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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) // Université de Lausanne
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- Conférence de Didier SAMAIN, professeur à l'Université de Paris-VII : "De la parenté des langues au mélange des langues, lhéritage de la métaphore organiciste".
- 8 mai 2003
Limportance prise par la classification des langues au XIXème siècle est bien connue. Elle nest pas le fait de la seule grammaire comparée, cest aussi le cas, notamment, de la tradition héritée de Humboldt. Ces deux courants qui interfèrent sans se confondre partagent quoi quil en soit une caractéristique commune : une conception génétique de lapparentement des langues.
Or la typologie, entendue dans lacception moderne du terme, va être rendue possible par le dénouement progressif de ce lien longtemps perçu comme constitutif, y compris dans le cadre humboldtien, entre histoire et parenté. Parallèlement, on assistera à lallègement, voire au vidage ontologique du concept dindo-européen. (Notons toutefois que cette évolution na pas été linéaire.) Lexposé se propose de présenter rapidement les principaux caractères de ce passage de lhistoire à la typologie à lintérieur du courant dominant, le courant comparatiste. Ceci sera illustré par plusieurs points.
1) Le rôle de la métaphore organiciste, qui ne fut quune métaphore, et a exercé un rôle plus positif quon ne le prétend souvent : la réflexion sur la stabilité des espèces, sur lhérédité et sur les causes actuelles a facilité une conception moins fixiste des langues. Dans une perspective darwinienne, lintuition populaire de la stabilité des espèces et des langues se révèle le fruit dune même illusion doptique.
2) Cest cependant la difficulté empirique de la délimitation des langues et des dialectes qui a, dans une assez large mesure montré les insuffisances du modèle généalogique, notamment en dialectologie. Notons toutefois quici encore, il est difficile de séparer lobstacle empirique dune problématique plus générale : il est symptomatique que les difficultés objectives de la taxinomie aient été synchrones à un obstacle épistémologique qui excède largement le champ des sciences du langage, à savoir la question du continu.
3) Quoi quil en soit, tout cela aboutit à remettre progressivement en cause le modèle généalogique : on découvre quune ressemblance peut être acquise, et non seulement héritée. Les histoires de la linguistique mentionnent donc lapparition, dans le dernier tiers du XIXème siècle, de nouvelles métaphores pour figurer le changement diachronique la plus connue, mais non la seule, étant celle de londe : les innovations sont désormais présentées comme des ondes qui se propagent sous forme concentrique et interfèrent entre elles.
4) Ce changement de registre révèle deux évolutions importantes : il tend à privilégier lespace sur le temps, et surtout il supprime le principe dun développement linéaire à partir dun centre unique. Le renoncement pur et simple à la diachronie nest pas encore à lordre du jour. Chez Gilliéron par exemple, la géographie se fait géologie. Mais il implique quil ny a peut-être ni noyau historique (une langue-mère), ni noyau synchronique (un système au centre de la langue).
Rares seront les linguistes qui tireront les conséquences dun tel bouleversement. Un critique aussi virulent de la métaphore organiciste que Meillet maintiendra obstinément la distinction entre lacquis et le transmis pour sauver le postulat du caractère impénétrable des systèmes grammaticaux. Cest-à-dire à certains égards une conception organiciste du fonctionnement linguistique.
Cette inconséquence, qui apparaît de manière flagrante dans la polémique entre Meillet et Schuchardt, pose un problème plus général : celui de la persistance dun modèle, ici le principe organiciste, au-delà de sa présence explicite. Ce problème sera évoqué in fine, et repris sur dautres bases dans la seconde conférence.
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