Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы
-- Patrick SERIOT : «Une syntaxe évolutive : l'opposition verbo-nominale et le progrès de la pensée chez A. Potebnja», André Rousseau éd. : Histoire de la syntaxe, 1870-1940, Modèles linguistiques, t. XXIII-1, 2002, vol. 45, p. 41-54.
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«La plupart des verbes expriment des choses vraies, tandis que les substantifs sont le paradis des choses vaines». (Paul Valéry, Cahiers I, Paris, Gallimard, 1973, p. 455)
Les théories linguistiques n'apparaissent pas comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu. Elles appartiennent à un air du temps déterminé, ce qui est bien connu, mais également à un air du lieu, ce qui l'est moins. On aimerait montrer ici l'intérêt d'étudier un épisode de la pensée syntaxique en Russie dans le dernier tiers du 19ème siècle, sur le fond des discussions qui se déroulaient en Europe occidentale à la même époque. Il s'agit plus d'une histoire de la pensée linguistique que d'une histoire de la science linguistique, étude des conceptions du langage telles qu'elles apparaissent à une certaine époque et dans un certain lieu ou une certaine situation culturelle, ainsi que le propose G. Graffi, spécialiste de l'histoire des théories syntaxiques en Allemagne (Graffi, 1991, p. 9).
L'œuvre de Potebnja (1835-1891) est peu connue dans le monde francophone (1). Professeur de langue et littérature russe et ukrainienne (2) à l'Université de Xar'kov (Xar'kiv, Kharkov) de 1875 jusqu'à son décès, il a produit une œuvre importante dans le domaine de la linguistique générale, des rapports entre langue et pensée, de la dialectologie slave, du folklore, de l'ethnographie, de la typologie, de la sémasiologie. Cette œuvre dense, touffue, au style obscur, à la terminologie fluctante, non exempte de contradictions et de retournements, est aussi difficile à lire que celle de Humboldt. On se concentrera ici sur un seul point : l'analyse historique de la syntaxe, dans son lien avec «l'histoire de la pensée», sur l'exemple de la relation
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verbo-nominale dans la structure de la proposition. Il s'agit d'un des rares cas où une philosophie du langage et une analyse grammaticale fine et détaillée se complètent et s'éclairent réciproquement.
On essaiera alors de se demander en quoi la syntaxe évolutive de Potebnja est semblable ou différente de celle des linguistes européens, et avant tout allemands, de son époque.
1/ Une attitude anti-logiciste envers la relation langue / pensée
Un des aspects les plus déroutants de la lecture des linguistes russes du 19ème siècle, qui est sans doute une des raisons pour lesquels ils sont si mal connus dans le monde francophone, est que leurs références sont pratiquement toutes dans la culture scientifique allemande. Après la victoire de 1812 sur Napoléon, les scientifiques russes se sont essentiellement tournés vers l'Allemagne et les grandes philosophies de l'histoire pour y trouver des modèles d'inspiration ou de rejet. Humboldt, Schelling et Hegel (plus que Kant) ont été des maîtres à penser, et c'est dans les universités allemandes que les linguistes russes allaient se former.
L'auteur que Potebnja cite le plus souvent est son contemporain H. Steinthal (1823-1899). Celui-ci représente en Europe occidentale le moment le plus décisif du rejet du modèle logiciste des grammaires générales. Pour lui l'histoire des langues n'est déterminée ni par l'adoption d'une convention sociale ni par la vie d'un organisme naturel, mais par les étapes de l'évolution de la capacité cognitive de l'individu. Sa syntaxe repose ainsi fondamentalement sur des principes psychologiques, où le terme le plus fréquent est celui de «représentations». Son livre le plus fréquement cité par Potebnja est Grammatik, Logik und Psychologie, paru à Berlin en 1850. Potebnja y puise abondamment ses slogans qu'il martelle tout au long de ses ouvrages : les catégories grammaticales et les catégories logiques ne coïncident pas, la langue est autonome par rapport à la logique, le rapport du concept au jugement n'est pas identique au rapport du mot à la phrase, la grammaire ne s'occupe pas des concepts, mais des images des concepts, la phrase est «l'aperception d'un contenu mental».
La logique et la grammaire ont non seulement des objets différents mais encore des buts différents. La logique étudie les lois de la pensée correcte, elle répond à la question de savoir si une pensée n'est pas contradictoire, alors que la linguistique, qui n'est pas une science hypothétique comme la logique, mais une science génétique, étudie le processus de la parole en acte [skazyvanie]. (Potebnja, 1888, p. 63).
On va voir que c'est surtout sur la définition et la répartition des «membres de la proposition» (3) que Potebnja attire l'attention.
