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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы

-- A. R. IODKO : Rabočij klass i meždunarodnyj jazyk [La classe ouvrière et la langue internationale], Moscou : Izdanie CK SESS, 1923. [commentaire]


        Publié en 1923 par la maison d’édition de l’Union des Espérantistes des Pays Soviétiques (en russe S. È. S. S. : Sojuz Èsperantistov Sovetskix Stran), ce texte de Iodko étudie les rapports entre la Classe laborieuse et la langue internationale. Même si le titre ne le dit pas explicitement, il sera essentiellement question de l’espéranto.
        Avec le développement des moyens de transport et des moyens de communication, on pourrait penser que le célèbre slogan de Marx appelant tous les prolétaires à se réunir est sur le point de devenir réalité. Seule la pluralité des langues empêche encore « la réalisation de l’union mondiale du prolétariat au sein d’une seule famille fraternelle des travailleurs ». Mais cet obstacle linguistique ne résistera pas à « la pression du prolétariat » (page 4). La langue commune est ce qui manque au prolétariat pour qu’il soit vraiment le plus fort.
        La bourgeoisie et les classes dirigeantes font tout pour maintenir la pluralité des langues, car c’est sur elle que se base leur domination. En ne connaissant pas les langues étrangères, en n’ayant pas le temps de les apprendre, le prolétariat est maintenu à l’écart. Seuls les bourgeois et les aristocrates cultivés et parlant plusieurs langues prennent les décisions et dirigent.
        L’unité de langue au sein du prolétariat, couplé à l’unité du but à atteindre, est nécessaire pour neutraliser la bourgeoisie. En effet, comment collaborer efficacement si on ne se comprend pas ? C’est pourquoi il faut que « chacun sache, en plus de sa langue maternelle, encore une langue internationale fixée pour tous » (page 8).
        Maintenant que l’égalité entre tous les prolétaires est réalité, toutes les langues nationales sont dignes d’être choisies pour devenir cette « langue internationale fixée pour tous ». Mais, choisir une langue nationale, même par tirage au sort, provoquerait une inégalité. Les locuteurs de la langue choisie seraient ainsi privilégiés et leur(s) nation(s) finirai(en)t par occuper une position dominante. Il faut donc trouver une langue nationalement neutre… Comme le latin et le grec ancien, langues « neutres » depuis de nombreux siècles, sont des langues encore plus difficiles que les langues nationales actuelles, le choix d’une langue artificielle s’impose de lui-même. Mais pas n’importe laquelle, l’espéranto.
        L’espéranto est la plus parfaite des langues artificielles. En plus d’être facile à apprendre et donc accessible à tous, elle allie une orthographe qui correspond à la prononciation, une grammaire simple et naturelle, une sonorité agréable et un lexique formé de racines communes à la plupart des langues nationales (page 10). Grâce à son système de formation des mots (à partir des racines, on forme une multitude de mots à l’aide de préfixes et de suffixes), le nombre de mots à apprendre pour maîtriser la langue est diminué de moitié ; et, à raison de 2 à 3 heures d’espéranto par semaine, un travailleur ayant des capacités moyennes peut apprendre l’espéranto en 3 à 4 mois.
        Après avoir parlé des publications en espéranto (aussi bien la littérature que les ouvrages scientifiques), de l’application pratique de l’espéranto (correspondance avec des travailleurs de l’étranger) ; après avoir très brièvement esquissé l’histoire de l’espéranto en Russie et à l’étranger, l’article se termine comme il avait commencé, par un slogan :

        « Que vive l’union du prolétariat mondial !
Que vive la langue internationale espéranto, un outil puissant dans les mains du prolétariat ! »

(Sébastien Moret)

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