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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы


-- [...itch.] Les Slaves d'Autriche et les Magyars. Études ethnographiques, politiques et littéraires sur les Polono-Galliciens, Ruthènes, Tchèques ou Bohèmes, Moraves, Slovaques, Sloventzis ou Wendes méridionaux, Croates, Slavons, Dalmates, Serbes, etc. Et les Hongrois proprement dits ou Magyars, Paris : Passard, 1861.

Avant-propos

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Les Slaves d'Autriche

3
I. Situation actuelle de l'Autriche

18
II. Constitution de l'Autriche

31
III. Nationalités

49
IV. Nationalités politiques de l'Autriche au point de vue politique et historique

67
V. Nationalités des États de l'Autriche au point de vue des races et de l'idiome

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VI.- Les Magyars et leurs rapports avec les autres nationalités historiques et ethnologique des pays hongrois

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VII. Luttes des nationalités d'Autriche en 1848

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Conclusion

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V. Nationalités des Etats de l'Autriche au point de vue des races et de l'idiome

La population de l'Autriche, depuis que la Lombardie en a été détachée, s'élève à peu près au chiffre de 35,000,000 d'habitants. Dans ce chiffre, la grande famille slave compte environ quinze millions et demi d'âmes. Ces chiffres sont tirés de la statistique officielle, qui, certes, n'est pas favorable aux Slaves, car souvent on y voit classés, parmi les Allemands, des habitants de villes surtout, par la seule raison qu'ils savent parler allemand, quoique souvent ce soient des Slaves, même des moins contestés. Généralement les idées qu'on a dans les pays occidentaux sur les Slaves sont en grande partie erronées; c'est pourquoi, avant de parler des autres nations, nous en dirons quelques mots. La famille des Slaves est la troisième branche de la race indo-euro-
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péenne, et se rapproche de la famille latine, qui en est la première, et de la famille germanique, qui en est la deuxième, d'abord par la ressemblance du type anatomique et physiologique, et ensuite par l'affinité des langues, la dérivation et l'inflexion des mots et autres marques caractéristiques, communes aux trois races. Les Slaves comptent à peu près 86 millions d'âmes, et occupent la moitié orientale de l'Europe, de sorte qu'en tirant une ligne droite depuis la mer Baltique jusque la mer Adriatique, toute la partie qui se trouve du côté de l'Orient est slave, à peu d'exceptions près.
Les ethnographes et les philologues slaves divisent cette famille en deux branches principales : la première est celle des Slavo-Russes au Nord-Est, qui se subdivisent, 1° en Grands-Russiens (40 millions) ; 2° Petits-Bussiens (15 millions) ; 3° Blancs-Russiens (3 millions), et des Slavo-Illyriens (Bulgares, Serbes et Slovènes) au Sud-Est. La seconde est celle des Slaves occidentaux, comprenant 1° les Polonais ; 2° les Bohèmo-Slaves, et 3° les Wendes ou Serbes du Nord, habitant la Lusace saxonne et prussienne. Les Slaves d'Autriche appartiennent surtout à la branche des Slaves occidentaux.
Les Bohémo-Slaves (Tchèques en leur langue) oc-
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cupent les pays de la couronne de Bohême, la Bohême proprement dite, la Moravie, la Silésie et le nord-ouest de la Hongrie. Ils parlent le bohème jusqu'au centre de la Moravie ; au-delà le bas peuple ne parle que des dialectes ou patois (le hanaque, le silésien, le slovaque, et une multitude d'autres, qui ne sont que des variations de ce dernier) jusqu'aux environs d'Eperies.
Les Bohémo-Slaves forment plus des deux tiers des 8 millions de la population bohème et plus des trois quarts de celle de la Moravie. La race allemande, qui forme le reste de ces deux populations, occupe les districts des frontières. Elle se trouve en masse plus compacte au nord-ouest et au nord-est de la Bohême; et ensuite au nord de la Moravie et de la Silésie. Les Bohémo-Slaves de la Hongrie, appelés Slovaques, occupent les vallées où coulent les rivières qui descendent des monts Carpathes. Leurs limites ethnographiques au Sud se rapprochent du Danube sur quelques points, et là où ce fleuve forme un angle droit vers le Sud, elles prennent une direction nord-est. Si on excepte l'ancienne langue slave de l'Eglise, qui a cessé d'être une langue littéraire vivante, le bohémo-slave, ou simplement le bohème (tchèque) est la plus ancienne des langues
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littéraires slaves. La littérature bohème écrite remonte au Xe siècle. Au XIVe et au XVe siècles elle avait des prosateurs éminents. Le célèbre Jean Huss fut en même temps le réformateur de l'orthographe et l'un des écrivains bohèmes les plus distingués. Après lui la littérature bohème, grâce surtout aux travaux de quelques hommes éminents de la secte des frères Bohèmes ou Moraves, prit des développements de jour en jour plus considérables, et arriva enfin à son âge d'or au commencement du XVIIe siècle. De même que la liberté du royaume, elle reçut une blessure mortelle à la bataille de Prague; et ne fit que languir jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Les efforts et la persévérance d'hommes capables l'ont ranimée dans les premières années de ce siècle, et lui on fait prendre un essor extraordinaire. Actuellement une phalange d'écrivains, très versés dans toutes les branches de la littérature, et patriotes, travaillent sans relâche, pour éclairer et instruire leurs conationaux. Par leurs soins l'instruction est tellement répandue, non seulement dans la bourgeoisie, mais aussi parmii le peuple des campagnes, que des ouvrages fort sérieux s'y vendent par milliers, et que la société qui s'est formée en Bohème pour éditer des livres d'instruction mo-
