19 décembre 2007
Alors voila, cher lecteur passionné par mes aventures, je dis passionné, parce que si tu es arrive à l’article numéro 11, c’est que tu as du aimé, quand même un peu mes bavardages...Donc, j’anticipe, sans fausse modestie, ton attachement à ma prose. Et du coup, en cette période de fin d’année où tout un chacun se perd en discours, et bien moi, je te dis simplement : merci, спасибо, çok tes¸ekkür ederim.
Soit. Tout d’abord, si tu t’étais inquiété, si tu flippais à mort, en te demandant si j’étais morte d’une peste de l’estomac...Et bien, sache que je ne suis plus malade. C’était limite, mais j’ai su évité le rapatriement. La crise de cholera est passée aussi vite qu’elle était venue.
La seule séquelle, témoin de la gravité de mes maux, c’est une vilaine carie. Зубы, diş, les dents. Ainsi donc, heureusement que je rentre bientôt, pour les vacances, ça me permettra de m’en sortir la tête haute. En effet, ici, je crains un peu qu’on ne me laisse pas le choix et que je me retrouve avec la moitié de la bouche sertie d’or. Ce qui ne me paraît pas très seyant, dans nos contrées occidentales - запад, batı, l’ouest - contrairement aux moeurs de mon biotope actuel, où les dents en or sont presque un art de vivre sa dentition.
Comme dans un episode d’AB1
Pourquoi un épisode d’AB1...Peut-être parce que j’aimerai bien m’asseoir un soir devant un petit écran ( телевизор, televizyon) et me taper quelques épisodes des séries les plus débiles qu’on ose nous montrer...Nostalgie, en quelques sortes, parce qu’ici, très souvent, quand on parle télévision, on se retrouve face à deux types de discours. Le premier, celui des plus âgés, qui adooooooorent le cinéma français et qui d’un coup d’un seul, etalent toute leur culture en evoquant tous les films de Catherine Deneuve et de Lino Ventura. Et moi, ridicule, pas assez vieille, pas assez passionnée, j’essaie de les réorienter sur Taxi 4, parce que là, au moins, je peux avoir un avis...
L’autre école, c’est les plus jeunes молодые ou genç, comme vous voulez. Ceux qui furent fans d’Hélène et de sa bande...Alors je donnerais n’importe quoi pour voir ça ici, parce que le doublage, russe, certainement, de cette série, quand même emblématique de nos années 90, par une seule personne à la voix monocorde...Ca doit valoir des millions sur l’echelle du fou rire.
Sinon, AB1 encore, parce que l’établissement où je suis, bien que son nom « université slave de Baku » puisse nous laisser présumer que nous sommes dans un temple du savoir, où chacun pense à révolutionner le monde, dans le sens philosophique, bien sûr, est un terrain de jeu, un lycée, aussi sérieux que ceux qu’on a pu voir dans nos séries à deux balles. Alors au fil des heures de la journée, je me retrouve dans « Parker Lewis ne perd jamais », « Hartley », etc...J’ai ptêt du trop regarder la télé, étant jeune... Enfin, pas d’illusion, on est jamais dans Beverly Hills. Euh...бедный, zuğurt, le pauvre, c’est ça ?
Donc, mon lycée, il a tout les attributs qui font un lycée. Des profs « supers cools », qui font de véritables cours de conversation...C’est-à-dire qu’ils s’asseyent au milieu des élèves et echangent leur numero. Le droit au portable (мобиль, mobil, ça, c’est facile), comme ça, on invite des amis dans la conversation. Ca permet aussi de partager des chansons. Je suis devenue incollable sur les morceaux d’Emre Aydin...Du coup, ben, les cours, on s’amuse bien. Les mini-playboys font leur show, les filles se font les ongles...Il y a encore quelques semaines, j’y croyais. J’espérais même apprendre quelques choses de la bouche d’un des grands savants qui prend place devant nous. Alors oui, maintenant je comprends « Du calme les enfants » de trois manières différentes...Du coup, dorenavant, je m’asseois au fond de la classe, là où y a la musique. C’est au fond des salles de classes qu’on trouve les meilleures clubs de conversations clandestins. Force est de remarquer, que depuis que je traîne avec les cancres, ben je progresse...La langue se délie, en quelques sortes. Ainsi, merci à la clandestinité. Euh...ben clandestino, non ?
