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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) // Université de Lausanne


Séminaire de 3e cycle

-- Mardi 13 décembre 2005 Mohsen SAKHRI (CNRS - Nancy / Post-doc Lausanne) :


Q
u’est-ce qu’une science : la controverse épistémo-philosophique.

 

Toute définition est une instauration de frontières  et c’est pour cette raison que l’enjeu de comprendre l’identité passe souvent par un processus de comparaison. Jusqu'à la fin du 19e siècle, la  science est définie comme un ensemble de connaissances ayant un degré suffisant d’unité et susceptible d’amener les hommes qui s’y consacrent à des conclusions concordantes, dès lors,  la science n’est plus une connaissance ou un savoir mais elle est précisément « toute la connaissance » ou « tout le savoir ». Cette vision « totalitaire » de la science alimentée par une philosophie dite  universelle, se confrontera avec l’essor de la « micro-science » ou la « science des particules » à une crise de fondements.

La crise de fondements entamée dans la deuxième moitié du 19e siècle ne touche pas seulement la conception de  l’espace géométrique ou les fondements des mathématiques, mais elle atteint un degré plus grave qui ébranlera toutes les anciennes convictions. La science devient « un simple » domaine de recherche, une méthode pour guider l’esprit ou juste un langage cohérent ; Paul Appel résume bien ce nouvel acheminement en écrivant dans la Revue du mois, août 1906 ce qui suit : « Qu’est-ce qu’un savant ? c’est, pense-t-on souvent, un homme qui sait : idée fausse …un vrai savant doit joindre au savoir l’esprit de recherche, une curiosité toujours en éveil, une patience inlassable et une imagination créant des rapprochements imprévus ».[1] La science cesse d’être  « une connaissance certaine et évidente », elle instaure sa coupure avec l’évidence absolue cartésienne.

La leçon épistémologique qui s’imposera avec cette nouvelle identité de la science impliquera le changement de « l’objet scientifique », le savant ne s’intéresse plus au sujet macroscopique, il n’étudie plus la nature mais les faits, la science se transforme comme disait Bachelard dans La formation de l’esprit scientifique[2] en une connaissance qui vise la construction des faits.

La vérité qui a dominé toute l’histoire de la connaissance se trouve aujourd’hui obligée de céder sa place à des nouvelles conceptions, à vrai dire la vérité scientifique se transforme en une simple solution, une proposition ou une hypothèse comme disait Poincaré. La science selon Karl Popper n’est qu’une méthode consistant à confronter des solutions à l’essai, puis d’éliminer les fausses solutions, bref, on essaie et on élimine une solution l'une après l’autre.

Voir dans la science un ensemble d’hypothèses mettra fin à l’épistémologie de l’évidence et installera une nouvelle épistémologie ouverte historique qui obéit aux coupures épistémologiques.

Le nouveau portrait de la science actuelle se présente comme une « simple » façon de voir, de comprendre et d’interpréter, la science est devenue un guide sur les faits et un « instrument » qui garantit la validité d’une théorie. Ce nouveau statut de la science forme un argument pour ceux qui veulent la  réduire à un langage qui sert à « économiser » les faits.



[1] p.p, 129-130.

[2] « Celui qui crie voilà un fait, me prend pour un esclave », Bachelard, La formation de l’esprit scientifique, p41.



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