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rale et religieuse est obligée de tirer à 27,000 exemplaires les ouvrages qu'elle publie, afin de satisfaire aux demandes qui lui en sont faites. Il y a bien peu de pays où le bas peuple aime aussi passionnément la lecture. Quelques Slovaques de la Hongrie, (les Slovaques forment une tribu d'environ 2,000,000 d'âmes), ont eu l'étrange idée d'écrire dans un des patois du pays afin de l'élever à la dignité de langue littéraire, mais jusqu'à présent tous les essais faits dans cette intention se sont bornés à la composition de quelques poésies ou chansons nationales, et de quelques livres religieux à l'usage du peuple. Les hommes les plus sensés et les plus instruits de cette tribu, continuent à employer le bohème dans leurs productions littéraires, comme l'ont fait les écrivains les plus célèbres depuis le XVe siècle jusqu'à nos jours, où les Slovaques les plus renommés, Chafarjik, auteur de l'histoire primitive des Slaves, et le poète Kollar, qui, dans une brochure remarquable, a proclamé le premier la doctrine du panslavisme, ont ajouté beaucoup de lustre à la littérature bohème moderne.
Cette même tribu slovaque, dès avant 1848 et par la voix du clergé principalement, s'est opposée énergiquement aux lois émanées de la Diète hongroise
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qui tendaient à la magyariser, quoique ces lois fussent appuyées même par la noblesse incontestablement d'extraction slovaque, dont plusieurs familles sont comptées au nombre des premières du pays. Cette même tribu, dans le mouvement de 1848, s'est ouvertement prononcée contre le gouvernement magyar, seulement parce qu'il avait voulu la magyariser. Soulevés par quelques prêtres et quelques défenseurs ardents de leur nationalité (Hurban et Stur), les Slovaques, commandés par des officiers moraves et bohèmes, firent une contre-révolution qui fut d'abord comprimée par des troupes autrichiennes, mais qui plus tard se développa sous la protection du gouvernement de Vienne, et sous la protection et les ordres du colonel polonais baron Lewartowski. En 1849, l'homme le plus célèbre de cette tribu, Kollar, ancien prédicateur protestant à Pesth, puis professeur de langue et de littéralure slaves à l'université de Vienne, demanda avec instance que le pays des Slovaques fût détaché de la Hongrie et érigé en province de l'Empire. Le gouvernement était sur le point de l'accorder, lorsque la réflexion qu'il n'était pas de son intérêt de donner plus de développement à l'élément slave qu'à l'élémént magyar, et qu'une telle séparation serait
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une offense mortelle au vieux parti conservateur hongrois, alors favorable à l'Empire, le fit reculer, et la Slovaquie continua à faire partie de la Hongrie. Depuis lors les rapports entre ces deux races n'ont subi aucun changement. Comme les Slovaques n'ont pas beaucoup à se louer actuellement de l'administration autrichienne, surtout par rapport aux impôts, à la liberté politique et à l'égalité nationale, beaucoup d'entre eux, et à plus forte raison ceux en qui le désir et le besoin d'institutions libres l'emportent sur le sentiment de leur nationalité opprimée, penchent maintenant vers les Magyars, qui opposent au gouvernement central la résistance la plus opiniâtre. Il est juste aussi de reconnaître que les écoles et l'enseignement ont reçu de grandes améliorations par les soins du ministère, de quelques conseillers de l'instruction publique et du clergé. Ce dernier, ayant commencé à s'occuper un peu plus de l'instruction populaire, a dû nécessairement étudier davantage la langue littéraire des Bohémo-Slaves et se familiariser avec cette littérature. Cela étant, si le prestige politique, augmenté encore par les tendances illibérales du gouvernement, a acquis aux Magyars une importance plus grande parmi les Slovaques, le surcroît d'activité
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littéraire chez ces derniers, en fortifiant leur nationalité, a rendu bien plus difficile, je dirai même impossible l'entreprise insensée de les magyariser. La confiance des Slovaques envers les Magyars n'est que conditionnelle; on ne pourra supprimer toute défiance et toute éventualité de lutte entre ces deux peuples qu'en les plaçant franchement sur le pied d'une parfaite égalité.
La seconde nation slave de la branche occidentale, ce sont les Polonais, au nombre de 9 millions, qui parlent tous la même langue, et dont plus de 2 millions sont sujets de l'Autriche, et habitent à l'ouest de la GaIIicie. Leur frontière ethnographique quf les sépare des Petits-Russiens (Roussines ou Ruthènes), leurs voisins, passe près de la ville de Tarnou dans la direction du Sud-Ouest au Nord-Est.
Cependant, au-delà de cette ligne, parmi les Petits-Russiens, on trouve encore des Polonais partout, principalement dans les villes. Les nobles du pays, les propriétaires, leurs employés, leurs fermiers, etc., sont Polonais, ce qui donne dans toute la Gallicie une prépondérance sociale très importante à l'élément polonais. Les nations occidentales connaissent l'histoire et la littérature de ce peuple bien plus que celles des autres Slaves,
