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Section de langues slaves, option linguistique // Кафедра славянских языков, лингвистическое направление


Univ. de Lausanne, Faculté des Lettres

Section de langues slaves, Option linguistique

Année 2012-2013,

Prof. Patrick SERIOT / Anastasia FORQUENOT DE LA FORTELLE

Séminaire de licence / Bachelor-3 / Master

Compte-rendu, par Damien Tornincasa :

Compte-rendu de la séance du 16 octobre 2012

Le symbolisme et le futurisme :

L’art futuriste a pour but une mise en relation alogique de deux formes. Il y a une volonté de « déplacement » (сдвиг) qui doit interpeller l’imagination du spectateur ou du lecteur (c’est le cas par exemple dans le tableau de Malevitch, La vache et le violon). Chez les futuristes, le scandale et la provocation ont comme objectif de réveiller le percepteur de l’œuvre d’art.

Les principaux « ennemis » des futuristes sont les symbolistes. Pour eux, les symbolistes avaient une grande peur de ne pas être compris par les lecteurs. Dans ce sens, les symbolistes, selon les futuristes, sont semblables à Dostoïevski qui tenait des discours proclamant le changement sans pour autant l’oser.

Du point de vue de l’ancienne langue poétique, pour les futuristes il est nécessaire de « la jeter par-dessus le paquebot du temps présent ». En d’autres termes, il faut abandonner les anciennes formes poétiques non futuristes. Mais avant de voir en quoi consiste cette révolution du langage poétique, il faut comprendre la conception de la langue poétique chez les symbolistes.

L’idée initiale chez les symbolistes est que la langue et la réalité marchent côte à côte. Et donc, la langue doit suivre les changements de la réalité. Il faut renouveler la langue littéraire pour de raisons principales :

Dans ce contexte, la doctrine symboliste est la suivante :

  1. La réalité est un immense réseau de correspondances placées sous l’égide d’un Sens transcendant et unificateur. En d’autres termes, rien n’arrive par hasard. Il existe un Sens supérieur qui unifie, lie tous les phénomènes entre-eux.
  2. La familiarité du réel se révèle trompeuse et illusoire, car le monde d’ici-bas est traversé par des signes de l’invisible.
  3. Le réel contenant une face cachée déborde son nom ordinaire, donc, il faut réinventer le nom (ce qui permet de révéler cette face cachée).
  4. Il ne faut pas détruire la langue ordinaire mais « dilater » ses frontières, y trouver une « brèche » pour permettre au sens nouveau d’apparaître à travers le contenu habituel du signe verbal.
  5. La langue poétique doit procéder de la suggestion et de l’allusion.

Voici un exemple concret cette doctrine :

Il s’agit d’une tautologie. Pour les symbolistes, c’est un moyen de « dilater » les frontières de la langue ordinaire, car derrière un signifié habituel peut s’en cacher un autre, mystérieux. Nous pourrions schématiser ceci de la manière suivante :

Даль                                                      далека


Signifié 1                    =                         Signifié 1


Signifié 2                    ¹                         Signifié 1

Les futuristes, eux, proclament l’annulation du passé et la révolution du verbe poétique. Ils vont donc beaucoup plus loin que les symbolistes.

  1. La révolution du verbe de du mot dans le futurisme

a)     Dans la littérature antérieure, la pensée préexistait au mot et lui dictait ses lois. Donc, le contenu imposait la forme. Avant le futurisme, tout était faux puisque le mot était soumis au sens.

b)    Dans le futurisme, c’est avec le mot qu’on va vers la connaissance immédiate. On se débarrasse du sens. La poésie n’est donc pas une question de sens, mais  du langage proprement dit. Et donc le but de la création poétique n’est pas l’expression du visible ou de l’invisible, mais c’est l’exploration du fonctionnement de la langue elle-même. Les futuristes travaillent la langue.

La langue est perçue comme une fin en soi (c’est ce que les formalistes nommeront la fonction poétique de la langue). Cette idée était commune à de très nombreux poètes, aussi bien russes (les futuristes) qu’occidentaux (Mallarmé, Rimbaud).

Les futuristes russes ont inventé une langue spéciale : « заумь » (une langue qui se trouve au –delà de la raison). C’est une langue libre, transmentale, universelle. Les futuristes, à la différence des symbolistes, proposent de détruire la langue traditionnelle et de créer une nouvelle langue de toute pièce. On fait table rase du passé pour créer quelque chose de totalement nouveau. Il s’agit, bien évidemment, d’une utopie.

  1. Les sources d’inspiration

Démarche « néopositiviste ». Intérêt pour les formes de l’art non-canonique, pour des modes d’expressions primitifs (la langue et la création verbale enfantine, la glossolalie des sectaires, etc.).

  1. Exemples concrets

a)     Nouvelle façon d’associer les mots

·       Non concordance des cas, nombres, du temps, genre du sujet et du prédicat, de l’attribut de du déterminatif.

Ex : « Пробегал озера белый летучкие»

Rupture des liens syntaxiques entre le mots

·       Comparaison inattendue

Ex : « Стучат огнем кочери» (ils tapent avec la flamme du tisonnier)

·       Fusion de deux sons ou deux mots considérés comme unités phoniques en une seule masse phonique

Ex : « Сплетяжу лу сосанною» («Сплетя жулу с осанною»)

« mêlantsemon cé los » (mêlant semonce et los)

b) Création de néologismes

·       Remotiver la langue en créant de nouveaux mots qui ne sont pas arbritraires.

Ex : мечарь à la place de гладиатор (gladiateur) ou трупарня à la place de морг (morgue).

·       Néologismes purs

  1. Forme et contenu

Chez les futuristes, la forme est plus importante que le contenu. Mais il y a quand même une certaine ambiguïté.

Mot « auto-tressé » : fonction spécifiquement poétique du langage qu’on remplit à travers une organisation autonome de la « matière sonore ». La fin n’est pas la communication.

Il y a une différence entre les futuristes russes et italiens. Les italiens pensent que les nouvelles réalités doivent produire des nouvelles formes d’expression. On va donc du contenu vers la forme. Chez les russes, c’est le contraire.

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