— 9 h 00 | Accueil des participants | |
— 9 h 30 | Patrick SERIOT (Lausanne) | Nations de l'Est vs nations de l'Ouest : la différence est-elle dans la géographie ou dans la définition? |
— 10 h 30 | pause |
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— 11 h | Valentina MARTINA (Cosenza / Lausanne) |
Langue et pensée chez Humboldt et Potebnja |
— 12 h 30 | repas | |
Après-midi | ||
— 14 h 30 | Lia FORMIGARI (Rome) |
Sujets de langue, sujets de nation. Du jacobinisme à l'international. |
— 15 h 30 | pause |
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— 16 h 00 | Céline TRAUTMANN (Paris) | |
— 17 h | Annette FRYBA (Berne) | 1861: Deux regards suisses sur les rapports langue-nation. |
— 9 h 30 | Paul GARDE (Aix-en-Provence) |
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— 10 h 30 | Pause |
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— 11 h 00 | Milorad PUPOVAC (Zagreb) |
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— 12 h 30 | repas | |
Après-midi | ||
— 14 h 30 | Virginie SYMANIEC (Paris) |
La nation biélorussienne comme catégorie linguistique et raciale de discours |
— 15 h 30 | pause |
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— 16 h | Ljudmila FIRSAVA (Minsk/Lausanne) |
— 9 h 30 | Raphaël CELIS (Lausanne) |
L'ambiguïté de la philosophie du langage de Wilhelm von Humbldt : entre Aufklärung et romantisme |
— 10 h 30 | Pause |
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— 11 h 00 | Mladen UHLIK (Lausanne / Ljubljana) |
Une analyse critique de la notion de «vision du monde» : le déterminisme linguistique |
— 12 h 30 | repas | |
Après-midi | ||
— 14 h 30 |
Bilan et discussion générale |
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— 16 h |
Fin du séminaire |
— Raphaël Celis (Lausanne) : L’ambiguïté de la philosophie du langage de Wilhelm von Humboldt. Entre Aufklärung et Romantisme.
La conscience que nous avons de la multiplicité des langues naturelles remonte à la nuit des temps, ainsi qu’en témoigne le mythe biblique de la tour de Babel. Tant dans l’univers philosophique que dans celui des linguistes contemporains, cette multiplicité fut explorée ou interprétée en fonction de deux présupposés que l’on peut considérer comme contradictoires ou complémentaires. D’une part, en effet, les langues peuvent être comparées dans le dessein de mettre en évidence ce qu’elles ont en commun, en faisant peu de cas de leurs différences les plus évidentes, telles que leurs sonorités ou leurs constructions syntaxiques. D’autre part, ces comparaisons sont opérées dans le dessein de démontrer ce qu’elles possèdent en propre, et qui ne trouve pas d’équivalents véritables dans une traduction quelconque. Ces deux approches sont souvent, dans le contexte de la modernité post-cartésienne, généalogiquement rapportées à l’universalisme du siècle des Lumières, pour la première d’entre elles, et au relativisme romantique pour ce qui concerne la seconde. L’œuvre de Wilhelm von Humboldt se situe au croisement de l’une et de l’autre, puisque celui-ci participe à la fois de la deuxième phase du romantisme allemand, en se référant aux écrits de Johann Gottfried Herder notamment, et du néo-kantisme qui préparait son déploiement futur et tout à fait explicite, dans la seconde moitié du XIXe siècle dans les Ecoles de Marburg et de Bade. C’est là ce qui explique les interprétations parfois totalement divergentes de son œuvre : l’accent peut être mis effectivement sur la dette qu’Humboldt reconnaissait avoir envers Kant, ou sur son appartenance à la mouvance du Romantisme allemand. Cassirer est l’un des auteurs les plus représentatifs de lignée de ces interprètes qui mettent en valeur sa continuité avec l’Aufklärung et avec Kant en particulier. Et Erich Heintel, pour nous limiter ici à la tradition allemande, de la lignée de ceux qui le présentent comme un postromantique. Sans vouloir ménager la chèvre et les choux, nous défendrons plutôt une position médiane, proche de celle d’Otto Friedrich Bollnow et de celle d’autres lecteurs plus actuels de l’œuvre de Wilhelm von Humboldt, dont nous proposerons une bibliographie, et qui en ont entrepris une analyse plus approfondie. Cette œuvre, selon nous, se distingue par l’effort consenti pour démontrer que l’irréductibilité de la « forme interne » à chaque langue, loin d’être un obstacle à l’universalité de la pensée humaine bien comprise, en est au contraire un catalyseur essentiel. Ce qui veut dire qu’il n’y a pas à choisir entre un parti pris qui considèrerait chaque langue ou ensemble dialectal comme intraduisibles et la réduction de ceux-ci à une faculté fondamentalement identique de produire des significations, mais que leur comparaison et leur traduction ont pour enjeu véritable d’infléchir leurs relations dans le sens d’une asymptote dialectique : celle de leur réorganisation et de leur complexification dues à leurs influences réciproques. Pareil enjeu présuppose que l’on s’affranchisse de toute aliénation dans un monolinguisme idéologique et aliénant, et que l’on ne se satisfasse point, sous prétexte de « communiquer » sur un mode prétendument cosmopolite, de la pratique d’une langue « véhiculaire » stéréotypée et échangée comme de vulgaires devises monétaires.