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aussi nous pouvons nous dispenser d'en parler longuement. En fait de poésie et de romans, cette littérature est la plus riche des littératures slaves. Les Polonais cultivent bien aussi les autres branches de la littérature, mais, en général, ils ne s'adonnent guère à l'étude des sciences exactes. Ils n'aiment pas non plus le commerce ni l'industrie, qui sont presque exclusivement entre les mains des étrangers et des juifs. Aussi cette nation, n'a pas de bourgeoisie, et par conséquent de Tiers-Etat, cette anneau indispensable pour unir la classe des paysans à la noblesse. Ce manque de bourgeoisie est cause que la nation se trouve partagée en deux classes qui ne se ressemblent aucunement; l'une peut aller de pair avec les nations les plus civilisées de l'Occident, tandis que l'autre est grossière et sans la moindre instruction. Cet état de choses rend les intelligences et les rapprochements entre les deux classes très difficiles, surtout quand leurs intérêts privés sont opposés.
A côté des Polonais sont les Petits-Russiens ou Ruthènes, qui occupent, au nombre d'environ trois millions, tout l'est de la Gallicie. Une partie de cette tribu a passé les monts Carpathes, et habite aujourd'hui le coin nord-est de la Hongrie, au nombre
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d'un demi-million. Depuis les temps les plus reculés, les Petits-Russiens obéissaient aux princes de la grande dynastie de Rurik. Celle-ci, après avoir fondé l'empire de Russie, se partagea en diverses branches, dont les chefs, à cause des guerres continuelles qu'ils se faisaient les uns aux autres, s'affaiblirent au point que plusieurs d'entre eux devinrent les vassaux de leurs voisins plus puissants. De cette manière les Petits-Russiens de l'ancienne principauté de Ghalitch (Gallicie) et des pays environnants devinrent, au commencement du XIVe siècle, les sujets de la grande principauté de Lithuanie, et à la fin de ce même siècle, ils se trouvèrent réunis à la Pologne, lorsque la dynastie lithuanienne des Jagellons fut appelée au trône de ce pays. Dans ce grand royaume, qui venait de se former ainsi, l'élément national polonais et l'influence du catholicisme, professé et protégé par la Cour, ne tardèrent pas à avoir le dessus et à dominer au point que l'ancienne noblesse tant lithuanienne que petite-russienne embrassa le catholicisme et se fit tout à fait polonaise. Cependant, le peuple petit- russien et blanc-russien des anciennes dépendances de la Lithuanie resta attaché à la foi orthodoxe et au rite slave. Par des motifs politiques autant que par zèle
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de religion, les Polonais parvinrent, avec le temps, à faire consentir les Petits-Russiens à leur union avec l'Eglise catholique, c'est-à-dire à reconnaître la suprématie du pape dans l'Eglise et à introduire quelques changements peu importants dans leur liturgie. Par ce moyen les Ruthènes devinrent Grecs-unis ou Grecs-catholiques, comme le sont encore ceux qui sont dans l'empire d'Autriche. Dans les pays qui firent partie de l'ancien royaume de Pologne, le gouvernement russe est parvenu a ies faire rentrer dans le sein de l'Eglise orthodoxe. On sait les récriminations auquelles de part et d'autre cette affaire a donné lieu; mais à en juger en homme impartial, on n'y voit que des motifs politiques. Les Polonais avaient amené cette union pour éloigner les Petits-Russiens des Russes et les soustraire à leur influence; de même les Russes, étant devenus les plus forts, ont rompu l'union pour hériter de l'influence politique que la noblesse polonaise, toute catholique, avait sur les peuples. En Gallicie, où l'union existe encore, les Petits-Russiens n'ont ni noblesse ni bourgeoisie, qui parlent leur idiome ; et presque pas de littérature ni de civilisation propres; aussi subissent-ils l'influence de l'élément polonais, qui prédomine dans le pays ruthène, par sa
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position sociale comme noble et propriétaire des terres seigneuriales, par sa civilisation, et avant tout parce qu'il représente la nationalité historique de ce pays, qui a appartenu à la Pologne pendant à peu près quatre siècles. C'est dans ce sens historique et point du tout ethnographique qu'on range parmi les pays polonais toute la Gallicie, tandis qu'en réalité il n'y a de vraiment polonais par la race et l'idiome que la partie occidentale habitée par les Mazoures, tribu de cette nation. La partie orientale, depuis les temps les plus reculés, a toujours fait partie de la Russie-Rouge. Aujourd'hui entre les Polonais et les Ruthènes de cette province existe un antagonisme bien prononcé. Le gouvernement de Vienne, voyant que l'élément polonais lui était ouvertement hostile, a cherché à en affaiblir l'influence. Bien secondé dans ses vues par le gouverneur comte Stadion, il se mit à favoriser l'élément petit-russien, et voulut se l'attacher en introduisant dans les écoles polonaises l'idiome ruthène à la place du polonais, qui y avait toujours dominé. Aussi en 1848, lorsque le mouvement national put se prononcer librement, l'antagonisme des Petits-Russiens contre les Polonais avait déjà acquis la puissance d'un agent politique. A cette époque on vit à Lemberg un comité
