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§ 1. La notion de mélange des langues est une des moins claires en linguistique actuelle, de sorte qu’il est peut-être licite de lui refuser même une place dans l’inventaire des notions linguistiques, comme l’a fait M. A. Meillet (Bull. S. L. XIX, p. 106.[1])
En effet, en parcourant les quelques mémoires et articles traitant la question du mélange des langues, on est amené à penser que les termes «Sprachmischung», «gemischte Sprachen» n’ont été introduits que par réaction contre certaines idées du siècle dernier, où l’on se représentait une langue comme un organisme et où l’on parlait volontiers du développement (Organique d’une langue, comme du seul réputé légitime, par opposition aux innovations non-organiques, censées maladies du langage. Ce siècle est entièrement passé pour la jeune génération des linguistes; mais on se rappelle encore quel grand cas on faisait de la pureté d’une race, aussi bien que de la pureté d’une langue. Il est vrai même que le grand public est encore aujourd’hui sous le joug de ces grands mots.
Dans ces conditions on n’est pas étonné de voir que M. Schuchardt, dans son grand recueil de faits provenant de l’influence du slave sur l’allemand d’un côté et du slave sur l’italien de
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l’autre,[2] ait pu affirmer qu’il n’y a pas de langue qui ne soit mélangée si peu que ce soit et on comprend fort bien que M. Baudouin de Courtenay ait pu publier en 1901 (ЖМНП) un article, intitulé «О смешанном характере всех языков» (Du caractère mélangé de toutes les langues).
Et nous voyons en dernier lieu, que M. Wackernagel dans son intéressant article «Sprachtausch und Sprachmischung» (Götting. Nachr., Geschäftl. Mitt. 1904, S. 112) dit expressément qu’il n’a voulu par ses démonstrations que faire ressortir le changement d’opinions qui s’est produit de son temps dans la linguistique.
§ 2. Si on regarde de plus près les faits évoqués par les différents auteurs traitant du mélange des langues, on remarque qu’ils se laissent ranger tous ou presque tous en trois catégories (il va sans dire qu’en se plaçant à d’autres points de vue on aboutirait à d’autres classifications):
1) Les emprunts proprement dits, faits par une langue donnée à des langues étrangères.
2) Les faits de changement dans telle ou telle langue dûs aux influences d’une langue étrangère. Les exemples sont nombreux; on n’a qu’à citer le fr. haut provenant du latin altus et ayant reçu sou h aspirée sous l’influence du mot synonyme germanique, équivalent de l’allemand hoch. La forme du nom de lieu français Evêque-mont est due aussi à l’influence germanique, cf. allemand Bischofsberg : en français on s’attendrait à Mont-Evêque (l’exemple est tiré de l’article cité de Wackernagel). Comparez encore les calques du latin, de l’allemand et du slave, reposant tous en dernier lieu sur des modèles grecs, comme conscientia, Gewissen, совесть et tant d’autres. Comparez encore le développement de l’emploi du génitif attributif en russe sous l’influence des langues étrangères etc.
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3) Les faits résultant d’un apprentissage incomplet d’une langue quelconque. La vie quotidienne abonde en faits individuels de ce genre; mais les faits de même ordre ayant obtenu une valeur sociale, c’est-à-dire les fautes de langue devenant, dans un certain milieu donné, la norme reconnue de tous, sont de beaucoup plus rares. Le plus souvent, vu la coexistence de la vraie norme de la langue qu’on a voulu s’assimiler, ils ne restent que des fautes plus ou moins répandues. Je ne saurais citer d’une langue pareille d’exemple tout à fait illustratif que je sois en état de contrôler moi-même. Toutefois des faits singuliers de ce genre sont nombreux, on n’a qu’à se rapporter au travail ci-dessus mentionné de M. Schuchardt.Quant aux nombreux parlers créoles et autres semblables, ils appartiennent bien à cette catégorie, mais avec cette réserve qu’à leur création ont participé aussi les sujets parlant la langue que d’autres ont voulu s’assimiler, tout en l’adoptant à tort ou à raison aux besoins et aux capacités de ceux-ci (voir là-dessus les explications de première importance de M. Schuchardt dans «Die Sprache der Saramakkaneger in Surinam». Verh. d. K. Akad. v. Wet. te Amsterdam, Afd. Letterkunde. Nieuwe Reets, Deel XIY, Ля 6, 1914, p. III s., que je ne connais que d’après Hugo Schuchardt-Brevier).
§ 3. Il suit de cette énumération de faits qu’on a bien le droit, tous ces faits n’apparaissant que là où il y a deux langues en contact immédiat, de les réunir tous sous une même rubrique tout en lui donnant un nom quelconque, comme celui de mélange des langues = Sprachmischung= смешение языков.