— Ljudmila Firsava (Lausanne) : Y a-t-il des Biélorusses qui ne comprennent pas la langue russe?
La lecture d'une traduction en langue biélorusse d'un poème russe m'a fait me demander pourquoi certains écrivains ou poètes biélorusses traduisent des œuvres littéraires russes en langue biélorusse. Quels sont leurs objectifs, si on a en vue que pratiquement tous les Biélorusses comprennent la langue russe et peuvent et savent lire en russe? Quelles etaient les raisons de ces démarches a l'époque soviétique?
Quels buts sont poursuivis aujourd'hui?
Les intellectuels biélorusses s'appuient sur la conception romantique de la nation élaborée en Allemagne au début du XIXe siècle. Ce qui nous intéresse surtout dans cette conception, c'est la place qui y est accordée à la langue : c'est à partir de la langue qu'un philosophe comme Herder envisage la nation allemande. Ce sont les traditions linguistiques qui permettront, dit-il, « la formation d'une nation, la véritable constitution d'un peuple, d'un Volk ».
Les intellectuels biélorusses (ce sont eux qui sont les plus actifs dans le processus de la formation de la nation) mettent de grands espoirs dans la langue qui est «l'âme du peuple», selon eux. S'il n'y a pas de langue nationale, il n'y a pas de nation.
Ils créent alors de nouvelles théories sur les origines de la langue biélorusse, ils en font le symbole de la nation, ils essayent de la développer. Ils créent leurs propres œuvres en bielorusse, ils font des traductions d'autres langues.
Dans cet exposé, on va mentionner les traductions d'œuvres de langues n'ayant aucun degré de parenté avec le biélorusse, mais dont la traduction russe est connue et bien enracinée dans la société biélorusse.
On va parler également des traductions d'œuvres du russe en biélorusse qui, à notre avis, sont realisées non pas dans un but informatif ou communicatif, mais pour enrichir le fonds de la littérature biélorussophone, donc pour «enrichir» la culture biélorusse, c'est-à-dire ajouter du poids dans le processus de construction de la nation.
Il est à noter que ces traductions, étant un phénomène assez restreint, ne nous donnent pas un vaste champ pour des recherches detaillées, mais même les quelques traductions trouvées peuvent nous permettre d'analyser certains phénomènes qui se déroulent dans le milieu des intellectuels preoccupés par la formation de la nation bielorusse.
— Lia Formigari (Rome) : Langue, nation, nationalité. Du Jacobinisme à l'Internationale.
La question de la langue se pose dans des termes très différents selon qu'on la rapporte à la nation ou bien à la nationalité. Dans le premier cas, il s'agit d'un problème de politique linguistique, qui vise à la diffusion, voire imposition, d'une langue standard sur un territoire bien défini. L'example le plus important de ce phénomène est ce qu'on peut nommer le “modèle jacobin”: un projet d'hégémonie qui trouvait dans la philosophie linguistique des Lumières, avec sa prééminence de la fonction communicative et son idée du langage comme outil essentiel au contrôle de l'expérience, sa justification théorique.
