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Section de langues slaves, option linguistique // Кафедра славянских языков, лингвистическое направление


Univ. de Lausanne, Faculté des Lettres

Section de langues slaves, Option linguistique

Année 2008-2009,

Prof. Patrick SERIOT

Séminaire de licence / Bachelor-3

(automne 2008, le mardi de 15 h à 17 h, salle 5093)

La langue et les spéculations sur l'identité collective dans la linguistique en pays slaves

Prof. Patrick Sériot, avec la participation d’Elena Simonato, Ekaterina Velmezova, Sébastien Moret et Tatjana Zarubina

 

 

7 octobre 2008 : Ruthène ou ukrainien?

compte-rendu par Layla Clément

Le cours propose d’examiner la question des Ruthènes. Qui sont-ils ? Quelle est leur histoire,  leur langue ?

Les Ruthènes sont un peuple qui habite une région située proche des Carpates et de Lvov en Ukraine actuelle. Cette région se situe dans le « triangle inconnu », une zone qui s’étire de la mer Baltique à la mer Noire, de la mer Noire à la mer Adriatique et de la mer Adriatique à la mer Noire. Cette région que l’on peut aussi appeler l’Europe du centre-est (центрально-восточная Европа) est très importante pour l’histoire de l’Europe et de la Russie mais est cependant très peu étudiée. Pour comprendre la problématique liée à ce peuple il faut faire un retour sur l’histoire car les frontières de cette région ont énormément changé au fil du temps et des différentes guerres qui ont secoué l’Europe.

En effet, avant la première guerre mondiale, l’Europe était fondée sur le principe des souverainetés suite au Traité de Vienne (1815). À cette époque, les Ruthènes se situent dans l’empire d’Autriche-Hongrie. Après la première guerre mondiale et le Traité de Versailles, l’Autriche-Hongrie se divise et perd beaucoup de territoire. C’est désormais la célèbre phrase du président américain Wilson, « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » qui prévaut. De nouveaux pays émergent parmi lesquels on peut nommer la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Roumanie ou encore le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Les Ruthènes se retrouvent donc partagés sur différents territoires, en Ukraine soviétique, en Roumanie, en Autriche et en Tchécoslovaquie. Après la deuxième guerre mondiale, les Ruthènes se retrouvent essentiellement en Union soviétique et suite à la chute du Mur de Berlin, ils se retrouvent en Ukraine.

 

La question de la langue

 

L’idée de la revendication par la langue n’est pas nouvelle. On l’a retrouve déjà à l’époque romaine où les Romains légitiment le latin face au grec. C’est l’idée que l’usage du latin n’est pas inférieur au grec. Cette langue est donc légitime et on peut la normer. On retrouve également cette idée chez Dante par rapport à la valorisation du toscan. Cela rejoint la conception romantique qui dit qu’une langue équivaut à une nation. C’est la justification de l’existence d’un Etat par des arguments linguistiques.

Dans le cas des Ruthènes, il y a eu quatre orientations politique/linguistique : ukrainophile, russophile, rusynophile, et ruthènophile. La première souhaite un rapprochement avec l’Ukraine, la deuxième avec le russe qui est considéré comme une langue littéraire de haut niveau. Les deux dernières  par contre souhaitent la mise valeur d’un dialecte ruthène. À l’époque de l’empire d’Autriche-Hongrie c’est la dernière solution qui va être privilégiée pour éviter un rapprochement identitaire avec une autre nation, les Ukrainiens (ou «Petits-Russiens») de l'Empire russe,voisin et ennemi.

Peut-on alors considérer que le ruthène est une langue ? Les Slovaques reconnaissent l’existence des Ruthènes à l’inverse des Ukrainiens qui eux les considèrent comme des Ukrainiens. Le nom n’est donc pas une preuve ! Ce n’est pas la dénomination d’une chose qui fait qu’elle existe et est reconnue. Le ruthène peut être considéré comme une langue ou comme un dialecte suivant le statut qu’on lui donne. Soit le ruthène est un dialecte de l’ukrainien et il fait partie du tout, soit le ruthène est une langue et dans ce cas c’est un autre tout. C’est ce qui explique la difficulté rencontrée lorsque l’on essaye de comptabiliser les langues slaves. C’est donc le nom qui fait la langue et pas la langue qui fait le nom. Seul l’artificiel (comme les poteaux de frontière) est réel, le naturel n’est que fantasme. 


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