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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы

-- Constantin REGAMEY, Lausanne : «A propos de la «construction ergative» en indo-aryen moderne», in Sprachgeschichte und Wortbedeutung, Festschrift Albert Debrunner, gewidmet von Schülern, Freunden und Kollegen, Bern : Francke Verlag, 1954, p. 363-381.

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        La syntaxe spécifique du passé des verbes transitifs en indo-aryen moderne (tournure obligatoirement «passive» avec le sujet logique exprimé par un cas analogue à l’instrumental[1]) a déjà été comparée sporadiquement avec le type particulier de construction verbale signalé pour la première fois pour le tibétain par H. G. von der Gabelentz[2], pour le basque par A. F. Pott[3], retrouvé ensuite dans les langues caucasiques[4], nord-américaines[5], paléoasiatiques, polynésiennes, etc. et étudié spécialement par l'école de Marr qui baptisa ce type du nom de «structure ergative» (ergativnyï stroï)[6]. Mais la première analyse systématique des faits néo-indiens[7] du point de vue de cette structure se trouve, autant que je sache, dans l'article de W. K. Matthews The ergative construction in modem Indo-aryan publié tout récemment dans la revue Lingua[8]. La ressemblance des constructions
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néo-indiennes avec celles des langues à structure ergative est démontrée par M. Matthews avec une telle clarté que, pour la présentation de la matière et des détails, je ne peux que renvoyer à son exposé magistral. Le but des lignes qui suivent est de compléter cette étude par l'analyse de l'origine de cette construction en indo-aryen moderne, problème dont M. Matthews ne s'occupe pas et qui présente pourtant une importance particulière non seulement pour l'histoire de l'indo-aryen, mais aussi pour la compréhension de l'essence mème de la structure ergative que je me vois obligé d'interpréter autrement que l'auteur de l'article précité.
        On sait que l'école de Marr considérait la construction ergative comme la marque distinctive d'un type structural totalement différent du type indo-européen, sémitique, etc. et antérieur à celui-ci; il s'agirait d'une étape de l’évolution generale des langues, à laquelle, selon la théorie de la «stadialité», une langue ayant atteint un degré supérieur d'évolution (type indo-européen, sémitique, etc.) ne pourrait plus retourner. La principale difficulté à laquelle se heurtait cette théorie était la présence dans certaines langues, comme p. ex. en géorgien, des deux structures à la fois. Les adeptes de Marr cherchaient à éviter cette difficulté en présentant la structure ergative du géorgien comme une survivance de l'étape évolutive antérieure. Or, le néo-indien présente un autre exemple de coexistence des deux structures[9], mais ici la construction ergative ne saurait être considérée comme une survivance; c'est plutôt une innovation «greffée» sur la structure indo-européenne.
        Ce fait suffìrait à lui seul pour démolir la théorie de la «stadialité», si, en général, il était nécessaire de discuter cette hypothèse qui ne pouvait jamais ètre défendue sérieusement et qui a été abandonnée même en U.R.S.S.[10] Pourtant l'école de Marr avait raison en ce qu'elle considérait la construction ergative comme marque d'une structure linguistique foncièrement différente du type
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indo-européen et non analysable au moyen de nos catégories grammaticales traditionnelles. Mais il ne s'agit ni d'une étape evolutive ni de particularité d'une famille linguistique (des langues à construction ergative appartiennent à des groupes entre lesquels on ne saurait établir aucun lien de parenté génétique ou d'influence réciproque), mais de structures parallèles développées indépendamment en raison de la présence, dans ces langues, de conditions semblables. Il n'est pas facile de déterminer ces conditions dans les parlers qui, tout le long de leur évolution, représentent le pur type «ergatif». L'apparition de cette structure dans les langues appartenant à un autre type et dont on connaît l'histoire est donc très instructive. Elle ne saurait ètre attribuée aux influences étrangères, bien que celles-ci aient-indubitablement laissé leur empreinte en néo-indien[11]. De toutes les langues non-aryennes du territoire indien, seuls les parlers tibéto-birmans connaissent la construction ergative; ces parlers n'ont exercé aucune influence sensible sur l'ensemble du néo-indien; tout au plus ont-ils pu contribuer à l'élargissement de la construction ergative sur tous les temps verbaux en népali, gurkhali, en certains dialectes de pahari, parlers à substrat tibéto-birman. Pour les autres langues néo-indiennes, on doit chercher la cause de la nouvelle structure dans l’évolution interne.
        Avant de le faire, il faut pourtant examiner de plus près si les faits néo-indiens représentent réellement la structure ergative. Il me semble que M. Matthews la sépare insuffisamment de la construction passive. Si la syntaxe du verbe néo indien se Iimitait à l'emploi obligatoire du passif dans le passé, il serait superflu d'évoquer la structure ergative. L'origine de cette limitation ne présenterait pas deéproblème. Du moment où, en indo-aryen, l'expression personnelle du passe a disparu et a été remplacée par I'adjectif verbal issu du participe passif sanskrit en -(i)ta, cet instrument morphologique ne pouvait exprimer la pure notion du passé que pour des verbes intransitifs; dans les verbes transitifs la signification passive s'associait automatiquement à l'expression de l'accompli. Cependant les faits néo-indiens ne sont pas si simples, et M. Matthews signale lui-même les arguments qui s'opposeraient à l'interprétation de la syntaxe néo-indienne comme d'un simple passif: «The ergative construction is not apparently felt as passive, for Hindustani ... has also a true passive construction. It is formed by conjugating the past participle of the verb with jānā 'to go' as auxiliary (cf. G. gehen in verloren gegangen)[12]»; et plus loin: «In the ergative construction the formally passive elements come into relief, but semantically they are part of an
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idiomatic nexus which emphasizes the agent by giving it priority and an almost nominative status in the sentence[13]. That this is so is proved not only by the native speaker's conception of the ergative construction as a syntagma of the active voice, but by the hesitations and interchanges between nominative and ergative as subject of certain 'ambivalent' types of verbs, which are on the perifery of the transitive group[14].» Il cite également l'exemple de phrases à deux verbes (transitif et intransitif) où le sujet commun est au nominatif: voh jhat phir āī aur kahā «elle revint (phir āī, intransitif au féminin) rapidement et dit (kahā transitif, au genre impersonnel, littéralement: dictum est) ». Malgré ces restrictions, M. Matthews arrive à la conclusion finale que la construction ergative s'explique le mieux en partant du passif indo-européen.
        Or, elle coincide souvent (pas toujours) avec le passif indo-européen, derivé, en néo-indien, indubitablement de l'ancien passif et peut remplir encore aujourd'hui certaines fonctions de celui-ci[15]. Mais elle ne peut être assimilée au passif non seulement pour des raisons signalées par M. Matthews, mais avant tout parce qu'elle est irréversible. En indo-européen, I'opposition passif-actif représente des variantes stylistiques d'un même énoncé dont les deux pôles grammaticaux, sujet et objet, sont interchangeables; par contre, la construction ergative est fixe, ses deux pôles, agent et objet, ne peuvent pas échanger leurs fonctions syntaxiques. La compréhension insuffisante de cette différence fondamentale est à l'origine des longs tâtonnements des premiers linguistes qui se sont intéressés à cette construction. Vu que, dans ce domaine, le consensus omnium est loin d'être atteint, passons rapidement en revue les interprétations typiques de la construction ergative.

