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Section de langues slaves, option linguistique // Кафедра славянских языков, лингвистическое направление


Univ. de Lausanne, Faculté des Lettres

Section de langues slaves, Option linguistique

Année 2008-2009,

Prof. Patrick SERIOT

Séminaire de licence / Bachelor-3

Printemps 2009, le mardi de 15 h à 17 h, salle 5093
Весенний семестр 2000 г., по вторникам с 15. до 17., ауд. 5093

La personne et l'impersonnel : la philosophie du langage et la linguistique slave
Личность и безличные предложения : философия языка и славянское языкознание

Prof. Patrick Sériot, avec la participation de Tatjana Zarubina

 

 — 17 février 2009 / 17-е февраля 2009 г.

Introduction : les discussions autour de l'impersonnel en linguistique : science, idéologie et pouvoir politique / Введение : дискуссии вокруг безличных конструкций в языкознании : наука, идеология и политическая власть

Compte-rendu par Layla Clément

Compte-rendu de la séance du 17 février 2009

 Dans la philosophie platonicienne classique, une proposition est constituée de deux éléments un sujet et un prédicat. Le sujet est ce dont on parle et le prédicat ce qu’on en dit. Platon n’était pas intéressé par la grammaire mais par la recherche de la vérité. Pour lui, un jugement vrai, complet se constitue donc d’un sujet et d’un prédicat. Un jugement serait donc une phrase comme : le cheval court (le cheval étant le sujet et court le prédicat).

Selon Platon, seuls les dieux ont accès à l’essence même des choses. Ils ont accès aux choses pleinement, ils peuvent contempler la « chevalitude ». Pour les hommes, le cheval seul n’est rien. Il faut qu’il ait un prédicat pour que le jugement soit considéré comme vrai. Les humains peuvent connaître les essences seulement grâce à leurs accidents (dans cet exemple le fait que le cheval court).

Les phrases impersonnelles, très répandues dans les langues slaves, bouleversent la vision platonicienne. Comment peut-on appréhender des phrases sans sujet? Ce problème était déjà bien connu au Moyen-Âge, puisque le latin connaît aussi les structures impersonnelles :

Ex : Me paenitet erroribus meis (je me repends de mes erreurs).

Pour analyser cette phrase il y a deux solutions : Soit on part du principe que Me est un sujet à l’accusatif mais cela pose le problème de la place du nominatif, soit on part du principe que Me est fonction d’objet et le sujet est donc absent. Dans les deux cas, la philosophie platonicienne est ébranlée.

Le monde scientifique et idéologique a plusieurs moyens d’appréhender la langue. Sans faire de généralités, il y a des variantes locales. L’idéologie marxiste par exemple avait des demandes précises envers les théories scientifiques. Elle oppose l’idéalisme (bourgeois) au matérialisme (socialiste). C’est dans L’idéologie allemande en 1845 que Marx et Engels mentionnent que « la langue est la réalité immédiate de la pensée ». En linguistique, cela se traduit par l’idée que le lien entre la langue et la pensée est indissoluble. L'idéologie soviétique officielle à l'époque de la domination du marrisme en linguistique (années 1930-40) affirmait que
1) le stade d'évolution socio-économique d'une société suscite une pensée qui se matérialise dans une langue;
2) la forme et le contenu sont «indissolublement liés».

À l’inverse, la pensée idéaliste développe la notion d’autonomie de la langue et le rapport arbitraire entre le signifiant et le signifié. À titre d’exemple, entre le mot vache et le mot vacher, le rapport est clair mais entre le mot mouton et le mot berger, il n'y a aucune motivation.

Dans l’idéologie soviétique, on pensait que la pensée évoluait en même temps que la société. C’est l’idée que chaque société doit passer par des étapes d’évolution. Engels parlait de ces étapes (sauvagerie, barbarie, féodalise, capitalisme, socialisme, communisme) par rapport au monde politique mais la linguistique doit aussi rentrer dans ce mode de pensée. À ce titre, on peut se demander si les phrases impersonnelles font partie d’une pensée primitive ou si elles sont le signe d’un progrès de celle-ci ? C’est ce que beaucoup d’auteurs se sont demandé et leurs différentes théories vont être présentées dans ce cours.

 A) les phrases impersonnelles sont un progrès de la pensée :

A.M. Peškovskij, 1928 :

Ex : Его громом убило

Peškovskij considère que ce type de construction «à sujet effacé» est un progrès de la pensée, parce que l'homme comprend que la cause véritable est inconnue, plutôt que d'imaginer des forces divines mystérieuses.

B) les phrases impersonnelles sont un vestige d'une pensée archaïque :

E, Koneczna (1958) :

zdaje mi sie˛ → sa˛dze˛

(ru : мне думается → я думаю)

 Pour Koneczna, la «langue conceptuelle» tend à se répandre, en parallèle avec «une plus grande maîtrise de l’homme contemporain sur la vie» : disparition progressive des phrases impersonnelles.

 

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