Mais on n’en voit guère l’utilité, car tandis que les faits de la 2-e catégorie sont en principe identiques à ceux de la 3-e, reposant souvent sur. des processus semblables à ceux qui ont lieu à l’intérieur d’une même langue, les emprunts proprement dits sont dûs a un processus tout autre.
En tout cas il semble bien qu’il n’y a rien à déduire de l’ensemble des faits qui puisse ébranler les doctrines courantes sur les
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relations possibles entre les langues. Il paraît que dans tous ces cas il n’y a pas de doute possible sur la langue à l’intérieur de laquelle se sont produits tels et tels changements, provoqués de quelque manière que ce soit par d’autres langues. M. Windisch, dans son mémoire «Zur Theorie der Mischsprachen und Lehnwörter» (B. d. K.-S. G. W. Phil.-hist. Cl., B. 49, 1897, S. 113) dit expressément que, quelque mélangée que soit une langue, il y a toujours une langue qui en forme le fond.
Il vaudrait dès lors peut être mieux remplacer le terme «mélange des langues» par «influence réciproque des langues» qui n’implique absolument rien par rapport aux faits qu’il désigne, tandis que le mot «mélange» présume dans une certaine mesure que les deux langues se trouvant en contact immédiat peuvent participer d’une manière égale à la création d’une langue nouvelle.
§ 4. Cependant on peut facilement arriver à cette dernière conclusion en examinant les faits de «l’influence réciproque des langues» à un autre point de vue que cela n’a été fait ci-dessus. Et cela surtout quand on a affaire à des langues dont l’histoire est inconnue. Tout en analysant une langue pareille, il est possible quelquefois de constater que ses éléments remontent à des langues diverses. Tant que le nombre de ses éléments importants remontant à une de ces langues est de beaucoup plus considérable que celui qui est dû à toute autre langue (mais il peut être inférieur à celui d’éléments remontant à l’ensemble de ces autres langues), on ne constate que des emprunts et des influences des langues étrangères et on dit que la langue analysée est la continuation de celle qui a donné le plus d’éléments. Mais s’il se trouve par hasard qu’il y a deux langues qui ont fourni à telle ou telle langue un nombre égal d’éléments, dont l’importance pour l’emploi courant de la langue est égale aussi, on serait embarrassé de dire quelle est la langue dont la langue analysée est la continuation.
C’est peut-être là le raisonnement qui est au fond de la remarque sur les langues mixtes de M. Setälä (au bas de la page 16
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de son mémoire «Zur Frage nach der Verwandschaft der finnisch-ugrischen und samojedischen Sprachen». Helsingfors, 1915).
M. Schuchardt écrit dans son article «Zur methodischen Erforschung der Sprachverwandschaft» (Revue Internationale des Etudes Basques, VI, 1912): «Stellten wir nun z. B. hamitische und kaukasische Elemente gleicher Zahl und gleichen Wertes (in der baskischen Sprache) fest, so wüssten wir doch nicht ob jene zu diesen oder diese zu jenen hinzugetreten sind oder beide aus einer umfassenden Grundsprache sich fortgepflanzt haben». Dans son article «Sprachverwandschaft» (Sitzungsberichte der Akademie der Wiss. Berlin, XXXVII, 1917, S. 526) M. Schuchardt dit en général: «Ferner möge man nicht mit der Satzfrage beginnen: gehört die Sprache a zum Sprachstamme A oder nicht? Von vornherein aber sind wir nie auf zwei Möglichkeitenbeschränkt», et il compare les langues à ces tableaux dont on obtient deux images différentes suivant la place qu’on occupe vis-à-vis du tableau. La question même de savoir si tel ou tel élément d’une langue quelconque est originel ou emprunté, n’est pas considérée par M. Schuchardt comme importante: «diese Unterscheidung ist weder wesentlich, noch durchführbar» (Premier des articles cités, page 2 du tirage à part).
Tout cela nous montre la notion du mélange des langues sous un jour nouveau en supposant qu’une langue peut avoir plusieurs origines.
§ 5. M. Meillet dans un article paru en 1914 dans Scientia (voir maintenant «Le problème de la parenté des langues» dans «Linguistique historique et Linguistique générale» 1921) s’est élevé avec force contre cette manière de voir les choses. Il a mis en évidence, avec toute la précision qui lui est propre, qu’il y a toujours lieu de se demander quelle est la langue dont la langue donnée est la continuation, autrement dit de rechercher la langue-mère. Et ceci parce que le fait de continuer une langue, improprement nommé la parenté des langues, est un fait purement historique se basant uniquement sur la volonté toujours présente
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des sujets parlants d’employer une langue définie, soit en la conservant autant que possible intacte, soit en la modifiant, soit eu la complétant par des éléments empruntés.[3] Jamais les sujets parlants bilingues ne perdent, selon M. Meillet, le sentiment de la différence des deux langues qu’ils emploient. C’est pour cela que M. Meillet n’accepte pas l’expression mélange des langues, comme pouvant suggérer l’idée d’une langue ayant deux origines.
