On présentera une approche épistémologique de l'œuvre de V. Voloshinov (essentiellement «Marxisme et philosophie du langage», 1929 (MPL)), consistant à mettre en évidence l'objet spécifique de connaissance que cherche à promouvoir Voloshinov.
Après avoir expliqué pourquoi 1) le «Cercle de Bakhtine» n'a jamais existé ; et 2) c'est Voloshinov et non pas Bakhtine qui a écrit MPL, on tentera de démontrer que cet ouvrage est une socio-psychologie de l'interactionnisme inter-individuel, dont le but est la construction d'une «poétique sociologique». A des années-lumières d'une théorie marxiste de la praxis, celle-ci repose sur une philosophie de l'enthymème, qui présuppose l'existence d'un «groupe social», fondé sur une «expérience vécue» (Erlebniß), elle-même productrice de l'enthymème, à la fois preuve et condition de l'existence du groupe.
Ainsi, les sources principales d'inspiration de Voloshinov ne sont pas Marx et Engels, mais l'idéalisme de B. Croce et de K. Vossler, autrement dit, une ligne de pensée humboldtienne, retraduite en termes sociologiques «matérialistes».
Enfin, on insistera sur une analyse attentive d'une terminologie qui a suscité beaucoup d'effets de reconnaissance pervers : «idéologie», «groupe social», «lutte des classes» n'ont pas le même sens à Léningrad en 1929 et à Paris en 1977 ou à Lausanne en 2011. Quant à «mot» (et non pas «discours»), énoncé (et non pas «énonciation»), ou «incarnation», ces termes ne prennent sens que dans une recontextualisation de leurs conditions de production dans des controverses de l'époque, recontextualisation qui seule permet d'éviter les anachronismes et les malentendus qui ont marqué la réception de cette œuvre dans le «monde occidental».