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national ruthène à côté d'un autre comité national polonais, de même qu'il y a un archevêque ruthène-grec-catholique, et un archevêque polonais catholique-latin. A l'Assemblée constituante de Vienne, les Ruthènes, ayant à leur tête quelques popes, soutenaient le gouvernement contre les exigences polonaises. Aussi le gouvernement dut-il d'abord les prendre sous sa protection et leur accorder quelques faveurs. On vit paraître à Vienne des livres d'instruction et un journal politique écrits dans leur idiome. Mais quand on vit que peu à peu le clergé, prenant goût à la lecture de ces livres, et ne trouvant plus dans la littérature ruthène, assez pauvre, un aliment suffisant, recherchait et lisait avidement les. livres et les journaux russes (1), dont la similitude
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des deux langues lui rendait la lecture facile, le cabinet de Vienne, craignant que la sympathie des Petits-Russiens pour leurs frères de la Russie ne prît des proportions dangereuses pour l'intégrité de l'Empire, voulut empêcher cette sympathie de grandir, et entraver, autant qu'il dépendait de lui, la connaissance de la littérature russe. A cet effet, et par un machiavélisme raffiné, il supprima l'alphabet cyrillien, qui était en usage depuis des siècles chez les Petits-Russiens, et est encore aujourd'hui celui de leurs rituels, et le remplaça par l'alphabet des latins, qui ne pouvait leur ouvrir l'accès à aucune autre littérature, parce qu'ils en ignorent la langue.
Les Petits-Russiens de la Hongrie sont la tribu la plus pauvre et peut-être la plus négligée de ce pays. Ils sont dépourvus de toute instruction, et, par suite, il ne se produit chez eux aucune œuvre littéraire, et, par conséquent, le sentiment de leur nationalité y est presque nul. Moins que toutes les autres races ils se sont opposés à leur magyarisation. Ils n'ont pas de classe plus instruite qui les dirige, et leurs prêtres sont sous l'entière dépendance de la noblesse hongroise : aussi n'ont-ils à présent aucune importance politique.
Les Slaves du sud, nommés aussi Slaves Illyriens,
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parce qu'ils occupent presque toute la péninsule illyrique ou la Turquie d'Europe actuelle, se divisent en trois branches : les Bulgares, les Serbes et les Sloventsis (Wendes du Sud). Les Bulgares occupent le pays qui s'étend depuis le côté est des frontières de la Servie jusqu'à la mer Noire et à Andrinople, et de là se prolonge vers le sud-ouest jusqu'à Salonique et aux frontières des Albanais ou Amantes (Skipetar's en leur langue). Les Serbes occupent toute la partie nord-ouest de cette presqu'île. En Autriche, cette branche habite la Voïvodie serbe, une grande partie du Banat, l'Esclavonie, la Croatie, la frontière militaire, le littoral croate, une partie de l'Istrie et la Dalmatie. En Hongrie, l'élément croate arrive jusque dans le voisinage de Presbourg. Les Serbes occupent un grand faubourg de Buda-Pesth avec quelques colonies considérables. La population des Slaves du Sud, dans la signification restreinte de ce mot, est de 1,500,000 âmes dans ce royaume. Tous les habitants des pays que je viens de citer, quoique sous des noms historiques différents, ne forment qu'une seule nation. Leurs dialectes ne diffèrent pas beaucoup l'un de l'autre, et la langue littéraire est la même pour tous, excepté les variations que le culte et la civilisation, dont ils ont subi l'influence, ont intro-
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duites chez eux. Les Serbes, qui sont Grecs-orthodoxes, et que les Allemands appellent Raats ou Raits, emploient dans leurs livres de rite l'alphabet cyrillien, et dans la littérature l'alphabet cyrillien moderne (russe, grajdanskoï). Les Croates, les Esclavons et les Dalmates, qui sont la plupart catholiques, se servent de l'alphabet latin. De nos jours les Croates, laissant de côté leur dialecte, ont adopté pour langue littéraire la belle langue dalmate, qui s'était développée et perfectionnée du temps de l'ancienne république de Raguse, surtout lorsque celle-ci fut parvenue à son apogée de richesse et de civilisation, et qu'elle vit naître dans son sein des poètes aussi distingués que Palmota, Gundulitch, et autres. Cette langue, que tous les Slaves catholiques du Sud écrivent avec la même orthographe, a encore l'avantage de se rapprocher de la langue littéraire des Serbes. Les principaux centres de production littéraire des premiers sont Agram, Zara, Fume et Karlovac (Karlstadt), tandis que les derniers, excepté les journaux qui se publient dans la principauté de Belgrade, font imprimer leurs livres de préférence à Novi-Sad (Neusatz) et à Karlowitz, puis à Pesth et à Vienne.
La troisième branche des Slaves du Sud, ce sont
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les Slovènes, appelé Wendes du Sud par les Allemands. Le cours de la Drave (Drau) peut être regardé comme leur frontière ethnographique. Toutes les populations qui sont au sud de cette rivière, soit dans la Styrie, soit dans la Carinthie et dans le Carniole, sont des Slovènes. Leur dialecte est le même qu'on parle dans les villages du territoire de Trieste, et que parle aussi le peuple de cette ville, ainsi qu'une partie de l'Istrie et même un certain nombre de communes dans la délégation d'Udine en Vénétie. Ce dialecte se rapproche le plus de celui des Croates. Cependant les Slovènes se sont créé une littérature propre qu'ils cultivent avec beaucoup d'activité et d'affection. Le clergé catholique de ces populations, qui lui en savent bon gré, s'occupe incessamment de l'instruction populaire. Le foyer d'où jaillissent leurs productions littéraires est Laybach, capitale du Carniole. Au parlement de Vienne, en 1848, ils se rangèrent du parti slave, et lorsqu'il s'agit de changer la délimitation et la division des provinces de l'Autriche, ils demandèrent que les populations allemandes de leur pays fussent annexées à la Styrie, et tous les Slovènes réunis en une seule province sous le nom de Slovénie.