§ 6. Il me semble avant tout qu’on a bien le droit, sans courir le risque d’être soupçonné par M. Schuchardt de matérialisation de la langue (voir l’article cité «Sprachverwandschaft», le commencement de la note au bas de la page 522) d’affirmer que les langues forment en général des systèmes plus ou moins délimités (au moins dans le cas normal) et bien sentis par les sujets parlants, ce qui ne se manifeste qu’à l’occasion, bien entendu. Ces systèmes sont susceptibles de changements différents, dûs à des facteurs différents, mais n’en sont nullement brisés. Il s’en suit que M. Meillet est parfaitement autorisé à admettre la continuité des langues et non seulement de leurs éléments.
§ 7. En outre M. Meillet affirme avec raison que quiconque veut faire l’histoire d’une langue donnée est obligé de tenir compte de sa parenté, c’est-à-dire que la trame même de l’histoire d’une langue est formée par le sentiment de la continuité de la langue
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chez les sujets parlants. Et ceci est tout conforme à la nature sociale de la langue, toute langue étant la langue d’un groupe social quelconque,[4] plus ou moins rigoureusement délimité. Le sentiment de la continuité de la langue croît et diminue en raison directe de la conscience de soi-même du groupe social dont elle est l’organe. L’affaiblissement des liens à l’intérieur du groupe donné est une des conditions de l’extinction complète du sentiment de continuité de la langue, qu’en dernier lieu je ne considère pas comme impossible, au moins en principe (voir ci-dessous, §§ 9, 15).
Tous les grands exposés historiques des différentes langues, qui sont toujours considérés comme des œuvres nationales, sont basés au fond sur ce sentiment de continuité de langue, mais n’en tiennent presque jamais compte, au moins explicitement. Cependant il est plus que probable que la précipitation des changements se produisant au cours de l’histoire d’une langue est toujours liée d’une manière quelconque à l’affaiblissement de liens sociaux.
§ 8. D’autre part il me semble qu’il y a deux choses sur lesquelles M. Meillet ne s’est pas arrêté ou sur lesquelles il n’a pas suffisamment insisté.
1) Il peut y avoir de l’intérêt à faire abstraction des sujets parlants, et à n’envisager que l’histoire de tous les éléments d’une langue quelconque. L’exposé historique ainsi constitué, au lieu d’un point de départ, en aurait plusieurs.[5] Ceci n’a pas grand avantage dans le cas où la langue est sensiblement une; mais si elle a subi des influences profondes d’autres langues, le tableau général y gagnerait beaucoup en faisant ressortir le rôle de tous ces facteurs.
Et ceci d’autant plus que le sentiment de continuité de langue chez les sujets parlants semble être guidé surtout par le côté
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matériel de la langue. Dans mes excursions dialectologiques, j’ai toujours observé que les sujets parlants sont facilement portés à constater les ressemblances phoniques des mots et beaucoup moins celles qui relèvent de la sémantique. Il s’ensuit que les linguistes eux-mêmes, fascinés par le côté extérieur des signes du langage, tiennent moins compte de ce que M. Schuchardt appelle innere Forme. Cependant il y a nombre de langues, où la «forme extérieure» et la «forme intérieure» remontent à des langues diverses, tandis que dans les exposés ordinaires c’est toujours celle-là qui l’emporte sur celle-ci, de sorte que la part due à la langue qui a donné la «forme intérieure» reste souvent dans l’ombre.
2) Une fois que la parenté des langues reposant sur le sentiment de continuité de langue des sujets parlants, est reconnue être un fait historique, il est évident qu’elle n’est démontrable que par les procédés historiques. La linguistique comparée ne peut y être pour rien. Dans les cas où la langue est sensiblement une, la question ne fait pas de difficultés. Mais là où l’on a affaire à une langue comportant des éléments hétérogènes, les méthodes linguistiques ne suffisent pas. Nous avons bien une série de cas où nous sommes en état de procéder non seulement par la méthode linguistique, mais aussi par la méthode historique, et l’on peut bien tirer de ces cas observés quelques règles empiriques; d’après ces règles nous sommes bien autorisés à admettre dans des cas définis le fait historique non attesté du sentiment de continuité de langue dans telle ou telle direction; mais ces règles sont beaucoup trop sommaires et ne sont valables que pour les langues ayant plus ou moins la même structure.
