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Section de langues slaves, option linguistique // Кафедра славянских языков, лингвистическое направление


Univ. de Lausanne, Faculté des Lettres

Section de langues slaves, Option linguistique

Année 2009-2010,

Prof. Patrick SERIOT

Séminaire de licence / Bachelor-3 / Master

(automne 2009, le mardi de 15 h à 17 h, salle 5093)

Московско-тартуская семиотическая школа

Prof. Patrick Sériot, avec la participation de Ekaterina Velmezova et Tatjana Zarubina

 

27-е октября 2009 г.

Конспект лекции Jean-Baptiste Blanc

 Ю.М. ЛОТМАН, Б.А. УСПЕНСКИЙ : «О семиотическом механизме культуры», Труды по знаковым системам, Т. 5, 1971, С. 144-166

Lors de cette séance, on s’est intéressé à la conception de la culture dans la pensée de Jurij Lotman et de l’Ecole sémiotique de Tartu-Moscou telle qu’elle apparaît, plus ou moins clairement définie, dans les deux premiers paragraphes du texte « Sur le mécanisme sémiotique de la culture » de Jurij Lotman et Boris Uspenskij.

 En préambule de l’analyse du texte, on a pointé la multiplicité des conceptions de la culture. Se pose en particulier la question de l’universalité. Soit l’on considère la culture universelle, et on la définit dans l’opposition à la nature, soit l’on adopte une position relativiste en affirmant la spécificité des cultures, et on définit ces dernières dans leur opposition aux autres. Par voie de conséquence directe, dans le premier cas on parlera toujours de « la culture » au singulier, alors que dans le second cas le mot « culture » sera souvent exprimé au pluriel. Cette opposition naît de la situation politique dans deux grands Etats européens à la fin du XVIIIe siècle. Au moment où en France, à la suite de la Révolution française, est établi un régime jacobin basé sur l’universalité de la raison humaine, dans le monde germanique, l’absence d’unité politique des territoires germanophones amène les intellectuels à définir une culture allemande spécifique, par définition non universelle. Ainsi, en généralisant, on peut distinguer une conception française de la culture, basée sur l’universalisme, et une conception germanique de la culture, fondée sur le relativisme et sur la spécificité des cultures.

Or Jurij Lotman adopte une conception de la culture analogue à celle qui prévaut dans le monde germanique. En effet, dans le premier paragraphe du texte, les auteurs rejettent, sans toutefois l’expliciter clairement, toute définition universaliste de la culture, en affirmant que les définitions de la culture varient à la fois selon les époques historiques (исторические эпохи), les différents scientifiques qui l’étudient (различные ученые) et selon le type de culture lui-même (тип культуры). Outre que d’impliquer un rejet de l’universalisme, cet argument pose un problème pratique : faire dépendre la définition de la culture à la fois des scientifiques et du type de culture revient à poser la culture à la fois comme chose et vision de la chose. Cela complique passablement la compréhension du texte, dans la mesure où les auteurs balancent souvent, sans l’expliciter, entre l’analyse de la culture en tant que telle et l’analyse des définitions de cette dernière.

Dans le second paragraphe du texte, Yuriy Lotman insiste cependant sur l’existence de traits communs (общие черты) dans les multiples définitions de la culture, et poursuit en en développant deux d’entre eux.

D’une part, disent les auteurs, toutes les cultures ont des caractéristiques (признаки), ce qui a pour conséquence que jamais la culture ne se présente comme quantité universelle (культура никогда не представляет собой универсального множества). Elle est un sous-ensemble organisé (организованное подмножество), un espace fermé (замкнутая область), toujours défini dans l’opposition (противопоставление) à la non-culture (не-культура), par exemple par l’appartenance à une religion (религия), par la connaissance (знание) ou encore par un type de vie et de comportement (тип жизни и поведения). Dans cette opposition à la non-culture, la culture apparaît comme le membre marqué (маркированный член оппозиции). En bref, tout ce passage est basé sur le présupposé relativiste annoncé dans le premier paragraphe, qui est en outre la condition des constructions typologiques (типологические построения) que les auteurs développent dans la suite du texte.

D’autre part, selon Jurij Lotman et Boris Uspenskij, en tant que membre marqué de l’opposition, la culture apparaît comme un système de signes (знаковая система). Dans ce sens, la compréhension de ce système de signes conditionne l’appartenance d’un individu donné à une culture donnée. Plus encore, la culture a une « essence sémiotique » (знаковая сущность). Or, en portant toute leur attention sur le signe au détriment du sens, et donc d’une analyse sémantique, les auteurs s’interdisent de penser les processus de construction du sens, la plupart du temps conflictuels, au sein d’une société. Au contraire d’un Roland Barthes ou d’un Pierre Bourdieu, Jurij Lotman semble opter, sans toutefois l’expliciter, pour une vision unanimiste de la culture, posant la pérennité des systèmes de valeurs. Cela n’ira pas sans poser de problèmes quand il s’agira d’expliquer le changement de culture au sein d’une même société.

 

 

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