Les Allemands, cette nationalité privilégiée dans
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l'Empire, dont la langue vient d'être proclamée langue officielle, occupent surtout les provinces qui faisaient anciennement partie de l'empire germanique.
Cependant il n'y a de provinces entièrement allemandes que la Haute-Autriche et le Salzbourg. Dans la Basse-Autriche on trouve déjà des communes bohèmes et croates. Le tiers de la Styrie méridionale, le Sud de la Carinthie et presque tout le Carniole sont slaves. Le versant méridional des montagnes du Tyrol est italien. Une portion assez grande du territoire de Bohème et le nord de la Moravie et de la Silésie sont aussi habités par des Allemands. On rencontre encore des colonies allemandes dans tous les pays de l'Autriche; les plus importantes sont en Transylvanie. Enfin l'élément allemand s'est répandu dans tout l'Empire, non seulement à cause de la protection que lui accorde le gouvernement et des institutions administratives du pays, mais aussi parce qu'en général la civilisation et l'industrie de la race allemande sont supérieures à celles des autres races. Comme la Prusse est beaucoup plus avancée que l'Autriche en fait de manufactures et d'instruction professionnelle, on voit beaucoup de directeurs de fabrique, de contre-maîtres, de chimistes, etc., prussiens venir s'y établir. Au mi-
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lieu des populations slaves et magyares il n'est pas rare de trouver des villes où une grande partie des habitants parlent l'allemand. Enfin l'étude de la langue allemande est devenue obligatoire pour tout homme qui dépend, en quelque sorte et à quelque titre que ce soit, du gouvernement, qui en a fait la langue des bureaux, de l'armée et des écoles publiques. Cette étude s'impose d'elle-même comme une nécessité à toute personne indépendante qui veut fréquenter les écoles et ne pas subir des vexations à chaque pas quelle fera dans la vie publique. Aussi l'allemand est-il devenu la langue dont les différentes races se servent pour communiquer entre elles. Ce qui est bien singulier, c'est que le gouvernement se sert des employés de la Bohème, qui sont Slaves en grande partie, pour germaniser les Magyars et les Polonais, et des officiers publics allemands pour germaniser les Bohèmes. Par ces moyens la langue allemande acquiert une importance politique aussi grande que celle des feuilles périodiques les plus répandues, et de la presse en général. Malgré cela la nationalité allemande ne gagne pas de terrain, parce qu'elle est la nationalité d'un gouvernement qui est bien loin d'être populaire, parce qu'elle est la cause de l'oppression sous laquelle gémissent les autres
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nationalités, que l'on voudrait germaniser malgré elles, et que pour y parvenir on ne recule pas devant les mesures les plus odieuses. Aussi dans les pays non allemands quiconque n'est pas partisan du système actuel (et ses partisans ne sont que rari nantes), devient nécessairement, et par la force des choses qui pousse ces pays dans les rangs de l'opposition, un adversaire déclaré de cette nationalité allemande, qui sert de drapeau au gouvernement. Tout le parti libéral, et toute la jeunesse des pays slaves et magyars embrassent la cause nationale propre, et partout où celle-ci a quelque force et quelque activité, il n'est pas rare de voir les descendants, les fils mêmes d'Allemands qui sont venus dans ces pays, comme agents du gouvernement ou pour tout autre motif, se prononcer pour elle et la soutenir. Voilà pourquoi les hommes politiques, les défenseurs les plus zélés des nationalités ont souvent des noms allemands. Peut-être la nationalité allemande ferait-elle plus de progrès parmi les races non allemandes, si on l'abandonnaît à sa seule force civilisatrice, au lieu que maintenant on la repousse toujours plus des sociétés où elle était jadis dominante. C'est bien à contre-c?ur qu'on la respecte là où le gouvernement l'impose. Par ses diatribes et
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ses insultes contre les Slaves, les Magyars et les Roumains, la presse germanomane, ou, comme disent les Italiens, austriacante, est parvenue à ranimer le sentiment national même chez ceux en qui celui-ci paraissait éteint, et à rallier à l'oppositîon contre le gouvernement les hommes les plus apathiques.
Il y a en Autriche deux branches de la famille latine, mais bien différentes l'une de l'autre : les Italiens et les Roumains. La nationalité italienne, très compacte dans la Vénétie, à laquelle on ne pouvait reprocher le manque d'une civilisation propre, ni imposer l'élément allemand sous prétexte qu'il lui était nécessaire pour se civiliser, a été de tout temps la plus ménagée par le gouvernement. Dans l'Istrie et la Dalmatie, où la grande masse du peuple est slave, et où il n'y a d'Italiens qu'une partie des habitants des villes et quelques propriétaires de terres, l'italien a été conservé dans les gymnases et dans les bureaux, parce que le slave, qu'on ne veut certes pas favoriser, n'était pas, disait-on, assez répandu, et qu'il était impossible d'y introduire l'allemand. C'est pourquoi en Dalmatie, où il n'y a que cinquante mille Italiens, éparpillés dans les villes, la langue de l'administration, des