§ 9. Enfin ne pourrait-on imaginer des conditions sociales où l’extinction même du sentiment de la continuité de la langue serait possible? Admettons deux tribus d’importance égale, mais de langues différentes, ayant perdu tout contact avec les tribus parentes et étant obligées de vivre ensemble en ne formant qu’un seul groupe social. Il est évident que dans ce cas-là, des liens sociaux, à l’intérieur de chaque tribu, il ne restera que la langue,
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les coutumes etc. Mais puisque tqut membre du nouveau groupe aura intérêt à se faire comprendre non seulement par les siens, mais aussi par les représentants de l’autre tribu, il apprendra tant bien que mal la langue de ceux-ci. Or comme aucune des deux langues «pures» n’aura d’avantages sur l’autre et ne sera d’aucune utilité pratique, vu l’affaiblissement complet des liens sociaux à l’intérieur de chaque tribu, il ne subsistera que ces langues mai apprises qui seront un mélange en proportions différentes des deux langues originaires. En supprimant tout ce qui est trop individuel, et par conséquent difficile,[6] de chaque côté (par exemple une grammaire trop compliquée), on formera de ce mélange une langue une, adaptée aux besoins du nouveau groupe.social, mais ne continuant, pour les sujets parlants, aucune des deux langues originaires.Le processus serait le même que dans la formation des parlers créoles, à cette différence près qu’il y aurait bien ici une langue définie qu’on voulait imiter, tandis que dans l’exemple imaginé ci-dessus on devrait se soucier fort peu d’imiter telle ou telle langue, vu l’égalité de leur valeur sociale, et ce n’est que la facilité de se faire comprendre qui y serait un facteur décisif.
Tout ceci ne veut et ne doit diminuer en rien la valeur des grammaires comparées existantes, mais admet seulement que nous pouvons toujours nous trouver en présence d’une tâche que nous ne serions pas en état de résoudre au moyen de nos méthodes comparatives et non parce qu’il n’y aurait pas des concordances à constater, mais parce que de ces concordances nous ne pourrions pas conclure au fait historique du sentiment des sujets parlants de continuer telle ou telle langue. Il est possible que dans tous ces cas nous soyons condamnés à un ignoramus perpétuel; mais il est possible aussi qu’au moins dans certains cas de ce genre la recherche scientifique aboutît à trouver des moyens de démonstration là où cela nous semble aujourd’hui impossible.
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D’ailleurs ces considérations ne paraissent pas avoir échappé à M. Meillet, au moins dans leur conséquences pratiques, car il dit expressément dans l’article cité que les procédés comparatifs ne s’appliquent pas aux langues spéciales et aux langues n’ayant pas de grammaire plus ou moins compliquée.
§ 10. Tout cela est de la pure théorie, mais nous ramène à la question du mélange des langues que nous avons perdue de vue. C’est que la réponse à cette question, comme d’ailleurs à toutes les questions de ce genre, doit être cherchée dans l’individu même, placé dans telles ou telles conditions sociales.Cela a été vu depuis longtemps par M. Schuchardt: «Das Problem der Sprachmischung, welches mit dem der Bilinguität aufs innigste zusammenhängt, ist ein ziemlich verwickeltes und nur auf psychologischer Grundlage ins klare zu setzen» («Zur afrikanischen Sprachmischung». Das Ausland, 1882, S. 868, cité d’après Hugo Schuchardt-Brevier, S. 129). M. Meillet dans l’article souvent cité a dirigé ses recherches aussi de ce côté, car le sentiment et la volonté de parler telle ou telle langue ne peuvent se trouver que dans l’individu. Mais il n’a pas poussé l’analyse de ces faits psychologiques jusqu’au bout, se bornant à quelques remarques qui, tout en étant précieuses, sont loin d’épuiser le sujet.
§11. Il est clair avant tout que toute influence réciproque des langues demande qu’il y ait des sujets si peu que ce soit bilingues. Par conséquent il faut commencer par voir comment on est bilingue. L’observation montre qu’il y a deux modes de coexistence de deux langues dans un individu.
1) Les deux langues forment deux systèmes d’associations à part n’ayant pas de contact entre eux. C’est un cas très fréquent chez les sujets ayant appris les langues étrangères de bonnes étrangères ou institutrices étrangères avec lesquelles ils ne pouvaient parler que la langue qu’ils apprenaient à l’exclusion de toute autre langue. C’est pour cela qu’ils n’ont jamais eu l’occasion de traduire la langue étrangère en leur propre langue et
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inversement, car on n’est censée bonne institutrice, et cela non sans raison, que quand on ne comprend pas un mot d’indigène. De la sorte on s’habitue à employer une langue étrangère sans l’entremêler de sa propre langue. Aussi forment-elles dans ce cas-là deux domaines autonomes dans la mentalité des personnes devenues bilingues de cette manière. Les sujets ainsi constitués, tout en parlant assez couramment les deux langues, ont toujours beaucoup de peine à trouver les termes équivalents des deux langues: les mots cherchés ne leur arrivent que difficilement. Ils peuvent expliquer, mais sont toujours embarrassés de traduire ce que signifie telle ou telle phrase, tel ou tel mot.