        A coté du néo-indien il n'y a, autant que je sache, que trois langues «ergatives» pour lesquelìes il existe une tradition grammaticale indigène: le géorgien, le tibétain et le basque. Pourtant il ne faut pas espérer trouver dans ces traditions des
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interprétations directes, indépendantes des schémas occidentaux, car dans tous ces cas la science grammaticale a été inspirée par des cadres créés pour la description d'une langue indo-européenne: par la grammaire grecque pour le géorgien, grammaire sanskrite pour le néo-indien et le tibétain, grammaires espagnole ou française pour le basque. Pas plus que les premiers chercheurs occidentaux, les grammairiens indigènes n'ont su éviter les fausses associations des éléments de leurs Iangues avec des catégories indo-européennes. Ainsi, de part et d'autre, la construction ergative est examinée dans les cadres de l'alternative actif-passif. Mais c'est un fait frappant que, si les grammairiens indigènes assimilent cette construction à l'actif et interprètent l'ergatif comme une sorte de nominatif[16], les premiers savants européens qui ont étudié la question indépendamment des traditions indigènes - von der Gabelentz, R. de la Grasserie[17] et surtout Schuchardt et Uhlenbeck - préfèrent analyser la construction ergative du point de vue du passif et identifìent l'ergatif avec une sorte d'instrumental. Seuls s'opposèrent à cette tendance generale A. Trombetti[18], et, plus prudemment, C. Tagliavini[19] qui revient à l'équation: ergatif = cas emphatique. Les grammairiens indigènes se refusent à considérer la construction ergative comme un passif en prenant en considération avant tout la forme du verbe qui, dans cette construction, suit la conjugaison des verbes intransitifs et ne comporte pas de marques de conjugaison proprement passive. Par contre, l'opposition des savants européens à l'identification de la construction ergative avec un actif est dictée avant tout par la syntaxe du sujet et de I'objet, inverse à celle qu'on trouve dans notre actif. Au fond, les deux interprétations opposées n'ont raison que dans leurs argumentations négatives, et la conclusion qui résulte de cette discussion ne peut être que la suivante: la clé de la structure ergative droit étre cherchée en dehors
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de l'opposition actif-passif et des rapports syntaxiques entre le nominatif, l'accusatif et l'instrumental.
        Cette méthode a été adoptée par l'école de Marr qui renonça aux catégories de l'actif, du passif, du nominatif et de l'accusatif et introduisit, à la place des deux derniers, des cas «actif» et «passif». La nouvelle terminologie, basée sur la valeur sémantique des éléments du discours, permet d'éviter les associations avec les diathèses de l'actif et du passif, mais oblige en revanche d'interpréter la phrase de façon totalement différente selon que le verbe est transitif ou intransitif. Le «cas actif» exprime l'agent d'un verbe transitif, le «cas passif» en exprime l'objet; mais lorsque le verbe est intransitif, ce même «cas passif» exprime le sujet. Dans les publications plus récentes de l’ècole de Marr, surtout dans les travaux de Meščaninov, le terme «cas passif» est remplacé par «cas absolu», ce qui permet d'éviter les contresens comme des affirmations que, dans les phrases «l’homme court», «l’homme parle», «l’homme travaille», etc., «l’homme» serait au «cas passif». Mais ce n'est qu'un changement terminologique. Meščaninov est obligé d'admettre un renversement total de la construction suivant la signifìcation du verbe: si celle-ci est intransitive, le sujet constitue le centre de la phrase; si elle est transitive, c'est l'objet qui en prend la place centrale[20].
        Une interprétation beaucoup plus simple et générale a été fournie par N.Troubetzkoy dans son article posthume Le rapport entre le determiné, le déterminant et le défini[21]. Il y distingue trois classes fondamentales de syntagmes: 1° syntagmes déterminatifs (adjectif + substantif, substantif au génitif + substantif, complément + verbe, etc.); 2° syntagmes prédicatifs (sujet + prédicat) et 3° syntagmes sociatifs (deux ou plusieurs sujets d'un mème prédicat ou inversement deux ou plusieurs prédicats d'un même sujet, etc.). Les deux premières classes concernent directement le problème qui nous occupe ici. En effet, une phrase contenant un verbe transitif contient les deux syntagmes qui trouvent leur point de jonction dans le verbe:
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syntagme prédicatif: sujet + verbe

         syntagme déterminatif: verbe + objet ou agent

                                         déterminé    déterminant

        Cette analyse permet de distinguer «deux types de langues: les langues où le déterminant du verbe transitif est le nom de l'auteur de l'action et les langues où le déterminant de ce verbe est le nom de l'objet de l'action. Dans les langues du premier type, le nominatif (cas sujet) s'oppose à l'ergatif, dans celle du second type, le nominatif s'oppose à l'accusatif. Le premier type est représenté par l'eskimo, le tibétain, les langues caucasiques du Nord, etc.; le second type par les langues soudanaises, sémitiques, indoeuropéennes, fìnno-ougriennes, turques, mongoles, etc. ... Bien que l'ergatif soit juste le contraire de l'accusatif, ces deux cas jouent le mème rôle dans les systèmes syntagmatiques des langues respectives: ce rôle consiste à déterminer immédiatement un verbe transitif (tandis que tout autre «cas déterminant» d'un tel verbe presuppose l'existence d'un déterminant immédiat) »[22].
        Cette interprétation constitue une remarquable contribution à la compréhension de la structure ergative surtout par la distinction du syntagme déterminatif et non déterminatif, distinction qui constitue, comme nous le verrons plus bas, le principal «instrument» de la syntaxe des langues «ergatives». Mais elle laisse inexpliquée la divergence totale entre les constructions avec le verbe transitif et celles qui comportent un verbe intransitif. Pourquoi, dans le dernier cas, «l'auteur de l'action» ne constitue plus le déterminant du verbe, mais son sujet, comme dans les langues appartenant au second type? Vu la tendance des langues du premier type à exprimer l'agent par l'ergatif, on pourrait facilement s'imaginer la construction correspondant à peu près à l’allemand «es wurde von den Bauern getanzt». Possible dans les langues indoeuropéennes (cf. sanskrit gamyate tvayā), cette construction n'apparaît jamais dans les langues ergatives. La théorie de Troubetzkoy n'explique non plus le fait - negligé par tous ceux qui se sont occupés du problème - que dans plusieurs langues à structure ergative existent des constructions où l'agent du verbe transitif est au «cas absolu», et où le patient est exprimé par un cas oblique.
        En examinant, dans un travail récent[23], la structure tibétaine, je crois avoir démontré que ce n'est ni l'agent ni le patient (ni tous les deux à tour de r’ole, comme le voudrait Meščaninov), mais le verbe qui dans cette langue constitue le centre de la proposition. La structure ergative ne représente qu'un cas particulier du système plus général des langues «concentriques», dans lesquelles la structure
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de la proposition ne repose pas sur deux pôles, sujet - prédicat, mais sur un seul pivot - un verbe nominal pourvu de prédicat d'existence. Je me propose d'étudier ailleurs les variantes et les détails de ce système[24]; je ne présenterai ici que les éléments nécessaires à l'interprétation des faits néo-indiens.
        Le caractère nominai du verbe centrai consiste non seulement en ce qu'il a d'habitude la structure morphologique identique à celle des noms et qu'il est déclinable, mais avant tout en ce qui le distingue du verbe fini: il n'est presque jamais conjugué par personnes, et surtout il ne peut pas exprimer le transfert de l'action de l'agent sur le patient. Mais il diffère des noms simples en ce qu'il peut distinguer des aspects et des diathèses. Il ressemble donc grosso modo à des noms déverbaux indo-européens pourvus du prédicat d'existence. Là où nous disons [il] dort, [il] prit, les langues «concentriques» disent plutòt: il y a [le fait de] dormir, il y a là prise [accomplie]. Le prédicat de l'existence «il y a» peut être exprimé explicitement (dans ce cas le syntagme: verbe nominai + prédicat d'existence, serait le seul «syntagme prédicatif» de ces langues), mais dans la presque totalité des langues de ce type il est exprimé implicitement, par le rôle centrai du verbe nominal.
        Dans cette structure, l'agent et le patient ne sont que des compléments du prédicat, deux éléments secondaires de la proposition, et leurs fonctions respectives ne peuvent être exprimées ni par l'accusatif (éliminé déjà par Troubetzkoy de la structure ergative) ni par le nominatif (qui, dans ce système, devient également superflu, à moins qu'on interprète le «cas» du prédicat nominai comme l'unique nominatif possible dans cette structure). Nous pouvons illustrer cette construction en remplaçant, dans nos langues, le verbe fini par un nom déverbal. Si au lieu de la phrase l’ennemi prend la ville nous disons [il y a] prise de la ville par l'ennemi, le mot prise ne suffit plus pour marquer les fonctions de ennemi et de ville. Pour distinguer l'agent du patient, nous devons les caractériser par les marques des «cas obliques» par et de. En tibétain, l'agent sera marqué par la postposition de l'ergatif-instrumentai et le patient par celle du datif, comme dans la phrase signifiant «le père frappa le chien»:

        1 ° yab-kyis khyi-la brduns
        «par le père au chien [il y a] l'avoir frappé»

        Cette phrase équivaudrait à peu près à: «[il y a] des coups [donnés] au chien par le père.» Notons, déjà maintenant, qu'en hindi la phrase prendra la tournure presque identique:

        2° bāp ne  kutte ko mārā
        par le père au chien il fut frappé (verberatum est).

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        Cependant, des constructions aussi explicites sont rares et même inexistantes dans plusieurs langues «concentriques». Le procèdé usuel est plus économique et met encore plus en relief le rôle central du prédicat. Celui-ci distingue notamment deux diathèses: le subjectif, exprimant l'action agie ou l'état éprouvé par l'agent et l'objectif, exprimant l'action subie par le patient. On ne doit pas les confondre avec l'actif et le passif qui marquent la relation entre le prédicat et le sujet ou l'objet et constituent des variantes facultatives, tandis que le subjectif et l'objectif sont d'ordre sémantique[25]. La diathèse du prédicat marque automatiquement la fonction du complément le plus rapproché qui ne porte aucune autre marque et se trouve dans le cas qu'on peut appeler «absolutif» et traduire par la tournure «quant à». Pour un prédicat subjectif, le complément le plus proche est l'agent, pour le prédicat objectif - c'est le patient. Dans les deux cas il ne s'agit pas de sujet, mais de complément qui se rapporte directement au prédicat et qui n'est pas au nominatif, mais à l'absolutif[26]. Par exemple en tibétain:

        3° dpyod-pa-po dpyod-byed «I'examinateur examine»
        lit. «[quant à] I'examinateur (dpyod-pa-po, absolutif), [il y a] action d'examiner (prédicat subjectif)». dpyod-pa-po est l'agent.

        4° bum-pa dgan «on remplira le vase»
        lit. «quant au vase (absolutif), [il y a le fait futur] d'ètre rempli (prédicat objectif)». bum-pa est patient.

        Nous ne pouvons pas examiner ici la nature du syntagme formé par le prédicat et ce complément absolutif. Après ce qui a été dit, il est clair que nous ne pouvons pas l'appeler «syntagme prédicatif ». Que ce soit un dirème, que l'absolutif soit à interpréter comme une apposition ou une parenthèse, une chose est essentielle: ce syntagme se trouve en dehors de tout rapport de subordination ou de détermination.
        La construction typique apparaît lorsque dans une phrase l'agent et le patient sont exprimés à la fois. Plutôt que de recourir à la formule explicite présentée dans les exemples 1 et 2, les langues «concentriques» marquent seulement un
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des compléments: celui qui est plus éloigné. Deux phrases tibétaines vont illustrer ce procédé:

        5° saṅs-rgyas-kyis čhos bstan-to «Bouddha enseigna la doctrine»
        lit. «par le Bouddha (saṅs-rgyas-kyis, ergatif) [quant à] la doctrine (čhos, absolutif) [il y a le fait] d'avoir été enseigné (prédicat objectif)». Le prédicat étant objectif, le complément non marqué désigne le patient (čhos); l'agent est le complément plus éloigné, il porte donc la marque d'un cas déterminant (en l'occurrence de l'ergatif). Si la diathèse est subjective, la construction est la méme, mais ce sera le patient qui, en tant que complément plus éloigné, portera la marque d'un cas déterminant (en l'occurrence du datif):

        6° yon-tan-ldan-pa yon-tan-la dga' «les savants aiment la science»
yon-tan-ldan-pa «savants», absolutif = agent; yon-tan-la «à la science» datif = patient. L’interprétation des fonctions, inverse de l'exemple précédent, dépend de la diathèse subjective de dga' «aimer, se plaire à».
        De façon la plus générale, cette structure se réduit à un jeu conjoint d'oppositions des diathèses et des syntagmes déterminatifs et non déterminatifs[27]:

                                syntagme déterminatif

       A. absolutif - prédicat objectif   -   ergatif


       patient                                                agent

                               syntagme déterminatif

       B. absolutif - prédicat subjectif -   datif

       
agent                                                   patient

        Ces deux formules rendent compte de toutes les constructions des langues «concentriques» concernant les rapports entre le prédicat, l'agent et le patient. Il va de soi que, la distinction des diathèses étant ici sémantique, les verbes intransitifs sont subjectifs, car, de toute facon, ils expriment l'action exercée par l'agent ou l'état éprouvé par celui-ci[28]. Ils se construisent donc selon le schèma B, mais ne peuvent avoir de patient. La caractéristique essentielle du subjectif n'est pas la transmission de l'action sur le patient (comme dans I'actif indo-
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européen), mais la relation plus étroite avec l'agent qu'avec le patient, qui peut éventuellement faire défaut[29].
        Il nous reste encore un point essentiel à souligner: l’association étroite entre la diathèse et l'aspect du prédicat. Une forme nominale ne peut pas exprimer les temps, elle ne distingue que des aspects. Dans plusieurs langues concentriques, cette distinction est assez effacée, mais là où elle apparaît clairement (en tibétain, mais surtout en indonésien dont je me propose de montrer ailleurs l'appartenance au type examiné ici), le subjectif s'associe à l'imperfectif et l'objectif au perfectif. De cette association résulte secondairement l'association presque générale du type de construction A avec l'expression du passé.
        Cette association n'est pas fortuite; elle résulte du caractère sémantique des diathèses subjective et objective. Lorsque nous envisageons une action transitive par rapport au patient, nous constatons l’effet de cette action, ce qui est accompli. Cette action s'est déjà détachée de l'agent, elle a été transférée sur le patient. Par contre, l'action imperfective, qui n'a pas encore été achevée, qui est en train d'être réalisée, relève de l'agent plutôt que du patient. La structure subjective B sert donc surtout à exprimer le présent, l'imparfait, les temps duratifs. Au futur, les deux constructions sont possibles, car la notion de futur admet aussi bien l'aspect perfectif qu'imperfectif.[30]
        Cette association entre l'aspect et la diathèse se réalise non seulement dans les langues du type examiné. Elle apparaît également dans les langues distinguant l'actif et le passif. La plupart des langues indo-européennes modernes n'ont conservé, des quatre anciens participes, que le partìcipe duratif actif (écri-
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vant, schreibend,
hindi likhtā) et le participe accompii passif (écrit, geschrieben, likhā). Et ce n'est pas un hasard que la construction ergative apparaît de facon la plus claire dans celles des langues néo-indiennes qui ne possèdent que ces deux participes et n'ont pas développé des adjectifs déverbaux accomplis actifs.
        C'est maintenant que nous pouvons nous poser la question: la structure des langues néo-indiennes correspond-elle réellement au type que nous venons de caractériser? S'il s'agit de formes verbales construites avec des anciens participes, leur syntaxe actuelle en hindi occidental, en braj, kanauji, panjabi, kas´miri et quelques autres dialectes apparentés correspond exactement aux formules que nous avons établies. La ressemblance des constructions ne concerne pas seulement la syntaxe du passé des verbes transitifs, mais aussi celle des temps imperfectifs, formés au moyen du participe présent. Ce participe étant actif, la construction suit la formule B qui grosso modo coïncide avec la construction active indo-européenne; pour cette raison, elle n'a pas été étudiée de la perspective des langues à structure ergative. Mais le fait que l'objet du verbe peut être marqué, dans ces temps, par la postposition ko du datif démontre que nous avons affaire ici avec la diathèse subjective plutôt qu'avec un véritable actif. D'autre part, la discussion sur le caractère actif ou passif du passe néo-indien reçoit une nouvelle solution: ni l'un ni l'autre, mais l’objectif. Notons également que l'association entre le duratif et le subjectif, l'accompli et l'objectif, est en néo-indien exactement la même que dans les langues à structure ergative.
        Le fait que les deux constructions caractéristiques des langues concentriques (formules A et B) apparaissent en néo-indien explique la facilité avec laquelle l'indo-aryen a presque imperceptiblement changé sa structure. L'adoption d'une nouvelle structure exclusivement pour les temps du passé serait diffìcilement expliquable. Mais la coïncidence de la construction B avec des constructions habituelles indo-europeennes constitua le point de liaison. Comme nous l'avons dit, il ne s'agissait pas de l'adoption d'une structure étrangère, mais du développement interne créant des conditions dont la nouvelle structure résulta presque automatiquement. Les éléments formels de l'ancienne structure furent pour ainsi dire réinterprétés, commencèrent à faire parti d'un système nouveau.
        Quelle fut la raison de cette réinterprétation? Le fait que ce revirement syntaxique se limita aux constructions contenant des anciens participes montre clairement le point de départ de cette évolution: remplacement du verbe fini par une forme nominale contenant en elle-même le prédicat d'existence[31] et
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devenant ainsi le centre de la proposition. Comme dans la phrase française dans laquelle nous avons remplacé le verbe prit par le substantif prise (cf. p. 370), le nouveau prédicat ne pouvait plus exprimer ni la personne ni le transfert de l'action transitive sur l'objet. L'agent et le patient durent recevoir des marques spéciales. Néanmoins, dans les étapes anciennes du néo-indien les caractéristiques «palpables» de la nouvelle structure - marques de l'ergatif, expression du patient par le datif, etc. - n'apparaissent pas encore. La raison en est que I'élément nominal qui se substitua au verbe fini n'était pas un substantif, mais un ancien participe, donc un adjectif susceptible d'accord en genre et en nombre avec le nom auquel il se rapportait. Cette particularité, inexistante dans la plupart des langues concentriques, permit le maintien d'une construction qui, extérieurement, ne différait pas des anciens actif et passif. Le nom avec lequel s'accordait le participe prédicatif était son sujet; avec un participe présent il exprimait l'agent et, avec un participe passé, le patient. Mais, du fait que ces formes participales n'exprimaient pas le transfert de l'action, la relation simultanée avec le sujet et l'objet, leurs diathèses prenaient de plus en plus le caractère d'un subjectif ou objectif, c'est-à-dire de diathèses unilatérales et sémantiques, marquant uniquement l'association du prédicat soit avec l'agent, soit avec le patient. Par cela même, l'ancien actif et passif se transformaient en constructions concentriques B et A. Mais l'opposition entre le complément plus proche et plus éloigné s'opérait ici au moyen d'autres signes morphologiques. C'est l'accord entre le complément et le prédicat qui indiquait le complément le plus proche. Le complément éloigné ne devait pas recevoir des marques spéciales, car on le reconnaissait par opposition, par le fait qu'il se trouvait en dehors de l'accord. Ainsi le nom avec lequel le prédicat subjectif (forme par l'ancien participe présent) ne s'accordait pas exprimait le patient, et celui avec lequel ne s'accordait pas le prédicat objectif (ancien participe passé) représentait l'agent. Ce jeu de formules inverses n'était pas valable pour des verbes intransitifs. Leurs participes passés n'ayant jamais eu la valeur passive, la construction selon la formule B s'appliquait aussi bien au participe présent qu'au participe passé. On disait donc en vieux-hindi:

        7° maī kathā sunata «j'entends le récit». sunata, part. prés.masc, ne s'accorde pas avec kathā «récit», fém. kathā est donc le patient et maī «moi» l'agent.

        8° maī kathā sunī «j'entendis le récit, j'appris l'histoire». sunī, part. passél, est au féminin, il s'accorde donc avec kathā. La construction étant objective (car le verbe est exprimé par l'ancien participe passif), kathā est le patient et maī l'agent.