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gymnases et des écoles de navigation est la langue italienne. Il en est de même dans l'Istrie. Les Roumains forment la grande masse de la population de la Transylvanie, des districts limitrophes de la Hongrie, du Banat et de la Bukovine. A l'exception du clergé, il n'y a parmi les Roumains point de classe qui cultive la langue et la littérature nationales ; la noblesse est polonaise dans la Bukovine, et magyare dans les autres contrées ci-dessus nommées; la bourgeoisie est allemande. Aussi la production littéraire est-elle presque nulle, et peu de gens sont à même de représenter cette nationalité dans la presse et dans la vie politique, tant elle est arriérée au point de vue de la culture et de la vie sociale. Cependant, un jour les grands et heureux développements que la nationalité roumaine a pris dans les Principautés-Unies ne pourront que tourner au profit des Roumains de l'Autriche.
Les juifs sont très nombreux dans les pays slaves et hongrois. On n'en trouve pas dans les provinces exclusivement allemandes, telles que la Haute-Autriche, le Salzbourg, le Tyrol et la Styrie. Dans la Basse-Autriche, à peu d'exceptions près, on n'en trouve que dans le chef-lieu. Cela étant, on doit s'étonner avec raison que les juifs, dont l'activité lit-
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téraire est si grande, et l'influence sociale nullement à dédaigner, soient si prononcés en général en faveur de la nationalié allemande, et si malveillants pour les autres, principalement pour celle des Slaves, à la tolérance séculaire desquels ils sont redevables de leur grand développement actuel. Il n'y a que la nationalité magyare que les juifs aient favorisée en 1848, surtout par leur correspondance dans les journaux allemands. Ils lui ont même fourni quelques hommes politiques et quelques bons écrivains. Ailleurs, la grande majorité des juifs penche pour la nationalité allemande. C'est un fait qui a son importance dans la presse périodique, car les neuf dixièmes des journalistes et des correspondants des journaux d'Allemagne sont juifs, et comme en général ils ne sont pas favorables aux races non allemandes, leur malveillance se reflète, quoique involontairement, dans la presse étrangère, surtout en France et en Angleterre. C'est un fait incroyable, mais pourtant vrai, qu'en Allemagne, et en Autriche par ricochet, les opinions et les sentiments de cette race forment, jusqu'à un certain point, et dirigent l'opinion publique. Ce ne sont pas toujours les mesures du gouvernement dont les peuples souffrent et dont on se plaigne le plus dans
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les journaux étrangers. Le concordat, quelque mauvais qu'il soit, n'a pas apporté beaucoup de changements dans la vie pratique. Les réformes qu'on demande avec le plus d'insistance, tout utiles et nécessaires qu'elles paraissent du reste, sont justement celles dont les juifs profiteront davantage; par exemple : la liberté de l'industrie, du commerce et du colportage ; l'abolition des maîtrises et des lois sur l'usure, etc., etc. Le gouvernement, pour gagner les banquiers juifs, dont il ne peut se passer, satisfait en partie à ces demandes en faisant quelques réformes, dont au reste nous sommes bien loin de nier l'utilité et l'importance pour le bien-être général. Nous dirons même qu'il ne faudrait pas s'arrêter en si beau chemin, et qu'une émancipation complète peut seule tirer les juifs de cette position exceptionnelle qui les tient en hostilité permanente contre la société, et les amener à respecter, dans le commerce et dans tous les actes de leur vie, cette moralité délicate qui est le fruit de la liberté et de la dignité sociale. Quelque favorable aux juifs que l'on veuille être, il est pourtant impossible de nier qu'en fait de moralité ils laissent beaucoup à désirer. En Gallicie ils sont très nombreux ; ils occupent du grand et du petit commerce, et dé-
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bitent surtout de l'eau-de-vie. Ils sont une plaie pour le peuple, qu'ils exploitent en toute chose de la manière la plus indigne. En Hongrie, les juifs sont un peu meilleurs ; ceux des autres pays se respectent et sont respectés davantage. Ils s'occupent de- commerce, de manufactures et d'agriculture. Malgré tout, ils savent rarement se faire aimer et forment partout une société à part : aussi servent-ils bien peu la cause allemande, dont ils prétendent ordinairement être les champions.
Il nous reste encore à parler de la race magyare, qu'aucun lien de parenté n'unit aux nations européennes, au milieu desquelles elle vit comme isolée, ce qui ne diminue point son importance politique en Autriche. Les philologues prétendent que la langue magyare a des affinités avec celle des Finnois; mais, ceci admis, on ne saurait disconvenir qu'une séparation qui date de plusieurs siècles, que l'histoire, le climat, le mélange avec d'autres races et des causes politiques et sociales y ont dû produire des différences marquantes dans le physique aussi bien que dans le caractère et la langue des deux tribus. Les Magyars sont une race forte et fière. Ils ont une réputation justement méritée de guerriers, surtout à cause de leur cavalerie,