Même effet est obtenu par les lectures abondantes qu’on fait sans l’aide du dictionnaire, et cet effet est aussi l’idéal de la méthode de l’enseignement des langues dite naturelle. Cette méthode, disons-le en passant, est bonne pour les commis voyageurs, pour les touristes et en général pour tous ceux qui ont besoin d’entrer en rapport immédiat avec les étrangers, mais elle ne vaut absolument rien pour le développement intellectuel des élèves, enfants ou adultes, car l’apprentissage des langues n’est instructif que quand il habitue à l’analyse de la pensée par l’analyse des moyens d’expression. Et on y arrive seulement en étudiant parallèlement les langues et en recherchant toujours leurs éléments correspondants. Ce n’est qu’alors que l’apprentissage des langues devient un instrument puissant de la formation de l’esprit en dégageant, au moyen de la comparaison des faits linguistiques, la pensée du joug de la langue et en faisant observer aux élèves la diversité des moyens d’expression et leurs valeurs jusqu’aux nuances les plus subtiles. Tout cela n’est possible que quand on applique la méthode de traductions.
2) C’est en apprenant une langue au moyen de cette dernière méthode qu’on arrive probablement de la manière la plus naturelle à un état où deux langues quelconques ne forment dans notre esprit qu’un seul système d’association, ce qui constitue le second mode de coexistence des langues. Tout élément linguistique a
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alors son équivalent immédiat dans l’antre langue, de sorte que la traduction ne fait aucune difficulté pour les sujets. Les exemples de cet état de choses nous sont très familiers, car cela arrive plus ou moins toujours lorsque nous apprenons une langue dans quelque manuel en étudiant les mots isolés avec leurs significations et les règles grammaticales appliquées exclusivement dans les exemples bien choisis.
Au temps de mes études des dialectes sorabes, j’ai eu l’occasion d’observer de près une population bilingue de ce type, parlant à la fois l’allemand et le sorabe. J’ai pu constater que tout mot de ces personnes bilingues comporte trois images: l’image sémantique, celle des sons du mot correspondant allemand et celle des sons du mot correspondant sorabe, le tout faisant une unité comme un mot de toute autre langue. Les sujets parlants ont bien la conscience que telle forme est sorabe et telle autre allemande, mais passent facilement de l’une à l’autre, de sorte que les substitutions réciproques dans les cas où une des deux formes faiblit pour une raison quelconque restent toujours inaperçues. Il serait peut-être même inexact de dire que les sujets dont il est question savent deux langues: ils n’en savent qu’une, mais cette langue a deux modes d’expression et on emploie tantôt l’un, tantôt l’autre.
On voit que ce second mode de coexistence de langues forme un terrain favorable pour le mélange des langues. On peut dire même que deux langues coexistant ainsi ne forment au fond qu’une seule langue à laquelle on pourrait donner le nom de langue mixte à deux termes.
§ 12. Si l’on considère maintenant de plus près ce qui se passe dans les deux cas, la notion du mélange des langues gagnera encore en réalité, se montrant toute différente de celle de l’emprunt.
Il n’y a pas besoin d’insister ici sur le fait que tout groupe social possédant des notions, soit d’ordre matériel, soit d’ordre abstrait, qui lui sont propres, se crée pour elles des termes spé-
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ciaux qui font défaut comme les notions elles-mêmes à d’autres groupes.
On sait aussi que le monde qui nous est donné dans notre intuition, tout en restant le même partout, est conçu de manière différente dans les différentes langues, même dans celles qui sont parlées par les peuples formant une certaine unité au point de vue de la culture. Soit la notion de la température de l’eau: on dit en français l’eau chaude, tiède, froide; en allemand — heisses, warmes, lauwarmes, kaltes Wasser; en russe кипяток (qui n’est pas nécessairement «l’eau bouillante = кипящая вода», mais qui n’est pas non plus «l’eau bouillie = кипяченая вода»), горячая, теплая, холодная вода. On voit qu’il n’y a pas de termes absolument équivalents pour ce qui n’est pas froid. Soit encore la notion «prendre la nourriture»: on dit en français — je ne cite que les termes les plus communs — manger, avaler, dévorer, prendre son repas; en allemand — essen, fressen, speisen; en russe — есть, кушать, жрать. On voit bien aussi qu’il n’y a pas non plus d’équivalence réciproque entre tous ces termes. Aimer en français, любитъ en russe répondent à une notion plus générale que lieben en allemand, car on ne peut pas Weissbrod lieben, par exemple. D’une manière générale on peut dire qu’il n’y a pas de notions absolument identiques dans les différentes langues, et c’est pour cela que la traduction, comme on le sait par expérience, n’est jamais exacte.
