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Section de langues slaves, option linguistique // Кафедра славянских языков, лингвистическое направление


Univ. de Lausanne, Faculté des Lettres

Section de langues slaves, Option linguistique

Année 2005-2006,

Prof. Patrick SERIOT

Séminaire de licence (hiver)

(Hiver 2005-2006, le mercredi de 17 h à 19 h, salle 5093)

La question de la langue dans l'idéologie slavophile // Языковой вопрос в славянофильской идеологии


7е декабря 2005 г. : АКСАКОВ Константин: О грамматике вообще, 1831


протокол заседания : Vladislava Reznik

K. Aksakov O grammatike voobšče (1831)

 

1.     Rappel

 

La distinction entre une langue et un dialecte est impossible à faire à partrir de critères linguistioques linguistiques. Bismarck a donné l ameilleure définition, une définitionpurement politique : ‘La langue, c’est un dialecte avec une flotte et une diplomatie’. L’Etat crée un project politique et, en conséquence, crée une langue nationale. La langue est donc la conséquence de l'Etat, et non la cause. Les méthodes pour l’imposer peuvent être très variées, jusqu’à un sabot à porter au cou pour punir l’emploi du patois dans les écoles de la IIIe République en France.

 

2.     Analyse du texte d’Aksakov

 

2.1. Ce texte (1831) se présente comme une polémique avec V. Belinskij, et la critique de sa grammaire. Pour Aksakov, la forme intérieure de la langue est l’élément le plus important de la langue et doit être l'objet de l'étude linguistique. Il faut savoir voir la forme intérieure pour mettre au jour la sémantique unique de chaque langue et, ensuite, pour comprendre la pensée de la nation qui la parle. Chez A. Potebnja, le linguiste russe des années 1860-1870, on trouve la théorie complète de la forme intérieure de la langue.

2.2. Aksakov adhère (sans le citer) au manifeste Humboldtien : langue = pensée. En plus, l’unité de la langue = l’unité du peuple. La nation est unie et unique : si on parle la même langue alors on se comprend nécessairement. Pour Aksakov, c’est un axiome radical, il ne donne pas de preuves, il n’en a pas besoin.

En réalité, c’est une thèse ambivalente et dangereuse qui sert à légitimer des projets politiques. C’est impossible d’établir où finit l’inter-compréhension, où finit une langue et commence l’autre (ou dialecte). L'intercompréhension n’est pas quantifiable. C’est un problème, là encore, de discours politique et non linguistique, par example, pour voir le russe, l’ukranien, et le biélorusse comme une seule langue ou trois langues différentes. Mais pour Aksakov, c’est tout clair. C’est l’unique nation russe parce qu’on se comprend. La langue, selon lui, est le premier degré de narodnost’. L’utilisation de ce terme suit la tradition philosophique allemande (Volkstum).

2.3. Le texte d’Aksakov repose sur des dichotomies massivement répétées. L’argument se développe autour des métaphores de la vie et l’organisme vivant, et s’appuie sur les oppositions radicales suivantes :

(+) (—)

intérieur           VS       extérieur

organique        VS       mechanique

totalité              VS       partie

dynamique       VS       statique

vie                   VS       mort

 

2.4. Il est possible d’établir trois bases ideologiques principales de la philosophie d’Aksakov :

La logique hégelienne : (la triade dialectique: thèse, antithèse, synthèse).

Le Vitalisme (un aspect du romantisme) : la vie est auto-explicative, il faut observer la nature pour voir ses lois et liens internes. Samodviženie (=Selbsbewegung). Dans la langue, comme dans la vie, tout est lié à tout. Les mots-clef : svjaz’, uvjazka.

Le Romantisme : langue = l’esprit du peuple, дух народа // Volksgeist (Humboldt, Herder).

 

Nous arrivons à deux conclusions : Aksakov est un romantique. Il parle contre l’universalisme des Lumières, contre la grammaire universelle de Port-Royal (l’idée de l’ordre universel qui s’exprime dans les diverses langues est toujours populaire aujourd’hui avec la ‘Generative Grammar’ de Noam Chomsky). Il insiste sur l’individualité et la singularité absolue de chaque langue, et surtout, de la langue russe. On ne peut connaître que soi-même. Mais la relativité d’Aksakov est dans ce cas elle-même relative, parce que, en parlant de la clôture de chaque langue, il fait en même temps une comparaison entre les langues et arrive à affirmer la supériorité de la langue russe, grace à sa nature vivante, dynamique et organique. Pour Aksakov, le russe a la capacité de la connaisance metaphorique, comme l’art, ce qui le rend supérieur.

Mais le paradoxe est qu’Aksakov essaye de montrer la singularité de la langue russe, en utilisant la philosophie allemande et l’appareil intellectuel allemand.

 

2.5. La critique de la grammaire de Belinskij se base sur l’argument qu’il faut chercher la forme intérieure de la langue pour la décrire et comprendre. Belinskij a essayé de définir le nom, le verbe et les autres catégories morphologiques par leur fonction et position dans la proposition, e.g. le sujet ou le prédicat. C’est une erreur. D'après Aksakov, Belinskij a confondu la morphologie et la syntaxe. Aksakov veut partir de la forme intérieure, propre, de la langue, pas de la logique de la proposition. Le type morphologique du mot ne dépend pas de sa fonction syntaxiqaue, mais de ses qualités propres intérieures.

Il y a beaucoup des idées originales dans ce texte d’Aksakov, mais il sont encore bruts, en train de se formuler. En fait, il utilise beaucoup des notions de ses adversaires, telle que l'idée de polnaja mysl’, la pensée complète (présente chez les grammairiens classiques), mais il cherche à renverser ces idées. 

 

   

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