Alors bien sûr, je vois déjà les mauvais esprits se dire que je m’amuse à Disney land...Et bien. Il y a quand même des cours où on travaille dur. Dans la classe de turc, par exemple, on écrit chaque jour des « compositions politiques ». Alors pour faire bourgeonner nos idees, nous avons droit à une demi-heure de télévision par cours. Enfin, ça dépend dans quelle salle on est. Mais quand on est dans le « centre turc » (центр, merkes), qui doit certainement son nom à la télévision...Et bien autant dire qu’on rentabilise les installations. Nous regardons la télé. Mais comme on ne capte pas toujours le CNN stambouliote, et bien on peut aussi regarder des clips, parce que la musique, c’est avant tout culturel ( культурный, kültürlü). Pour ma part, c’est juste génialement utile, ça permet de rattraper mon retard en matière de people locaux. Parce que connaître Tarkan, c’est bien, mais connaître les clips des autres, surtout que pour les ados, c’est important, c’est mieux. Il faut dire qu’en plus, niveau musiqe, je suis confrontée à des pointures. Parce que très souvent on me demande si je connais « .... », un nom imprononçable, faut dire...Et après les élèves qui connaissent un peu le français, me montrent que pour eux, la musique française n’a aucun secret. Ils savent, ils connaissent. Autant dire qu’ils sont incollables sur la variété. Ils adorent Joe Dassin et Demis Roussos...Si d’ailleurs je pouvais ramener un ou deux cd, je deviendrais certainement la fille la plus populaire du lycée...Parce que c’est le but de tout un chacun, dans un lycée. Dois-je préciser qu’ils détestent Aznavour. Autant dire que si on veut être interdit d’Azerbaïdjan, il suffit de ramener la « bohême » dans ses bagages...C’est au moins du vingt ans de taule. Et donc adieu AB1, bonjour Midnight Express.
Et puis il y a les cours, les vrais, ceux qui sont franchement epuisants. Vraiment, sans dec, je vous assure. Le cours du jeudi, déjà, il débute à 11h40 et finit à 13h10, ce qui veut dire que c’est le dernier cours pour ceux qui suivent l’horaire du matin, sabah, утро, конешно. Ah ben oui, parce qu’ici, c’est soit le matin, soit l’après-midi...Enfin, tous les jeudis, j’apprends beaucoup de nouveaux mots, avec mes camarades qui se battent toujours un peu pour aller au tableau. Parce qu’elles sont très choux et qu’elles ont des couettes. Heureusement, un arrivage de vieux étudiants turcs a relevé, non pas le niveau du cours, mais, à défaut, la moyenne d’âge, et du coup, je me sens un peu moins vieille.
Dans ce tableau, bien sûr, si je suis une élève qui désormais discute au fond de la classe, quand il n’y a rien d’autre à faire-parce que oui, quand le vieux barbu du lundi matin, fait l’appel pendant une 1hoo et qu’après il dit qu’il est trop tard pour faire le cours...Euh ben je discute- et bien je pense que, par contre, je suis super bien placée pour recevoir la palme de la prof sévère et exigeante. Pour rappel, cher lecteur, car, oui, je sais que tu lis d’autres trucs que ma prose aussi fleurie soit-elle...Donc, tous les après-midi, je suis prof de français. Sévine devient Sevin Hanim ( госпожа). Il n’y a de sérieux que le titre et quelques vaines tentatives de ma part. En effet, je crois de plus en plus que la sévérité et l’autorité ne font vraiment pas partie de mes qualités. Je manque un peu de crédibilité. Mais bon, désormais, mes ânes ont compris qu’il était mal d’essayer de mettre le feu à la classe et ils se sont mis à apprendre les verbes. « Chanter » leur pose étonnemment des problèmes, alors qu’ils maîtrisent tous « entendre, ouvrir, partir ». Et voilà, à nouveau je m’égare. Oui, car même si j’incarne très mal l’autorité, j’oublie par moment que je suis dans un lycée et qu’avec les premières années, nous sommes à peu près au milieu du collège. Donc, j’ai gaffé. J’ai merdé. Pardon, pardon, pardon. J’ai eu le culot d’exiger de mes ânes adorés qu’ils écrivent dix lignes sur la fête nationale francaise, parce que dans le manuel, on venait de se faire le 14 juillet. Je leur ai donc dit de faire un résumé. Il aurait fallu voir le tsunami qui s’abattait sur mon équipage : Toural a enlevé ses lunettes et s’est vautré, la tête entre les bras, Fedayl s’est roulé par terre, Metin s’est levé en gesticulant, on aurait dit un autiste qui tentait de se rassurer dans la dimension « du mouvement répétititf », Hikmet est simplement sorti, alors que Murat criait « Maitresse, maitresse », quant à Terlan et AliPasha, il tentait de faire comprendre à la pauvre Aycel qui ne comprend jamais rien, toute l’ampleur de l’injustice d’une telle exigence, требования, titizlik.
