs de Salonique s’est soumis à son influence.

La langue vieux slave qu’on parlait autrefois près de Salonique, appartenait à ces courants, et notamment à celui de l’Est, mais ce dialecte a disparu depuis longtemps. Pourtant les dialectes qui en représentent la suite se sont soumis à de très grands changements et au flot de l’Ouest, aussi ancien par son origine que celui de l’Est.

2. Le professeur Meillet suppose que les Macédoniens apprennent avec autant de facilité le serbe que le bulgare. Mon expérience et mes entretiens avec les Macédoniens m’ont convaincu que ceux-ci apprennent plus facilement le serbe que le bulgare. Cela provient de deux causes : d’abord, de ce que le courant serbe a apporté aux Macédoniens le lexique serbe ; ensuite, ce qui est peut-être encore plus important, de ce que la langue littéraire serbe est, en principe,  la langue du peuple, tandis que la langue littéraire bulgare est devenue, par ses nombreux emprunts à la langue russe, incompréhensible aux gens simples. Elle s’est, à un certain degré, dénationalisée. Et si, pour vaincre les difficultés de la langue littéraire serbe, il faut aux enfants de l’école primaire quelques mois, pour apprendre la langue bulgare, il leur faut deux fois plus de temps. Ainsi m’ont renseigné aussi tous ceux qui ont observé, avec impartialité, l’état de choses en Macédoine.

3. Les langues littéraires, chez les Serbes et chez les Bulgares, sont des dialectes imposés par une région à toutes les autres. Les Bulgares ont adopté pour langue littéraire, la langue de la Bulgarie de l’Est ; les Serbes celle de la Serbie du Nord-Ouest ou de l’Herzégovine. D’après cela, il résulte que les dialectes macédoniens paraissent très éloignés de ces langues. Mais si l’on prend, par exemple, les dialectes des régions qui s’étendent à l’Est ou au Sud du centre d’origine de la langue littéraire serbe, on voit que ces dialectes se prolongent organiquement dans la Macédoine.

4. La politique fixera les limites des langues serbe et bulgare en Macédoine. Par là, M. Meillet veut souligner que les Macédoniens, après leurs frontières politiques fixées, accepteront, sans hésitation, l’une ou l’autre langue littéraire. En cela, je pense, M. Meillet a raison. Outre le fait général, que les Macédoniens peuvent apprendre facilement les langues serbe ou bulgare et que, en adoptant une de ces langues, ils entreront dans une civilisation déjà établie, l’expérience faite par les Serbes, en est la preuve. Quand les Serbes offrirent aux Macédoniens l’emploi des dialectes locaux pour l’enseignement dans leurs écoles, ces derniers répondirent par
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la demande de livres d’école serbes. Ensuite, je pense que, justement à cause de la différence très sensible existant entre la civilisation serbo-croate et la civilisation bulgare, aussi bien pour le contenu que pour l’étendue, l’adhésion des Macédoniens à celle des Serbo-Croates et non pas à celle de la Bulgarie, aura une signification tout à fait autre pour leur développement civilisateur.

5. Enfin je remarque que le professeur Meillet constate que les Slovènes n’auraient aucune difficulté à adopter la langue littéraire serbo-croate. M. Meillet, n’abandonnant pas le rôle de l’homme qui regrette le morcellement des langues européennes, désire, autant que possible, réduire leur très grand nombre. C’est pour cette raison qu’il recommande aux Slovènes cette adoption de la langue serbo-croate. Mais il exagère peut-être l’importance des intrigues autrichiennes dans ce sens.

Pour le moment, il est suffisant que, Serbo-Croates et Slovènes, nous nous comprenions mutuellement. Toute autre solution doit être laissée à l’avenir, de même qu’il faut lui laisser aussi le soin de créer une civilisation égale dans tous ses détails pour la Yougoslavie entière. Et cette civilisation unique créera aussi son unique expression linguistique.

 

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J’ai exposé, in extenso, des idées du professeur Meillet pour qu’il apparaisse plus clairement ce qui est sien dans mon exposé. Dans mes explications j’ai donné mes opinions que j’ai eu plusieurs fois l’occasion d’exposer. De la comparaison des opinions de M. Meillet avec celles des Serbes sur ces questions, il s’ensuit, que ce savant est, en général, en accord avec la littérature scientifique serbe et non avec celle des Bulgares (Comp. par exemple, l’article de l’auteur de ces lignes, dans La Nature, n°2235 du 30 avril 1918).

Dans cet accord de la science européenne, absolument impartiale, plutôt avec la science serbe, qu’avec celle des Bulgares, je ne vois pas seulement une différence entre les savants serbes et bulgares, mais plus encore la différence entre la civilisation de l’un et de l’autre pays. Le peuple serbo-croate, dans ses diverses régions a été en contact avec les civilisations de l’Ouest à l’époque où le peuple bulgare, sous le joug turc, a dormi d’un sommeil profond, et cette différence entre l’âge de leurs civilisations ne s’effacera pas si vite et si facilement, ni entre leurs sciences, ni entre leur développement intellectuel en général.

 


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