Les rapports entre langue et nationalité sont plus complèxes. La langue est un des éléments qui contribuent à la definition même du Volksgeist. Faut-il la voir comme le principe identitaire par excellence de l'auto-conscience d'un peuple, comme le fondement a priori de cette conscience? ou bien, faut-il la considérer plutôt comme l'un des facteurs matériels qui favorisent la prise de conscience d'une communauté sans en être une condition inconditionnée?
Des formulations et des solutions diverses de la question ont été proposées dans des conjonctures diverses au point de vue théorique (l'essor de la vision romantique de la langue comme condition a priori de la vie de l'esprit), idéologiques (interprétations ethnocentriques à partir des études indo-européennes), epistémologiques (les développements du comparatisme et la naissance de la Völkerpsychologie), politiques (la naissance d'une “question des nationalités”, y compris la question juive, après la constitution [1871] d'un Reich allemand qui ne comprenait pas l'Autriche, et de l'Autriche-Hongrie [1867] qui comprenait un nombre mal-défini de Völker couvrant pratiquement toutes les langues parlées dans le bassin du Danube).
Sur le fond de ces circonstances, on va
1. analyser les définitions de la langue et du langage issus de la philosophie romantique en Allemagne, avec réference particulière à J. G. Fichte, Reden an die deutsche Nation (1808), F. Schlegel, Philosophische Vorlesungen (1828-1829), e F. W. J. Schelling, Einleitung in die Philosophie der Mythologie (1826);
2. examiner les utilisations et transformations de ces définitions et de la terminologie pertinente
a) dans les thèses des fondateurs de la Völkerpsychologie (M. Lazarus & H. Steinthal, Einleitende Gedanken über Völkerpsychologie, 1860) et
b) dans la “question des nationalités” débattue au sein de la 2ème Internationale (Otto Bauer, Die Nationalitätenfrage und die Sozialdemocratie, 1907; Karl Kautsky, Nationalität und Internationalität, 1908).
— Paul Garde (Aix-en-Provence): Langue et nation : allers et retours
Les deux types bien connus de nation : l’un dit « français » ou « civique », l’autre « allemand » ou « ethnique », entre lesquels se répartissent les peuples européens, s’opposent par la hiérarchie, chronologique (ordre d’apparition) et logique (principe de détermination), qu’ils supposent entre Etat et nation :
Etat > nation (type « civique »)
nation > Etat (type « ethnique »)
Chez les théoriciens, la langue dans ce schéma se surajoute tout naturellement à la nation :
Etat > nation > langue
langue > nation >Etat
Ces formules postulent que la langue est une réalité clairement délimitée, au même titre que la nation (ensemble d’hommes) et que l’Etat (ensemble de territoires). Or le mot « langue » désigne à la fois un système clos (langue standard) commun à de nombreux locuteurs, et un ensemble flou de dialectes qui les divise. Les théoriciens des deux types de nation ne peuvent donc que refuser la diversité dialectale, soit qu’ils la combattent activement (modèle civique, abbé Grégoire), soit qu’ils la tiennent pour négligeable (modèle ethnique, Fichte).
Les deux modèles théoriques se heurtent donc l’un et l’autre à la réalité, et leur mise en application ne peut se faire qu’au prix de diverses contradictions : sur un même terrain, tantôt la langue fixe les limites de la nation, tantôt l’inverse. Ces allers et retours sont examinés sur deux exemples tirés des deux parties de l’Europe : les confins franco-italiens et les confins serbo-croates.