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quoique les autres races qui se trouvent mélangées avec eux dans les rangs de l'armée aient des prétentions au même titre. Ils sont en outre très hospitaliers, comme les Slaves et toutes les races plus ou moins primitives, chez lesquelles, par le manque de routes et d'auberges, l'hospitalité devient une nécessité. Ils ont encore une qualité, par laquelle ils excellent et remportent sur toutes les autres races de l'Empire : c'est un patriotisme à toute épreuve, une fierté de sentiment national sans pareille dans le monde , eu égard à leur histoire et au chiffre de leur population. C'est une vertu; mais tout excès de vertu touche au défaut, et les Magyars doivent se garder de cet excès, c'est-à-dire veiller à ce que l'attachement à leur nationalité ne les rende pas injustes envers leurs voisins; qu'ils ne s'en fassent pas des ennemis, en voulant les soumettre et les dominer, comme en 1848, ce qui les fit échouer dans leur mouvement national et amena la perte de leurs libertés.
Une petite nation de cinq millions d'individus, non alliée à d'autres races qui puissent l'aider de leurs travaux littéraires, ne saurait, sans témérité, prétendre de devenir une nation de premier ordre par ses conquêtes dans le monde politique et dans
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le monde scientifique. Qu'elle tâche d'imiter les Hollandais et les Danois, qui, tout en étant moins nombreux qu'elle, ont pourtant rendu des services signalés à la science et à la civilisation, et si, par de longs efforts et des travaux assidus, elle parvient à les égaler, sinon à les surpasser, toute son ambition doit être satisfaite. Peut-être n'arrivera-t-elle pas à avoir un Linné et un Berzélius; mais, par la littérature nationale et par l'instruction populaire, elle pourra atteindre à un degré de civilisation de beaucoup supérieur à celui d'aujourd'hui. Les Magyars, à cause de cette passion ardente pour leur nationalité, veulent imposer leur langue et leur littérature à leurs compatriotes et à leurs voisins. Cette prétention vis-à-vis des Allemands, dont la littérature est la plus féconde, sinon la plus riche par le fonds, est souverainement injuste (2), et devient injustifiable de la part d'une petite nation, étrangère aux grandes
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nations de l'Europe, dont la littérature a à peine un demi-siècle environ d'existence, et est encore assez pauvre malgré les sacrifices inouïs des Mécènes nationaux. Une plante de serre n'acquerra jamais la même vigueur et la même grandeur que celle qui a pris son développement à l'air libre, résisté aux orages et aux intempéries d'un ciel rigide. Il n'est pas facile de suppléer au défaut d'une littérature ancienne, qui est pour les peuples ce qu'est pour une dynastie l'histoire glorieuse de ses ancêtres. Les Magyars ont beaucoup traduit et fait de nombreux recueils; or, les traductions et les recueils ont beau être nombreux et élégamment écrits, ils ne pourront jamais se comparer aux ouvrages qui enrichissent la science, et de ceux-ci il n'en est pas sorti un seul d'une plume magyare. En outre, sans vouloir rien ôter au mérite de leurs productions littéraires, il faut avouer que celles-ci manquent du cachet d'originalité, à l'exception de leur poésie lyrique.
Cela posé, les Magyars ne peuvent raisonablement espérer d'obtenir une prépondérance spirituelle, ni d'absorber les nations voisines; par exemple, les Bohémo-Slaves, dont la littérature est au moins aussi riche que la leur; les Croates, qui ont
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une ancienne littérature, celle de Raguse, à laquelle ils tiennent beaucoup; et les Roumains, qui appartiennent à une race beaucoup plus nombreuse, et qui, au surplus, moyennant un changement propice dans leur situation politique, pourraient, dans une cinquantaine d'années, arriver au même point où les Magyars sont arrivés eux-mêmes dans cet espace de temps. Bien plus, ces peuples finiront par devenir hostiles aux Magyars et se lever contre eux, si on continue à vouloir leur imposer une langue qui n'est pas celle de leur race.
Cette ambition des Magyars de se dire les seuls Hongrois, et par conséquent de s'approprier la nationalité hongroise qui leur était commune avec les autres races du pays, afin de leur imposer, comme en ayant le droit historique, la nationalité magyare, au détriment de la leur, n'a aucun fondement. Dans l'ancien Etat hongrois, la loi n'a jamais reconnu ni nationalité privilégiée, ni race dominante et si la race magyare l'a jamais été, elle ne l'est plus aujourd'hui. Elle ne pourrait le redevenir que par le droit le plus dangereux pour elle, le droit du plus fort. Isolée en Europe, et ne comptant qu'environ cinq millions d'habitants en Hongrie, elle a le plus grand intérêt à ce que le principe d'égalité entre
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toutes les nations soit généralement reconnu. Si, par contre, au lieu de vivre tranquillement à côté des autres races sur le pied de l'égalité, elle préférait avoir recours à la force pour les dominer, elle finirait nécessairement par périr un jour dans les flots de cette mer slave qui l'entoure de tous côtés, et que son entreprise téméraire aurait soulevés.