Pour conclure sur mes ânes, c’est des ânes, des озел, des es¸ek, mais c’est très beau un âne. Ça a de beaux yeux plein de tendresse et c’est avant tout très gentil. Alors mes sept nains et leur blanche neige...Est-ce que c’est parce que c’est les premiers élèves de ma vie, ou bien sont-ils vraiment exceptionnels...ça fait partie des choses que je ne saurais jamais. En tout cas, ces derniers mois, hormis les fois où ils ont voulu voir si les demoiselles européennes étaient capables d’hystérie, et bien on s’est bien marré, avec mon équipe de vainqueurs.
J’en ai presqu’eu la larme à l’oeil, quand ils m’ont invité à fêter nouvel an avec eux...
D’ailleurs parlons-en de ce Nouvel An. Si je connais suffisamment nos terres, , en Suisse, vous devez fouillez parmi les guirlandes et les boules, au moment d’acheter du cassoulet en boîte, depuis halloween, non ?
Alors, si Noël n’existe pas ici, tradition musulmane oblige, pas de raison de commémorer la nativité, malgré tout, le Père Noël et sa clique en rouge et vert ont quand même réussi à s’inviter pour le Nouvel An...ça doit faire une semaine, environ, qu’on commence à croiser le vieux barbu qui traîne collé sur quelques vitrines. Sinon, dans mon métro à moi, Insaatcilar (Строительство, la construction), un marchand de chaussures a troqué tout son cuir contre un sacré « merdier » (je trouve franchement pas d’autres mots), qui scintille, qui brille, rose et fluo...C’est festif, quoi. Et puis bien sur, le reveillon s’invite dans les conversations...Chaque classe veut faire sa fête à elle, ce qui est loin d’être simple. Tout d’abord parce qu’ici, rien est simple. Mais surtout, parce qu’en Azerbaïdjan, je crois que je peux le dire, maintenant, mais c’est pas souvent la fête. Parce que fête, ici, ça veut dire robe, froufrou, voiture, restau etc...Et puis on se lâche un peu sur le jus de poire, et on fait des taches qui partent pas...Alors une fête de nouvel an, il va sans dire que ça se prépare. Texte a venir…Peut-etre…
Le club de vacances des ex-pat
Encore un autre côté de ma vie bakinoise. Il faut bien le dire, celle-ci est un peu cubique. Donc oui, avant d’être étudiante, prof, Sévine, suisse, un peu turque etc...Je suis quand même avant tout « étrangère », иностранка ou yabanci, finalement, c’est pareil.
Alors pour que le bilan de ces quatre premiers mois à Bakou soit complet, et bien il fallait bien parler un peu de cette tranche de la société...Ses us et coutumes et son mode de vie. So, let’s talk about expat’, puisque c’est comme ça qu’on dit...
A Bakou, du fait que c’est vraiment pas un milieu où j’ai voulu me plonger, je suis loin de pouvoir être à même de brosser un portrait de cette société parallèle. Par contre, soulignons qu’ils sont nombreux...Nous sommes nombreux.
Tout d’abord, où se trouve l’expat : tout dépend. Soit dans les bars, soit à la maison. La caricature s’impose un peu...Mais il faut dire que les azerbaïdjanais n’ont, semble-t-il, pas d’argent à dépenser dans les bars, dont les prix, sont de toute façon, pour expat’ et puis ils sortent dans les çay evi, qui ferment relativement tôt. Erken, Рано. Donc, les bars « funs » du centre ville, c’est pour les europeens. Comme je n’avais pas envie de voir des anglais lamines par la biere, j’ai prefere faire comme les locaux, ne sortir que pour le the chez des amis. Ceux-la sont des expat d’un autre type. Les expat de Turquie, c’est difficile, quand o n est suissesse de se souvenir qu’ils ne sont pas d’ici. Parce que tres souvent, ils sont la depuis longtemps et que de toute facon, pour moi, parler avec eux est tout aussi laborieux que de parler avec un gars d’ici. Mais leur the est bon et ils ont des bonnes blagues.