— Valentina Martina (Cosenza/Lausanne) : Langue et peuple chez Humboldt et Potebnja
Dans l’histoire de la linguistique russe, caractérisée par l’entrelacement existant entre l’histoire de la langue et l’histoire du peuple, le concept même de «peuple» s’est élaboré par A.A.Potebnja (1835-1891), qui fait remarquer que la langue détermine le caractère populaire de la conscience. Grâce à la langue, la vie populaire pénètre, selon lui, les diverses sphères de la vie psychique et cognitive. Potebnija établit une adéquation entre l’individuel et le social et accorde une attention toute particulière au facteur subjectif et au rôle exercé par la personnalité dans le cours de l’histoire. Sa conception, profondément influencée par les idées de Humboldt (1767-1835), s’enracine dans la tradition russe qui réalise l’unicité dans la multiplicité. La signification du mot constitue, aux yeux de Potebnja, l’organe de la pensée, indiquant l’état de développement spirituel de l’individu évoluant dans une société donnée. Fondant son analyse sur une conception psychologique de la langue, il décrit le processus de formation des mots en tant que processus de création d’idées, régi par les lois psychiques de l’assimilation, de l’aperception et de l’association. A l’instar de Humboldt, A.A.Potebnja considère la langue non pas comme un produit formé, mais comme une activité. Chaque langue contient potentiellement les moyens de créer de nouvelles possibilités sémantiques. Accordant une grande attention à la langue en tant qu’activité au cours de laquelle a lieu de façon permanente un renouvellement et un développement, A.A.Potebnja la considère comme un flux de création ininterrompu. Et c’est précisément dans ce contexte qu’il faut voir son intérêt pour le discours et son rôle dans la vie de la langue, pour le fonctionnement des unités de la langue dans le discours. Soulignant la fonction d’abstraction des signes linguistiques, Potebnija précise qu’elle n’est possible que grâce au caractère social de la langue qui permet de surmonter les particularités de la perception individuelle. Nous essayerons de présenter le lien entre langue et peuple, à travers la relation entre pensée et langue, considérée avant tout comme une relation entre l’esprit individuel et collectif.
— Milorad Pupovac (Zagreb) : Identity caused diglossia on the Balkans
Petar Skok, one of the leading Croatian linguists of the first half of the twentieth century, a few years after Joanis Pyicharias and William Marcais, in 1936, described the conditions of linguistic situation on the Balkans in those times, in a way that he recognised, in almost all languages, not only in Greek language, more or less pronounced elements of diglossis.
Skok's approach, in contrast to that which was developed two decades later by Charles Ferguson, is non-canonical. Such approach, which is not bound only to the question of the status differences amongst idioms ( “higher” –“lower”), is more open to understanding of different cases of diglossis.. I do believe that, for the reasons I mentioned above, reading of the Skok s text on diglossis in the languages of the Balkans, permitted me to understand diglossia not only as a historical form of the vertical differentiation of languages, but also as a form of a horizontal differentiation of languages.
Thus, after pre-modern types of diglossia ( caused by development of literacy, like cases of diglossia of redactions of church-slavonic and national languages) and modern types of diglossia ( caused by developing of national standards, like in cases of Greek and Turkish), more pronounced became the post-modern types of diglossia, which are primarily caused by the reasons of identity.
Transformation of the standard languages of Croats, Serbs, Bosniaks and Montenegrians, in vernaculars of national identities, has created a specific state of diglossi, better to say, polyglossia. In that way the historical revolution of vernaculars which was not only prevalent in Ferguson but also in Fishman types of diglossia, has been turned into its opposition, creating new types of diglossis, the process which has not been caused by the reasons of communication but by the reasons of identity, which, in turn, threatens us by increase of non-communicativity of newly arisen vernaculars of national identities.
— Patrick Sériot (Lausanne) : Nations de l'Est vs nations de l'Ouest : la différence est-elle dans la géographie ou dans la définition?
Les points cardinaux ont, curieusement, des valeurs idéologiques plus souvent que géographiques. Il y aurait ainsi une définition «française» de la nation opposée à une définition «allemande», recouvrant la théorie «subjective» par opposition à la théorie «objective» de la nation.
On voudrait montrer ici que les oppositions ne sont pas dans la géographie mais traversent chaque pays, même si à chaque époque une théorie est dominante. On peut ainsi faire d'étonnants rapprochements entre des penseurs vivant à des époques différentes dans des endroits différents, au point que les notions mêmes de «droite» et de «gauche» commencent à vaciller sur leurs bases.
Ce qui résiste alors c'est une histoire des idées où reste stable une ligne d'opposition, qui prend son origine au moment de la Révolution française, entre la philosophie des Lumières et ce que Isaiah Berlin appaelait le «Counter-Enlightenment». On va explorer cette voie d'approche par une comparaison entre certains thèmes de la linguistique sociale dans l'URSS des années 1920-1930 et le mouvement conservateur français et allemand du début du XIXème siècle.
