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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) // Université de Lausanne


Séminaire de 3e cycle

-- 10 avril 2003 Carolina Rodriguez (Univ. de Campinas, Brésil) :

Le discours sur la langue au Paraguay et la construction idéologique de l'idée de langue nationale (RESUME)



Cet exposé a un double but. D'abord, celui de présenter une analyse des discours nationalistes sur la langue guarani au Paraguay. Ces discours se sont constitués dans les premières décennies du XXe siècle, dans le contexte des mouvements connus sous le nomde de revendications "novomondistes" en Amérique latine, qui en sont venus à soutenir les politiques linguistiques officielles à partir des années 1940-50. L'analyse entend montrer, d'un côté que le nationalisme de ces discours présente des éléments qui, constitués dans la tradition romantique, ont servi de base aux formulations dogmatiques et xénophobes de la seconde moitié du 19e siècle, comme matrice des nationalismes totalitaires postérieurs. L'exaltation de la langue comme le «symbole de l'essence nationale», les allusions récurrentes à la guerre et à la nécessité de «défense» contre l'«ennemi extérieur», sont quelques uns des éléments analysés dans cette perspective; ce n'est pas une simple coïncidence que de tels discours aient été l'étendard politique de régimes totalitaires, et particulièrement du Général Alfredo Stroessner (1954-1989). De l'autre côté, les «qualités exceptionnelles» attribuées au guarani comme «langue des afects» et «plus proche de la nature» montrent que de tels discours reproduisent, reformulée de façon «positive», une définition évolutionniste / rationaliste, dans laquelleles cultures de tradition non européenne sont considérées comme «inférieures».
Le second but estde faire une lecture critique des travaux sociolinguistiques réalisés sur ces mêmes discours, pour montrer que ces derniers reproduisent de manière non critique le même nationalisme qui les caractérise, y compris, dans certains cas, le discours du pareti politique qui soutenait la dictature du Général Stroessner. L'hypothèse qu'on va tenter de développer est que le problème réside dans l'approche psychologique de ces travaux, qui naturalise les énoncés sur la langue et ne permet pas d'établir une distance critique envers eux. C'est le cas pour toute une ligne sociolinguistique d'analyse de la relation entre langue, nation et identité, élaborée à partir d'auteurs comme Joshua Fishman, Uriel Weinreich et Paul Garvin, entre autres, dont les formulations et les concepts théoriques et méthodologiques ne sont pas exempts des formules nationalistes semblables à celles qui caractérisent les discours que nous analysons.


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