Le binôme philosophie/philologie, tel que l’avait conçu l’anthropologie philosophique, attribuait aux deux secteurs ainsi divisés des tâches bien distinctes : la philologie devait s’occuper de recueillir des faits (y compris linguistiques), la philosophie était appelée à déceler des principes et des lois régulant l’évolution. La scienza nuova imaginée par Gian Battista Vico avait eu pour ambition de ressouder les deux méthodologies.
Cette division du travail se complique avec la multiplication et le développement des sciences empiriques dont la linguistique générale. Ainsi naît dès l’époque du comparatisme, lorsque la philosophie du langage s’affirme comme discipline en soi dans l’encyclopédie des sciences humaines, un problème de définition et de redéfinition de son identité par rapport aux domaine limitrophes : la linguistique générale en premier lieu, puis les différents types de recherche théorique prenant pour objet les langues et la méthode d’analyse linguistique. Heymann Steinthal et Hermann Paul représentent deux pôles dans leur prise de position à ce sujet.
Mis à part l’apartheid revendiqué par la philosophie analytique des années 1930-1950 lorsqu’elle se proclamait philosophie linguistique tout en justifiant son désintérêt pour la recherche empirique sur le langage et les langues, la philosophie du siècle dernier nous propose, plus qu’une classification, une constellation de dénominations pour l’approche philosophique concernant les sciences du langage : philosophie du langage, philosophie de la linguistique, épistémologie ou méthodologie des sciences du langage, etc.
L’examen de quelques-unes des contributions à ce débat (J. Fodor, Jerrold Katz, E. Itkonen, S. Auroux) montre qu’une distinction de principe entre cette approche et la linguistique en tant que science positive, bien qu’instable comme l’est toute philosophie appliquée, semble pouvoir être tracée sur la base de considérations de méthode.