Iva Novakova
Maître de conférences à l’Université Stendhal, Grenoble 3
Laboratoire LIDILEM
Si la linguistique contrastive a été longtemps associée à la linguistique appliquée ( l’enseignement des langues étrangères et la traductologie), elle s’affirme de plus en plus comme une discipline de la linguistique dont l’objectif est de contribuer, en comparant deux ou plusieurs langues, à un meilleur éclairage théorique des faits de langue étudiés. Son objectif consiste surtout à dégager « les procédés qu’ont à leur disposition les langues A et B pour structurer et exprimer un domaine notionnel donné » (Creissels, 1974). Elle permet également de faire apparaître des particularités propres à chacune des langues considérées qui ne ressortiraient pas nécessairement d’une analyse unilingue (Celle, 2006).
Dans un premier temps, je donnerai quelques précisions terminologiques concernant la grammaire comparée, la linguistique contrastive, la linguistique générale et la typologie des langues afin de mieux cerner le champ de la linguistique contrastive. J’essaierai ensuite de répondre aux questions suivantes : quelles sont les approches théoriques applicables en linguistique contrastive (approches formelles vs approches fonctionnelles, Graffi 2001) et quels sont les écueils à éviter dans la comparaison de deux ou plusieurs langues? Seront aussi brièvement évoqués les débats actuels sur la méthodologie des corpus à utiliser en linguistique contrastive (corpus comparables vs corpus parallèles (de traduction) (cf. A. Celle 2006, G. Williams (dir) 2005).
Dans un deuxième temps, j’illustrerai mes réflexions sur les enjeux de l’analyse contrastive par un exemple concret, celui des constructions causatives en français et en bulgare. Le français dispose, entre autres, d’un mécanisme causatif qui forme un prédicat complexe (le factitif faire+Vinf) et dont la fréquence est très élevée. Le bulgare, à l’instar des autres langues slaves, n’a pas de factitif et fait appel à d’autres moyens (morphologiques, lexicaux ou constructions syntaxiques moins grammaticalisées qu’en français) pour exprimer la causativité. J’essaierai de démontrer que l’analyse contrastive constitue un filtre d’éclairage efficace du phénomène étudié et peut remettre en question certains aspects du principe d’iconicité (Givòn, 1991), de l’Hypothèse inaccusative (Levin & Rappaport, 1995) ou de la corrélation entre langues analytiques et moyens analytiques (moins compacts) d’expression de la causativité et, inversement, entre langues synthétiques et moyens lexicaux causatifs plus compacts (Shibatani, 1976, Gawelko, 2006).
Bibliographie sélective :
Celle A. (2006) Temps et modalité. L'anglais, le français et l'allemand en contraste Peter Lang.
Creissels D . « A propos d’un projet de linguistique contrastive » in Cahiers de linguistique slave, Grenoble, Vol. 1, p. 17-49
Gawelko (2006) « Remarques sur les constructions causatives du type faire+infiniif dans les langues romanes et quelques autres in Acta Linguistica Hungarica , Vol. 53(2), pp. 117-138
Givòn, 1991: "Serial verbs and the mental reality of ‘event’ : Grammatical vs. cognitive packaging" ", in : Traugott/ Heine (1991) (eds), 81-128
Graffi G (2001), 200 years of syntax. A critical survey. John Benjamins Publishing
Levin B. & Rappaport Hovav M., 1995, Unaccusativity. At the Syntax-Lexical Semantics Interface, MIT Press.
Shibatani, M.(Ed.) (1976). The Grammar of Causative Constructions. (Syntax and Semantics, 6). New Academic Press.
Williams G. (dir) 2005 La Linguistique de corpus Presses universitaires de Rennes.