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Section de langues slaves, option linguistique // Кафедра славянских языков, лингвистическое направление


Univ. de Lausanne, Faculté des Lettres

Section de langues slaves, Option linguistique

Année 2013-2014

Prof. Patrick SERIOT

Séminaire de licence / Bachelor-3 / Master

(automne 2013, le mardi de 15 h à 17 h, salle 5093)

Le romantisme : littérature et linguistique

 

Compte-rendu de la séance du 3 mars 2014 : Ecriture et théorie littéraire 2 par Timon Ganguillet

L’esthétique romantique :

Selon Friedrich Schlegel, le paradigme romantique n’est pas défini temporellement, mais possède des caractéristiques typologique précises, qui peuvent se retrouver chez des auteurs postérieurs, tels Diderot et Stern et qui sont rattachés au courant romantique par leur approche de l’art et de la création. Cette approche est définie par plusieurs thématiques dans l’art romantique.

Premièrement, l’insuffisance de l’Art : Le mot n’est pas capable de transmettre, de traduire toute la complexité du contenu poétique. Selon les théories romantiques, le langage est imparfait, incapable de formuler entièrement la « Vérité ». Comme le dit Tioutchev dans son poème Silentium : « Мысль изречённая есть ложь » (Toute pensée exprimée est mensonge).

Deuxièmement, la survalorisation du fragment : Dans la forme, l’œuvre doit se composer de plusieurs parties, fragments. Que ce soit dans le format ou dans le genre littéraire : les romantiques s’intéressent particulièrement aux cycles, écrits épistolaires, recueils, formes brèves de narration pour leur aspect polyphonique et pour la pluralité d’expression à l’intérieur de l’œuvre (chant, prose, poésie,…).

Cet aspect polyphonique rejoint aussi l’aspect dialogique que devrait soutendre l’œuvre romantique : Si chaque individu possède une perception propre et unique de la Réalité, alors il est essentiel de communiquer et d’échanger sa propre perception du monde dans un dialogue avec l’autre. Toujours dans le but d’arriver à un ensemble organique, varié et diversifié de la représentation du monde et de l’Art. 

La somme des parties doit toutefois valoir plus que leur tout : c’est dans l’accumulation de ces fragments que l’œuvre acquiert sa valeur. De plus, l’idée d’une œuvre fragmentée et fragmentaire, inachevée permet de suggérer l’infini (et la possibilité d’une continuation de l’œuvre), faisant parallèle au mouvement ininterrompu et éternel de la Vie.

Cette volonté d’imiter la Nature se retrouve aussi dans le processus de création de l’œuvre : Selon Schlegel, l’Art doit imiter la Nature. Non pas, comme l’esthétique classique en se contentant d’imiter le plus fidèlement la réalité et d’effectuer des simples copies formelles de la Réalité mais au contraire en imitant le processus créatif de la Nature, sa force créatrice.

L’idée du Kunstchaos (Kunst signifiant art mais aussi artificiel en allemand) se retrouve dans cette conception de la création comme imitation de la force créatrice de la Nature.

Le désordre, le chaos est signe du foisonnement de la Nature, de la circulation et du flux de la Vie. Il permet aussi de dépasser une esthétique binaire, en unissant l’ordre et le désordre. Le « Kunstchaos » reproduit les forces désorganisées de la Vie en les unissant artificiellement, car il ne faut pas oublier que malgré la volonté d’ouverture sur l’infini, l’organique,  les romantiques essayent toutefois de contrôler et de donner une cohérence à ce Chaos artificiel. Il faut donc à l’œuvre un mouvement centrifuge (désordonné, chaotique) et centripète (cohérence globale)

Une autre illustration de cet aspect combinatoire de l’esthétique romantique se trouve dans la théorie de l’arabesque chez Schlegel. L’arabesque, terme d’abord employé pour désigner l’art pictural est la réunion au sein d’un même ensemble, d’objets apparemment non lié afin d’en trouver ou d’en dégager des ressemblances. Les peintures arabesques, découleraient selon Schlegel du Witz, que l’on pourrait traduire par « fantaisie, jeu ». Cette fantaisie reflète la richesse de la vie et son aspect combinatoire, en alliant par exemple dans les peintures des éléments végétaux et humains, afin de dynamiser le réel. L’arabesque chez Schlegel est une notion positive et se rapproche de la conception du grotesque que propose Bakhtine[1].



[1] Pour la théorie du grotesque carnavalesque de Bakthine, voir Mikhaïl Bakhtine, François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance.

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