On sait de plus que les termes de différentes langues, même pour les notions plus ou moins identiques, sont souvent différents par leurs associations secondaires: chauve-souris, Fledermaus, летучая мышь désignent le même objet, mais le représentent dans une certaine mesure différemment. Même les mots les plus simples peuvent, désignant un même objet, être différents par le seul fait d’appartenir à des langues diverses dont l’une est moins habituelle que l’autre.
§ 13. Quand deux langues existent indépendamment chez un individu, celui-ci a la possibilité, tout en en parlant une, de
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puiser dans le vocabulaire de l’autre les termes qui lui semblent utiles ; mais il s’ensuit de tout ce qui précède qu’il emprunte alors à l’autre langue avant les termes les notions, ou leurs nuances, leurs couleurs enfin, qui lui paraissent être nécessaires pour une raison quelconque. C’est le cas très fréquent de l’emprunt. Il est indispensable quand il s’agit d’une notion absolument nouvelle — un objet quelconque, une invention, une idée etc. et il peut alors avoir lieu là même où la connaissance de la langue à laquelle on emprunte est minime. Mais il a aussi lieu quand il n’y en a pas de nécessité immédiate. C’est qu’il facilite beaucoup le mouvement de la pensée. Quand on veut rendre son idée de la manière la plus précise, on est si content souvent de pouvoir employer un mot étranger qui répond exactement à ce qu’on veut dire, comme par exemple Ursprache des Allemands en français. Si vous voulez éviter le mot étranger, vous devez souvent revenir sur vos pas et reconstruire toute la pensée et c’est très agaçant souvent. C’est pour cela que la langue de nos journaux fourmille de barbarismes inutiles, dûs à la hâte, au manque de goût, d’éducation philologique dans le vrai sens de ce mot et d’assiduité au travail. Mais on est souvent amené à entremêler son discours de mots étrangers pour d’autres motifs: tantôt le mot vous semble spécialement expressif, tantôt joli, tantôt dépourvu d’associations déplaisantes (pour les choses indécentes, par exemple), etc., etc. Les cas peuvent être plus ou moins fréquents, en fonction des facteurs divers, mais ce seront toujours des emprunts de mots, de membres de phrases ou de phrases entières.
§ 14. D’autre part il est clair que pour former un système d’associations, c’est-à-dire une langue mixte à deux termes, les deux langues coexistantes dans un individu doivent avoir tous les. éléments sémantiques communs, c’est-à-dire qu’elles sont obligées d’uniformer leur conception du monde et de rendre toutes leurs notions plus ou moins identiques, non seulement quant à leur matière, mais aussi et peut-être surtout quant. à leur extension. C’est ce que nous voyons arriver chaque jour chez des personnes
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ayant des connaissances insuffisantes d’une langue étrangère quelconque. Par exemple, un Russe dirait en français j'ai reçu la permission, j’ai reçu un rhume au lieu de j'ai obtenu une permission, j'ai attrapé un rhume parce que le verbe russe получать, correspondant au français recevoir, a une signification tout à fait générale sans aucune nuance spéciale. En revanche un Français peu averti pourrait très bien dire я варю хлеб — ich koche Brod, se souciant fort peu que варить = kochen et печь = backen sont deux notions nettement opposées, aussi bien en allemand qu’en russe, parce que le mot français cuire répond à une notion plus générale.
Il n’y a pas lieu d’insister ici sur les faits de ce genre, car ils sont trop connus. D’ailleurs le livre déjà cité de M. Schuchardt «Slawo-deutsches und slawo-italienisches» en abonde. Dans le dialecte sorabe que j’ai mentionné ci-dessus et dont j’ai fait la description aussi fidèle que je pouvais dans le livre «Восточно-лужицкое наречие» (1915) l’uniformation des notions est poussée aussi loin que possible.
Pour ne pas parler des mots, que dans le dictionnaire (non publié) j’ai été obligé de faire suivre toujours de leurs équivalents allemands, prenons les prépositions comme exemple: sor. dla = all. wegen (mojegla — meinetwegen); sor. za = all. für (exemples: «je dois coudre pour une demoiselle», «des bonbons pour un sou», «une fourche pour le fumier», «une fois durant la journée»); sor. wot — all. von (exemples: «en bois de bouleau», «de Moujakow», «abattre les pommes des rameaux», «de faim», «j’ai parlé de mon frère», «il pense à quelque chose», «il est porté par quatre personnes», etc., voir le livre cité, page 87 et suiv.).
Mais cet état de choses amène bien d’autres changements, par exemple la tendance à créer des termes pairs partout où il y a des notions distinctes; c’est ainsi que le sorabe a reçu l’article dont il n’avait nul besoin, une sorte de parfait qui est calqué sur le parfait allemand etc. Il est évident que tout cela n’aurait pas lieu dans le cas d’une coexistence indépendante des langues. Il est bien
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possible que l’opposition de l’allemaud arbeiten | erarbeiten soit due au même facteur, c’est-à-dire, calquée sur des oppositions slaves correspondantes.