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        9° rānī sovati «la reine dort», rānī sovī «la reine s'endormit». Le verbe étant intransitif, la formule est la même au présent et au passé. Le verbe intransitif n'ayant pas de patient, il n'y a pas de nécessité de distinguer les fonctions des compléments du prédicat[32].
        Il semble, à première vue, que ces trois constructions ne diffèrent point de l'actif, du passif, et de la syntaxe sanskrite des verbes intransitifs (rājñī svapantī [asti] et rājñī suptā). Pourtant ce n'est qu'une apparence. La détermination purement négative des fonctions des compléments verbaux a effacé leurs valeurs casuelles précises. Dans maī kathā sunī nous retrouvons facilement le prototype sanskrit mayā kathā śrutā; et maī en effet continue génétiquement l'ancien instrumentai mayā. Mais il n'est plus ressenti comme tei; il est devenu une simple forme d'agent, forme sémantique et non casuelle. La preuve en est qu'il est employé également dans l'exemple 7 où, en appliquant les schémas sanskrits, nous nous attendrions à un nominatif. Déjà au XVIe siècle ce mème maī s'emploie avec le verbe intransitif, comme chez Malik Muhammad Jaisī[33] ehi ritu sada sāga maī sovā «pendant cette saison, je dormais toujours ensemble [avec elle]». En hindi moderne, il est devenu le cas direct (selon notre terminologie – absolutif) du pronom personnel I sing. Pour exprimer l'ergatif (ce qu'il était génétiquement), il doit prendre la marque ne: l'exemple 8 se dirait aujourd'hui maī ne kathā sunī.
        Les anciennes constructions (ex. 7-9) pouvaient remplir leur róle seulement dans les cas où l'accord n'était pas ambigu, c'est-à-dire si le genre et le nombre de l'agent et du patient ne coincidaient pas. Autrement la répartition des fonctions n'était plus perceptible. Dans la phrase de Tulsi¯ Da¯s (Rām-carit-mānas, I, 98) taba Śiva tīsara nayana ughārā «alors Siva ouvrit son troisième œil» seul le contexte permet de déterminer l'agent et le patient; grammaticalement le prédicat ughārā (part. passe masc. sing.) se rapporte aussi bien à nayana qu'à Śiva. L'effacement progressif des distinctions entre les désinences du genre, entre les cas directs et obliques, amena déjà au XVIe siècle à des constructions qui ne permettaient plus aucune analyse grammaticale et qui constituent aujourd'hui le
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désespoir des traducteurs, obligés de se fier exclusivement à leur intuition et leur bon sens. Non seulement l'agent n'est plus à distinguer du patient, mais mème les compléments plus éloignés ne portent plus aucun indice distinctif, pas même celui de la place dans la phrase. Tel exemple tiré de la Padumāvatī de Jaisī: jahā puhupa ali dekhata sāgū[34]. Ce n'est que par la comparaison avec ce qui précède et ce qui suit que M. Lakshmi Dhar arrive à la traduction «wherever I saw the bee with a flower...». Mais la grammaire ne lui sert à rien, elle l'aurait plutôt dérouté. Le prédicat dekhata est le participe présent actif masculin. Tous les trois substantifs: puhupa «fleur», ali «abeille», sāgū «union» sont également des masculins singuliers et ne portent aucune marque de cas. dekhata peut se rapporter à chacun d'eux. On pourrait comprendre «l'abeille voit la fleur et l'union», «la fleur voit l'abeille et l'union», «l'abeille voit l'union avec la fleur», etc. Seule la traduction correcte est grammaticalement impossible, car la personne qui parle est une femme et, si elle est l'agent, dekhata devrait être au féminin: dekhati. Mais, à cette époque dekhata peut servir déjà pour les deux genres. C'est en l'interprétant comme le féminin, en traitant ali comme patient et en traduisant sāgū adverbialement «ensemble, avec» que le traducteur obtient le seul sens satisfaisant. Pour éviter de telles confusions, les anciens auteurs emploient rarement des formes ambiguës, remplacent surtout le participe présent des verbes transitifs par des formes finies (procédé impossible au passé dont les formes fìnies ont complètement disparu). Mais, avant tout, la langue fait recours aux particules qui précisent les fonctions des substantifs. Et l'emploi que l'on fait de ces particules montre clairement que les constructions illustrées par des ex. 7-9 n'étaient plus ressenties comme des anciennes constructions indo-européennes, mais comme nos formules A et B. Les nouvelles particules ne servent qu'à marquer les fonctions de l'agent ou du patient lorsque ceux-ci sont des compléments éloignés, se trouvent donc dans les «cas déterminants». On marqua d'abord le patient de la construction subjective par la postposition kahā, kahū, kahu signifiant «pour, vers, à» et servant dans l'ancienne langue presque exclusivement à marquer le datif ou le but[35]. Cette particule devint le ko du hindi moderne. Bien plus tard (à partir de la fin du XVIe siècle, après Tulsī Dās) apparaît également l'emploi de la postposition ne pour marquer l'agent de la construction objective, expédient formel que certains dialectes néo-indiens ignorent encore aujourd'hui.
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        Nous voyons donc que la transition d'une structure à l'autre fut imperceptible à cause de la coïncidence extérieure de structures subjective et objective (d'après la terminologie des grammairiens indiens, des prayoga kartari et karmaṇi) avec l'ancien actif et passif. Il se peut que ces constructions aient été ressenties comme telles encore pendant une longue période. Si on assimile l'ergatif en ne avec l'instrumental sanskrit et le datif en ko avec l'accusatif sanskrit, on peut facilement transposer les tournures maī laṛkī ko dekhtā hū et maī ne laṛkī dekhī en phrases sanskrites: aham kanyāṃ paśyāmi et mayā kanyā dr̥ṣṭā. Mais l'apparition du troisième prayoga (bhāve): maī laṛkī ko dekhtā (— a me puellae visum est, cf. ex. 1,2) prouve que, dans son fond, la structure était en ce moment déjà de tout autre ordre. Cette construction ne peut plus être réduite à un modèle sanskrit. Il est vrai que le sanskrit connait des constructions passives avec le patient à l'accusatif, par ex. siṃham apr̥cchyata «on demanda au lion», Iitt. «il fut demandé, le lion (acc.)», mais cette structure n'est qu'une expression speciale de l'impersonnel. Elle ne peut pas comporter I'expression de l'agent. Une phrase comme par ex. jambukena siṃham apr̥cchyata, qui correspondrait exactement au prayoga bhāve moderne, n'est pas possible en sanskrit correct.
        Nous avons vu que le point de départ de la nouvelle structure des langues néo-indiennes fut le remplacement, dans certains temps, des formes finies du verbe par des participes qui associaient la diathèse subjective à l'aspect imperfectif et la diathèse objective à l'aspect perfectif. Si l'on veut attribuer ce revirement à l'influence étrangère, c'est plutôt cette intrusion des formes nominales à la place du verbe fini qui proviendrait de l'influence du substrat. Dans presque toutes les langues non-aryennes du «Sprachbund» indien, le verbe a un caractère nominal. De toute facon, il faudrait alors admettre que cette influence est de date ancienne, car cette tendance à remplacer le verbe fini par des formes nominales apparaît déjà en sanskrit. Toutefois il n'est guère nécessaire d'invoquer ici l'influence étrangère. L'évolution generale de l'indo-aryen est caractérisée par la tendance croissante à simplifìer le système verbal et à éliminer graduellement les formes compliquées de l'aoriste[36] ou du parfait en les remplacant par l'adjectif déverbal en ~(i)ta, presque non fléchi[37]. La preuve que la simplification de la conjugaison était un des motifs principaux de cette innovation est fournie par le fait que le participe présent sanskrit est loin d'assumer un róle aussi important[38]; le besoin fut moins ressenti, les formes finies du verbe au présent étant
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moins compliquées. D'ailleurs, une intrusion analogue de formes nominales, de deux participes exactement semblables, s'est produite également dans les autres langues indo-européennes, partiellement déjà en hittite, en sogdien et en celtique, complètement en grec moderne, dans les langues romanes et germaniques[39], donc dans les régions où l'on ne saurait invoquer l'influence du substrat à verbe nominal.
        Or, aucune de ces langues n'a abouti à une structure «concentrique», n'a abandonné la structure indo-européenne. La raison en est claire: toutes ces langues ont créé, indépendamment, mais avec un parallélisme frappant, un nouvel auxiliaire - le verbe «avoir». Cette innovation ne s'est sûrement pas produite pour éviter le danger du changement de la structure. Mais quelle que soit son origine[40], le résultat pratique de cette innovation fut indéniable: toutes ces langues se sont trouvées en possession d'un expédient syntaxique qui permettait d'utiliser la simple forme de l'adjectif déverbal passif pour l'expression du passé sans devoir pour cela renoncer ni à l'expression des personnes, ni à l'opposition facultative de l'actif et du passif, en d'autres termes, sans enlever à cette tournure le caractère du verbe fini. Dans ces langues la diathèse ne dépend pas du participe (qui, en soi, ne peut exprimer que l'objectif), mais de l'emploi des auxiliaires «avoir» ou «être» (en allemand de haben, sein, werden). La possibilité du libre choix entre ces auxiliaires (au cas des verbes transitifs) permet de maintenir le caractère facultatif et stylistique des diathèses grammaticales actif - passif, libère le prédicat de l'opposition rigide des diathèses sémantiques subjectif - objectif.
        Cet expédient manquait à l'indo-aryen. Il n'a jamais créé le verbe «avoir». Mais il emploie aussi des auxiliaires qui, indépendamment de leur origine (as, bhū, sthā, etc.), ont tous la valeur du verbe «être»[41]. Leur agglutination avec le
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participe permet avant tout de distinguer les personnes. Et le résultat de ce procédé est que le prédicat perd son caractère nominal. En plusieurs langues néo-indiennes, ces formes, périphrastiques à l'origine, ne se distinguent plus, dans les verbes intransitifs, des formes du verbe fini. lci, la construction peut être encore interprétée comme celle de la diathèse subjective. Mais lorsqu'elle commence à être appliquée aux verbes transitifs, comme ceci s'est produit en marathe, toute la structure s'écroule. Dans une phrase marathe mī pāṇī pyālō «j'ai bu l'eau»[42], pyālō est le participe passé masc. (soudé avec l'auxiliaire de la I sing.) qui ne s'accorde plus avec pāṇī (neutre), mais avec l'agent. Et celui-ci n'est pas exprimé par l'ergatif, mais par le nominatif. Il n'y a plus aucune raison de considérer mī comme un absolutif, car la construction est un actif indo-européen[43]. Le marathe s'est restitué l'actif non pas par l'emploi de l'auxiliaire «avoir», mais par l'octroi de la valeur active au participe objectif employé avec l'auxiliaire «être»[44]. Il est vrai que la formule de construction A est également possible: myā (ergatif) pāṇī (neutre) pyālē (participe neutre sans auxiliaire), mais l'emploi facultatif de cette construction à côté d'une tournure active lui enlève la valeur d'une construction «objective»; c'est déjà une variante stylistique de l'actif, donc un passif.
        L'ambivalence curieuse du participe passé marathe qui peut être en même temps passif et actif vient de son origine. Il ne continue pas directement l'ancien participe passé indo-aryen, mais son élargissement par le suffixe -illa; cette nouvelle formation a la diathèse neutre. Passif au début, même dans les dialectes néo-indiens orientaux (cf. vieux-bengali śuṇilī kāhiṇī «l'histoire a été entendue» où śuṇilī s'accorde avec le fém. kāhiṇī), cet adjectif déverbal prend facilement la valeur active. En marathe, la condition indispensable est d'être accompagné de l'auxiliaire «être». Dans les dialectes orientaux (bengali, maithili, bihari, oriya), il devint très tôt actif en toutes constructions. Soudé avec l'auxiliaire pourvu de désinences personnelles, il se transforma en une forme du verbe fini[45]. Dans ces dialectes néo-indiens, il n'y a donc plus aucune trace de construction ergative.
        Mais même dans les langues néo-indiennes où tous ces croisements et flottements ne se sont pas produits (les parlers énumérés à la page 374), la pure structure ergative n'a jamais été réalisée. Le fait mème qu'à côté des constructions avec
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des participes, le verbe fini continuait à s'employer dans les autres temps et modes et, sous forme d'auxiliaires, s'infiltrait également dans le domaine des constructions nominales, n'a pas permis au néo-indien d'atteindre la pure structure concentrique. Ces langues représentent toujours un type structural mixte[46].



