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Section de langues slaves, option linguistique // Кафедра славянских языков, лингвистическое направление


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Univ. de Lausanne, Faculté des Lettres

Section de langues slaves, Option linguistique

année 2007-2008,

Prof. Patrick SERIOT / Alexander SCHWARZ

Séminaire de Master / Bachelor-3

(printemps 2008, le mardi de 15 h à 17 h, salle 5093)

Linguistique nazie / linguistique stalinienne

22 avril 2008 Vision du monde et Muttersprache : la linguistique russe post-soviétique relit la linguistique allemande des années 1930

 compte-rendu de Natacha Bloesch

 

            -    Weltbild der Sprache (« языковая картина мира »)

Pour expliquer cette notion, il faut remonter à Humboldt (1767-1835) qui pensait que la langue était l'organe qui formait la pensée. Selon lui, la langue permet d'exprimer et de former l'âme nationale dans ce qu'elle a de plus spécifique et elle manifeste la vision du monde propre à la communauté nationale.

Dans les années 1920-1940, le «néo-humboldtianisme», un courant philosophique et linguistique, reprend la thèse de Humboldt selon laquelle chaque langue a non seulement sa propre structure mais aussi sa propre image du monde. Chaque peuple a donc une façon différente de penser et de percevoir le monde.

            -    « языковая картина мира »  en Russie post-soviétique

En Russie, les recherches sur cette notion de « языковая картина мира » sont très répandues. On peut prendre comme exemple deux articles écrit dans les années 90. Le premier article, qui a été écrit par Ljudmila Vasil’evna Savel’eva, est tiré du livre « Язык и этнический менталитет» («La langue et la mentalité ethnique»), tandis que le deuxième provient du livre «Русская языковая модель мира» («Le modèle du monde à travers la langue russe») et a été rédigé par Aleksej Dmitrievič Šmelev.

Après la dissolution de l'Union soviétique, on assiste à l'apparition de nouveaux mots, concepts qui sont le plus souvent d'origine anglo-américaine et qui s'insèrent dans le lexique russe (ex: бизнесмены – businessmen, френд – friend). Selon Savel'eva et Šmelev, ces mots brisent la pureté de la langue nationale. De plus, ils ne s'adaptent pas complètement aux spécifités de la langue nationale, à sa tradition culturelle et historique. L'utilisation de mots étrangers entrainerait une altération de la conception du monde propre au russe et la perte de certaines valeurs morales. Par exemple, le mot «супруги» (les époux) qui signifie étymologiquement «être lié», comporte une idée d'union spirituelle avec Dieu, de lien indissoluble entre deux âmes. Mais on utilise de plus en plus souvent un nouveau terme comme synonyme de «супруги»: «брачные партнеры» (littéralement «partenaires nuptiaux»). Le deuxième mot est un calque de l'anglais «partner». Cette nouvelle expression implanterait donc un autre système de valeur, une autre perception des relations familiales, car il ne s'agit plus d'une union indissoluble.

            -    Intervention de Mme Velmezova

Šmelev faisait partie de l'école sémantique de Moscou fondée dans les années 1960-1970 par Juri Derenikovič Apresjan. Savel'eva s'est d'abord intéressée aux langues indiennes et par la suitte elle a aussi étudié la sémantique. En lisant ces deux articles article, on peut  souligner plusieurs points importants:

1.     La langue est liée à la pensée

2.     Cadre chronologie: les exemples discutés sont tirés des livres des grands écrivains russes (Pouchkine, Lermontov mais aussi des écrivains contemporains comme Marinina, etc.)

3.     Sevel'evna utilise l'expression «histoire millénaire des mots russes». On peut donc remarquer que selon elle l'histoire de la Russie commence avec la christianisation. Elle pense que le russe n'a depuis lors presque pas changé.

4.     Culture: la culture est représentée comme un cercle fermé

5.     Les deux auteurs trichent: ils utilisent toujours les exemples qui confirment leurs théories.

6.     Méthodologie:

a.    Introspection: le chercheur doit s'appuyer sur son intuition. Il va donc décrire sa propre langue

b.    Description : métalangue

c.    Connotations matérielles : méthode proposée par un mathématicien russe, Vladimir Andreevič Uspenski (1930-1982) : pour étudier la vision du monde d’une langue, il faut s’intéresser à la sémantique des mots abstraits car ils possèdent des connotations, des composantes émotionnelles qui permettent de retrouver leur vraie signification.

On peut par exemple étudier la sémantique du mot russe « душа» qui signifie «l'âme»

                                          ·       Où se trouve l'âme?

Еле-еле душа в теле (son âme est à peine dans son corps)

L'âme se trouve donc à quelque part dans le corps

У него душа не на месте (son âme n'est pas à sa place habituelle)

L'âme a donc une place précise

У него душа в пятки ушла (son âme est descendue dans les talons)

L'âme se trouve quelque part au dessus des jambes

                                          ·       Comment?

В душу плюнуть (cracher dans l'âme)

L'âme est un récipient, un vase

В глубине души (dans les profondeurs de l'âme)

L'âme est quelque chose de profond

На душе накипело

L'âme contient un liquide

                                          ·       On peut ainsi en déduire que pour les russophones l'âme se trouve dans le corps, quelque part au dessus des jambes, et représente une sorte de vase profond et rempli de liquide.

d.    Epoque: pourquoi est-ce que l'étude de la vision du monde est-elle à la mode? La fin de l'Union soviétique entraîne la chute des frontières et donc la perte de repères. On reconstruit des frontières en prenant la langue russe pour définir un territoire.

e.    Références: On se base sur les théories de Humboldt. Mais on lui attribue aussi des choses qu'il n'a jamais dites.

 

 

 

 

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