Une dernière conséquence de la constitution d’une langue mixte à deux termes est la tendance à réorganiser toutes les expressions, pour que les deux termes soient le plus semblables quant à la forme intérieure. Les exemples sont abondants. On les connaît.
§ 15. Tous ces changements ne sont pas des emprunts, mais sont dûs au processus qu’on peut avec bon droit nommer mélange des langues. Mais le processus ne s’arrête pas là: il va plus loin. Dans les unités à deux termes de ce que nous avons appelé «une langue mixte à deux termes» il peut toujours arriver qu’un des termes faiblit pour une raison ou pour une autre, d’abord chez l’individu, ensuite dans le groupe social. L’autre, resté seul, remplit alors les deux fonctions, mais, chose curieuse à retenir, les sujets parlants perdent la conscience de son origine. J’ai pu constater un nombre infini de fois que les sujets parlants ne reconnaissent pas l’origine des mots allemands dans le discours sorabe, lorsque ceux-ci n’ont pas de doublets sorabes.
On pourrait donc supposer que la distinction entre l’allemand et le sorabe, en général très nette, puisse s’éteindre complètement avec la perte de tous les doublets. En tout cas il serait très intéressant de voir ce qui se passerait, s’il n’y avait que des personnes bilingues, c’est-à-dire si ni l’allemand, ni le sorabe n’étaient parlés à l’exclusion l’un de l’autre. Malheureusement pour la question, la chose ne se prête pas à l’expérience et je ne saurais dire si à l’heure qu’il est il y a quelque part des conditions sociales favorables aux observations qui pourraient la remplacer.
L’observation des milieux bilingues dans les conditions ordinaires montre que dans les langues mixtes à deux termes le discours est censé appartenir à la langue dans laquelle les relations grammaticales sont exprimées. Par exemple la phrase anecdotique du «Petershurger Deutsch»: Bring die банка mit вa-
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ренье von der полка im чулан «apporte le pot de confitures du rayon dans la chambre à provisions» est sentie comme de l’allemand.
§ 16. Une autre question intéressante à étudier serait de savoir quelles sont les conditions du développement d’une langue mixte à deux termes. Certaines observations peuvent être faites sur n’importe qui, car chacun de nous est «polylingue», si l’on veut bien me passer le mot, car tout le monde parle différemment dans les milieux divers. De règle ces différents dialectes coexistent en nous d’une manière tout à fait indépendante l’un de l’autre et nous n’y faisons que des emprunts quelquefois par plaisanterie ou pour rendre notre langage plus expressif, en ayant toujours soin de les mettre pour ainsi dire entre guillemets. Je me rappelle fort bien l’effet que produisait dans les causeries littéraires de M. Koni le mot всамомделишный «vrai», emprunté par lui au langage enfantin: il plaisait beaucoup justement par l’imprévu de l’emprunt et parce qu’il rendait bien la nuance. Mais il y a des cas où les milieux, tout en étant distincts en eux-mêmes, ne sont pas bien délimités pour nous, comme par exemple pour les mères de grandes familles où il y a beaucoup d’enfants. Elles sont toujours obligées d’employer tantôt le langage enfantin, tantôt celui des adultes, et il semble qu’il se constitué chez elles dans certaines conditions quelque chose comme une langue mixte à deux termes, qu’on peut supposer en raison de ce qu’elles entremêlent souvent leur langage des mots enfantins qu’elles n’ont pas soin de «mettre entre guillemets». Mais tout cela est assez vague et demande plus d’observations précises.
§ 17. Quelles sont les conclusions qui sont à tirer de tout ce qui précède? Avant tout celle-ci: il me semble qu’on a à distinguer dans l’influence réciproque des langues deux processus absolument différents: emprunt et mélange des langues,[7] se
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basant le premier sur le bilinguisme, comme je proposerais de nommer la coexistence indépendante de deux langues chez un même individu, et le second sur une langue mixte à deux termes. Il va de soi qu’en réalité il y a toujours des formes intermédiaires et que les deux processus s’entrecroisent le plus souvent. Mais cela ne peut d’aucune façon ébranler la distinction capitale faite ci-dessus.
Il semble ensuite que le développement du «bilinguisme» ou de «langue mixte à deux termes» dépende: 1) du mode d’apprentissage de la seconde langue et 2) de la délimitation des domaines d’emploi des deux langues.
Le mélange des langues n’implique pas nécessairement la perte du sentiment de continuité d’une langue donnée.
Il semble que certains changements relèvent surtout du mélange des langues, comme les changements de la «forme intérieure», mais, dans la plupart des cas, des éléments hétérogènes d’une langue donnée on ne peut rien conclure à la nature du processus par lequel ils ont été réunis. Tout cela est à étudier encore sur la base de faits bien contrôlés et beaucoup plus nombreux.