[1] Je ne présente pas ici les règles grammaticales qui, au moins pour le hindi, 
sont bien connues. Pour les faits des autres langues indo-aryennes modernes je renvoie à J.Bloch, L'indo-aryen du Veda aux temps modernes, pp. 272-277, et à l'ar
ticle de W. K. Matthews cité dans la note 8.

[2] Über das Passivum. Eine sprachvergleichende Abhandlung, Abh. der Kön. Sächsischen Gesellschaft der Wissenschaften, phil.-hist. Kl. III, Leipzig 1861.

[3] Unterschied eines transitiven und intransitiven Nominativs, Beitr. zur vergl. Sprachforschung 7 (1873), pp. 73 et ss.

[4] H. Schuchardt, Ober den passiven Charakter des Transitivs in den kaukasischen Sprachen, WienSb 31, 1, Wien 1896.

[5] C. C. Uhlenbeck, Het passieve karakter van het verbum transitivum of van hetverbum activum in talen van Noord-Amerika, Verslagen en Mededeelingen der Kong. Akademie van Wetenschappen, Afd. Letterkunde, V, 2, 2, Amsterdam 1916, pp. 187
 et ss.

[6] D'après le terme «ergatii», forgé par A. Dirr (Einführung in das Studium derkaukasischen Sprachen, Leipzig 1928), pour désigner le cas exprimant le sujet lo
gique dans cette construction.

[7] Dans la suite de cet article je désignerai par le terme «néo-indien» exclusivement des langues modernes aryennes de l'Inde.

[8] 3,4 (1953), pp. 391-406. J'exprime ici ma gratitude à l’auteur qui a bien voulu
 me communiquer le texte de son article avant sa parution.

