|
Univ. de Lausanne, Faculté des Lettres Section de langues slaves, Option linguistique Année 2005-2006, Prof. Patrick SERIOT Séminaire de licence (hiver) |
(Hiver 2005-2006, le mercredi de 17 h à 19 h, salle 5093)
La question de la langue dans l'idéologie slavophile // Языковой вопрос в славянофильской идеологии
2е ноября 2000 г. : общее введение
протокол заседания : Yann Walther
La question de la langue dans l’idéologie slavophile
Introduction
- L’opposition entre slavophiles (славянофилы) et occidentalistes (западники) est un problème classique de la culture russe.
- Le but de ce cours est de cerner la position des slavophiles à travers leur conception de la langue.
- Un des traits caractéristiques de la pensée slavophile est l’opposition qu’ils établissent entre : своë / чужое, мы / они, наш / не наш.
- Leur but est d’expliquer que « nous ne sommes pas comme les autres ».
- Deux termes clés pour exprimer cette originalité sont : « самобытность » et « особый путь ».
- Cependant, cette recherche de l’originalité n’est pas sans mener à un paradoxe car elle est calquée sur un modèle étranger, celui du romantisme allemand. (cf. Sonderweg)
- Les slavophiles tentent donc d’être originaux en imitant les autres !
Les précurseurs de la linguistique slavophile
- Contexte historique : le XIXème siècle (cf dossier).
- Les antithèses d’Ivan Kireevskij (cf dossier).
- Dans le système d’antithèses qu’établi Kireevskij entre l’Europe et la Russie, nous reconnaissons des traits typiques de l’opposition revendiquée par les romantiques contre la philosophie des Lumières :
Philosophie des Lumières |
Romantisme |
- Toutes les langues sont des réalisations différentes de la raison unique universelle. |
- Originalité d’une culture et d’une langue (i.e. d’une nation). |
- Idéal de la civilisation (opposée à la sauvagerie). |
- Idéal de la richesse et de la diversité des cultures. |
- Vison mécaniciste de la nature (Descartes) |
- Vision vitaliste (organique) de la nature |
- extérieur |
- intérieur |
- Ainsi, nous comprenons mieux l’origine de termes-clés du mouvement slavophile, tels que : cамодвижение (Selbstbewegung), целеустремлëнность (Zielstrebigkeit), закономерность (Gesetzmäßigkeit).
- Il est à remarquer que, comme les romantiques qui s’opposent à la philosophie des Lumières, les slavophiles, puisque la Russie en tant que nation apparaît après les nations européennes, ont une attitude « réactive ».
- Comme les romantiques (qui rejettent l’imitation des Anciens prônée par le classicisme), les slavophiles rejettent l’idée d’imitation (de l’Europe, prônée par les occidentalistes).
- Les slavophiles sont évidemment très liés au christianisme orthodoxe.
- Influencés par Saint Grégoire Palamas, ils rejettent la distinction entre signe et référé (les orthodoxes hésychastes considèrent en effet que Dieu est présent dans son nom : БГЪ, auquel ils ajoutent un petit chapeau pour en témoigner).
- Influencés par Schelling, ils rejettent la distinction entre sujet et objet de la connaissance. Cela implique que l’on ne peut connaître que soi-même, et par extension qu’un étranger ne peut comprendre la Russie.
Conclusion
- Remarque : les romantiques sont des intellectuels des villes qui s’inventent une image du peuple qu’ils connaissent mal ! Leur attitude en est inévitablement paternaliste…
- Pistes de réflexion : L’angoisse et le besoin d’amour qui caractérisent les slavophiles dans leur relation à leur pays (« Россия матюшка » !) et à « l’autre » ne seraient-ils pas un phénomène psychologique de projection de leur peur de perdre la relation à la mère, de la séparation... ?
- Ou encore une peur d’une atteinte à l’intégrité du corps… ?
Auteurs mentionnés et idées de lecture :
- Aleksandr Blok : культура / цивилизация
- Thomas Mann : Kultur / Zivilisation
- Ferdinand Tönnies (sociologue ; 1870, idée de l’opposition entre « Kultur » (positif) et « Zivilisation » (négatif))
- Descartes (l’homme est un animal-machine)
- Joseph de Maistre : («L’homme ? Je ne connais pas» : Les Soirées de Saint-Pétersbourg, 1821)
- St Grégoire Palamas, théologien de l’Eglise grecque, né à Constantinople (v.1296-1359). Moine au Mont-Athos et archevêque de Thessalonique (1347-1359), il consacra sa vie à la défense de l’hésychasme (école de spiritualité orientale, fondée sur la contemplation et l’invocation réitérée du nom de Jésus). (définitions du Petit Larousse, 1988)
- Schelling
- Benedict Anderson, Imagined Communities
- Dostoïevski, Journal d’un écrivain
Retour à la présentation des cours