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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы


Séminaire de 3e cycle

-- Mardi 31 janvier 2006 Tatjana ZARUBINA (Lausanne) :

Pourquoi la philosophie de Deleuze et Guattari est-elle incompréhensible en Russie ?

 

Le point de départ de ce questionnement était la difficulté de traduire en philosophie. Les textes philosophiques français de la deuxième moitié du XXe siècle, traduits en russe, présentaient un grand problème pour leur interprétation et compréhension en Russie.

 

Linguiste-romaniste de formation, j’ai essayé de répondre à ces questions dans le cadre de la linguistique contrastive. La question posée de cette manière présupposait que la cause des difficultés est inscrite dans la différence des langues et des cultures. Ce qui a pour conséquence l’affirmation de l’existence de types culturels clos et autonomes. Mais comment dans ce cas expliquer la multiplicité des interprétations et l’incompréhension dans le cadre d’un même « type » culturel et d’une même langue ?

 

Mise dans cette impasse, j’ai décidé d’aller chercher des réponses dans le domaine de la philosophie même et de l’épistémologie. Cette décision m’a fait découvrir tout un phénomène de non-perception, voire de refus systématique des philosophes français dits postmodernes en Russie. Cette optique m’a permis de voir que la philosophie en Russie est centrée sur l’ontologisme alors que la philosophie en France s’intéresse plutôt de l’épistémologie (terme qui ne correspond pas à эпистемология en Russie).

 

Cette non-coïncidence des intérêts philosophiques a aboutit à la recherche des causes de l’incompréhension et de la difficulté de réception de la philosophie de Deleuze et Guattari à travers le prisme de l’histoire des idées et de l’épistémologie comparée. En présence de deux centres d’intérêt différents (ontologie et épistémologie), il semble logique de rechercher les causes dans ces deux domaines.

 

Du côté ontologique, la grande majorité des philosophes en Russie n’acceptent pas la philosophie postmoderne de Deleuze et Guattari, qui propose une nouvelle ontologie. C’est une ontologie non-linéaire réfutant la hiérarchie, l’arborescence et la notion même de structure. L’ontologie de Deleuze et Guattari nie la possibilité même de l’existence du début et des origines, surtout au sens de Platon. Le modèle ontologique postmoderne exclut le sujet en tant que tel (la mort du sujet et de l’auteur). Cette ontologie ne peut pas être admise par des philosophes en Russie, car elle rompt tous les liens de rationalité (classique) et de subjectivité, mettant en question l’idée de totalité. Le modèle ontologique de la philosophie de Deleuze et Guattari est construit sur les multiplicités, la pluralité méthodologique et la possibilité d’existence de plusieurs paradigmes. En d’autres termes, on voit il s’agit d’une épistémologie incompatible avec « целостная теория познания ».

 

L’épistémologie postmoderne repose sur le principe de P. Feyerabend « anything goes ». Ce principe sous-entend l’impossibilité du monisme et de l’universalisation. Dans ce cas, l’épistémologie postmoderne ne correspond pas au principe de « целостный челoвек познающий – целостная философия познания » professé par l’épistémologie en Russie. La spécificité ontologico-épistémologique de la philosophie de Deleuze et Guattari (surtout dans la constellation des questions du sujet) est une des causes principales du refus de la philosophie postmoderne en Russie.

 

On voit qu’à ces deux nivaux mentionnés (ontologique et épistémologique) on retourne toujours à la problématique du sujet ce qui fait de cette problématioque le nœud de notre recherche des causes de l’incompréhension de la philosophie de Deleuze et Guattari en Russie


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