[9] On doit souligner de nombreuses analogies structurales frappantes entre le
 néo-indien et le géorgien. Dans les deux cas la structure ergative apparaît sur
tout dans le passé, tandis que les autres temps se construisent, comme en indo-
européen, selon le schéma sujet-verbe-objet; en néo-indien, autant qu'en géorgien,
 la marque de l'objet direct est identique avec celle du datif (de mème en tibétain); 
on constate, dans les deux cas, un flottement entre les classes de verbes transitifs 
et intransitifs quant à leur emploi avec l’ergatif (p. ex. en hindi les verbes signifiant «oublier», «apporter», «enfanter», «obtenir», «murmurer», etc. n'admettent
 pas la construction ergative; par contre, en géorgien, même les verbes signifiant
 «pleurer», «marcher», «nager», «sauter», «ramper», «se réjouir», etc. l'admettent — 
cf. B. M. Rudenko, Grammatika gruzinskogo jazyka, Moscou-Leningrad, 1940, 
pp. 172-174).

[10] Encore avant la condamnation de l’école de Marr par Staline, la théorie de 
la «stadialité» a été réfutée, dans les Izvestija Akademii Nauk SSSR (otd. lit. i jazyka, 
V, 5 [1945], pp. 387-393), par J. Kurylowicz dans un article retentissant Ergativnost' i stadialnost' v jazyke.

[11] Cf. par ex. la communication de M. P. Meile, Observations sur quelques caractères communs des langues dravidiennes et des langues altaïques (Actes du XXIe congrès international des orientalistes à Paris 1948, pp. 207-209) et la discussion qui s'ensuivit.

[12] P. 394. On peut comparer également le passif italien forme avec l’auxiliaire venire.

[13] Telle est de toute facon l'interprétation des grammairiens indiens, cf. la 
note 16.

[14] P. 396. Cf. note 9.

[15] La construction ergative remplace d'habitude en hindi le passif avec ja¯na¯, si
 l'agent est exprimé dans la phrase. Par contre, si dans pareilles phrases la construc
tion passive avec ja¯na¯ est maintenue, l'agent ne porte pas la marque ne de l'erga
tif, mais les postpositions ha¯th «par la main de» ou se (marque de l'ablatif-instru
mentai), p. ex. yih kis se biga¯ra¯ gagà (gaya¯, part. passe de ja¯na¯) «par qui ceci a été
 ruiné?» qui s'oppose à la construction ergative yih kis ne biga¯?a¯. Cf. aussi l'exemple 
cité par M. Matthews (p. 395) voh du?man ke ha¯th ma¯ra¯ gaya¯ l'exemple qui se traduit
 presque littéralement par l'italien egli venne ucciso dalla mano del nemico.

De même, le géorgien connaît des constructions passives qui diffèrent morphologiquement (une autre conjugaison) et syntaxiquement (l'agent n'est pas marqué par la désinence de l'ergatif, mais par des postpositions gan «de» et mier «par») de la construction ergative et s'appliquent à tous les temps.

[16] Les grammairiens indiens donnent à l'ergatif la même dénomination qu'au
 nominatif: kartar «agent». Les grammairiens tibétains réservent ce nom (byed-pa-po qui n'est qu'une traduction de kartar) exclusivement à l'ergatif, bien qu'il remplisse également les fonctions de l'instrumental de moyen, et désignent le cas, in
terprété comme nominatif par les grammairiens européens, par le terme nobo cam
 «rien que la chose en soi». Dans la tradition géorgienne l'ergatif porte le nom de
 mothχrobithi «narratif» et est présenté comme une sorte de nominatif défini ou em
phatique. C'est ainsi qu'il est également interprété par les premiers linguistes euro
péens s'occupant du géorgien (Klaproth - «Demonstrativ», Fr. Müller - «be
stimmter Nominativa) tandis que déjà F. Bopp (Über das Georgische in sprachwissenschaftlicher Beziehung, Abh. d. k. Preuß. Akad. 1846, p. 273) et surtout Čubinov 
(Kratkaja gruzinskaja grammatika, St-Pétersbourg 1855) se refusent de considérer
 mothχrobithi comme un vrai cas, tout en adhérant à l'interprétation de la construc
tion avec ce cas comme active.

[17] De la catégorie des voix, Paris 1899.

[18] Elementi di glottologia, Bologne 1923, pp. 279 et ss.

[19] Osservazioni sull'ergativo georgiano, Mélanges J. van Ginneken, Paris 1937,
 pp. 187-192.

[20] I. I. Meščaninov, Členy predloženija i časti reči, Moscou-Leningrad 1945, pp. 164, 165, et Glagol, ibid. 1948, pp. 82-87 et 120-124. Cf. aussi M. Matthews (p. 404): «the object of the transitive verb becomes the subject of an intransitive verb.» Ces complications inutiles résultent de la confusion des notions sémantiques avec des catégories syntaxiques. On les éviterait en suivant la terminologie proposée par M. Hans Hendriksen (The Active and the Passive, Språkvetenskapliga Sällskapets i Uppsala Förhandlingar, 1946-1948, pp. 64-66) dans laquelle les termes agent et patient sont exclusivement d'ordre sémantique, tandis que sujet et objet désignent les catégories grammaticales. En appliquant cette terminologie à la construction ergative telle que Meščaninov l'interprète, on peut dire que le sujet y est toujours exprimé par le «cas absolu»; si le verbe est intransitif (notion sémantique!), le sujet = agent; si le verbe est transitif, le sujet = patient, et l'agent est exprimé par l'ergatif. Dans la suite de l'article nous emploierons cette terminologie.

[21] Mélanges de linguistique offerts à Charles Bally, Genève 1939, pp. 75-82.

[22] o. c., pp. 77, 78.

[23] Considérations sur le système morphologique du tibétain littéraire, Cahiers Ferdinand de Saussure, 6 (1946/47, Genève 1948), pp. 26-46.

[24] J'ai publié une très brève esquisse de ce système dans Seventh International Congress of Linguists, London 1952, Preliminary Reports, p. 129 et s.

[25] Puisqu'il s'agit de relations sémantiques, on devrait, conformément à la ter
minologie que nous avons adoptée (cf. note 20), donner à ces diathèses les noms 
d'«agentif» et de «patientif». Mais pour éviter ces néologismes monstrueux je con
serve les termes «subjectif» et «objectif» qui possèdent déjà une certaine tradition,
 bien qu'ils prétent à confusion, p. ex. avec les conjugaisons objective et subjective 
en géorgien (Rudenko, o. c. § 66) qui n'ont rien à voir avec nos diathèses.

[26] Ce cas mérite le nom d'absolutif non seulement parce que cette dénomination 
est commode pour la théorie, mais aussi parce qu'il coincide morphologiquement 
avec les formes remplissant, dans les autres constructions, des fonctions absolues. 
Cf. mes Considérations sur le système morphologique du tibétain ..., pp. 31, 32, 41.

[27] Les formules citées ne sont pas des schémas abstraits. Certaines langues con
centriques (eskimau, kabardi, adighé, etc), à coté des cas locatifs, ne possèdent que 
deux cas «grammaticaux»: le déterminant et le non-déterminant (absolutif) au 
moyen desquels elles expriment toutes les relations qui nous intéressent ici.

[28] Par contre, on ne saurait définir la diathèse d'un verbe comme «dormir»,
 «souffrir», etc. comme active, et ceci non seulement à cause de l'incompatibilité des 
notions «actif» et «souffrant», mais surtout parce que I'actif n'existe que par oppo
sition au passif.

