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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) // Université de Lausanne


Histoire des idées grammaticales en Russie
Compte-rendu de Cécilia Bovet

Séance du 3 avril 2003 :

La polémique entre Buslaev et K. Aksakov


F. Buslaev (1818-1897)
Philologue, historien et spécialiste en linguistique russe et slave, représentant de l’école logique, il pensait que la langue avait une période ancienne, riche et une période moderne de perte de cette richesse tout en estimant qu’elle s’enrichit continuellement de mots nouveaux

K. Aksakov (1817-1860)
Historien et linguiste slavophile. En reprenant les idées principales de Humboldt et du romantisme allemand, il refuse de se baser sur les principes des grammaires européennes. Il s’est essentiellement intéressé au verbe russe, pour lui la langue russe est intrinsèquement différente et même supérieure aux autres car la catégorie essentielle du verbe est l’aspect et non le temps. Pour lui le temps est une caractérisation superficielle car il ne caractérise pas l’action elle-même. Par contre l’aspect décrit la qualité intrinsèque du verbe.
Pour lui, l’identité se marque par des phénomènes grammaticaux d’une langue que d’autres n’ont pas.

Buslaev discute les thèses d’Aksakov en faisant un compte-rendu de son œuvre : O russkix glagolax.

La polémique qui les lie se situe à deux niveaux :

1) explicite : divergences d’opinion

Au sujet du verbe :

Aksakov considère qu’il n’y a pas de temps en russe.
Buslaev lui reproche de ne pas tenir compte de l’aspect pan-slave de la langue russe. Il estime qu’Aksakov méprise une des origines du russe qui est le vieux-slave, lequel était très riche en temps.
Pour Buslaev, la langue russe garde des empreintes du vieux-slave et c’est justement cette double origine du russe (mélange de vieux-slave et de vieux-russe) qui en fait toute sa richesse. Buslaev considère cette pseudo-absence de temps comme un appauvrissement de la langue russe par rapport à avant car pour lui l’expression du temps n’est pas inférieure à celle de l’aspect.
La notion de rodnoj jazyk est donc beaucoup plus large pour Buslaev, qui considère tout ce qui est lié au vieux slave, alors que pour Aksakov il s’agit uniquement de ce qui est propre au russe.

2) implicite : certains mots-clé utilisés par Aksakov et Buslaev ne sont pas définis :
par exemple Aksakov oppose souvent l’adjectif chuzhoe à svoe sans expliquer ces deux mots, on ignore où il fait passer la frontière.

Autre élément ambigu : pour Aksakov, NOUS= les Russes
pour Buslaev, NOUS= les Slaves

Ces exemples montrent à quel point il est important de savoir où l’on met la limite, la frontière. On voit comment une altérité peut être fabriquée.


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