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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы


Univ. de Lausanne, Faculté des Lettres

Section de langues slaves, Option linguistique

Année 2003-2004,

Prof. Patrick SERIOT

Semestre d'hiver. Séminaire de licence :


(le mercredi de 17 h à 19 h, salle 5093)

La construction des identités nationales en Europe de l'Est par le discours sur la langue.




- 7 janvier 2004
Renan / Meillet / Bréal : le rapport non-nécessaire entre langue et nation.




Compte-rendu de la séance du 7 janvier 2004 (Pavla KUNCOVA)

Compte-rendu ( Pavla Kuncova )

La discussion autour du texte d’Ernest Renan : Qu’est-ce qu’une nation ?

En 1870, la France est en guerre avec l’Allemagne. Elle perd l’Alsace et la Lorraine d’où un grand traumatisme national qui s’installe en France. Les intellectuels français et allemands entrent en débat sur l’appartenance de l’Alsace – Lorraine. Du côté français, le philosophe le plus en vue est Ernest Renan ( 1823-1892 ), du côté allemand, c’est David Friedrich Strauss ( 1808-1874 ).
Strauss a une vision naturaliste des choses. Il dit que c’est évident que les Alsaciens et les Lorrains parlent un dialecte germanique et ils doivent donc appartenir à la nation allemande. Renan est d’accord avec la question du même dialecte mais il dit que cela n’a rien à voir avec l’appartenance nationale. Pour Renan, la nation est le résultat d’une volonté collective de vivre ensemble.
Il s’ensuit un conflit intellectuel sur les critères de la définition du groupement humain : la position de Renan où l’homme est libre de son choix est tout à fait incompatible avec la position naturaliste qui entraîne avec elle une idée de déterminisme : l’individu appartient totalement à son groupe, il est prisonnier de sa langue et quoi qu’il fasse il ne peut rien y changer.

Dans la Conférence faite à la Sorbonne, le 11 mars 1882, Renan se bat contre l’équation : langue = race = nation = Etat. Il fait appel à un contre-modèle – l’universalisme. Selon lui, l’existence d’une nation est un plébiscite de tous les jours, tout comme l’existence de l’individu est une affirmation perpétuelle de vie. Plus loin dans son discours, il remet en cause le principe du déterminisme par son énonciation: les nations sont quelque chose d’assez nouveau dans l’histoire. Par là, il s’oppose à la thèse romantique qu’on appelle primordialisme : les divisions que nous connaissons ont toujours existé.

En Russie actuelle, il y a une tendance à remettre à l’honneur la thèse déterministe. Pour Lev Gumilev, historien et géographe (fils d’Anna Akhmatova ), la condition naturelle d’un être humain est de vivre dans un «etnos». Selon lui, l’homme ne peut pas appartenir à un etnos qui n’est pas le sien. Cet etnos fonctionne comme un individu : naissance, enfance, adolescence, maturité, vieillesse, mort. La durée moyenne de vie d’un etnos est de 2000 ans. Aujourd’hui, on en parle moins, mais pendant la période de Perestroïka les discussions à ce propos étaient abondantes.




Le texte de Michel Breal ( 1832-1915 ) : Le langage et les nationalités

En général, on peut distinguer deux tendances dans l’histoire de la linguistique : d’un côté, les Romantiques (Herder, Humboldt) qui disent que la langue conditionne notre pensée et qui favorisent le développement du plus de langues possibles. De l’autre côté, les Lumières (Voltaire, Diderot) qui veulent faire disparaître tous les dialectes pour donner place à une langue de «la raison». Cette langue de «la raison» représente la lumière qui fait disparaître «toutes les ténèbres».
Sous certains aspects, les idées romantiques coïncident avec celles des « ultras » ( les « contre-révolutionnaires » ) pour qui la langue est donnée par Dieu.
Breal propose de voir la langue comme une activité de l’esprit qui est tout sauf naturelle. Elle n’est pas un organisme vivant, elle est le résultat de l’action humaine. Le mot-clé chez lui est imitation ; c’est-à-dire l’homme a des habitudes, imite sans arrêt, rien n’est naturel.


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