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Section de langues slaves, option linguistique // Кафедра славянских языков, лингвистическое направление


Univ. de Lausanne, Faculté des Lettres

Section de langues slaves, Option linguistique

Année 2013-2014

Prof. Patrick SERIOT

Séminaire de licence / Bachelor-3 / Master

(automne 2013, le mardi de 15 h à 17 h, salle 5093)

Le romantisme : littérature et linguistique

Boris Siemaszko

Synthèse : Bielinski et le romantisme

La série d’articles de Vissarion Bielinski intitulés « les rêveries littéraires » proposent un plaidoyer pour une littérature spécifiquement russe, dont les contours resteraient à définir.

Ces contours vont être le fruit d’une quête que Bielinski s’était imposée dès les premiers articles de son cycle, et celle-ci, ne trouvera pas de résolution à la fin d’une série d’article commencée en 1834 et achevée en 1836. Ce n’est point la quête elle-même qui est intéressante, celle-ci étant le fruit d’une démarche spéculative nourrie d’idéalisme allemand, mais la façon dont Bielinski, en prônant une ère nouvelle, fait appel à des schémas de pensée proprement romantique. Les rêveries de Bielinski font alors état de deux romantismes, un romantisme intrinsèque, propre à la réflexion de l’auteur, et un romantisme dans le texte, considéré comme définitivement terminé, et correspondant aux années 2e0 avec Pouchkine pour chef de file.

La critique du romantisme « Pouchkinien » s’inscrit chez Bielinski dans une critique plus générale de l’histoire littéraire russe. Celle-ci est envisagée selon une métaphore évoquant l’ontogénèse de l’individu. De Lomonossov à Pouchkine, l’évolution stadiale se fait par intermittence. Une littérature proprement russe et arrivée à maturité, il s’agît là de l’horizon vers lequel regarde l’auteur, elle ne peut se satisfaire de copier, d’importer, ce qui se fait en Europe. Ainsi Lomonossov est décrié pour le fait d’avoir fondé sa grammaire en copiant le latin. De la naissance à l’enfance, il y a un peu plus d’un demi-siècle qui va séparer Lomonossov de Karamzine, dont la littérature est foncièrement destinée aux enfants selon Bielinski. La génération de Pouchkine quant à elle, avec sa fascination pour la beauté, renvoie aux ardeurs juvéniles, loin encore d’un idéal de maturité.

Cet aveu d’un échec à développer l’assertion, forcément polémique, du premier article, La littérature russe n’existe pas, va néanmoins se conclure sur la formulation de deux nécessités : l’importance de l’éducation, et l’universalisme des lumières. Cette conclusion s’inscrit dans une logique qui s’est affirmée tout au long du cycle et qui consiste à reproduire, comme critères d’évaluation, toute une série de postulats du romantisme politique et philosophique, que nous allons énumérer :

-       l’emphase sur la notion de peuple, constitutif de l’idée de nation.

-       La forme du dialogue, et la mise en avant de la figure du critique, autrement dit l’énonciation à la première personne.

-       La perfection de l’homme comme lieu de l’harmonie entre la raison et la sensibilité

-       Le rappel incessant du caractère désintéressé du poète et de l’œuvre d’art

-       L’emploi de la métaphore organique.

Le choix de ces différents critères d’évaluations, font penser à Bielinski, lorsqu’il discute l’histoire littéraire russe, que celle-ci a un avenir, sur la base du fait que la Russie a eu son lot de Génies littéraires (Pouchkine, Derjavine, Griboïedov), mais le temps présent lui fait regretter le passé. Cette assertion est potentiellement ambiguë, au regard du nombre d’écrivains et d’œuvres cités. Il faut néanmoins se méfier de la tentation d’appréhender Bielinski comme un réactionnaire. On considérera bien au contraire, que ce qu’il déplore, que le ton polémique qu’il adopte, est un appel à une unité plus profonde entre les écrivains et la nation russe. En prenant au sérieux son rôle de critique, il considère devoir poser les critères esthétiques d’une littérature russe de la maturité.

Les rêveries littéraires  ont ceci de particulier, qu’elles problématisent la question du monde artistique et des dynamiques qui le traversent. Ainsi Bielinski, conscient de son rôle, énumère les noms des gens prenant part à ce qu’il appelle dans le texte « l’arène artistique ». Il se permet également de déplorer son fonctionnement comme sa propension à voir des génies partout. C’est par l’emploi d’un ton polémique, que l’auteur se place comme un observateur du milieu, et cet emploi, renvoie certainement à la conscience du fait que la presse contribue à construire et à défaire les idoles du milieu de l’art, lui donnant ainsi partie prenante à son fonctionnement.

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