Si j’ai connu peu d’anglais, la fréquentation du Centre Culturel Français m’a fait connaître certains spécimens de France. Alors si on est presque voisin en Europe, la distance d’avec notre pays nous rapproche pas forcément. Parce que finalement, le français n’est qu’une langue, ce qui est loin d’assurer un même état d’esprit...
Donc, des gens cools. Des moins cool. Certains qui n’en feront jamais assez et d’autres qui en feront toujours un peu trop.
De belles rencontres quand même. Comme Valérie, suissesse lausannoise, directrice du Centre Culturel Français. Si tu passes par la, ben…A tres bientot.
Et puis un effet un peu camp de vacances, quand s’approche les fêtes...Parce que oui, certains partent, d’autres arrivent. Alors, même si pour ma part, le séjour est très court...Ben faut dire que je m’etais bien habituee...Et me déshabitue pas toujours bien. Дружба, dostluk, l'amitié…(…).
La virée à Lenkoran ou quand l’aventure n’aboutit pas
Pour tout lecteur qui rêverait de savoir à quoi ressemble cette ville et bien autant briser le suspens tout de suite : pluie, grisaille, tard dans la journée, si elle est au bord de la mer, et ben même ça, on l’a raté....
Mais en revanche, quelle aventure....O приключение, O macera....
Tout est parti d’une idée de Jean-Charles, un parisien sympa, rencontré, un peu par hasard. C’était son dernier week-end et monsieur avait justement envie de sortir ses tennis claires et d’aller braver la boue, de faire de jolies photos, à l’aide de ses quatre appareils, digitaux, il va de soi, et de mettre sa plus belle tenue « détente »…Et là, je vous épargne les détails du pyjama, qui racontait modestement « I love Egypt ».
Il nous proposait donc de partir, quelque part, à nous les filles qui s’étaient assises avec lui, lors d’une petite soirée de la francophonie. Personne ne releva le propos, alors j’ai dit oui, parce que bouger, c’est toujours bien, хорошо, iyi...Il me demandait une idée de destination...Ben comme il fait froid, allons au sud. Paraît qu’il y a un micro-climat toute l’année qui permet une culture du citron florissante...Et puis j’ai deux trois élèves qui originaire du sud...
Dans le partage des tâches, j’apportais ma bonne humeur et une idée (le sud), il s’occupait de trouver une voiture et une carte.
Alors bon, les azerbaïdjanais ne sont pas des voleurs, mais faut dire qu’ils sont pas commerçants pour deux sous non plus. Arrivés à l’agence de location, nous avons eu affaire au roi des blaireau…Parce que Monsieur le concessionaire voulait qu’on paye une taxe, dès le moment où il apprit que notre destination, c’était le sud. Et vas-y que je tente de l’entourloupe à tout va. C’était sans compter que je suis avant tout une chieuse et pas du tout quelqu’un de sympa. Sans m’avancer, quand il s’agit de se montrer désagréable, je gagne toujours. Parce que je suis pas cool, avant toute chose…Et puis, je ne peux en expliquer la raison, mais je me suis toujours délectée de m’énerver un peu dans une langue étrangère…Donc, soit, ce moment, a priori pas très agréable, me fit rosir les joues de bonheur…
Sur la route du sud qui mène à Lenkaran, il y a plusieurs points d’intérêt, auxquels il est difficile de se rendre en bus. La voiture était donc salutaire, pour se prendre un bon bol d’air.
Premier arrêt, Gobustan. La ville en soi, n’est pas incroyable. Des HLM comme on en fait plus, de la poussière, du sable, des gargottes défoncées…Rien de bien nouveau, quoi…Or, sur le bord de la route, des panneaux indiquent un site magnifique, où l’on peut admirer quelques gravures rupestres assez sympa…
Dans ce pays au tourisme peu développé, c’est tout de suite très drôle, d’aller là où est concentrée toute la fierté nationale, tout le patrimoine…Et je dois dire qu’on a bien rigoler.
