Résumé :
La traduction automatique (TA), conçue au MIT au lendemain de la seconde guerre mondiale et destinée à traduire des langues dans d’autres langues, a été élaborée dans le cadre des sciences de la guerre (Pestre 2004) dont la linguistique était absente. En tant que technologie à haute valeur stratégique destinée à fournir des traductions en série, elle a d’abord été développée par les quatre pays, Etats-Unis, URSS, Grande-Bretagne et France, considérés comme les « vainqueurs » de la seconde guerre mondiale et impliqués dans la guerre froide, qui y ont consacré des moyens considérables. Ce faisant, la TA a imposé un nouvel horizon de rétrospection (Auroux, 1987, 2006) aux linguistes, et a marqué le début de l’automatisation des sciences du langage et leur « seconde » mathématisation. L’intégration de ce nouvel horizon d’introspection par les linguistes s’est effectuée de manière très différente selon les traditions intellectuelles, culturelles et linguistiques. Dans mon exposé, je traiterai plus particulièrement des traditions linguistiques britannique et russe pour montrer comment cette automatisation peut s’ancrer sur le long terme et déterminer des « modes d’intégration » spécifiques.