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Section de langues slaves, option linguistique // Кафедра славянских языков, лингвистическое направление

Mustafa Kemal Atatürk (1881-1938)

Univ. de Lausanne, Faculté des Lettres

Section de langues slaves, Option linguistique

Année 2013-2014

Prof. Patrick SERIOT

Séminaire de licence / Bachelor-3 / Master

Compte-rendu du cours par Pavel Arsenev

La théorie de la «Langue-soleil»

1. Le сontexte linquistique et culturel. Une ambiguïté fondamentale: en français « turс » renvoie à la fois à la partie (les turkophones de Turquie de l’ère post-ottomane) et au tout (l’espace turcophone dans son ensemble). C’est pourquoi il faut différencier le turc (la langue parlée enTurquie) et le turk (ensemble des langues de la famille «turcique»). La situation en Turquie est quasi-diglossique (nombreux emprunts à l’arabe et au persan dans la langue écrite, mais beaucoup moins dans la langue parlée). Et enfin la langue turque a une morphologie agglutinante (un suffixe pour chaque unité de sens (ex : pluriel, possessif, etc)).

2. Le сontexte historique. Après la défaite de l’Empire Ottoman pendant la Première guerre mondiale a lieu une guerre d’indépendance sous la direction de Mustafa Kemal «Atatürk» (1919 – 23). Le résultat est l’abandon de la notion d’empire musulman multi-ethnique au profit du nationalisme turc laïque.

Le projet linguistique de la révolution nationale d’Atatürk consiste en une européanisation de l’écriture (passage à l’alphabet latin en 1928) et une purification du lexique (élimination des mots arabes et persans (recherche des racines turques parmi les dialectes turks). Mais cette politique linguistique et l’interêt grandissant pour l’histoire des Turcs et de la langue turque vont se trouver amplifiés par la théorie de la «Langue-soleil» (Günes-dil). Le but de ce projet est justifier le pouvoir turc sur l’Anatolie et de valoriser la langue turque (contre son caractère non-(indo) européen, altaïque et agglutinant). Pour cela il est nécessaire de mettre en évidence la beauté et la richesse propre de la langue turque et même de «démontrer» que « Le turc est la langue mère de toutes les autres langues». 

Pendent les années 1930-35 dominent 2 thèmes du discours sur la langue :

  1. La langue doit être purifiée pour retrouver son authenticité et sa splendeur ;
  2. Les Turcs sont à l’origine de la civilisation mondiale (et leur langue est à l’origine de toutes les autres langues)

[Il est nécessaire, pour la propagande nationliste, de rejeter la hiérarchie généralement adoptée par les linguistes européens du 19e siècle qu’une langue agglutinant correspondrait à un stade de civilisation intermédiaire, c’est-à-dire une langue de nomades (alors qu’une langue flexionnelle serait propre à un Etat moderne)]

La théorie de la Langue-soleil (1935-38) met en place une image de la langue-mère de toutes les autres langues. Сela qui implique a) un lien psychologique entre la langue et la pensée; b) une logique du ressentiment et un discours compensatoire (rejeter l’occident et sa linguistique et montrer que les langues européennes trouvent elles-mêmes leur origine dans la langue turque)

Sur certains point la théorie de la Langue-soleil a des affinités avec le projet marriste (la Turquie et l’URSS sont proches pendant les années 1920-30 et Marr fait un voyage en Turquie en 1933). En 1936 a lieu le 3ème congrès linguistique turque:

Donc entre théorie de la Langue-soleil et la «Nouvelle théorie du langage» de N. Marr il y a des traits communs (anti-occidentalisme; anti-indoeuropéenisme ; jeu sur des étymologies fantastiques) et des distinctions importantes (tendance de relier le turс aux langues indoeuropéennes et sémitiques par une méthode comparative traditionelle, refus de la notion de familles de la langue (comme dans la paléontologie marriste mais dans une optique nationaliste).

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