L’œuvre de Mikhail Bakhtine est très rarement étudiée comme celle d’un comparatiste, bien que la plupart de ses ouvrages se rapportent manifestement à cette discipline-là.
Les traits principaux de son approche à l’histoire littéraire/culturelle seraient : 1) un point de vue transnational et transhistorique (à l’échelle du « grand temps ») ; 2) le continualisme (les grandes oppositions binaires persistant dans l’histoire et l’emportant sur les changements d’époques) ; 3) la recherche des origines de la culture (notamment, dans l’Antiquité), de ses « formes internes ». Tous ces traits relient Bakhtine à la tradition de la philologie romantique.
Comme illustration de ces tendances, on examinera de près l’idée bakhtinienne de la « mémoire du genre », qui exprime d’une part l’organicisme caractéristique de la « théorie russe » et d’autre part un effort pour contrecarrer l’affaiblissement de la conscience de genre dans la « haute » culture du XXe siècle.
Ainsi, le comparatisme de Bakhtine révèle la nature conservatrice de sa pensée, en ce qui concerne les origines de celle-ci et ses prises de position dans la modernité.