Il faut sortir de la route principale, suivre le seul panneau visible et se convaincre que ben tant qu’il y en a pas d’autre, c’est que c’est tout droit…Théorie que nous ne tarderons pas à regretter. Parce que si sur le coup, ça a marché, ben quelques heures plus tard, l’idée se révélait pas si fameuse.
Enfin, on traverse un bout de désert pour attérir dans des petites collines toutes faites de roches. C’est lunaire, c’est mars, c’est beau. Lorsqu’on arrive au site proprement dit, et bien il faut se rendre à l’évidence…Nous sommes tous seuls. Les lieux sont déserts. Comme il y a des flèches rouges sur le sol et que ça n’a pas l’air d’être immense, et bien nous nous lançons, comme des aventuriers du dimanche, à l’affût de la moindre gravure. Alors bon, bilan. C’est très chou. Mais je crois que mon âme n’est pas assez férue d’archéologie préhistorique pour apprécier les résultats d’ongles brisés sur la pierre. Le paysage, tout en pierre, avec vue sur la mer, quant à lui est vraiment impressionnant. En fait, je crois que, s’il faut être honnête, les peintures et autres arts rupestres, c’est toujours un peu trompeur. Avant de s’y précipiter, il faut se poser les bonnes questions, parce que si c’est une activité culturellement bien, il faut dire que pour ma part, la balade était mythique, mais que l’art…Je suis pas très sensible à l’art pictural. Quand c’est trop moderne et ben je comprends rien et quand c’est ce qu’on nous vend comme le must de l’humanité. Et bien oui, c’est vieux et donc, c’est exceptionnel. Pour ma part, entre mon sens artistique complétement dénué de sensibilité et mes connaissances en matière de préhistoire, très proches du néant, et bien désolée de décevoir le lecteur, mais je suis obligée de dire que c’est un peu nul. C’est des dessins pas terribles, qu’on voit plus très bien. Et si à chaque seconde, il faut se marteler la pensée, que oui, c’est un bouc, ou peut-être une vache, ou non, tiens, une femme, mais je leur pardonne leur sens du cubisme, parce que les artistes ont fait ça, il y a déjà quelques milliers d’années…Et bien, c’est quand même un sacré effort d’intellectualisation. Mais bon, il va sans dire que je suis un mauvais esprit. Et ça, tout le monde le savait déjà.
Après quoi, nous avons croisé un homme, dans ce qui s’apparent à un début de désert, puisque c’est déjà bien à 15-20 bornes de la ville…S’ensuivit une grande discussion, car nous savions que non loin d’ici se cachait des volcans de boue. Et comme o n aime la gadoue, c’était donc un passage obligé. L’homme voulait au moins 15 manats pour nous y emmener. Donc, moi, le mauvais esprit, j’ai dit non, parce que ça fait quand même près de 25.- et y a des jours comme ça, où je suis près de mes sous. Ce qui est quand même marrant, en Azerbaïdjan, c’est que d’une part, o n vous demande un prix exorbitant pour une chose, mais qu’après, o n vous invite à venir partager un lièvre du désert, encore chaud, du fait qu’il vient de se faire tirer. Nous refusâmes et la compagnie et le dépeçage, prirent les explications du chasseur et tentâmes donc l’aventure de trouver nous-mêmes les dits volcans.
C’est à ce moment là que s’impose quelques mots sur Mark Elliot. Ce cher monsieur est considéré comme le voyageur, the Mike Horn du Caucase et de l’Iran. Alors comme il est généreux, il a fait un bouquin relatant aventures et expériences, enrichis de cartes dessinées par lui-même, au stylet. Et bien sûr, Jean-Charles avait emmené cette « bible » du voyageur avec lui. En co-pilote modèle, je feuilletais donc le dit Graal et cherchait comment atteindre ces cratères maudits. Alors o n suit la grande route, facile, y en a qu’une, o n passe devant la centrale nucléaire, o n contourne le tuyau jaune un peu rouillé…Et non…Mark Elliot, salaud, un jour j’aurais ta peau. Parce qu’o n a quand même tourné pendant plus d’une heure…Puis o n a demandé notre chemin…Pas fructueux pour deux sous.