— Virginie Symaniec (Paris) : La nation biélorussienne comme catégorie linguistique et raciale de discours
Avant d’aborder les questions de la relation entre langue, race et nation dans l’idéologie contemporaine de l’Etat biélorussien, nous voudrions interroger à nouveau quelques-uns des appuis théoriques qui sous-tendirent ces notions au XIXème siècle. Nous voudrions en particulier comparer les théories de la nation chez les partisans de l’Etat-nation avec celles des défenseurs de l’empire en évaluant la manière dont elles mettaient en relation les notions de langue et de race. Pour illustrer notre propos, nous voudrions mener cette comparaison entre des textes français, allemands et russes du XIXème siècle qui marquèrent leur adhésion à ces théories, en montrant ce que la politique dite des nationalités en Russie et en Union soviétique leur doit. Nous tenterons de montrer également en quoi le traitement dévolu à la notion de race pèse sur la manière d’envisager le rôle qui fut dévolu aux langues dans ces édifices intellectuels, ce qui nous permettra de mieux les schématiser. Nous espérons alors mieux cerner à quel modèle d’interprétation appartient le discours sur la langue de l’idéologie contemporaine de l’Etat biélorussien et en quoi les présupposés de cette idéologie s’accordent ou se différencient de ceux de ses opposants qui adhèrent à un modèle nationaliste souvent qualifié par les observateurs de ce pays comme plus « traditionnel ». Nous espérons ainsi montrer que les modèles d’interprétation en lice en Biélorussie sont loin d’être entièrement nouveau, qu’ils possèdent des ramifications aussi bien dans la pensée romantique que dans celle, positiviste, du XIXème siècle et qu’ils procèdent d’une façon autoritaire d’envisager la construction de l’identité collective.
— Céline Trautmann-Waller (Paris) : La linguistique allemande entre psychologie individuelle et psychologie des peuples : les débats entre Steinthal, Hermann Paul et Wundt
Mon exposé retracera les débats qui durant la deuxième moitié du XIXe siècle entourent l’idée d’une entité psychologique collective (« Volksgeist » chez Steinthal ou « Volkswille » chez Wundt) et le projet d’une « psychologie des peuples » qui incluait un important volet linguistique. Si Durkheim, pensant notamment à ces travaux, estimait que sans la conception très germanique de la société comme réalité sui generis plus grande que la somme de ses parties, il n’y aurait pas de science sociale, un néo-grammairien comme Hermann Paul réagit pour sa part vivement à ce genre construction qui lui paraissait purement spéculative et du coup nuisible à la recherche, notamment linguistique. Si la linguistique devait bien selon lui se fonder sur la psychologie, celle-ci ne pouvait être qu’individuelle. Ce débat s’associait étroitement avec la question des articulations possibles entre psychologie et philosophie de l’histoire et avec les interrogations concernant la validité de l’utilisation de la notion de loi en sciences humaines en général, en psychologie et, plus spécifiquement, en linguistique psychologique.
— Mladen Uhlik (Lausanne-Ljubljana) : Une analyse critique de la «vision du monde » : exemple de determinisme dans la linguistique
La fin de L'Union soviétique marque un regain du néo-humboldtianisme dans la les sciences humains russes. Il est visible dans la popularité de la 'lingvokul'turologija', une discipline fondée sur la mise en valeur de la correspondance parfaite entre des usages langagiers et une vision spécifique de la culture (qui est restreinte surtout aux facteurs nationaux et ethniques).
Un des concepts importants dans ce domaine est la vision linguistique du monde ('jazykovaja kartina mira') selon laquelle chaque langue représente un système unique de représentations et de catégorisations du monde. Cela implique aussi une présupposition idéologique que la même vision du monde est partagée par tous les locuteurs natif d'une langue ('nositeli jazyka')
Nous analyserons le recueil d'articles Les idées clés de la vision du monde de la langue russe (Levontina, A. Shmelov, Anna A. Zaliznjak) en relevant ses repères théoriques et en abordant la problématique de ses méthodes. Nous montrons aussi comment la tentative de reconstituer la vision du monde de la langue russe ramène à un déterminisme linguistique.
Mots-clés : vision linguistique du monde, néo-humboldtianisme, mots linguo-spécifiques, concepts-clés, lexico-centrisme, déterminisme linguistique, le russe opposé aux langues occidentales.