NOTES


(1) Le Constitutionnel soutenait dernièrement, dans un article dirigé contre nous, et dans lequel la polémique faisait tort à l'érudition, que le dialecte petit-Russien se rapprochait davantage du polonais que du russe. Le passage qu'on a lu plus haut et le fait qu'il signale ne sont-ils pas une démonstration péremptoire de la quasi-identité des deux langues, qui ne sont proprement que les deux rameaux d'une même branche et qui ont une communauté d'alphabet, de construction, de syntaxe, si bien que la connaisance de l'une implique la facile intelligence de l'autre? Autant la langue russe et la petite-russienne présentent de points de similitude, autant cette dernière diffère du polonais, écrit en caractères latins et inintelligible sans études préalables pour un Petit-Russien ou un Russe. (retour texte)
(2) Ici perce pour la première fois un sentiment peu sympathique pour la race magyare, que l'on retrouvera manifeste à diverses reprises dans le cours de ce travail. Quoique n'excluant pas l'impartialité et l'exposition exacte des faits, ce sentiment se ressent un peu trop, à notre sens, de l'antagonisme que le malentendu de 1849 a créé entre les Slaves et les Magyars. Tout concourt à nous prouver aujourd'hui qu'à la division qui a été pour les deux races opposées l'une a l'autre une cause de faiblesse a succédé aujourd'hui un esprit de concorde qui est un gage de force et de prospérité. [note de l'éditeur] (retour texte)



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