C’est pas la première que j’ai cette impression. Il semblerait qu’en Azerbaïdjan, que ce soit à deux kilomètres ou 300, les gens, très souvent ne savent pas ce qui se cachent derrière leurs montagnes. Alors bon, il y a des questions de moyen. C’est évident. Parce qu’effectivement, si je me tapais un salaire de 300.- par mois, j’aurais peut-être d’autres chats à fouetter, que de savoir quelle gueule à le palais du Shah de Sheki, soit à 300 bornes. Mais bon, après, quand il y a des volcans, planqués quelque part, à environ, d’après Mark Elliot, mais il dit que des conneries, 35 minutes à pied…Et bien le manque de curiosité me choque un peu .
Enfin, tout ça pour dire que ben les volcans, o n a loosé. Je me rassure en me disant qu’un pote local qui les a vus, les a trouvé très moche. O n dira qu’il a raison.
Alors cap au sud. Succession d’usines et d’industries abandonnées, rouillées…Paysage vraiment bizarre. Pour ceux qui se souviennent de Mad Max, et bien, c’était ici. O n s’arrête dans des villes sans nom, où des oies prennent leur bain dans des flaques radioactives…Ce pays est décidément très beau. Cap sur le sud toujours…Petit kebab au bord de la route…Grand moment, où o n nous fait pêcher des espèces de grosses carpes dans un bassin. Alors quelques mots sur le commerce du poisson, parce que je crois que je n’en pas encore parlé. Et puis si je me répète…Et bien soyez responsable, un chouïa, au moins, de votre lecture, parce que c’est facile de dire que l’auteur radote et se répète, alors qu’il suffit de prendre son courage à deux mains et d’aller voir plus loin ce qui se raconte…Donc, cher lecteur si répétition il y a, saute le paragraphe qui va suivre, moi et ma prose ne sommes pas rancunières.
Donc, le poisson. Tout d’abord, ils sont tous gros. Des sacrés morceaux. Ensuite, ils n’ont pas de de nom. Enfin, de toute façon, j’aurais jamais trouvé la traduction, mais très souvent, quand je demande, c’est quoi comme poisson, et ben c’est du poisson. Ce qui me rappelle une petite anecdote de touriste, là où il y avait beaucoup de touristes anglais et qu’10 vendait du fish and chips à tout va…Là aussi, o n me répondait « ben du fish »…C’est vrai que je suis chiante avec mes problèmes existentiels relatifs à ma relation avec la poiscaille. La manière dont on les vend ici ne respecte absolument aucune norme d’hygiène. A Bakou, par exemple, vous trouvez très souvent des boissons sur des étals, dans la poussière de la ville, les cadavres bravent la poussière, la chaleur et tente de faire bonne figure. Parfois, on voit des attroupements autour d’une vieille lada, coffre ouvert. Si le tableau donne l’impression qu’il s’agit d’un trafic qui pue, alors oui, ça sent pas bon. C’est que les badauds se regroupent autour du coffre, tout simplement parce qu’il est empli de poissons. Enfin, la troisième voie, celle du poisson qu’o n vend vivant. Très souvent, j’ai croisé des cuvettes avec les bêtes nageant. Dans le supermarket du quartier, ils ont même un bassin, où s’ébattent les animaux…Bon, quelques-uns gènent un peu, parce qu’ils flottent ventre en l’air…Mais on ne juge pas, one juge pas…Et donc, pour en revenir à notre ville sans nom, où on nous proposa de pêcher le brochet caspien dans un bassin, aussi sale que miniscule, j’ajouterai que généralement, je n’ai pas peur des poissons. Ainsi donc, alléchée par la proposition, pendant que le kebab se faisait, je suis le gosse qui m’emmène vers la fontaine à bestiaux. Cap ou pas cap, t’en attrape un j’te l’donne. Quelle grande idée…me voit bien avec un poisson sur le siège arrière. Enfin, il me présente le terrain de chasse. Eau noire et opaque. Pêche avortée. Kebab englouti. On se barre.
Alors bon, je vous passe les détails mais la route est longue et pas toujours belle. Pour les grands moments d’émotion, de nombreux panneaux bordent la chaussée, sans indication, parce que ça n’a pas lieu d’être, hein ? ! mais avec Père et Fils Premier du pays…Il y a la photo où ils sont bien droit, celle où le grand gamin regarde papa avec admiration, celle où papa pointe l’avenir du doigt, celle avec les militaires, la meilleure, c’est celle où ils sont en tenue de week-end….
