Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы
-- François DACHET (psychanalyste, Paris)
Vološinov, critique de Freud?
En poursuivant mes lectures, je m'aperçois que, hormis quelques réticences sur la sexualité en particulier enfantine, réticences socialement très largement partagées, Vološinov a vraiment très bien compris Freud. Pour résumer, son problème est, ou semble être, de ne pas voir qu'il s'agit de langage partout où il critique les fondements de la théorie freudienne. Cela peut sembler un peu étonnant, voire un peu suspect, de sa part s'entend.
J'ai deux conjectures, qui ne sont d'ailleurs pas exclusives.
a/ Soit la traduction de G.Verret induit cet effet : si elle date vraiment de 1980, Verret ne pouvait pas ne pas connaître Lacan et, en pour ou en contre, il s'est positionné pas rapport à ce qu'il en savait pour traduire. Par exemple : est-ce que l'usage du mot français
"métaphore" entre la p.30 et 70 de "Essai sur le freudisme" correspond bien à ce que Vološinov veut dire à chaque fois ?
b/ Je ne connais pas dans le détail l'histoire des rapports de Vološinov avec la censure soviétique. Mais il me vient une autre hypothèse, osée, un peu une rêverie de ma part, mais je la sors quand même naïvement parce qu'il ne s'agirait que de savoir quels effets de lecture plus larges elle produit. "Essai sur le freudisme", qui est une présentation formidablement intelligente et pénétrante du texte freudien serait justement une façon de le présenter sous couleur de le critiquer.
Peut-être la seule façon de présenter Freud correctement (sans dire des balivernes) dont Vološinov disposait à l'époque. En tous cas, un rêve utiliserait ce moyen là - avec d'autres - pour contourner la censure.
C'est le paragraphe du haut de la page 69 (ed. l'âge d'homme) qui m'a suggéré cette idée. L'ensemble du texte qui précède ce passage pourrait être réarticulé en partant de lui, et Freud trouverait ensuite sa place à peu près bien (modulo les négations bien sûr) dans le raisonnement de Vološinov. Car le paragraphe du haut de la page 69 par contre, c'est bien une critique du dogmatisme, non? "Evidemment non, le marxisme n'a jamais rien affirmé de tel...".