[29] II existe d'ailleurs, dans les langues de ce type, une parente indéniable entre 
l'intransitif et la diathèse subjective des verbes transitifs. Ceux-ci, lorsqu'ils
 prennent la diathèse subjective, reçoivent souvent une nuance de signifìcation qui
 les rapproche des verbes intransitifs (ce qui est naturel, puisqu'ils soulignent des
 liens avec l'agent bien plus qu'avec le patient.) Nous avons vu que le verbe tibe
tain dga' «aimer» (ex. 6) peut se traduire aussi par «se plaire à». De même les ex
pressions tibétaines lo-ma-la reg-pa «toucher une feuille» ou mi-la 'bod-pa «appeler 
un homme» correspondent à «entrer en contact avec une feuille», «s'écrier dans la 
direction d'un homme».
        En plusieurs langues concentriques (surtout en eskimau et dans de nombreuses langues nord-américaines) les diathèses subjective et objective coïncident respectivement avec des verbes intransitifs et transitifs. Dans ces langues, l'expression du patient dans la construction subjective n'existe donc pas. Plusieurs autres langues concentriques nord-américaines ne connaissent point la tournure objective. Ce sont des langues dites «subjectives», elles n'emploient que la construction B. Cf. T. Milewski, La structure de la phrase dans les langues indigènes de l'Amérique du Nord, Lingu. Posn. 2 (1950), pp. 162-207.

[30] Cette explication a été proposée déjà par C. Tagliavini (o.c., note 19, p. 191) à propos de la limitation, en géorgien, de la structure regative aux temps perfectifs.

[31] En ancien néo-indien celui-ci d'habitude n'est pas exprimé explicitement. En hindi il apparaît (sous forme de l'auxiliaire hona¯ «être») plus souvent avec le participe présent qu'avec le participe passé. Dans la langue moderne la présence ou l'absence de cet auxiliaire sert à marquer les nuances modales. De toute façon, l'expression de ce prédicat d'existence par un verbe fini, possédant une flexion personnelle, trouble sensiblement la pureté de la construction. Dans certaines langues néo-indiennes elle provoquera le retour à la structure indo-européenne (cf. p. 380).

[32] La coïncidence formelle de la construction subjective avec celle des verbes in
transitifs provoquera également en néo-indien le flottement entre les catégories des 
verbes transitifs et intransitifs (cf. notes 9 et 29). Tel verbe hindi la¯na¯ «apporter»
 ne peut être employé que dans la construction subjective, également dans le passé: 
voh gho?e ko la¯ya¯ «il amena le cheval». D'habitude on explique ce fait par l'origine 
de le a¯na¯ qui serait la contraction de le a¯na¯ «venir ayant pris». Le, radical de lena¯
 «prendre», donnerait la signification transitive à la¯na¯; le second élément, ānā, imposerait la construction des verbes intransitifs. De tels glissements, dépendant de 
l'imprécision sémantique, s'expliquent bien mieux dans le système des diathèses 
«concentriques» que dans le système actif-passif.

[33] Dans le poème Paduma¯vati¯ (72, 6), composé en 1540. Je cite les exemples de
 Paduma¯vati¯ d'après l'édition de Lakshmi Dhar, London 1949.

[34] 55, 2.

[35] Dans Paduma¯vati¯, c'est encore l'emploi presque exclusif de kaha¯, p. ex. ka¯ kaha¯ daiya aisi jaya di¯nhi¯ (4, 6) «à qui la Fortune donna une telle victoire», jehi ma¯nusa kaha¯ joti na hoti¯ (9, 7) «l'homme qui n'a pas de vue (l'homme auquel la vue n'est 
pas [donnée])». Dans toute la partie de Paduma¯vati¯ éditée par M. Lakshmi Dhar 
je n'ai trouvé qu'un seul exemple de kaha¯ marquant le patient dans une structure
 subjective (avec le participe présent): jau hama kaha¯ a¯nata na naresu¯ (61, 4) «si le 
roi (naresu¯, absolutif = agent) ne nous (hama kaha¯) avait pas conduit (a¯nata, par
ticipe présent masc, prédicat subjectif) ici...».

[36] Si en pāli l'aoriste est beaucoup plus fréquent qu'il ne l'est même en sanskrit, 
c'est que dans cette langue la formation de l'aoriste a été sensiblement simplifiée
 et est devenue même plus uniforme que celle des participes passés. Par contre dans 
les prakrits l'aoriste disparaît presque complètement.

[37] C'est précisément en sanskrit que cet adjectif devient un participe régulier.

[38] Cf. L. Renou, Études de grammaire sanskrite, Paris 1936. Recherches sur l'emploi du participe, § 37. Presque tous les exemples du participe présent sanskrit fonctionnant comme verbe personnel sans copule peuvent être interprétés autrement. M. Renou ne considère comme absolument sûrs que les exemples tirés des inscriptions de Campa et du Cambodge. Tout aussi imprécis sont les témoignages du moyen-indien. Le participe présent ne commence donc à fonctionner comme prédicat indépendant qu'à partir du néo-indien, surtout pour des verbes intransitifs. Quant aux verbes transitifs, son emploi pour l'ancienne époque se limite presque exclusivement aux incidentes. Ce n'est qu'à l'époque moderne que sa fonction prédicative se généralise pour tous les verbes.

[39] Cf. J. Vendryes, Sur l'emploi de l'auxiliaire «avoir» pour marquer le passe,Mélanges J. varn Ginneken, pp. 85-92.

[40] A ce sujet cf., à coté de l'article cité de Vendryes: J. Kurylowicz, Les tempscomposés du roman, PF 15 (1931), pp. 448-453 (où se trouve déjà la comparaison
 avec les langues concentriques que l'auteur envisage du point de vue «passiviste» 
de Schuchardt et Uhlenbeck); J. van Ginneken, Avoir et Être, Mélanges Bally,
 pp. 83-92.

[41] Je fais abstraction ici de nombreux autres auxiliaires hindi, comme jana¯, dena¯, pa¯na¯, a¯na¯, etc. qui remplissent des fonctions ne nous intéressant pas ici.

[42] Cf. J. Bloch, L'indo-aryen ..., p. 275, qui donne plusieurs autres exemples.

[43] Curieuse est la construction du népali où le participe prédicatif passif s'ac
corde avec l'agent, mais celui-ci est exprimé par l'ergatif. Cf. J. Bloch, l. c.

[44] Ce phénomène se produit également dans les autres langues néo-indiennes et 
déjà à une époque assez ancienne: Cf. J. Bloch, o. c, p. 276.

[45] On peut constater une coïncidence curieuse en slave où l'adjectif verbal formé 
avec un suffixe apparenté -lo- devint, en se soudant avec l'auxiliaire «être», la
 forme fìnie du passé actif.

[46] Elles sont probablement les seules langues du monde présentant la coexistence des structures «concentrique» et excentrique du type indo-européen. Car, dans le cas du géorgien (cf. p. 364), on peut interpréter les formes verbales non ergatives comme des constructions de la diathèse subjective.