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C'est sur ce fond de discussion de grammairiens-philosophes allemands que vont se dérouler d'âpres débats qui divisent la communauté scientifique en Russie, débats qui ne doivent pas grand chose à la vie intellectuelle française de la même période.
En 1858 paraît à Moscou l'Essai de grammaire historique du russe de F.I. Buslaev (1818-1907). Ce livre était pour son époque l'exposé le plus complet des faits de langue, tenant compte aussi bien de l'évolution historique que de la diversité dialectale. Cependant il marquait également son époque par une intrication mal maîtrisée de notions logiques et grammaticales. Les années 1860-1880 en Russie vont être une période de remise en cause explicite de cette confusion et une tentative de mise au point d'une approche qui se voulait purement grammaticale.
Potebnja soumet ce texte de Buslaev à une critique radicale, accusant l'indistinction des catégories logiques et grammaticales d'être à la source d'une grave confusion, d'être «a priori», et de ne pas tenir compte des faits de langue. Potebnja insiste constamment sur le fait que la proposition grammaticale n'est pas réductible au jugement logique. Bien que les termes de «sujet» et de «prédicat» s'emploient aussi bien en logique qu'en grammaire, leur contenu est différent. La catégorie d'objet, par exemple, n'est d'aucune utilité en logique, et les «membres de la proposition» comme complément, déterminant, circonstant, ne peuvent pas être tirés de la logique. Et, bien sûr, la diversité des langues ne peut être prise en compte par la logique, dont les catégories générales et atemporelles ne reflètent les particularités d'aucune langue particulière.
Pour Potebnja, la répartition des formes en «étymologiques» (c'est-à-dire morphologiques) et syntaxiques, telles qu'elle est pratiquée dans la grammaire de Buslaev, ne peut que prêter à confusion. Buslaev pense que toutes les langues au cours du temps perdent ou altèrent les formes étymologiques et que ce défaut est compensé par les formes syntaxiques, abstraites et logiques, que la syntaxe d'une langue dans sa période de déclin n'est plus fondée sur la forme étymologique initiale, mais sur les concepts abstraits qu'elle exprime. Potebnja considère au contraire que l'étymologie et la syntaxe sont entre elles comme l'histoire et la description de l'état actuel d'une langue, et que la syntaxe s'explique par l'étymologie.
2/ L'histoire de la syntaxe comme histoire de la pensée
2.1. La notion de progrès en langue
Beaucoup de polémiques de l'époque à propos de questions apparemment techniques sur l'histoire des langues ont à voir avec une interrogation sur la notion même de progrès (4), à l'intérieur d'une idéologie massivement évolutionniste aussi bien en Europe occidentale qu'en Russie après la parution du livre de Darwin L'origine des espèces (1859).
L'évolution était-elle le développement de germes déjà inscrits dès le départ dans l'embryon des langues (sur le modèle de l'éclosion en biologie), dépendait-elle d'une logique de l'histoire (vision hégélienne, avec des «étapes», ou «stades» à l'ordre de succession obligatoire et identique pour toutes les langues), ou bien était-elle
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un progrès continu de type cumulatif? La notion de progrès de la langue et de la pensée posait un problème pratique de nature anthropologique : si les langues évoluent toutes vers un progrès, tout en ayant des structures très différentes, il fallait alors admettre qu'il y a coexistence temporelle de langues et de «types de pensée» qui se trouvent à des étapes différentes de développement, tout en cohabitant sur des territoires voisins, voire sur un même territoire.
Si l'on doit trouver à Potebnja une spécificité à l'intérieur du mouvement général de distanciation des grammairiens par rapport à la logique, c'est la notion d'évolution positive qu'il convient de mettre en avant. Potebnja s'oppose fermement à l'idée romantique du mouvement ascendant de bourgeonnement des formes d'une langue, suivi d'une période de déclin. Pour lui toute langue est en perpétuel changement et, qui plus est, en perpétuel progrès.
Potebnja pensait que les catégories de langue peuvent changer sur des laps de temps relativement courts. Il prête donc une grande attention aux différences entre les langues indo-européennes anciennes et leur état actuel.
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catégories grammaticales de la langue maternelle (6), ainsi que le passage des mots diffus aux mots-concepts. Le point central autour duquel se cristallise cette évolution est l'accroissement progressif de la prédicativité dans la proposition (cf. 3). C'est dans ce dualisme poésie / prose comme deux formes linguistiques de connaissance que se noue l'essentiel de la théorie syntaxique de Poebnja, même si le rapport poésie / nomination et prose / prédication n'est pas clairement explicité.