Sinon, il y a des chevaux qui galopent avec des hommes, des charettes tirées par des ânes, de temps en temps, une usine désaffectée, une rivière, un pont, un no man’s land euh ou une ville…Enfin, c’est joli.
Si Masalli est à environ 180 bornes de Bakou, ben o n doit plus être très loin. Parce que ça fait près d’une demi-journée qu’on roule et que finalement deux cent bornesm, pour être large, c’est pas le bout du monde. Peu sûrs quand même, nous nous arrêtons pour demander notre chemin. Comme deux informations valent mieux qu’une, moi, je me fais le magasin et Jean-Charles, interroge les mecs de l’Azpetrol. Alors o n se marre, quand o n se retrouve pour notre petit brainstorming. Parce que les infos sont tellement pas du tout celles qu’o n attendait, que ben, y a plus rien d’autres à faire que de rire, un peu nerveusement, du fait qu’o n commence à être fatigué, mais surtout parce qu’o n s’est planté en beauté. Parce que oui, ce que nous disent les locaux, c’est que ben Masalli, donc, le sud, c’est pas du tout là. Nous avons raté un virage et nous sommes parti à l’est…Et ce qui est moins marrant, c’est que ben si o n continue dans cette direction, et bien o n se retrouve au Karabakh.
Alors bon, comme à ce moment là, je n’ai plus de passeport, parce que l’admin de mon université me l’a emprunté depuis plusieurs semaines, comme j’ai quand même une gueule de tchétchène, ben on préfère rebrousser chemin…Alors c’est reparti pour tenter de rejoindre Masalli.
La nuit tombe et c’est loin d’être top. Parce que si chez nous, les nuits sont éclairées et que la visibilité sur les routes et honorable, ici, à 18h30, o n avait déjà l’impression qu’il était deux heures du mat.
Nous sommes arrivés à Masalli tard dans la nuit…Pas mal tourné dans le bled, digne de Bledistan, pour trouver un endroit où manger un truc…Et c’est ainsi que nous avons échoué à La Moskva. Restaurant tres sympathique. O n nous fait entrer par la grande salle, la ou il y a les gars du coin, la tele et le match de foot. La ou il y a le chauffage, aussi. Puis o n nous introduit dans une petite salle attenante, glaciale, avec un tableau de bambi qui nous regarde comme Big Brother, quant au chat qui miaule a nos cotes, lui, ne nous regarde pas, parce qu’il n’a tout simplement plus de quoi nous regarder.
Enfin, tout ca ne reussit pas a nous couper l’appetit, donc, o n enchaine sur les salades, les shashliks et la biere pour le camarade. Pour ma part, je fais une greve de la soif, parce que j’aime pas la biere, j’aime pas l’eau gazeuse et par-dessus tout, je deteste le jus de poire maison gazéifié et étiqueté…Alors tant pis, advienne que pourra, je risque la deshydratation.
Apres le repas, o n discute un peu avec les gars du coin sur les commodites hotelieres qu’il y a dans la region. Il y en a beaucoup, le seul probleme, c ‘est que c’est pas du tout la saison. Ce qui est genial, dans ce genre de situation, c’est qu’o n demande par hasard au serveur 1, qui ne comprend pas le russe et va chercher le serveur 2. Celui-la n’est pas beaucoup plus a l’aise dans la langue de Poutine et donc, il court chercher le pote qui trainait vers le bar…Celui-ci accourt…Ils font un petit brainstorming en azerbaidjanais. D’autres viennent attires par la cellule de crise. Comme la faim justifie les moyens je decide donc de parler en turc. La scene en devient d’autant plus drole. Parce que oui, le turc et l’azerbaidjanais, c’est kif kif, iyi devient yaxsi, ce qui veut dire que c’est bien…Pour les vrais locuteurs de l’une ou l’autre de ces langues, la comprehension est un but possible. De mon cote, ben je patauge.
Enfin, o n arrive quand meme a s’entendre, nos nouveaux amis appellent des amis et moins d’une heure apres, nous partons, a deux voitures vers un des plus bels endroits du monde. Deux voitures, parce que plus o n est de fou, plus o n rit. Le plus bel endroit du monde…Euh…Faut dire qu’o n etait fatigue et heureux de trouver un joli lit, une salle de bain etc…Joie bien ephemere, puisqu’au matin, nous decouvrimes que c’etait meme pas l’eau chaude, qu’o n nous avait coupe, mais l’eau tout court.
