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Section de langues slaves, option linguistique // Кафедра славянских языков, лингвистическое направление


Univ. de Lausanne, Faculté des Lettres

Section de langues slaves, Option linguistique

Année 2012-2013,

Prof. Patrick SERIOT

Séminaire de licence / Bachelor-3 / Master

(printemps 2013, le mardi de 15 h à 17 h, salle 5093)

Le signe dans la culture russe

Séance du 9 avril 2013 : N. Trubeckoj : La Tour de Babel. Compte-rendu de Elena Oprea

L’article de N. Troubetzkoy, La Tour de Babel et la confusion des langues, (1923), présente la théorie des « unions des langues » d‘un point de vue plutôt politique ; on a affaire à un discours portant sur la mondialisation mais qui s’appuie sur des arguments linguistiques.

Troubetzkoy organise son article autour de plusieurs arguments qu’on peut repérer principalement sous le nom de « lois », dont on peut citer les plus récurrents :

Ø  Loi de la division. Chaque langue se divise en dialectes, les dialectes en parlers vernaculaires, les parlers vernaculaires en sous-parlers. Les langues se réunissent dans des familles, ensuite dans des branches, sous-branches, etc. Chaque division contient des traits qui sont communs à d’autres divisions et il peut y avoir des influences. Enfin, le système des langues est varié, mais se présente comme un tout harmonieux, où chaque unité garde son individualité malgré les influences d’autres unités.

Ø  Loi d’évolution des peuples. Elle suit les mêmes principes que la loi précédente : on a le même système uni et harmonieux, des zones culturelles qui peuvent s’interpénétrer, mais qui sont surtout basées sur des particularités individuelles et originelles.

Ø  Loi de la fragmentation dialectale et de l’inévitable multiplicité des cultures nationales. Elle est présentée comme une réponse de Dieu à la construction de la Tour de Babel. Toute tentative de réduire ou de détruire la diversité des nations, conduirait à la mort de la culture elle-même.

Ø  Loi de la séparation des cultures nationales. Selon cette loi, le procès technologique (qui trouve son expression dans le projet de la Tour de Babel), est non seulement hostile à Dieu, mais il est aussi le « produit inévitable et naturel d’une culture universelle », sans différenciations. La culture universelle est donc un mal. Au contraire, les cultures qui gardent consciemment leurs limites nationales, sont celles qui peuvent sauver l’humanité car elles suivent la voie agrée par Dieu.

Un autre aspect important de l’article est le fait que Troubetzkoy organise ses arguments autour de la dichotomie « nous » vs. «eux ».

« Eux » : ce qu’on pourrait appeler la « culture européenne » contemporaine, et plus précisément la culture romano-germanique. Troubetzkoy la voit comme une culture universelle qui détruit les fondements spirituels de chaque peuple, à cause d’une vision rationaliste, égoïste. C’est le genre de civilisation internationale qui se dirige vers une nouvelle Tour de Babel. La logique et le matérialisme domine la religion et les gens se trouvent ainsi dans une décadence morale.

« Nous » : représente la Russie idéale, dominée par l’idée de sécurité. Les valeurs morales sont gardées, ainsi que les aspirations spirituelles. Les individus doivent accepter humblement le renfermement, la limitation.

Cet idéal de l’identité nationale russe a déjà été menacé dans le domaine religieux par le Grand Schisme au temps du patriarche Nikon, et dans le domaine politique, dans la période de Pierre le Grand, qui soutenait l’ouverture vers d’autres espaces culturels et l’introduction de valeurs étrangères.

Quant au christianisme, Troubetzkoy pense qu’il contredit cette tentative d’unification culturelle de l’humanité. Le christianisme stimule la création des différences culturelles où chaque nation doit adapter les dogmes sans les contredire, et doit accomplir des tâches selon sa façon, afin que le christianisme soit accepté organiquement.