2.2 La théorie de la forme
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les notions de la logique traditionnelle, ce qui est un leitmotiv de la linguistique slavophile (8). Mais cette hypothèse demande encore à être étayée par des recoupements.
Notons à ce propos à quel point la notion de survivance est profondément inscrite dans l'histoire de la pensée évolutionniste, au point d'en être une composante
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inséparable. Elle appartient à J.-J. Rousseau, mais surtout à Giambattista Vico (1668-1744), le père de l'historicisme. Les ressemblances entre Potebnja et Vico sont étonnamment nombreuses. Vico, dans la Scienza nuova (1725) pense qu'on peut trouver dans le langage des enfants une indication sur le mode de parler des peuples anciens :
Les enfants désignent toutes les créatures humaines et toutes les choses qu'ils voient dans la suite des temps par les noms des créatures humaines ou des choses qu'ils ont vues tout d'abord, et qui ont avec celles-là quelque rapport ou quelque ressemblance. (Vico, 1725 / 1993, p. 150)
Le langage poétique, au moyen des caractères poétiques, peut nous faciliter la découverte de plusieurs choses importantes de l'antiquité. (Vico, ib., p. 151)
Les noms ont été formés avant les verbes; et cela nous est prouvé par ce fait constant que chaque verbe est toujours régi par un nom souvent exprimé, et quelque fois sous-entendu.
Les auteurs de ces langues composèrent les verbes en dernier lieu, de même que les enfans prononcent les noms et les particules avant de prononcer les verbes, car les noms éveillent des idées qui laissent après elles des traces profondes et durables; les particules, qui expriment les modifications des choses désignées par les noms, peuvent laisser des souvenirs aussi vifs que celui de ces choses mêmes, tandis que les verbes dont la fonction est d'indiquer le mouvement se rapportent à une fraction de l'espace et du temps, fraction qui, n'étant mesurée que par la pensée indivisible, échappe souvent aux philosophes eux-mêmes. Nous avons fait, dans notre ville et de nos jours, une observation physique qui vient à l'appui de ce que nous venons d'avancer. Nous voulons parler d'un homme qui, ayant été frappé d'un coup d'apoplexie, se souvenait des noms et avait oublié tous les verbes. (Vico, ib., p. 175-176)
2.3. La structure de la proposition
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structure grammaticale dans laquelle «il n'y a rien d'autre qu'une forme» (le contenu de la proposition ne fait pas l'objet de l'étude grammaticale). La caractéristique principale de la proposition, selon Potebnja, est que c'est là que se manifestent les parties du discours : sans parties du discours il n'y aurait pas de proposition. Voilà encore un argument en faveur du rejet du modèle du jugement logique : ce dernier n'est d'aucun secours pour mettre en évidence les parties du discours. Toute proposition se caractérise par sa prédicativité (predikativnost'), terme par lequel Potebnja entend la capacité d'un prédicat de se combiner avec un sujet (11) pour former une proposition. Parmi les «membres de la proposition», c'est le prédicat qui est porteur de la prédicativité, et parmi les parties du discours, c'est le verbe. Dans les langues flexionnelles, celles dont la «forme» est la plus nettement tangible, «la proposition n'est pas possible sans un verbum finitum [
], le verbum finitum à lui tout seul constitue la proposition». Le sujet peut être absent de la proposition, le prédicat jamais. Potebnja considérait comme proposition sans sujet non seulement des phrases de type Svetaet («il fait jour»), Menja toshnit («J'ai la nausée», litt. «me (Acc.) donne-la-nausée»), mais encore celles de type Ja skazal («J'ai dit»), car dans ce cas ja («je») n'est pas un «sujet», mais seulement une marque personnelle, comprenant l'absence de terminaison personnelle dans le verbe (si en revanche le já est accentué, il indique alors l'auteur de l'action).
3/ Le prédicato-centrisme, ou verbo-centrisme
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seulement les formes les plus anciennes de la pensée, mais encore toute leur évolution historique jusqu'à l'époque actuelle.
Un des principaux points de désaccord entre Buslaev et Potebnja, qui s'inscrit parfaitement dans les polémiques de l'époque, porte sur l'opposition verbo-nominale et le rapport d'antériorité chronologique de l'un de ces termes par rapport à l'autre. Buslaev estime que la phrase verbale est apparue avant la phrase nominale, qui serait plus abstraite. La thèse de Potebnja est, au contraire, que le passage de l'orientation de nomination à l'orientation de prédication est un progrès. Il va donc rechercher toutes les éléments de l'évolution des langues indo-européennes (dans leur variante slave) qui témoignent d'un accroissement de la prédicativité. La structure de la proposition est pour lui la plus sûre voie d'accès à la connaissance de l'évolution du couple langue / pensée.