Donc, nous etions dans un endroit sans nom, mais tres joli : lac asseche, mais troupeau de mouton, au loin, dans la toute petite plaine cernee par les montagnes automnales. Ca change de Bakou et des centrales electriques. Petit dejeuner sympa…Alors que je retrempait ma ptite cuillere dans le pot de miel, un vieux bonhomme vint faire connaissance avec nous. Francais ? Trop beau ! Alors le brave homme nous a fait la liste de tout ce qu’il savait sur la France. Zidane, Demis Roussos, les Champs-Elyssee, Canal plus et…Ce jour-la, nous l’avions d’ailleurs completement zappe, c’etait l’anniversaire de la mort de Nicolas Eiffel…Alors ca oui, nous l’avions oublie.
O n le felicite, parce qu’o n a quand meme bien rigole et nous filons a travers les campagnes azerbaidjanaises pour tenter de rejoindre Lenkaran, sans faire mille et un U-turn. Peine perdue. Parce qu’il faisait beau et que donc, tout avait l’air attirant, et bien o n l’a rentabilisee, la Focus.
Route des montagnes, les villages, les anes, mais surtout les montagnes, Lerik, avec le soleil, c’est franchement magnifique. Route d’automne, plus loin, sur un tapis rouge de feuilles mortes detrempees par la pluie. Les gosses se baladent en mule, quelques bergers surveillent des moutons, nous roulons a cote de femmes qui portent des seaux d’eau…
Parce que oui, a l’epoque ou o n a « tous » internet, ben en Azerbaidjan, l’eau courante est un bien rare, meme a Bakou. Combien de fois, mon pote Deniz m’a dit, « tu veux un the » et il est parti chercher l’eau… « a la source », en quelques sortes…
Tard dans la journee nous arrivions a Lenkaran, pluie battante, presque deja nuit, donc, qutab the, petit bridge avec les grands-meres responsables de la gargotte, tour succinct dans la ville et retour a Bakou…
Alors bilan de l’expedition : toujours assez pres du but, mais finalement quel but ? Oui, nous voulions voir Lenkoran, mais tout ce qu’o n peut en dire c’est que leurs beignets aux intestins de vaches ne sont pas si mauvais que la description du plat ne le suggere. O n voulait voir la mer, autant dire qu’o n ne l’a vue que de loin…O n voulait du soleil, pluie battante. Mais bon, week-end superbe quand meme. Parce qu’o n s’est perdu pendant deux jours, au gre des envies, des indications locales…Peut-etre que c’est pour ca, qu’o n trouve pas de cartes routieres precises du pays, que Mark Elliot les dessine en trois coups de crayon…Je crois que c’est un pays ou il faut rouler sans but precis, juste avec des envies. Etre pret a trainer un peu, « perdre son temps » a savoir comment o n chasse le lievre dans les deserts radioactifs, comment les poissons se noyent…L’Azerbaidjan n’est pas un beau pays, meme si parfois les paysages nous ravissent. L’expedition « Lenkoran », completement avortee, fut une belle aventure, de belles rencontres, et je crois qu’importe l’endroit ou o n va, c’est quand meme ca l’important. Les gens valent bien des paysages. Alors c’etait mythique.
So, comme on dit pas chez nous. Meme si j’aime pas les bilans, le fait de rentrer faire un tour en Suisse me pousse un peu a reflechir. Quatre mois, c’etait long pour ma mere, de mon cote, ca va. Je crois que depuis mes huit ans, je n’avais jamais passe autant de jours d’affilee sans m’ennuyer une seconde. Je sais pas quel est le role de l’Azerbaidjan dans tout ca. Est-ce qu’il en a vraiment un ?
En tout cas, visiter un pays tel que celui-ci, trainer dans les rues bakinoises, travailler, etudier dans le coin, vous change un homme…En l’occurence, une femme. On prepare toujours le depart le plus soigneusement qu’on peut. Pour ma part, il s’agissait de ne pas trop m’attendre a des trucs « trop cool », parce qu’on sait jamais, mieux vaut se preparer au pire, ca permet d’etre tout le temps content. C’est le cas. Je suis tout le temps contente.
J’aurais peut-etre du preparer un peu le retour. Je m’attendais pas a un tel effet. L’Azerbaidjan, c’est pas l’Inde, c’est pas New York, mais p*****, c’est quelque chose…