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Section de langues slaves, option linguistique // Кафедра славянских языков, лингвистическое направление


Univ. de Lausanne, Faculté des Lettres

Section de langues slaves, Option linguistique

Année 2006-2007,

Prof. Patrick SERIOT

Séminaire de licence / Bachelor-3

(automne 2007, le mardi de 15 h à 17 h, salle 5093)

Языковое строительство в СССР, 1917-1933. Теории и действительность. / L’édification linguistique en URSS : l’imaginaire et le choc du réel

Prof. Patrick Sériot, avec la participation d’Elena Simonato, Ekaterina Velmezova, et Tatjana Zarubina

6 novembre 2007 : Языковое строительство : Е. Поливанов и создание литературных языков в Средней Азии

 

Compte-rendu : Natacha Bloesch

 

Evgenij Dmitrievitch Polivanov (1891-1938) est un linguiste russe. Polyglotte, il parlait, oure le russe, le japonais et l’ouzbek. Il a étudié à Saint-Pétersbourg où il a été l’élève de Baudouin de Courtenay (1845-1929), un linguiste d'origine polonaise.

Polivanov devient professeur à Leningrad en 1919. Mais il entre en conflit avec Nicolas Marr qui propose sa «Nouvelle théorie du langage». Polivanov perd alors son poste de professeur et part en Asie centrale où il travaille entre 1926 et 1938 comme linguiste.

La théorie marriste, qui présente le langage comme une superstructure, une composante de la société évoluant et changeant selon la base économique de la société, va s’imposer comme la seule véritable linguistique marxiste. Les recherches de linguistique traditionnelles sont alors interdites et les linguistes non-marristes déportés ou exécutés. Polivanov, accusé d’espionnage au profit du Japon, est arrêté en mars 1937 et fusillé en 1938. Il est réhabilité en 1965.

Polivanov était un spécialiste des langues turkes. Il a contribué à la fabrication des frontières des cinq pays de l’Asie Centrale: le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Kurdistan et le Turkménistan. A l’époque, la répartition des territoires ne correspondait pas aux répartitions linguistiques. Or, pour Staline, une nation doit remplir quatre critères : communauté de langue, de territoire, de vie économique et de «vie psychique». C’est pourquoi, le régime bolchevique s’est employé à fractionner en «nations» ce qui était autrefois appelé le Turkestan.

Polivanov s’est intéressé à la description des différents dialectes pour permettre une répartition des territoires selon des frontières dialectales. Mais au final, les frontières sont surtout le résultat de négociations et de différentes pressions.

Polivanov a écrit de nombreux ouvrages sur l’ouzbek qui est passé par trois alphabets différents :

1828-1940 : alphabet latinisé

1940-1992 : alphabet cyrillique

depuis 1992 :  nouvel alphabet latinisé

En 1926, Polivanov assiste au premier congrès turkologique, où l’on décide de choisir une langue comprise et parlée pour chacune des républiques turkes. Il existait alors quatre langues littéraires en Asie centrale : l’arabe, le turc, le persan et le tchaghataï.

Polivanov se demande quel dialecte ou langue écrite il faut choisir comme base de l’ouzbek. Il publie en 1933 un ouvrage sur la dialectologie de l’ouzbek où il distingue trois grands dialectes : le dialecte du Sud-Est (dialecte de Samarkand et de Tachkent), le dialecte du Sud-Ouest et le dialecte du Nord-Ouest. Il classe ensuite ces dialectes selon leur degré d’iranisation : le dialecte du Sud-Est est le plus iranisé alors que celui du Nord-Ouest est le moins iranisé. Pour Polivanov, les dialectes les plus iranisés sont les moins turks.

L’intelligentsia locale promeut le tchaghataï car c’est une langue de prestige qui leur permet de se démarquer du peuple. De plus pour ces intellectuels, le tchaghataï est une langue «pure» ayant conservé l’harmonie vocalique (harmonie de timbre des voyelles. Si le lexème a une voyelle d’avant, tout le reste aura une voyelle d’avant).

Polivanov, qui propose une «socio-linguistique», va détruire le mythe du tchaghataï. Il montre par le lexique que le tchaghataï est proche des dialectes de Samarkand et de Tachkent et qu’il n’est donc pas pur puisqu’il fait partie des dialectes les moins turks et les plus iranisés.

Polivanov pense qu’il faut prendre le dialecte d’une grande ville comme base d’une langue littéraire. Pour élaborer l’alphabet ouzbek, il propose de se baser sur le dialecte de Tachkent, la nouvelle capitale.

« Революция и литературные языки Союза ССР »

Dans ce texte de 1927, Polivanov se demande si la révolution a une influence directe sur la langue.

Vers 1927, on assiste à un débat autour de la question de l’influence de la révolution sur la langue. Pour certains extrémistes, tout a changé dans la langue russe. Pour les autres, les prolétaires et les bourgeois ont une même langue, et il n’est pas possible que la phonétique, la morphologie changent aussi rapidement après la révolution. Par contre le lexique, au sens de nomination de concepts, change plus vite. Polivanov pense lui aussi que la langue se développe sur des générations, la langue apprise dans l’enfance peut difficilement changer.

Pour Polivanov, le substrat social qui fait la langue «littéraire» (au sens de «normative») change. Auparavant, seule l’intelligentsia connaissait la langue littéraire, mais désormais les prolétaires apportent de nouveaux éléments dans cette langue. Polivanov pense qu’il faut une situation révolutionnaire pour qu’il y ait des changements dans la langue. Mais sur ce point il exagère, car la langue change constamment.

D’autre part, il pense qu’il est impossible d’avoir une culture nationale sans écriture. C’est pourquoi il faut liquider l’analphabétisme (politique du «ликбез»).


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