[Le discours] ne se borne pas à nommer, mais effectue un achèvement, en entrelaçant les verbes avec les noms. Aussi avons-nous dit qu'il discourt et non point seulement qu'il nomme, et, à l'agencement qu'il constitue, nous avons donné le nom de discours. (Platon : Le Sophiste 262d)
Des noms seuls énoncés bout à bout ne font donc jamais un discours, pas plus que des verbes énoncés sans l'accompagnement d'aucun nom. (ib., 362a)
Le nom (onoma) est un son vocal possédant une signification conventionnelle, sans référence au temps, et dont aucune partie ne présente de signification quand elle est prise isolément. (Peri hermeneias 2, 16a, 18-20)
il «est ce qui ajoute à sa propre signification celle du temps : aucune de ses parties ne signifie rien prise séparément et il indique toujours quelque chose d'affirmé de quelque autre chose». (ib., 3, 16b, 6-8).
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le faux, de dire ce qui est ou ce qui n'est pas. Les caractères de la proposition sont tous au service d'un but consistant à affirmer ou nier «quelque chose au sujet de quelque autre chose».
Potebnja ne s'intéresse nullement au vrai, mais à l'histoire de la pensée à partir de celle des formes de langue. Sa théorie de la «verbalisation« (oglagolenie), ou «accroissement de la verbalité» (rost glagol'nosti) a eu une grande influence sur des générations de linguistes russes.
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voda — svet («l'eau-lumière») > voda — kak svet («l'eau (est) comme la lumière») > voda svetla («l'eau est claire») (16)
En fait, pour Potebnja, toute nomination est, à l'origine, une «aperception» (appercepcija), c'est-à-dire un acte de pensée fondé sur la comparaison, sur le rapport d'un «expliquande» et d'un «expliquant». L'observation du langage enfantin lui permet de faire des hypothèses sur l'évolution des langues (selon le principe de
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«récapitulation» de Haeckel : l'ontogénèse récapitule la phylogénèse). Il s'agit bien d'une compréhension génétique de l'évolution des langues. Ce qui intéresse Potebnja est le mot non pas comme unité de langue, mais comme acte créateur de parole et de connaissance. Le nom est originellement une prédication. Ainsi, dans le nom arbuzik («petite pastèque»), qu'un enfant a employé pour désigner l'objet «abat-jour» qu'il découvrait pour la première fois, c'est la caractéristique de sphéricité qui a été sélectionnée. L'emploi du nom seul arbuzik est ainsi équivalent à la proposition «cet objet inconnu pour moi est / est comme une petite pastèque»). De même que l'enfant procède par associations d'idées pour acquérir ses connaissances du monde, de même «le peuple», au cours de sa croissance, utilise des images, des métaphores, pour accroître sa maîtrise de la nature environnante. La connaissance, historiquement, est d'abord poétique, c'est une pensée en images (obraznoe myshlenie). Ce n'est qu'ensuite, par une sorte de processus de décantation, qu'elle devient une pensée sans images (bezóbraznoe), base de la connaissance scientifique. La langue de la poésie est le degré antérieur de la prose, les images (ou «représentations») ont fait place aux concepts, qui renvoient directement à une signification sans passer par une image. Cependant, la «forme interne du mot» permet de retrouver la profondeur cachée du sens «en images». Ainsi le mot français table ou le mot italen tavola ont comme forme interne l'idée (ou la «caractéristique») de «surface plane», comme en latin dans tabula, alors que le mot russe stol ou le mot tchèque stul on comme forme interne l'idée de «endroit qu'on recouvre par quelque chose (tissu, toile)». De même, le mot français train, italien treno, espagnol tren, anglais train, tchèque vlák ont comme forme interne l'idée de «traîner, tirer» (cf. latin trahere, tchèque tlacit), alors que le mot russe poezd a dans sa forme interne l'idée de «se déplacer».
On voit que, malgré son caractère parfois touffu, la pensée linguistique de Potebnja a une cohérence certaine. L'insistance sur l'accroissement de la prédicativité ne prend son sens que sur le fond de la notion de forme interne, qui elle-même permet de comprendre que l'évolution génétique de la langue se fait dans le passage de la poésie à la prose, de la nomination par images à la connaissance sans images, du nom au verbe. C'est aussi ce qui sous-tend la typologie hiérarchique implicite qu'on trouve chez Potebnja : les langues flexionnelles sont plus adaptées que d'autres à la pensée, car cette dernière dépense moins d'énergie, pouvant s'appuyer sur des formes grammaticales qui sont elles-même des supports bien répartis en expressions nominales et verbales.
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