§ 18. Enfin il ne semble pas que tout cela puisse ébranler en quoi que cela soit les résultats acquis par les grammaires comparées existantes, invoquées par M. Meillet dans ses articles sur la parenté des langues («Linguistique historique et linguistique générale», 1921). Par exemple, on ne peut rien dire sur la question de savoir si l'anglais contemporain est basé sur le mélange des langues ou non. Mais cela n’a aucune espèce d'importance, car le système grammatical anglais, tel qu’il existe, continuant le système germanique, il est à supposer d’après l’expérience que le sentiment de continuité en anglais a toujours été lié avec les éléments ger-
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maniques et par conséquent on doit reconnaître l’anglais comme une langue germanique.
Mais d’autre part je ne vois pas ce qu’il y aurait de changé, s’il était prouvé qu’il y a eu un moment où les ancêtres linguistiques des Anglais ont perdu, par suite du développement d’une langue mixte à deux termes à l’exclusion de toute autre langue, le sentiment de continuité.[8] L’Anglais n’en figurerait pas moins dans la grammaire comparée des langues germaniques. Quant à la grammaire historique de l’anglais, il n’y aurait qu’à apporter quelques changements dans l’exposé, car tout en prenant l’anglais pour une langue germanique, on n’est pas dispensé pour cela de faire l’histoire de ses éléments non germaniques. Ce qui gagnerait en tout cela, c’est la compréhension du procès linguistique historique lui-même, mais c’est tout simplement parce qu’on ne s’en est presque pas occupé jusqu’ici, toute l'attention des linguistes étant concentrée sur la fixation des correspondances des éléments linguistiques entre deux langues parentes ou entre deux états successifs d’une même langue.
L. Ščerba.
Septembre, 1924.
[1] Voir maintenant «La méthode comparative en linguistique historique». Oslo, 1925, p. 72 et suiv. et surtout 83. Note de correction .
[2] «Slawo-deutsches und Slawo-italienisches». Graz. 1885. Je ne donne pas ici l’historique de la question, beaucoup de travaux m’étant d’ailleurs inaccessibles, mais je suis le développement de mes propres idées en ne citant que ce qui me paraît utile pour cela.
[3] Quoique cela puisse paraître bizarre, j’ose néanmoins affirmer que quand M. Schuchardt dit, p. 528 de «Sprachverwandschaft»: «In der Tiefe decken sich Sprachgeschichte und Geschichte der Sprechenden», le fond de ses idées ici est le même que chez M. Meillet, toutefois dans une autre connexion. Comparez encore: «Die Sprachtatsachen stehen in keinem notwendigen Zusammenhang miteinunder, der innern Form nach kann eine Sprache mit dieser andern, der äussern nach mit einer andern verwandt sein. Die Bewertung dieses Verhältnisses (pour la question de parenté des langues) lässt sich nicht aus der Sprache selbst schöpfen, sondern nur aus ihrer Verbindung mit den Sprechenden («Baskisch-hamitische Wortvergleichungen» dans la Revue Internationale des Etudes Basques, VII, 1913, p. 4 du tirage à part). On retrouve les mêmes idées chez M. Kroeber, cité souvent par M. Schuchardt: «And after all, the relationship of languages is primitively an ethnological, that is to say a historical problem, not essentially connected with linguistic theory» (The Determination of Linguistic Relationship, Anthropos, 1913, page 392, passage cité chez Schuchardt au bas de la même page d’où est tirée la citation précédente).
[4] J’entends partout le groupe social dans le sens le plus large de ce mot.
[5] Cela répond peut-être à uue idée de M. Baudouin de Courtenay, émise à la fin de son article cité ci-dessus et relative à la création des grammaires comparées des langues non parentes, mais ayant beaucoup d’éléments communs.
[6] Voir là-dessus entre autres mon livre «Восточно-лужицкое наречие», 1915, p. 194.
[7] Je préfère ce terme au croisement des langues de M. Marr, car celui-ci continue l’image malsaine, comme l’ont reconnu M. Schuchardt (p. 619 de l’article cité) et M. Meillet («Linguistique historique et linguistique générale», p. 102), de parenté des langues: «une langue ,,fille“ est une transformation d’une langue mère et non un rejeton» et en cas de parenté, n’a pas de père même métaphorique. Mais le besoin d’une notion autre que l’emprunt a été bien senti par M. Marr dans ses recherches japhétiques et se justifie par l’analyse plus précise de faits relatifs à la question.
[8] C’est peu probable pour l’anglais, mais ce n’est pas tout à fait inimaginable en général d’après ce qui a été dit § 15 sur la perte de conscience des origines du mot en cas d’absence de doublets. Malheureusement les exemples manquent absolument, au moins que je sache, et il est possible qu’il n’en ait jamais existé.